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Méditation sur les mystères de la création Paul Valéry et Omar al Khayyâm

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© Université de Mostaganem, Algérie 2012

Méditation sur les mystères de la création

Paul Valéry et Omar al Khayyâm

Dr Mohammad Reza Mohseni Universit é Azad Islamique Arak branche, Iran

Résumé :

La médit at ion sur la mort , l’ ordre de l’ exist ence ainsi que les myst ères de la Genèse const it ue l’ obj et principal des ét udes philosophiques dont s’ inspirent , de t emps à aut re, la poésie et la lit t érat ure. Cet t e recherche se f ixe comme obj ect if de démont rer si l’ at t it ude des poèt es Paul Valéry et Omar al Khayyâm à l’ encont re des not ions t elles que la mort et l’ exist ence t ire son origine de leur affres de la mort , ou bien elle prend ses sources dans leurs préoccupat ions philosophiques. Nous allons ét udier les at t ribut s narcissiques des poèmes de Valéry, en pleine cont radict ion avec des vers cosmopolit es et regorgés de sagesse de Khayyâm.

Mots-clés :

médit at ion, inf luence, philosophie, Valéry, Khayyâm.

***

Paul Valéry, poèt e symbolist e de la première moit ié du 20e siècle, est l’ hérit ier de l’ univers allégorique et myst érieux des symbolist es pionniers comme Verlaine, Rimbaud et Mallarmé ; des int ellect uels pour qui le monde n’ est qu’ un ensemble de symboles, la mission des poèt es consist ant à les décrypt er.

La poésie de Khayyâm, savant perse de 11e - 12e siècles, regorgeant de symboles et d’ allégories, le place dans le rang des poèt es symbolist es. Il a souvent mont ré de la st upeur devant les manif est at ions ésot ériques de l’ univers et la philosophie de la Créat ion, invit ant ainsi l’ homme à goût er aux plaisirs et aux j ouissances du monde mat ériel.

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pour composer ce poème, qui est une réf lexion sur la mort et l’ anéant issement du corps humain.

Le Cimet ière Marin prend ses origines dans les milieux symbolist es ; la nat ure, renf ermant les t résors cachés et symbole des merveilles de la Créat ion chez les poèt es comme Valéry, at t ire bien son at t ent ion.

Tout comme Valéry, Khayyâm est un écrivain – philosophe et penseur rat ionalist e, regardant le monde d’ un œil obj ect if et de ce f ait , j et t e un regard plein de sagesse sur l’ énigme de la Créat ion ; bien que l’ orient at ion générale des Roubaïyat soit dirigée vers les plaisirs t errest res, l’ accent y est mis également sur le caract ère éphémère de l’ exist ence et l’ imminence de la mort(1):

Dès l’ aube, à la t averne une voix me convie, Disant : f olle nat ure au plaisir asservie, Lève- t oi, remplissons not re coupe de vin Avant qu’ on ait rempli la coupe de la vie !

L’ at t it ude de Valéry envers la f ugacit é du monde, sa médit at ion sur l’ ét at de l’ exist ence, sa réf lexion sur la mort et la Vie f ut ure, ses préoccupat ions concernant la dest inée humaine et les myst ères de l’ univers, t out cela évoque l’ univers poét ique et les réf lexions de Khayyâm. Il est cont rarié de const at er que le monde, décevant et port eur d’ espoir en même t emps, n’ a qu’ un t ragique dénouement . Cet t e recherche se f ixe comme obj ect if de passer en revue la not ion de la mort et de l’ exist ence dans le "Cimet ière Marin" de Valéry d’ une part et les Rubaiyat de Khayyâm de l’ aut re. Et à la f in nous t ent erons de f ournir des réponses aux quest ions suivant es :

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symboles et d’ allégories poét iques, f ournira une occasion pour réf léchir sur la Créat ion, en présent ant une image obj ect ive de la mort , pour ensuit e aborder leur réf lexion philosophique. Nous allons également ét udier aussi bien les point s communs que leurs divergences philosophiques et int ellect uelles pour ce qui est de leur regard à propos de la mort et des myst ères de la Créat ion.

1 - Le monde mythique de Valéry et de Khayyâm :

En s’ appuyant sur sa connaissance, elle-même f ondée selon les règles de la sagesse, l’ homme a t ent é, t out au long de l’ hist oire, de f ournir des réponses à cert aines quest ions. Mais la plupart du t emps, les choses out repassaient ses connaissances ; alors en s’ appuyant sur les myt hes et les légendes, il a essayé de rendre compréhensibles les observat ions rest ant en dehors de ses connaissances, af in de t riompher des angoisses dues à l’ incapacit é de les surpasser, ou en f ournissant une explicat ion quelconque, de rendre ses réalit és plus saisissables ; alors les myt hes occupèrent une place plus import ant e que les légendes ou les hist oires que les hommes se racont aient et qui const it uaient des besoins essent iels pour eux.

En f ait , sur le plan lit t éraire et de l’ art , la plupart des myt hes ét aient l’ obj et d’ inspirat ion pour les ouvrages lit t éraires et art ist iques, t out en ét ant à l’ origine de la créat ivit é humaine :

"Les convergences ent re myt he et lit t érat ure t rouvent leur parf ait accomplissement ou leur about issement logique dans la const ruct ion, à t ravers les t ext es lit t éraires de myt hes dans lesquels la lit t érat ure se met elle-même en quest ion. Ces myt hes int errogent les raisons, les modalit és ou les f inalit és de l’ act ivit é créat rice, ils const ruisent des réponses à ces int errogat ions"(2).

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de l’ humain a souvent cherché à en f ournir une image ou une définit ion quelconque, dans l’ espoir de la rapprocher de son imaginat ion et de son int elligence.

Les point s de vue de ces deux poèt es à propos de la mort présent ent cet t e caract érist ique ; ils essayent , grâce à des allégories et des images souvent inspirées des manif est at ions et des f orces nat urelles, de présent er une image de la mort et de l’ ordre de l’ exist ence, t out en gardant un regard t eint é de myt hologie.

Le poème de Valéry début e avec une image allégorique - ce t oit t ranquille - d’ une nat ure marine(3):

Ce t oit t ranquille, où marchent des colombes, Ent re les pins palpit e, ent re les t ombes.

Les pet it es barques des pêcheurs, dot ées des voiles blanches, apparaissent comme des colombes marchant sur les vagues ; or dès le début du poème, Valéry en ut ilisant le mot "les t ombes" symbolisant la mort , et en l’ associant aux élément s exist ant s dans la nat ure, la mer, les pins et le midi, incarnat ion du soleil au milieu de la j ournée, crée ainsi une at mosphère ef f royable au sein du poème ; en f ait l’ imaginat ion poét ique de Valéry associe la gloire et la t ranquillit é régnant dans la nat ure à la réalit é inévit able de la mort , sans vouloir éluder les beaut és de la vie et le pouvoir de la mort ; et il cont inue ainsi(4):

La mer, la mer, t ouj ours recommencée O récompense après une pensée,

Qu'un long regard sur le calme des dieux !

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De son côt é, Khayyâm, en se servant des élément s product ifs de la nat ure – un nuage et l’ herbe – parle de l’ amert ume de la fin de vie humaine, et du vin rouge qui le délivrent des calvaires de l’ exist ence(5):

Vois ! De nouveau sur l’ herbe un nuage est en pleurs. Pour vivre il f aut du vin aux charmant es couleurs. C’ est nous qui cont emplons auj ourd’ hui ces verdures ; Ah ! Qui cont emplera sur nos t ombes les f leurs ?

Il se penche ensuit e sur la st ruct ure de l’ univers, passant out re les myst ères de la Créat ion, il s’ appuie sur les f orces de son imaginat ion et sa réf lexion créat rice de myt hes ; ainsi il t ent e, par t ous les moyens, d’ exprimer aussi bien sa st upeur que sa f aiblesse pour déchif f rer l’ énigme de l’ exist ence et la mort .

Le monde myt hique de Valéry s’ exprime de la sort e dans la deuxième st rophe(6):

Quel pur t ravail de f ins éclairs consume Maint diamant d'impercept ible écume, Et quelle paix semble se concevoir !

A t ravers ces allégories impénét rables, l’ aut eur essaie de donner un sens à l’ univers, et déf inir les phénomènes ou les f orces surprenant es qui l’ ent ourent ; "de f ins éclairs" est une allégorie du t emps cruel qui t aille pet it à pet it le corps en diamant , un homme qui n’ est qu’ une "écume" invisible et insignif iant e sur t erre, bien que son anéant issement blesse le poèt e dans son amour-propre.

La mét aphore "cruche" est , à plusieurs reprises, employée par Khayyâm comme symbole de l’ anéant issement de l’ homme ; en f ait la cruche n’ est qu’ une image déf igurée du corps sans vie de l’ homme, démont rant ainsi son anéant issement sur t erre et l’ inj ust ice dont il f ait l’ obj et(7):

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Fut un bras qui serrait un beau cou t endrement .

Le dernier quat rain aborde implicit ement le myt he de la créat ion, le st at ut de Créat eur et de la créat ure. Il dévoile également l’ ignorance du poèt e f ace à la philosophie de l’ exist ence : "C’ est par le biais de l’ évolut ion ainsi que la conversion successives des f ormes aut rement dit la mét amorphose mat érielle que Khayyâm t ent e de représent er la mort en parlant de la cruche, la t erre et la végét at ion sort i de la t erre, et c’ est avec un grand regret qu’ il décrit la t ournée incessant e des part icules de la vie à la mort , et de la mort à la vie"(8).

La t roisième st rophe dans le poème de Valéry, ne f ait que reprendre les précédent es(9):

St able t résor, t emple simple à Minerve, O mon silence !... Édif ice dans l'âme, Mais comble d'or aux mille t uiles, Toit !

Minerve, déesse de la connaissance et du savoir, est un précieux t résor durable aux yeux du poèt e rat ionalist e qu’ est Valéry ; pour qu’ il puisse se pencher, sous f orme d’ un prof ond silence poét ique, sur les myst ères et les merveilles de la nat ure.

Mais il prend ses dist ances d’ avec les ét endues myt hiques à part ir de la cinquième st rophe et sa poésie f ait le port rait du monde t errest re, c’ est pour cet t e raison qu’ il parle en t ermes explicit es de ses angoisses et ses préoccupat ions(10):

Je hume ici ma f ut ure f umée, Et le ciel chant e à l'âme consumée Le changement des rives en rumeur.

De son côt é Khayyâm dévoile dans le cadre du quat rain suivant son embarras devant la dest inée humaine et l’ anéant issement de la grandeur humaine ; son amert ume est d’ aut ant plus grande qu’ il met en dout e l’ immort alit é de l’ âme(11):

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L’ oxus n’ est qu’ une t race inf ime de nos larmes ; L’ enf er n’ est qu’ une ét incelle auprès de nos ennuis ;

L’ éden qu’ un court moment de nos j ours pleins de charmes.

Dans le cadre de la sixième st rophe, Valéry prend const amment le Ciel à t émoin, celui qui est au-dessus de nos t êt es et qui est t émoin oculaire de not re manière de vivre et de mourir, et se croit f roissé de se voir conf iné par les cont raint es mat érielles, et qui va de plus en plus vers la disparit ion :

Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change !

Valéry a mis à nu ses t endances d’ aut o-admirat ion et narcissiques dans le cadre des sept ième et huit ième st rophes. Cet t e at t it ude se manifest e également dans la plupart des recueils poét iques de Valéry, comme par exemple dans "La j eune Parque" et "Charmes". Ces prises de posit ion ont leur origine dans le désir du poèt e de racont er ses int ent ions int imes et ses embarras devant les désillusions, et qui about issent enf in au "moi" du poèt e(12):

L'âme exposée aux t orches du solst ice, Je t e sout iens, admirable j ust ice Regarde-t oi !... Mais rendre la lumière Suppose d'ombre une morne moit ié.

"A la réalit é obj ect ive ou prét endue t elle du nat uralisme, à l’ impassibilit é parnassienne, le symbolisme a subst it ué, avec la caut ion de Schopenhauer, un univers égocent rique : si le monde est ma représent at ion, l’ univers ext érieur ne f ait que renvoyer au moi son image(13).

Par cont re Khayyâm n’ est nullement imprégné par des at t it udes d’ aut o-admirat ion et narcissist es, pour lui l’ humilit é, la souf f rance et l’ oubli de soi const it uent l’ unique voie de la survie humaine(14):

Chers amis, convenez d’ un rendez- vous, exprès. Une f ois réunis, t âchez d’ êt re bien gais.

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Buvez en souvenir du pauvre que j ’ ét ais !

Cont rairement à Valéry qui n’ a pour int erlocut eur que lui-même, n’ ayant aucun lien avec les aut res, Khayyâm s’ ent ret ient sans cesse avec aut rui, et t ent e par t ous les moyens de part ager ses expériences, son savoir ainsi que ses acquisit ions sous f orme de raisonnement s philosophiques, de réflexions prof ondes et pleines de sagesses avec les aut res.

Dans les méandres de ses poèmes, Valéry j uge son esprit digne de t ous les bienfait s, et t ent e de lui épargner les f léaux de l’ exist ence, et se voit en même t emps aux prises avec les ingrat it udes et les cruaut és du t emps, qui méprise la grandeur de l’ âme du poèt e, t out en ignorant ses t endances narcissiques, ce qui a pour corollaire la solit ude du poèt e(15):

O pour moi seul, à moi seul, en moi-même, Auprès d'un cœur, aux sources du poème, Ent re le vide et l'événement pur,

J'at t ends l'écho de ma grandeur int erne.

Bien que les poèt es se réservent un regard poét ique, aucun signe de lyrisme ni de chant volupt ueux dans ce poème de Valéry ; et ses obsessions concernant la mort n’ ont pas t rait aux désillusions passionnelles ou sociales, par cont re elles prennent leurs racines dans ses réf lexions philosophiques, et à en croire ses regards rat ionalist es, elles sont les f ruit s d’ une réalit é inévit able qui est la mort .

2 - Approches philosophiques et ontologiques :

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une image ef f royable de la mort .

Valéry et Khayyâm avaient chacun une vision dif f érent e de la mort , et ils se sont servis de la lit t érat ure, not amment un monde poét ique riche en allégories et mét aphores, pour en of f rir une image.

Khayyâm, bien qu’ éminent poèt e, avait présent é ses réf lexions philosophiques aussi bien dans ses poèmes que dans le cadre de ses ouvrages scient if iques ; à t it re d’ exemple on peut donner son "Essai sur l’ algèbre" à propos des mat hémat iques par exemple(16).

Alors on peut dire que, cont rairement à ses cont emporains, il se servait de la poésie comme d’ un out il pour exprimer ses réf lexions philosophiques : "Ses cont emporains ne le prenaient pas comme un poèt e : il ne ressemblait ni à Onsori, aut eur des odes, ni à Farrokhi, un panégyrist e, ou Ferdowsi, poèt e épique... Or il f aut le considérer comme un poèt e renommé met t ant ses poèmes au service de ses réf lexions philosophiques"(17).

A t ravers le "Cimet ière Marin" Valéry adopt e une approche philosophique et en principe ont ologique : "Valéry s’ est moins at t aché à prat iquer la philosophie qu’ à la penser dans un double mouvement de cont est at ion de ce qu’ elle est , et de recherche de ce qu’ elle pourrait puis sans dout e devrait êt re"(18).

Comme Khayyâm, il j uge inut ile et vaine t out e recherche au sein des phénomènes et les myst ères de la Créat ion. C’ est pour cela qu’ il lance un vrai déf i à t ous ceux qui cherchent , en ét udiant la nat ure, à déchif f rer les myst ères de l’ exist ence : Sur mes yeux clos, secret s éblouissant s,

Quel corps me t raîne à sa f in paresseuse.

Pour j et er ensuit e un regard au Cimet ière de Sèt e, et renouer le dialogue avec ses déf unt s ancêt res(19):

Quel f ront l'at t ire à cet t e t erre osseuse ? Une ét incelle y pense à mes absent s.

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déchif f rage des myst ères de l’ exist ence ; le poèt e se croit impuissant devant les myst ères de la Créat ion ; alors, lorsqu’ il n’ arrive pas à comprendre l’ essence de l’ exist ence, voilà ce qu’ il en déduit :

Ici venu, l'avenir est paresse.

Le f ut ur c’ est la vie dans l’ Au-delà, et y croire selon Valéry, est absurde et illusoire, et un signe de paresse. En f ait lorsque le poèt e se croit impuissant devant le sens de l’ exist ence, il adopt e la voie la plus f acile, aut rement dit , il le déni. Malgré son ref us de l’ Au-delà, il chant e gloire en Dieu sous f orme d’ une ét onnant e mét aphore(20):

Têt e complèt e et parf ait diadème, Je suis en t oi le secret changement .

Ensuit e, en t ant qu’ un êt re humain, livré aux inconnus de l’ univers, il reconnaît les embarras de son esprit devant un univers insaisissable, et sous f orme d’ un êt re humain aux prises avec des incert it udes, se croit un êt re dif f orme(21):

Mes repent irs, mes dout es, mes cont raint es Sont le déf aut de t on grand diamant !

La f réquence de la première personne de suj et "j e" t out au long de "Cimet ière Marin" démasque d’ un côt é les t endances narcissiques de Valéry, et de l’ aut re exprime un regard philosophique part iculier qu’ on dénomme souvent une approche phénoménologique, analysable dans la cont inuit é des réflexions ont ologiques du poèt e. L’ at t it ude exist ent ialist e, cont recarrant l’ idée de la mort , va de pair avec un savoir phénoménologique.

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Bien qu’ inculpé d’ impie par cert ains, Khayyâm a chant é la gloire divine dans la plupart de ses t rait és scient if iques ; y compris dans celle de "Fi-Alvodj od" (êt re) ; Alors ses int errogat ions philosophiques n’ avaient nullement une port ée at héist e, mais elles prenaient leur origine dans son ref us du f at alisme, t rès en vogue à l’ époque, et une croyance imparf ait e ; on peut peut -êt re considérer ses at t it udes audacieuses à mi-chemin ent re le dét erminisme et le ref us.

"Khayyâm avait of f ert une solut ion int ermédiaire, ent re le dét erminisme, à savoir les principes de croyance et une sensibilit é mét aphysique d’ un côt é, et la religion de l’ aut re ; il a dépassé les limit es de la religion et de la sagesse ; la première est basée sur le credo, incert ain en principe, et la seconde n’ est qu’ une int uit ion. Les deux symbolisant un vain ef f ort en vue de déchif f rer le myst ère de la Créat ion ; un myst ère impossible à décrypt er, il f aut f aire avec en l’ af f ect ionnant "(22).

Plus l’ aut eur de "Cimet ière Marin" progresse vers la fin du poème, plus sa verve poét ique devient expressive et mordant e à la f ois, et sa colère redouble de f orce en raison de l’ issue t ragique de l’ exist ence(23):

Les cris aigus des f illes chat ouillées,

Les yeux, les dent s, les paupières mouillées, Le sein charmant qui j oue avec le f eu, Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent , Les derniers dons, les doigt s qui les déf endent , Tout va sous t erre et rent re dans le j eu !

Le poèt e j uge passagère la grandeur et la beaut é humaine, il semblerait qu’ il cherche une sort e d’ immort alit é. D’ après lui, t out ce qui est passager et f ugace ne mérit e pas not re at t achement . Cependant , il chant e des louanges à l’ adresse du Créat eur, mais cela n’ empêche qu’ il ne met t e pas en dout e la vie après la mort , comme il a déclaré(24):

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Qui n'aura plus ces couleurs de mensonge Qu'aux yeux de chair l'onde et l'or f ont ici ? Chant erez-vous quand serez vaporeuse ? Allez ! Tout f uit ! Ma présence est poreuse, La saint e impat ience meurt aussi !

De son côt é Khayyâm dit aussi(25):

Nous sommes des j ouet s ent re les mains du Ciel Qui nous déplace comme il veut : c’ est not re maît re. Au j eu d’ échec, nous sommes des pions ét ernels Qui t ombent un à un t out au f ond du non – êt re.

A t ravers ce quat rain, le poèt e persan port e un regard obj ect ivist e et riche en sagesse sur ce qui l’ ent oure, et n’ accorde aucune légit imit é au monde imaginaire ; et il j uge inst able et indigne d’ int érêt t out ce qu’ on croit appart enir à l’ Au-delà.

Il en est de même pour ce qui est de la vision du monde de Khayyâm, du moment où l’ exist ence se soit limit ée à la vie sur t erre sans aucune allusion à l’ Au-delà : "Un débat inf ini oppose donc, comme deux absolus, la pensée de la mort et la mort de l’ êt re pensant . La même ambiguït é se ret rouverait dans t out es les manières que nous avons de prot est er cont re le scandale de l’ au-delà"(26).

L’ impression d’ une vie court e et passagère et des choses perdues est d’ aut ant plus regret t able, qu’ on redouble de f orce pour t irer prof it des beaut és et des plaisirs que ces inst ant s f ugit if s nous le procurent .

De même Valéry parle d’ un t on malheureux de la disparit ion et de l’ ent errement du "sein charmant " de la bien-aimée, Khayyâm lui emboît ant le pas dit(27):

Vois l’ herbe dont le bord du ruisseau s’ agrément e. On dirait le duvet d’ une lèvre charmant e.

Ne pose pas t es pieds sur l’ herbe avec dédain, Par là le sol ét ait un visage d’ amant e.

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sur la mort , qui grâce à leur pouvoir imaginat if of f re une expression de sagesse à leurs poèmes, est un ef f ort de leur part pour déchif f rer les myst ères de l’ exist ence sans ref lét er pour aut ant leur vision absurde t eint ée d’ at héisme : "Ent re la résignat ion a priori et la résignat ion a post eriori, le rapport est le même qu’ ent re un scept icisme syst émat ique et un dout e inst ruit par les échecs et les décept ions"(28).

A part ir de ces dernières st rophes, Valéry, à l’ exemple de Khayyâm, at t ire not re at t ent ion sur les beaut és de la vie af in de prof it ant de chaque inst ant ; il nous invit e à décrypt er, sa grandeur et sa maj est é, t out en goût ant à ces j oie, j ouissance, émot ion, et vivacit é ; il nous déconseille de nous creuser la t êt e pour saisir les secret s de la Créat ion ; par cont re, il f aut nous relever, vivre dans la j oie et la j ouissance(29):

Non, non ! Debout ! Dans l'ère successive ! Brisez, mon corps, cet t e f orme pensive ! Buvez, mon sein, la naissance du vent ! Une f raîcheur, de la mer exhalée, Me rend mon âme… O puissance salée ! Courons à l'onde en rej aillir vivant .

Enf in, nous allons clore le débat par un quat rain de Khayyâm, qui n’ est qu’ une chanson à la gloire de la Créat ion, qui nous exhort e à prof it er des inst ant s de la vie(30):

Les roses et le pré réj ouissent la t erre.

Prof it e de l’ inst ant : le t emps n’ est que poussière. Bois du vin et cueille des roses, échanson,

Car déj à, sous t es yeux, roses et pré s’ alt èrent .

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Les visions ont ologiques et épist émologiques de ces deux poèt es n’ ét ant pas fondées sur des bases solides, alors t out débat t ouchant les suj et s inaccessibles au bon sens, les met dans un énorme embarras ; f ace à la mort , le duo adopt e une at t it ude agnost ique, et j uge inf ruct ueuse t out e réf lexion pour déchif f rer les myst ères de la Créat ion ; Tout comme Valéry, Khayyâm est déçu de voir évanouir t ous ses espoirs avec la mort , c’ est pour cela qu’ il invit e t out un chacun à t irer prof it de t ous les inst ant s.

En f ait l’ angoisse et l’ appréhension de ces érudit s, ne sont nullement dues à leur at t it ude vulgaire envers le monde, mais elles prennent leurs origines dans leur regard philosophique, sans pour aut ant êt re f orcément un regard désespéré et pessimist e, mais doué d’ un fondement ont ologique. Chant er la mort est comme célébrer la vie, est imer et apprécier l’ exist ence brève mais précieuse de l’ homme. Alors leur regard sur la mort , en apparence une réact ion virulent e cont re l’ at rocit é de la mort , mais en réalit é c’ est une occasion pour at t irer l’ at t ent ion sur l’ essence de l’ exist ence ; l’ accent mis sur la f ugacit é de la vie humaine, n’ est pour aut ant pas dû à une désillusion ou un obscurant isme, mais est dû au réalisme et à l’ int elligence de ces deux poèt es.

Alors le fait que Khayyâm éprouve du dépit face à la fin t ragique de l’ exist ence, n’ est guère imput able à ses af f res de la mort mais at t ribuable à ses réf lexions philosophiques ou à son at t it ude agnost ique ; Valéry adopt e la même at t it ude f ace à l’ exist ence et ses myst ères ; en emboît ant le pas au poèt e persan, il invit e l’ homme à la vie et à goût er ses plaisirs, il apprécie l’ exist ence, en incit ant à t irer prof it des bienf ait s et des beaut és de la nat ure.

Notes :

1 - Omar Khayyâm : Rubaiyat de Khayyâm, Gooya, Téhéran 2009, p. 114.

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3 - Paul Valery : Œuvres complèt es, Gallimard, Paris 1990, p. 147. 4 - Ibid., p. 147.

5 - Omar Khayyâm : op. cit ., p. 239. 6 - Paul Valéry : op. cit ., p : 148 7 - Omar Khayyâm: op. cit ., p. 256.

8 - Mahmoud Et emâd : Sher-e f alsaf i-e khayyâm / Poésie philosophique de Khayyâm, Sahar, Téhéran 1983, p. 48.

9 - Paul Valéry : op. cit ., p. 148. 10 - Ibid.

11 - Omar Khayyâm : op. cit ., p. 206. 12 - Paul Valéry : op. cit ., p. 148.

13 - Bert rand Marchal : Lire le symbolisme, Dunod, Paris 1993, p. 107. 14 - Omar Khayyâm : op. cit ., p. 178.

15 - Paul Valéry : op. cit ., p. 149.

16 - Ali Dasht i : Dami bâ Khayyâm / Des moment s avec Khayyâm, Asât ir, Téhéran 1998, p. 89.

17 - Ibid., p. 177.

18 - Michel Jarret y : Valéry devant la lit t érat ure, PUF, Paris 1991, p. 391. 19 - Paul Valéry : op. cit ., p. 149.

20 – Ibid.

21 - Paul Valéry : op. cit ., p. 150.

22 - Mehdi Amin Razavi : Sahbây-e kherad / Le vin de la raison, Sokhan, Téhéran 2005, p. 127.

23 - Paul Valéry : op. cit ., p. 150. 24 - Ibid., p. 150.

25 - Omar Khayyâm : op. cit ., p. 22.

26 - Vladimir Jankénévit ch : La mort , Flammarion, Paris 1977, p. 433. 27 - Omar Khayyâm: op. cit ., p. 122.

28 - Vladimir Jankénévit ch : op. cit ., p. 172. 29 - Paul Valéry : op. cit ., p. 150.

30 - Omar Khayyâm : op. cit ., p. 200.

Pour citer l'article :

 Dr Mohammad Reza Mohseni : Médit at ion sur les myst ères de la créat ion, Revue Annales du pat rimoine, Universit é de Most aganem, N° 12, 2012, pp. 57 - 71.

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