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Quelques utopies modernes à la lumière de l’arithmétique politique (1660-1820)

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Academic year: 2023

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Alexandra Sippel

Université de Paris Sorbonne - Paris IV (Francia)

Alexandra Sippel est agrégée d’anglais et enseigne la civilisation britannique à l’université de Paris Sorbonne (Paris IV) en tant que monitrice depuis 2004. Elle rédige actuellement un doctorat qui porte sur les représentations du travail dans les utopies britanniques du 18ème siècle.

Résumée

Dans la Nouvelle Atlantide, Francis Bacon se passionne pour les perspectives ouvertes par les toutes nouvelles méthodes scientifiques et les découvertes qui les ont accompagnées et dont le succès devait se manifester dans la fondation de la Royal Society. Après les sciences naturelles, les sciences humaines gagnent l’estime des philosophes, d’abord dans les écrits jusnaturalistes qui imaginent l’évolution et l’histoire sociale à partir d’un hypothétique état de nature dont le respect est la condition sine qua non du bonheur en société. A la même époque paraissent les écrits de philosophes qui se disent arithméticiens politiques. Il s’agit pour eux de parvenir à une théorie de la société comme Newton est parvenu à un système de l’univers: comment créer une communauté fonctionnelle qui ne soit affectée ni par la pauvreté, ni par la mendicité, ni par le crime ou les inégalités? Sans doute peut-on faire un lien entre les philosophes de l’arithmétique politique de la fin du 17e et du début du 18e siècles et les projets de John Bellers pour son Collège d’industrie ou avec l’établissement de la colonie des Césars en Patagonie dans les lettres de James Burgh. Cette tendance est d’ailleurs confirmée au début du 19e siècle à travers l’évidente influence d’auteurs comme Malthus, Smith et Owen sur l’œuvre essentielle de John Minter Morgan, The Revolt of the Bees. Ma communication portera sur la dimension méta-utopique de ces écrits ancrés dans les sciences sociales: ils sont l’exemple même de l’utopie qui s’interroge sur sa viabilité, en fonction des thèses développées scientifiquement en systèmes cohérents et testés empiriquement dans certains cas.

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J

e mettrai en résonance des textes économiques (ou proto-économiques puisque le terme «économique» est anachronique à l’époque considérée), des récits utopiques littéraires et deux projets de communautés utopiques afin de percevoir les ambitions scientifiques et universalistes de la pensée sociale britannique du 18e siècle. Ces documents furent rédigés tout au long du 18e siècle, considéré depuis la Révolution de 1688 jusqu’à l’aube de l’ère victorienne aux environs de 1830. Les textes étudiés sont Proposals for Raising a Colledge of Industry of all Useful Trades and Husbandry, with Profit for the RICH, a Plentiful Living for the POOR, and a Good Education for YOUTH.

Which will be the Advantage to the government by the Increase of the People and their Riches (1696) de John Bellers, A Method concerning the Relief and Employment of the Poor, humbly offered to the King and both Houses of Parliament (1699) de Josiah Child, An Account of the First Settlement, Laws, Form of Governemnt, and Police of the Cessares, a People of South America (1764) de James Burgh, A New View of Society; Or, Essays on the Principle of the Formation of the Human Character, and the Application of the Principle to Practice, (1813-4) de Robert Owen et enfin The Revolt of the Bees (1826) de John Minter Morgan. Tous ces textes ont en commun de présenter des plans visant à une réforme positive de la société, en particulier grâce à l’emploi des pauvres, et le cœur de cet article concernera l’intérêt des utopistes comme des proto- économistes pour les sciences empiriques. Les auteurs et les projeteurs souhaitaient, en suivant des principes parfois très matérialistes, transformer l’utopie pour créer un endroit bien réel qui soit eutopique.

Les premiers ‘économistes’ trouvaient leurs sources d’inspiration dans les grands philosophes et savants des Lumières anglaises, en particulier Thomas Hobbes ou Isaac Newton. William Petty n’avait pas baptisé sa nouvelle science ‘arithmétique politique’ (political arithmetic) par hasard, mais parce qu’il voulait bâtir une science humaine aussi solide que les sciences naturelles, basée sur la validation empirique des théories. Certains utopistes pratiques comme Bellers ou même certains utopistes littéraires comme John Minter Morgan se réclament de cette science humaine empirique et affirment qu’il faut que les Britanniques acceptent de mener des expériences sociales afin de parvenir à une organisation sociale réellement satisfaisante.

En 1764, James Burgh publie une utopie épistolaire qui présente un intérêt méta-utopique majeur dans la mesure où les lettres du voyageur hollandais relatent le départ et l’installation des Césars (Cessares) en Patagonie, ce qui implique une réflexion sur la construction du projet utopique. A la toute fin du 18e siècle, le débat sur les sciences sociales réapparaît avec Thomas Robert Malthus qui s’oppose aux idées de William Godwin. John Minter Morgan utilise son utopie The Revolt of the Bees pour dénoncer la science économique dogmatique de Malthus qu’il oppose aux expériences sociales empiriques – donc scientifiques – de Robert Owen dans ses manufactures de New Lanark en Ecosse. Tous ces textes se répondent et s’enrichissent, tentant peu à peu de construire une science économique et sociale qui permette d’introduire davantage l’utopie dans la vie quotidienne.

L’expérimentation sera au cœur de cet article et je tenterai de démontrer que certaines utopies (les plus pratiques en réalité) du 18e siècle

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se voulaient scientifiques, et tentaient de mettre en œuvre, à l’écrit ou dans de micro-sociétés, les principes économiques reposant sur des conceptions anthropologiques particulières.

Dans un premier temps je m’interrogerai sur les sujets d’inquiétude des premiers économistes, en particulier William Petty et Josiah Child dans les années 1690, puis William Godwin et Thomas Malthus dans les années 1790. Ces textes sont particulièrement féconds quand on les compare aux projets de John Bellers ou de Robert Owen afin de comprendre comment leurs expériences devaient affiner leurs théories scientifiques et anthropologiques.

Je terminerai ces considérations économiques avec John Minter Morgan et sa critique de l’économie comme science dogmatique. Cette utopie constituera un pont vers l’autre aspect de l’étude des utopies comme sciences appliquées, et l’on pourra constater que les utopistes ne se préoccupent guère d’arithmétique économique ou de mercantilisme. Les utopies littéraires insistent très souvent sur le rejet total de l’or et de l’argent; pour autant elles s’attachent très souvent à développer une réflexion anthropologique et à tenter de percer le mystère d’une société utopique viable.

1. Naissance de l’économie en tant que science empirique

Le 18e siècle britannique est très profondément marqué par l’esprit des Lumières, en particulier sous l’influence des scientifiques majeurs que furent Francis Bacon, Isaac Newton ou encore John Locke dans le domaine de la théorie politique. Les philosophes qui s’intéressaient à l’homme espéraient parvenir à des conclusions aussi solides que les grands noms de la science naturelle, et se sont donc attachés à définir l’homme et la société.

Ce désir de reconnaissance scientifique était tel que la matière s’est d’abord appelée arithmétique politique. Bien que le terme ait évolué au cours de la période, on peut considérer que William Petty, Josiah Child, et plus tard William Godwin et Thomas Robert Malthus appartenaient au même mouvement visant à transformer l’homme en un sujet de recherches. Josiah Child était un marchand devenu baronet qui, comme Petty, s’intéressait aux questions économiques et en particulier à celles relatives aux taxes, au commerce, mais aussi à l’emploi des plus pauvres, qui devait à la fois offrir une vie décente et honnête aux plus pauvres et protéger la société en général de la délinquance, tout en ajoutant la valeur de leur travail à la richesse nationale.

Plus tard, William Godwin et Thomas Robert Malthus présentaient deux visions très différentes des progrès possibles dans la société britannique.

Pour Godwin, il fallait réduire les heures de travail quotidiennes afin de diviser le travail entre tous ceux qui en avaient besoin et leur garantir à tous une vie confortable. Godwin considérait que, pour mettre ce système en œuvre, il fallait que tous acceptent de renoncer au luxe et de se contenter de ne produire que ce dont ils avaient besoin pour vivre, ce qui ne nécessitait que quelques heures d’un travail facile chaque jour. On peut souligner la parenté entre la pensée de Godwin et celle de la plupart des utopistes,

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qui, depuis Thomas More, incitent à un rejet du luxe comme moyen de parvenir à une véritable société d’abondance où tous aient le nécessaire sans avoir à travailler péniblement. Malthus répondait à cet argument que, selon la logique de son Principe de population, travailler moins signifie produire moins de tout ce qui est utile à la vie, ce qui ne peut que résulter dans des disettes et amener la société entière à faire faillite.

Pourtant, tous partageaient le même objectif de trouver un moyen d’offrir un emploi aux plus pauvres, un souci que partagent les utopistes puisqu’ils insistent toujours (depuis Utopia de Thomas More) sur la nécessité du plein emploi et le refus de l’oisiveté. Pour Child, Bellers et Godwin, il fallait proposer un métier, et même un métier utile et épanouissant, aux pauvres afin de les rendre utiles à la nation. L’accent mis sur l’utilité des métiers utopiques est intéressant dans la mesure où souvent il distingue les projets comme le Colledge of Industry de Bellers des workhouses existantes depuis les Poor Laws mises en place sous l’ère élisabéthaine. Leur objectif est de permettre aux pauvres d’être bénéfiques au pays et à l’économie nationale, ce qui leur garantit une occupation, une rémunération, une certaine dignité sociale et une meilleure éducation – ainsi que des milliers de livres sterling de richesse supplémentaire pour le royaume.

Bien que composés à des périodes très différentes de ce long 18e siècle, les plans de John Bellers et de Robert Owen tel qu’ils les décrivent dans leurs œuvres, sont étonnamment similaires. Tous deux insistent à l’envi sur la dimension économique de leurs projets. Bellers présente ses Colledges of Industry comme des établissements capitalistes: les riches doivent investir afin de fonder ces micro-sociétés et ils gagneront ensuite les profits réalisés grâce au travail des pauvres qui y sont employés. Bellers souligne que c’est un devoir moral pour les riches de soutenir les pauvres et de leur offrir un emploi et des conditions de vie décentes: les plus aisés vivent en effet du travail des plus pauvres et ils ont de ce fait une dette à leur égard. Bellers estime que ses collèges seront plus profitables au royaume que les workhouses, précisément parce que ce seront des établissements capitalistes à but lucratif et non des institutions de charité publique où personne n’est prêt à investir.

Robert Owen lui aussi se présente comme un entrepreneur qui veut, comme ses confrères, réaliser des profits, mais qui considère que ses profits personnels doivent être bénéfiques à ses employés également:

Will it exceed the bounds of moderation to say, that a million of the population so employed, under the direction of an intelligent government, might earn to the state ten pounds each annually, or ten millions sterling per annum? Ten millions per year would be obtained, by each individual earning less than four shillings per week; and any part of the population of these kingdoms, including within the average the too young and the too old for labour, may be made to earn, under proper arrangements, more than four shillings per week to the state, besides creating an innumerable train of other more beneficial consequences.1

Les habitants de ses villages ouvriers seraient de ce fait plus utiles à l’Etat, et pourraient vivre dans des conditions bien plus confortables que celles des ouvriers à l’époque. Son projet, tout comme celui de Bellers, permettrait

1 OWEN, Robert. A New View of Society, Or, Essays on the Principle of the Formation of the Human Character, and the Application of the Principle to Practice, 4th Essay. 1813.

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peu à peu de diminuer la quantité de travail nécessaire et toujours produire autant de bénéfices financiers. Bellers explique ainsi que les journées de travail deviendront plus courtes à mesure que les Colledgians vieilliront. Il insiste également sur le fait que ces Colledges, une fois rendus productifs seront capables d’accueillir les plus démunis incapables de travailler afin d’être un véritable havre de bienveillance pour les plus faibles. Cependant, pour parvenir à cet objectif, il faut dans un premier temps ne recruter que des membres prêts à et capables de travailler aux champs ou à une tâche artisanale.

A la fin du 18e siècle, Owen suit Godwin dans son argumentation concernant la limitation du temps de travail quotidien, contre l’avis de Malthus d’ailleurs:

The injustice I suffer, is not in the actual labour, but in the quantity of that labour. If no man were absolutely compelled to perform a greater share of labour than multiplied by the number of members of the community, was necessary to the subsistence of the community, he would have no right to complaint on that account. But the labour then required would be diminished to a tenth, perhaps a twentieth part of the labour now imposed upon the husbandman and artificer.2

Malthus considérait que cet argument était aussi fantaisiste que celui de Condorcet qui imaginait que l’homme deviendrait un jour éternel grâce aux progrès des sciences et en particulier de l’hygiène et de la médecine, mais la plupart des utopistes, littéraires et pratiques, se faisaient les chantres de la limitation des heures de travail comme un moyen de veiller à ce que tous aient un emploi utile à l’ensemble de la communauté.

Bellers et Owen représentent tout deux une vision optimiste de l’économie et de la nature humaine. Leurs projets utopiques étaient parfaitement contemporains de l’apparition et de l’évolution des nouvelles sciences de l’homme. Le plan de Bellers ne fut jamais mis en œuvre.

En revanche, Owen ne présente pas une théorie dans A New View of Society, mais le résultat de ses expériences dans son village ouvrier de New Lanark en Ecosse. Il y explique par exemple que le village était tombé dans la débauche et le malheur parce que l’entrepreneur n’avait pas pris la décision de résider sur place pour contribuer au progrès (moral et social) de ses ouvriers. Il démontre ensuite que le fait d’habiter avec ses employés lui a permis de leur montrer l’exemple et de les instruire pour qu’ils renoncent d’eux-mêmes à l’alcoolisme et à la violence et pour qu’ils fassent un plein usage de leur raison et deviennent vertueux.

These principles, applied to the community at New Lanark, at first under many of the most discouraging circumstances, but persevered in for sixteen years, effected a complete change in the general character of the village, containing upwards of 2,000 inhabitants, and into which, also, there was a constant influx of newcomers. (…) It may be truly stated, that they now constitute a very improved society; that their worst habits are gone, and that their minor ones will soon disappear under a continuance of the application of the same principles; that during the period mentioned, scarcely a legal punishment has been inflicted, or an application been made for parish funds by any individual among them. 3

2 GODWIN, William. The Enquirer, Part II, Essay 1,

“Of Riches and Poverty”, p. 130. London: 1797.

3 OWEN, Robert. A New View of Society, Or, Essays on the Principle of the Formation of the Human Character, and the Application of the Principle to Practice, 3rd Essay. 1813.

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On peut souligner l’importance du temps dans le plan utopique de Owen: il lui fallut seize années pour parvenir à un progrès réel, l’entrepreneur utopiste doit donc faire preuve de patience afin de laisser à la nature humaine le temps de progresser.

Quelques utopies soulevaient la question de la légitimité de la nouvelle science économique. John Minter Morgan offre un exemple particulièrement révélateur de ce jugement. L’auteur était un fervent partisan de Robert Owen, qu’il avait défendu dans Remarks on the Practicability of Mr. Owen’s Plan en 1819 puis dans son utopie The Revolt of the Bees quelques années plus tard (1826). Ce titre fait évidemment écho à l’œuvre cynique et controversée du Hollandais Bernard Mandeville au début du 18e siècle intitulée The Fable of the Bees. Dans le premier chapitre de la Révolte, le narrateur raconte la révolution individualiste et capitaliste qui affecte une ruche jusque là heureuse et coopérative. Cette révolution économique provoque l’apparition de nouveaux théoriciens qui tentent de justifier le nouvel ordre social pourtant totalement injuste et cruel. La cible principale de cette charge contre l’économie capitaliste est Robert Malthus et en particulier ses Principes de Population. Pour illustrer, au contraire de Malthus, la sagesse économique et sociale, Morgan introduit une abeille

‘visionnaire’ (un qualificatif très négatif pour le reste de la ruche) dont le rôle est de rappeler aux autres abeilles leur bonheur passé de l’époque où ils partageaient le produit de travail entre tous et où tous faisaient donc preuve de bienveillance. Les économistes apicoles traditionnels ont le même rôle que les nouveaux Ecclesiastes, Judicatores et Legislatores: justifier par des raisons intellectuelles, morales, légales et religieuses ce qui est injuste. Voici la définition que Morgan donne de ces économistes:

Another class of writers now came forward, termed the Apiarian Oeconomists. Their professed object was to promote the prosperity of all the inhabitants of the hive. But upon investigating their theories, they were found, like much of their reasoning, to be directed almost exclusively to the most effectual means of accumulating the largest quantity of honey.

Whether those means were beneficial or detrimental to the working bees, or in what manner the honey was distributed, appears to have been altogether a secondary consideration.4

La charge à l’encontre de Malthus est encore plus explicite quand le narrateur explique le principe de l’inégale croissance entre la population et les ressources alimentaires. Malthus apparaît comme le parangon des faux scientifiques: ses théories sont décrites comme des dogmes sans fondement:

After the failure of the various theorists, an experimentalist arrived and announced his discovery of the source of all their moral evils. He came to promulgate a code of regulation in which no principles that had not stood the test of experiment were admitted, and which therefore could not fail to be as true and correct in practice as all theories formed upon a rigid adherence to inductive philosophy.5

4 MORGAN, John Minter.

The Revolt of the Bees, 1826 (2nd ed. 1839), in CLAEYS, Gregory. Ed. Modern British Utopias, vol. 6, p. 328.

5 MORGAN, John Minter.

The Revolt of the Bees, 1826 (2nd ed. 1839), in CLAEYS, Gregory. Ed. Modern British Utopias, vol. 6, p. 329.

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J’affirmerais que Morgan, dans ce passage, fait appel au sentiment de fierté scientifique national des Britanniques dans la mesure où la science britannique est empirique, donc éprouvée et vérifiée, tandis que les scientifiques d’autres pays se contentent de dogmes et de préjugés. Les Iles Britanniques sont la patrie de Bacon et Newton et l’abeille qui représente Owen est décrite comme leur héritière de par sa volonté d’expérimenter une société idéale. Owen est donc plus fidèle que Malthus à l’esprit des Lumières britannique selon l’utopiste.

2. Une nouvelle vision de la société:

l’utopie comme une science de l’homme

La plupart des utopies, qu’il s’agisse de projets à mettre en œuvre ou de textes littéraires, sont basées sur le rejet de l’intérêt financier. En prenant comme premier exemple le projet de John Bellers, j’aimerais mettre en avant les raisons qu’il donne à son rejet de l’argent au sein du Colledge. Les membres de sa micro-société ne devaient pas avoir besoin d’argent ou de monnaie pour leurs échanges quotidiens.

This colledge-fellowship will make labour, and not money, the standard to value all necessaries by; and tho’ money hath its conveniencies, in the common way of living, it being a pledge among men for want of credit;

yet not without its mishciefs, and call’s by our Saviour The Mammon of Unrighteousness.6

Tout ce commerce devait être basé sur l’égalité du travail fourni par tous: si tous les membres travaillent au même rythme chaque jour, ce qu’ils produisent a la même valeur puisque cela a coûté la même durée de travail et la même quantité d’efforts. Tous ont droit à une part égale du travail des autres, part qu’ils ont gagné par leur propre travail. Le travail est donc la valeur étalon des échanges et l’argent ne trouve plus d’utilité. Cette conception du travail comme valeur étalon pour acquérir les biens produits par autrui se trouve déjà dans l’œuvre de Thomas More et elle est constamment développée par les utopistes ultérieurs, comme dans The Revolt of the Bees.

Beaucoup d’utopies littéraires renoncent également au commerce extérieur et à l’usage de l’argent en interne. James Burgh insiste sur la nécessité d’éviter toute tentation pour les Césars ainsi que pour les peuples qui les entourent. Dans son récit concernant ce peuple de Patagonie, il indique que, si une mine d’or ou d’argent est découverte sur une parcelle de terrain, elle n’appartiendra pas au propriétaire de la parcelle, mais au pays tout entier afin que les propriétaires du terrain ne soient pas corrompus par l’avarice.

De plus, si la connaissance d’une mine de métal précieux se répandait au- delà des frontières, le risque serait grand de voir des peuples avides et cruels tenter de s’approprier ces biens. Les lettres de cette utopie épistolaire sont datées des années 1615 et suivantes, et les Espagnols sont l’exemple par excellence de ces conquêtes cruelles. Les utopies se démarquent nettement

6 BELLERS, John. Proposals for Raising a Colledge of Industry of all Useful Trades and Husbandry, with Profit for the RICH, a Plentiful Living for the POOR, and a Good Education for YOUTH. Which will be the Advantage to the government by the Increase of the people and their Riches. 1696. p. 4.

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du mercantilisme ambiant, courant dominant de l’économie du 18e siècle:

accumuler de la monnaie afin de dominer le commerce international est très éloigné de leurs préoccupations, d’autant plus que cette accumulation viendrait corrompre l’innocence et la générosité des habitants et exciter la jalousie des peuples voisins.

La colonie parfaite de Loch Lomond en Ecosse (dans l’œuvre de John Minter Morgan) offre le même modèle de bienveillance et d’oubli de la richesse matérielle aux abeilles devenues capitalistes. Tout comme les Césars, les habitants de Loch Lomond vivent dans une communauté sans haine pour le monde extérieur, et s’ils ont abandonné l’usage fiduciaire de la monnaie, ils ont conservé l’or et l’argent à des fins ornementales qui viennent glorifier l’esprit de la communauté. Ces métaux précieux sont donc réservés à un usage bien plus noble que les bénéfices financiers. Ils traduisent la vie heureuse et confortable que garantit le travail coopératif.

On trouve donc bien la trace de théories économiques dans les utopies, mais plutôt à contrario; il s’agit de refuser l’accumulation stérile et de se concentrer sur des aspects plus humains. On peut donc poursuivre cette étude sous l’angle de l’étude de l’homme, de l’anthropologie des utopies.

Ce qui rapproche les utopies et les débuts des sciences sociales est leur besoin commun de travail pour tous, en particulier pour les plus pauvres.

Le travail entre donc dans la définition-même de l’utopie dans la mesure où une utopie doit présenter une société en fonctionnement et non un pays de Cocagne où tout tombe du ciel et où l’on ne trouve que des individus certes heureux, mais juxtaposés et sans réelle relation entre eux.

Le travail est la valeur d’échange essentielle dans le Colledge de Bellers ainsi que dans de nombreuses utopies littéraires. C’est leur travail qui fait des membres des utopiens des égaux, et qui leur permet de profiter d’une société d’abondance sans avoir à fournir trop d’efforts. Cet intérêt pour la distribution du travail est essentiel dans les œuvres des utopistes, mais également dans les œuvres des proto-économistes. Tous les textes considérés ici reposent donc sur le même présupposé anthropologique: l’homme doit travailler pour se réaliser et pour mériter de gagner ce dont il a besoin, et un homme occupé à un travail honnête ne sera pas un criminel à l’encontre de la société à laquelle il appartient et où il est reconnu. Dans l’esprit chrétien du 18e siècle, la pénibilité du travail résultait de la Chute originelle et traduisait la malédiction divine qui pesait sur la vie humaine (le travail est à la fois l’activité par laquelle l’homme produit ce qui lui est nécessaire, et le fait pour la femme de donner la vie dans la douleur). Pourtant, les utopistes ne rejettent pas le travail en tant que tel, ils ne refusent que sa difficulté.

Limiter les heures travaillées était un moyen de distribuer le travail mais aussi de le rendre moins pénible, et de supprimer le sentiment de malédiction.

On pourrait dire que l’objectif des utopistes était de revenir à un état idyllique du travail, à une situation prélapsarienne. Avant la Chute en effet, Adam et Eve étaient chargés d’entretenir le jardin et pouvaient se nourrir de tous les fruits. Ils leur fallait travailler d’une certaine manière pour jouir pleinement de l’abondance de l’Eden. Les utopistes, par leur volonté de réduire les besoins des hommes et donc le travail nécessaire ont tenté de recréer les conditions

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de travail édéniques afin de restaurer l’homme dans son statut de créature divine vivant en harmonie avec son environnement. Dans les utopies, chaque homme est responsable d’une petite parcelle de terrain qui lui fournit tout ce dont il a besoin, et il n’est donc pas nécessaire de s’éreinter dans une usine pour produire des biens inutiles dans des conditions inhumaines et contre- nature, ces deux états sont parfaitement représentés dans les deux situations de la ruche de John Minter Morgan: travail agricole et artisanal simple et sain avant la révolution individualiste, puis labeur éreintant et contre-nature pour la production superflue de biens inutiles après la révolution capitaliste.

Les utopies pratiques ont également des considérations plus terre- à-terre dans la mesure où elles doivent prendre en compte la situation existante afin de ne pas s’aliéner les bonnes volontés des plus riches, appelés à participer au progrès des plus démunis. Bellers insiste ainsi sur le dette que les riches ont envers les pauvres et qui leur donne le devoir moral de s’impliquer dans l’amélioration des conditions de vie pour tous.

The Rich have no other way of living, but by the Labour of others; as the Landlord by the Labour of his Tenants, and the Merchants and Tradesmen by the Labour of the Mechanicks.7

Bellers et Owen ont tous deux fait appel à ce sentiment de responsabilité des classes les plus aisées. Les élites, censément plus raisonnables que les plus démunis conformément à la tradition philosophique aristotélicienne, devaient investir dans le collège d’industrie tout comme les entrepreneurs devaient faire l’effort de vivre parmi leurs ouvriers et de répondre à leurs besoins matériels afin de les aider à progresser. Tous deux insistent également sur l’aspect financier et sur les bénéfices que les investisseurs et les entrepreneurs pourraient retirer de la mise en œuvre de leurs plans de société idéale.

Veiller au bien-être des plus pauvres est également un devoir chrétien pour les élites. Le mot d’ordre du Colledge de Bellers n’est cependant pas angélique: "l’industrie apporte l’abondance; le paresseux sera vêtu de haillons"

(Industry brings plenty; the sluggard shall go in rags); l’autre slogan est biblique, et invite tous les membres à travailler, selon le mot de saint Paul: "celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus." Le travail est un devoir pour l’homme, et l’oisiveté est mère de tous les vices, cela traduit parfaitement la pensée de l’époque et la méfiance qu’inspiraient les pauvres sans emploi. Cependant, les chrétiens qui le peuvent ont le devoir de soulager la misère en offrant du travail à ceux qui en ont besoin. D’ailleurs Bellers comme Child dédicacent leurs travaux à des chrétiens: Bellers était un Quaker et dédie son œuvre aux

"Enfants de Lumière, nommés Quakers par dérision", tandis que Child insiste auprès du Parlement pour que les workhouses qu’il propose puissent être gérées par des non-conformistes. Robert Owen lui-même soulignait le besoin de morale chrétienne, mais s’opposait fermement à toute querelle doctrinale.

Le christianisme est d’ailleurs un modèle utopique en soi, puisque les premiers chrétiens assemblés à Jérusalem vivaient selon des principes coopératifs et communistes pour utiliser des termes contemporains.

Cet exemple de société idéale était d’ailleurs encore bien vivace à l’époque

7 BELLERS, John. Proposals for Raising a Colledge of Industry of all Useful Trades and Husbandry, with Profit for the RICH, a Plentiful Living for the POOR, and a Good Education for YOUTH. Which will be the Advantage to the government by the Increase of the people and their Riches. 1696. p. 21.

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de Bellers puisqu’il affirme que les pauvres qui trouveraient un emploi dans ses Colledges pourraient former des sociétés aussi harmonieuses:

The Poor thus in a Colledge will be a community something like the Example of Primitive Christianity, that lived in common, and the Power that did attend it, bespeaks its Excellency.8

Bien que l’on ne puisse guère considérer cette description comme une argumentation scientifique, il est intéressant de souligner les convictions anthropologiques qui sous-tendent cette idée: l’homme est une créature douée de raison qui peut progresser.

Bien que la plupart des auteurs de l’époque soient convaincus de la nature déchue de l’homme, tous croient en la raison humaine qui peut permettre à tous de progresser. D’ailleurs à mesure que le siècle avance, on peut affirmer que les convictions se croisent: la Chute perd du terrain et la perfectibilité en gagne.

Les philosophes sociaux et les utopistes partageaient une profonde conscience de la nature raisonnable de l’homme, et donc de la possibilité de l’éduquer. L’homme est un animal rationale (pour les plus optimistes) ou un animal rationis capax (pour les plus pessimistes, dont Jonathan Swift qui utilisa cette formule dans Gulliver’s Travels). Child, Bellers, Burgh, Godwin Owen et Morgan ont tous insisté sur le besoin d’éducation dans les utopies ou dans leurs sociétés idéales. Tous font donc preuve d’un grand optimisme, d’autant plus que la notion de péché originel s’effaçait au cours du siècle, permettant un espoir encore plus grand d’atteindre un très haut degré de perfection individuelle et sociale. On peut d’ailleurs affirmer que c’est précisément cette question de la perfectibilité humaine qui opposait Malthus et Owen ou Godwin. Owen affirme en effet que l’homme est

‘plastique’ avant tout:

Human nature, save the minute differences which are ever found in all the compounds of the creation, is one and the same in all; it is without exception universally plastic, and by judicious training the infants of any one class in the world may be readily formed into men of any other class, even to believe and declare that conduct to be right and virtuous.9

Les philosophes sociaux voulaient apporter une éducation intellectuelle et morale afin de réformer la société et de la faire progresser dans un avenir plus ou moins lointain. Pour les utopistes en revanche, l’éducation n’avait pas pour vocation de faire progresser la société ou de contribuer à une évolution des hommes et de leur caractère, mais au contraire de veiller à ce que la société idéale se perpétue continuellement égale à elle-même. D’une certaine manière, cela nous ramène à la question de la science dans les utopies: nombreux sont les critiques qui ont mis en évidence le côté trop scientifique, mathématique ou arithmétique des utopies qui, depuis Thomas More, exigent de tous les individus d’être identiques entre eux, et à leurs descendants de se conformer à cette identité, à tel point que les hommes ne sont plus que des pions dénués de toute passion personnelle. De ce point de vue, l’utopie relève paradoxalement davantage de la science ‘dure’ que de la science ‘humaine’. Les hommes ne

8 BELLERS, John. Proposals for Raising a Colledge of Industry of all Useful Trades and Husbandry, with Profit for the RICH, a Plentiful Living for the POOR, and a Good Education for YOUTH. Which will be the Advantage to the government by the Increase of the people and their Riches. 1696. p. 14.

9 OWEN, Robert. A New View of Society, Or, Essays on the Principle of the Formation of the Human Character, and the Application of the Principle to Practice. 4th essay. 1813.

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sont que des rouages dans une machine qui est entretenue par l’éducation – tout comme Owen la décrit d’ailleurs en utilisant la métaphore de la machine à vapeur pour décrire son village manufacturier.

Cette science de l’homme parfait se traduit chez James Burgh par la volonté de sélectionner les individus capables et désireux de s’intégrer dans une société basée sur le travail et le partage. L’éducation consiste, dans une optique positiviste, à encourager enfants et adultes à utiliser leurs facultés rationnelles afin de développer leur humanité. On pourrait être nettement plus critique en considérant que l’éducation dans les utopies consiste plutôt à dompter la nature déchue de l’homme afin de garantir le bonheur communautaire. Les Césars sont invités personnellement par les responsables du projet à partir pour la Patagonie. Ainsi seules les plus vertueuses des pièces du puzzle sont autorisées à se joindre au projet.

Ce texte présente une dimension méta-utopique particulièrement intéressante sur la façon dont James Burgh imagine de créer un projet utopique. Il soulève les questions que tous les utopistes ont tenté de résoudre au cours des siècles: la société idéale est-elle pour tous, ou seulement pour les plus vertueux? Cela fait également écho à des doctrines religieuses comme celles de la vocation et de la prédestination.

Les projets de Bellers et d’Owen donnent également des commentaires théoriques sur l’implantation de communautés idéales et décrivent les avantages individuels et collectifs à espérer de telles avancées.

3. Conclusion

Les philosophes et les utopistes du 18e siècle reflétaient l’influence profonde des Lumières à l’anglaise qui s’imposaient en Grande Bretagne à la suite de la Restauration de 1660. L’élaboration de sciences sociales empiriques était un objectif majeur pour Petty et ses successeurs qui espéraient ainsi atteindre le même statut scientifique que les philosophes de la nature. Les utopistes, qu’il s’agissent de visionnaires dont l’ambition était d’implanter des sociétés heureuses, ou d’écrivains ont également tenté de démontrer que les sociétés idéales qu’ils imaginaient étaient basées sur des considérations scientifiques et non sur des préjugés. Malheureusement, beaucoup se sont concentrés sur la science et sur l’arithmétique plus que sur les diverses variantes du caractère humain. Pour Bellers par exemple, il fallait que chaque collège compte environ deux cents membres, tous occupés à une tâche particulière.

Jusqu’aux œuvres de Charles Fourier en France, les utopistes ne prenaient gère en compte les multiples passions qui peuvent animer les hommes et tous imaginaient des communautés où tous les individus renonceraient de leur propre chef à l’argent et à la possibilité de l’accumuler pour être riche et renommé. La supériorité du plan de Owen sur ses prédécesseurs se trouve dans la démonstration empirique qu’il tente de faire du potentiel réalisable de l’utopie. Il tente de démontrer qu’il est possible de transformer une communauté d’ouvriers en une eutopie en appliquant

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quelques principes simples, des principes qui pourraient être développés en axiomes scientifiques de gestion du caractère humain. La comparaison entre des écrits sociaux à vocation scientifique, des projets utopiques (réalisés ou non) et des utopies littéraires permet donc de mettre en lumière la capacité méta-utopique des textes qui tentent de justifier les espoirs placés dans la nature humaine et dans les projets de réforme sociale par des considérations empiriques.

Yolène Dilas-Rocherieux souligne dans un sous-titre que l’utopie est

“le rêve éternel d’une autre société”, et il est éclairant de constater que l’utopie se porte encore bien de nos jours: on ne compte plus les mouvements qui se proposent de monter des communautés idéales. Ceux-ci sont également fondés sur des connaissances scientifiques de l’homme et de la nature: leur objet consiste très souvent à proposer des moyens de faire cohabiter l’être humain et son environnement naturel dans une perspective écologique. On peut citer en exemple les “greenpoint villages” qui promettent de créer de nouvelles petites villes bien insérées dans la nature, et d’en faire un «réseau de villages écologiques et humanistes, respectueux de l’homme et de la nature.”

Leur second objectif est de “réconcilier l’écologie et l’économie” deux sciences là encore, afin de proposer des modèles transférables à l’ensemble du territoire français – tout comme Bellers espérait voir la Grande Bretagne se couvrir de Collèges d’industrie. Comme les utopies littéraires des siècles passés, les greenpoint villages estiment le nombre idéal d’habitants (4.000).

Les utopies du 18e siècle sont donc des sources de réflexion passionnantes dans la mesure où elles abordent toutes les questions qui préoccupent encore les rêveurs d’un autre modèle social – et qui provoquent toujours autant de débats qu’à l’ère des Lumières.

Bibliographie

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Referências

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