• Nenhum resultado encontrado

Le soufisme d'Occident dans le miroir du soufisme d'Orient

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2017

Share "Le soufisme d'Occident dans le miroir du soufisme d'Orient"

Copied!
10
0
0

Texto

(1)

© Université de Mostaganem, Algérie 2005

Le soufisme d'Occident dans le miroir

du soufisme d'Orient

Dr Eric Geof f roy Universit é de St rasbourg, France

Résumé :

Les Occident aux cherchent dans les t radit ions spirit uelles ét rangères un ressourcement init iat ique. Le colonialisme a au moins cet avant age qu'il met en cont act , dans des circonst ances cert es conf lict uelles, l'Occident et l'islam. Le souf isme, dimension int érieure de l'islam, s'avère donc une voie accessible et provident ielle pour cert ains Européens. On peut avancer des noms, comme ceux du voyageur Richard Burt on ou d'Isabelle Eberhardt , mieux connue en France. Mais il se t rouvait également des Européens en quêt e de souf isme dans l'orbit e de la Sanusiyya, et dans l'ent ourage de l'émir Abd el-Kader.

Mot s-clés :

soufisme, Occident , Orient , Islam, Sanusiyya.

***

Un aperçu hist orique nous aidera à apprécier le rôle act uel du souf isme en Occident . Le f act eur le plus t angible de la pénét rat ion progressive du souf isme est paradoxalement le colonialisme, en part iculier f rançais. Celui-ci, qui a pris t out e son ampleur au cours du XIXe siècle, a coïncidé avec l'émergence d'une idéologie posit ivist e, et d'une civilisat ion de plus en plus mécanist e et mat érialist e. Parallèlement , le christ ianisme, en part iculier cat holique, soit se sclérosait soit ét ait ent raîné dans un irrésist ible mouvement de sécularisat ion. Dans ce climat de "pert e de sens", des Occident aux cherchent dans les t radit ions spirit uelles ét rangères une régénérescence mét aphysique et un ressourcement init iat ique. Le colonialisme a au moins cet avant age qu'il met en cont act , dans des circonst ances cert es conf lict uelles, l'Occident et l'islam.

(2)

- 8 -

t rouvait également des Européens en quêt e de souf isme dans l'orbit e de la Sanusiyya, et peut -êt re dans l'ent ourage de l'émir Abd el Kader.

A cet t e phase de f lux succède bient ôt celle du ref lux : l'immigrat ion. Les peuples colonisés par la France, en part iculier, sont sommés de se réf érer au modèle occident al, et c'est donc t out nat urellement que des t ravailleurs maghrébins se dirigent vers l'Europe. Les membres de la t arîqa Alawiyya f ont œuvre de pionnier dans ce domaine, puisqu'une part ie d'ent re eux émigre, dès les années 1920, en France, en Anglet erre, en Hollande, et c. D'évidence, cet t e ouvert ure précoce provient de l'enseignement universalist e du cheikh Ahmad al Alawi, lequel, rapport e-t -on, avait lui-même pensé un moment s'inst aller en France.

Dès les premières décennies du XXe siècle, des maît res spirit uels de dif f érent es t radit ions pressent ent que, en dépit du mat érialisme dominant à cet t e époque, l'Occident port e peut -êt re en lui les germes d'une renaissance spirit uelle ; t out au moins peut -il êt re un ref uge, une t erre d'accueil pour le pat rimoine spirit uel de l'humanit é. Des maît res hindous, bouddhist es ou souf is dist illent alors leur enseignement depuis les pays orient aux, ou voyagent en Occident , s'y ét ablissant parf ois. Ainsi Inayat Khan, souf i indien de la t radit ion shisht iyya, arrive en Occident en 1910, où il se f ait connaît re surt out grâce à la musique spirit uelle qu'il prat ique. Il int roduit le "Mouvement Souf i" aux USA, où il meurt en 1927. Son f ils, Pir Vilayat Khan, ét end cet t e audience en f ondant l'Ordre Souf i Universel, ou t out simplement "l'Universel", sur lequel nous reviendrons.

(3)

- 9 -

f onct ion est délibérément de conseiller et d'orient er, par correspondance le plus souvent , les Européens qui cherchent une voie aut hent ique. Son œuvre t rait e précisément de l'unit é t ranscendant e des religions, vue sous l'angle de la mét aphysique. Elle ne vise qu'à t émoigner, à rappeler cet t e doct rine immuable de la "philosophia perennis". Par son universalisme, elle const it ue un pont ent re l'Orient "t radit ionnel" et l'Occident en quêt e d'aut hent icit é. Si le st yle a vieilli, le cont enu des livres de Guénon, qui mourut en 1951 au Caire, garde t out e son act ualit é. Paradoxalement , il a peu écrit sur le souf isme, parce qu'il le vivait en "malamat i", qui se mont re t rès discret sur son expérience int érieure.

Dans le sillage de Guénon, ce premier souf isme occident al pose ses f ondement s en Occident en insist ant sur la port ée universelle du message de l'islam, en le dégageant du cont ext e cult urel d'où il a ét é import é. Dans cert ains cas, on observe même un rej et . Pensons à Frit hj of Schuon (m. 1998), par exemple : s'il adopt e, comme d'aut res convert is à cet t e époque, l'habit islamique t radit ionnel par est hét isme spirit uel, il dét ache sa voie, issue de la Alawiyya, de t out e ambiance "arabe" et , après avoir longt emps vécu en Suisse, il f init par s'ét ablir aux USA. Le souf isme occident al, t out ef ois, s'il veut maint enir son aut hent icit é, ne peut se départ ir du pat rimoine de "baraka" que conserve cert aines part ies au moins du monde musulman. Michel Vâlsan (m. 1974), précisément , a quit t é l'obédience de son maît re, Schuon, parce que celui-ci s'af f ranchissait de plus en plus de la f orme islamique. Devenu cheikh après 1950, sur indicat ion de René Guénon, il a f ondé une "t arîqa" à Paris dans laquelle il n'y avait , il est vrai, prat iquement que des Européens. Pour aut ant , il a bien sent i la nécessit é d'"import er" des rit es souf is de la zawiya Shadhiliyya de Tunis que lui-même et ses disciples ont f réquent é pendant des années.

(4)

- 10 -

t rès rapide de la présence du souf isme en Occident . Plusieurs groupes souf is émanant des grandes voies - Shadhiliyya, Tij aniyya, puis Naqshbandiyya, Qadiriyya, Burhaniyya, Nîmat ullahiyya - voient alors le j our en Occident . Cet t e expansion n'est pas une simple conséquence de l'immigrat ion, car les cheikhs "orient aux", on l'a vu, considèrent depuis longt emps l'Occident comme une t erre provident ielle. Const at ant que la pression socio-polit ique qui pèse dans leurs pays peut ent raver le développement individuel, ils voient dans l'Occident un espace de libert é dans lequel exist e une réelle at t ent e dans le domaine spirit uel. Le "désenchant ement du monde", en ef f et , dont a accouché le mat érialisme occident al met en quêt e de nouveaux pèlerins. . . Quelques maît res "orient aux" s'ét ablissent bient ôt en Occident , t andis qu'un pet it nombre d'Occident aux f ormés opèrent comme représent ant s d'un maît re ét ranger, ou accèdent au st at ut de cheikh.

Tout e cet t e mouvance se prévaut d'un souf isme ort hodoxe, car les af f iliés rest ent f idèles aux prescript ions de l'islam et sont parf ois versés dans les sciences islamiques. La plupart des membres gardent un lien avec l'un ou l'aut re des pays musulmans. Cependant , la quest ion de l'adapt at ion au cont ext e occident al n'est pas résolue dans t ous les cas : parmi ceux qui ont ét é init iés et f ormés en Orient , cert ains ont t endance à import er des f ormes arabes, af ricaines, t urques, et c. Ils reproduisent parf ois les mêmes clivages, les mêmes rivalit és qui ont cours ent re les "t uruq" présent es en pays musulman. Or il est bien évident qu'il f audra t ouj ours davant age f aire le départ ent re l'essence init iat ique du souf isme, et ses diverses at t aches cult urelles et hist oriques. Il y a bien là une sort e d'ij t ihad spirit uel à opérer, comme cela s'est f ait dans d'aut res cont ext es spat io-t emporels.

(5)

qu'eux-- 11 qu'eux--

mêmes ne connaissent pas l'Occident . Il arrive alors qu'ils rendent ces disciples indépendant s, leur permet t ant ainsi d'accéder à la "mashyakha". Il exist e un aut re cas de f igure, qui consist e en ce que les maît res orient aux séparent , en Occident , leurs disciples "orient aux" de leurs disciples "occident aux" : bien qu'ét ant f rères sur la Voie, ils ne part agent pas les mêmes données cult urelles, ce qui peut suscit er des malent endus. Au Maroc, le cheikh Hamza Bout shish a opt é pour cet t e f ormule. Par ailleurs, un maît re vivant au Proche ou Moyen-Orient aura souvent t endance à vouloir "recrut er" en milieu occident al de souche, et non chez les émigrés d'origine maghrébine. Le complexe de supériorit é des Proche-Orient aux à l'égard des Maghrébins est bien connu...

En quoi, maint enant , l'Occident peut -il êt re considéré comme une nouvelle t erre du souf isme ?

(6)

- 12 -

en Occident ent re des religions "orient ales" comme le bouddhisme et l'islam.

Le souf isme assume-t -il des f ormes originales et spécif iques en Occident ? Cœur vivant de l'islam, il a t ouj ours su s'adapt er à des cont ext es nouveaux, et absorber des subst rat s spirit uels anciens, d'une ét onnant e diversit é (cela va du néo-plat onisme au chamanisme). Ce qui est nouveau, par cont re, c'est qu'il arrive dans des sociét és sécularisées, dit es "post chrét iennes", en f riche sur le plan spirit uel, et qui subissent une vérit able asphyxie à cet égard. Pour aut ant , il s'agit là de sociét és organisées, et "démocrat iques". On décèle donc t rès net t ement dans cet t e sit uat ion de l'Occident cont emporain des avant ages et des inconvénient s. La libert é t ot ale dont on y j ouit f ait que les carcans sociaux, f amiliaux t ombent , que le conf ormisme religieux et l'hypocrisie que celui-ci ent raîne parf ois dans les sociét és arabes s'at t énuent . Mais t ombent dans le même t emps les repères, et la prot ect ion psychologique que ces cadres de réf érence apport aient . Il f aut donc apprendre à gérer cet t e libert é, qui donne parf ois le vert ige : elle est t ant ôt source d'égarement , de dégradat ion de la condit ion humaine, t ant ôt source d'éveil spirit uel. En Occident , le spect re des at t it udes psychologiques est large car celles-ci ne sont pas canalisées par une norme précise.

(7)

- 13 -

à f aire disparaît re les conf lit s psychiques, les complexes et les f rust rat ions ainsi que les t endances négat ives et dest ruct rices chez le disciple, af in qu'il parvienne à un équilibre psychique, ment al et af f ect if . Puis lors de la deuxième ét ape, le disciple recouvre les at t ribut s divins"(1).

René Guénon insist ait bien sur le f ait qu'il f aut suivre une t radit ion religieuse dét erminée - en l'occurrence l'islam - si l'on veut obt enir quelque réalisat ion aut hent ique. Il exist e pourt ant des groupes syncrét ist es, en part iculier dans les milieux souf is anglo-saxons. Peut -on en déduire que le rayonnement de Guénon dans les groupes souf is f rançais, quoique t rès variable, ait eu un ef f et salvat eur, en assurant une cert aine "ort hodoxie" souf ie ? "L'Universela de Pir Vilayat Khan, qui est implant é également en France, init ie des non-musulmans au souf isme, et leur f ait prat iquer le "dhikr". Sous couvert d'universalisme, on n'y parle j amais du Coran, du Prophèt e. Ces groupes dist illent une sagesse asept isée, un énième produit de consommat ion pour Occident aux. Ils présent ent le souf isme comme une t echnique de bien-êt re, comme si le cheminement sur la Voie n'ét ait pas avant t out une "épreuve" (balâ) !

Le souf isme d'Occident est donc désormais exposé au mercant ilisme : ici et là, cert ains prospect us promet t ent la t ranse ou même la "possession". Force est de const at er que cet t e mercant ilisat ion accompagne ce qu'on appelle la t endance "New Age", soit un syncrét isme à caract ère ut opique prônant une religion universelle. À not er t out ef ois que "l'ésot érisme" t ouche aussi le monde musulman. Au Maghreb par exemple, les Aïssaouas (de la conf rérie populaire Isawiyya), connus pour leurs rit es de possession et d'aut omut ilat ion, sont exhibés t rès of f iciellement pour at t irer le client , t andis qu'à Ist anbul des Occident aux se f ont rapidement "init ier" par les Derviches t ourneurs mevlevis(2).

(8)

- 14 -

"l'unicit é t ranscendant e des religions" (wahdat al adyan), en int égrant dans sa prat ique islamique des élément s ét rangers t els que la "sagesse" des Indiens d'Amérique, ou en hypert rophiant des t hèmes dogmat iques islamiques. On sait ainsi la place t out e part iculière qu'il donne à la Vierge Marie - il a nommé sa voie la Maryamiyya -, ce que d'aucuns pourraient t axer de "mariolât rie".

Les Occident aux de souche qui s'adonnent au souf isme f ont parf ois preuve d'un manque d'humilit é presque naïf . Ils f onct ionnent comme si eux seuls ét aient maint enant déposit aires de l'init iat ion, comme si eux seuls avaient accès à l'universalisme de la pensée souf ie. Disons-le net t ement : les prét ent ions de cert ains "akbariens" ou "guénoniens", t ant ôt implicit es, t ant ôt explicit es, sont af f ligeant es. Ils f ont presque de Ibn Arabi et de René Guénon des prophèt es ou des f ondat eurs de religion, alors que ceux-ci se sont t ouj ours réf éré aux sources de la "Religion immuable" (al din al qayyim). Ils ont t ouj ours af f irmé que leur rôle ét ait de t ransmet t re, ou au plus de f ormuler, un dépôt sacré dont ils avaient reçu l'hérit age.

(9)

- 15 -

La mondialisat ion n'a pas uniquement un caract ère économique ou géopolit ique. Elle a un versant caché, ou plus discret , mais qui va apparaît re de plus en plus. Nous voulons parler des échanges accrus sur le plan int erreligieux, des synergies même qui se dégagent ent re les voies spirit uelles qu'a emprunt ées l'humanit é.

Dans ces nouveaux carref ours, l'Occident a une place privilégiée, car l'act ivit é économique et la mobilit é polit ique st imulent bel et bien l'act ivit é int ellect uelle et spirit uelle (IXe - Xe siècles). Ainsi, le "t asawwuf " est né dans l'Irak du j eune empire abbasside, alors en pleine expansion. Il s'est d'ailleurs const it ué en école dans sa nouvelle capit ale, Bagdad. On a déj à remarqué que le bouddhisme et l'islam, par exemple, peuvent dialoguer en Occident , ce qui est pour le moment inconcevable en pays arabe. Islam et j udaïsme ont également plus de f acilit és pour se rencont rer en Occident qu'en zone arabe. Cet t e sit uat ion, due à des circonst ances polit iques somme t out e récent es, est ompe paradoxalement les longs siècles de coexist ence pacif ique ent re j uif s et musulmans dans le "Dar al islam".

(10)

- 16 -

globalement ét é j usqu'à maint enant - mais une valeur part agée par des êt res encore conscient s.

Not es :

1 - Dans la t averne de la ruine, Manuel du Souf isme t radit ionnel, Cabrières d'Avignon, 1997, p. 21.

2 - Voir T. Zarcone : (Les Voies d'Allah, Paris 1996, pp. 377 - 378). 3 - Cf . Le "Verset de la Lumière", Coran 24 : 35.

Pour cit er l'art icle :

 Dr Eric Geoff roy : Le souf isme d'Occident dans le miroir du souf isme d'Orient , Revue Annales du pat rimoine, Universit é de Most aganem, N° 04, 2005, pp. 7 - 16.

Referências

Documentos relacionados

Conhecer plenamente a vida do homem, para bem interpretar a obra, ainda não é tudo, e depois da biografi a propriamente dita, começa a biografi a do autor, isto é, do Eu

Freddie Perdigão Pereira nessa disputa intensa pela auto-imagem que a ditadura tentou erguer para si, a partir de sua monografia “(DOI) - Histórico Papel no Combate à Subversão

Fatores MC Fábrica MC Fábrica MC Fábrica Partic.. b) Margem de contribuição unitária (em %): nessa forma de avaliação dessume- se que os integrantes da linha em tela

2 CONSIDERAÇÕES INICIAIS 2.1 OBJETIVOS O objetivo deste trabalho de conclusão de curso é apresentar aos alunos da 1a série do Ensino Médio o contéudo Logaritmos visando os

Já quando o recurso é interposto para o Supremo Tribunal de Justiça, outros problemas se levantam ao tradutor porque não existe uma correspondência exacta entre o

C NC N/A CONCRETE COLUMNS: All the concrete columns should be doweled into foundation for Life Safety and also the dowels should be able to create tensile

Nesse contexto, é possível pensar na inserção de conceitos da educação histórica, tais como empatia, que as culturas não europeias já ensinaram há bastante tempo; os