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Statut du littéraire dans l'enseignement-apprentissage du Français Langue Étrangère : les virtualités du roman

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l’enseignement-apprentissage du Français

Langue Étrangère. Les virtualités du roman

Reçu le 26-05-2015 / Évalué le 15-09-2015 / Accepté le 30-10-2015

Résumé

Cette étude propose une approche théorique et une réflexion didactique sur le statut et le rôle potentiel du roman français et francophone dans le cadre de l’enseignement-apprentissage du français langue étrangère (FLE). Il en ressort que le roman en langue française s’avère un puissant élément intégrateur pour les compétences langagières liées à l’apprentissage du français, mais aussi un promoteur de la compréhension et du dialogue interculturels.

Mots-clés : FLE, roman, littérature, français, francophonie

O estatuto do literário no ensino-aprendizagem do FLE. As potencialidades do romanc

Resumo

Este estudo propõe uma abordagem e uma reflexão didática sobre o estatuto e o papel potencial do romance francês e francófono no âmbito do ensino-aprendi-zagem do FLE. Resulta deste estudo que o romance de língua francesa revela ser um poderoso elemento integrador para as competências linguísticas associadas à aprendizagem do francês, mas também um promotor da compreensão e do diálogo interculturais.

Palavras-chave: FLE, romance, literatura, francês, francofonia

Status of literature in FFL teaching-learning. The potentialities of novel Abstract

This study proposes a theoretical approach of the status and potential role of French and Francophone novel in the FFL context. We conclude that Francophone novels prove to be a powerful integrating element for the linguistic skills associated with French language, but also promoting intercultural dialogue and understanding. Keywords: FFL, novel, literature, French, French-speaking world

1. Statut du littéraire en Français Langue Étrangère (FLE)

Après avoir été l’objet d’une dévotion quasi consensuelle au bon vieux temps de la didactique / méthodologie de la grammaire-traduction, mais souvent décrié aujourd’hui en dépit des résultats qu’il a pu faire atteindre à ses apprenants – bien souvent excellents ou efficaces locuteurs de français langue étrangère –, voilà que le fait littéraire revient subtilement dans les soucis didactiques du FLE, qu’il

José Domingues de Almeida

Université de Porto, Portugal

Association portugaise d’études françaises (APEF), Portugal

jalmeida@letras.up.pt

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s’insinue dans les manuels et dans les ressources, tout comme dans les pratiques enseignantes.

En effet, comme le rappelle Jean-Marc Defays et al. (2014), l’approche commu-nicative et la perspective interculturelle ont assez rapidement remis à l’honneur l’apport de la littérature à l’enseignement-apprentissage des langues étrangères et secondes en général et du FLE en particulier : « À la fin des années 1990, une nouvelle dissociation s’est effectuée entre linguistique et littérature, qui va enrichir la vision du texte littéraire et multiplier ses potentialités interprétatives, cette fois sous l’impulsion de l’interrogation sur l’Autre qu’amène la vision interculturelle » (Defays et al., 2014 : 23). C’est d’ailleurs justement le discours interculturel qui semble légitimer et baliser le plus la pertinence du texte littéraire en tant qu’outil d’enseignement-apprentissage en FLE, comme le défend Jean-Pierre Mercier (2010).

En fait, la didactique du FLE réapprécie les plus-values du discours littéraire et de la pratique de la lecture littéraire dans la mesure où elle lui redécouvre simul-tanément des occasions d’ouverture sur le monde et sur la diversité / complexité communicatives. À ce titre, comme le rappellent Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca, le registre littéraire a l’avantage de faire transcender différentes typologies discur-sives et d’assurer l’expérience de leur cohabitation. Pour ces deux didacticiens du FLE, « L’espace littéraire est un lieu fertile où la langue travaille et est travaillée, et le discours littéraire implique le respect des codes et leur transgression » (Cuq & Gruca, 2003 : 384). Le détour didactique dans le discours littéraire en français langue étrangère – notamment par le roman – aurait l’avantage de réduire le sentiment d’insécurité linguistique grâce à la sensation et à l’expérience de réussite dans la compréhension globale d’un récit, d’encourager la créativité de l’apprenant en tant que lecteur dans un contexte nouveau – aspect sur lequel nous reviendrons plus loi –, de le confronter à l’altérité interculturelle illustrée ou mise en récit (Defays et al., 2014 : 29-36)1, voire à se heurter tout simplement avec la langue dans toutes

ses dimensions (morphosyntaxique, phonétique, et surtout lexicale et idiomatique), et ce, souvent dans une perspective de découverte / conquête curieuse et enjouée des territoires linguistiques.

Cette redécouverte ou revalorisation s’inscrit dans le sens des directives et des balises programmatiques mises sur pied ces dernières années par le Conseil de l’Europe, traduites plus spécifiquement par le Cadre Commun de Référence pour les Langues. Celui-ci, malgré son souci affiché des « compétences » plus immédiates et des descripteurs actionnels, n’en souligne pas moins la pertinence du texte littéraire, notamment à partir des niveaux B1 (plus précoce) et B2 (recommandé) en tant que garant de savoirs socioculturels qui pointent des « traits distinctifs

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caractéristiques d’une société européenne » (Conseil de l’Europe, 2001 : 83), et cautionne le rôle d’un genre comme le roman en tant qu’ « outil efficace pour rendre l’apprenant sensible à la différence de registres formels ou familiers » (Defays et al., 2014 : 25).

Il faut également relever que le Conseil de l’Europe dans sa Plateforme de ressources et de références pour l’éducation plurilingue et interculturelle, plus spécifiquement « Éléments pour une description des compétences linguistiques en langue de scolarisation nécessaires à l’apprentissage / enseignement de la litté-rature. (Fin de la scolarité obligatoire). Une démarche et des points de référence » énumère les potentialités de la littérature pour l’éducation plurilingue : « La litté-rature incorporée dans l’éducation plurilingue a un grand potentiel à dépasser le concret : la dimension exploratoire et créative de la langue et de la littérature laisse entrevoir la possibilité d’idées nouvelles et de changements » (Conseil de l’Europe, 2011 : 6). La littérature s’y inscrit dans une perspective intégrée et holistique, en phase avec les perspectives didactiques de cet organisme, lesquelles articulent plurilinguisme et interculturalité, n’en déplaise à d’aucuns (Maurer, 2011).

Il s’agit toujours de mettre en exergue les vertus de la littérature dans l’édu-cation intégrale des apprenants de langues étrangères, ainsi que ses potentia-lités dans l’acquisition d’une citoyenneté européenne active et responsable. On remarquera, par ailleurs, le souci plus spécifiquement pédagogique attribué à la pratique de la lecture littéraire. En effet, on en dégage un potentiel favorable au développement de certaines compétences : « Au niveau de la production et de l’interaction, on pourra observer les compétences linguistiques et sémiotiques qui sont particulièrement importantes dans les contextes pédagogiques car c’est par l’articulation (et souvent l’articulation verbale) que l’on évalue le savoir et la compréhension » (Conseil de l’Europe, 2011 : 10).

En effet, ce sont des compétences proprement linguistiques qui s’y voient souli-gnées à la faveur de descripteurs à portée cognitive et sémiotique. Le texte litté-raire se trouverait exactement et favorablement posé à la croisée des applications et des implications de l’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère, dont le FLE, tant intrinsèques (apprentissage du système linguistique) qu’extrinsèques (acquisition de savoirs (inter)culturels associés à cet apprentissage).

2. Mise en contexte

Ceci étant, il va sans dire que la généralisation de l’enseignement-apprentissage de l’anglais au Portugal jusqu’en terminale, imposée au cours des années 1990, ainsi que l’introduction progressive du castillan à partir des années 2000, parfois avec la

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même étendue de parcours, a fortement réduit le contact possible des apprenants avec la langue française, et en a surtout sérieusement limité les compétences de compréhension écrite, particulièrement en vue d’une pleine lecture et assimilation du texte littéraire. Ceci étant, les manuels de 9e année en FLE de l’enseignement

portugais introduisent parfois un court texte narratif2. Mais la pratique

généra-lisée de la lecture intégrale des œuvres littéraires en français, surtout du roman contemporain, s’est perdue, et il n’est pas assuré qu’elle puisse revenir de sitôt. Le fait est que nombre d’apprenants du FLE au Portugal ont eu un contact par le passé – souvent exhaustif et mis en contexte diégétique et critique – avec des romans marquants et à thématique humaniste, mais quelque peu datés, tels que La Maison de Papier de Françoise Mallet-Joris (1970), Les Petits Enfants du Siècle de Christiane Rochefort (1961), Le Silence de la mer de Vercors (1942) ou encore Bonjour tristesse de Françoise Sagan (1954).

En outre, pour ce qui est de l’enseignement supérieur, la conversion à la hâte des cursus vers des compétences professionnelles en phase avec les exigences du marché du travail et des consignes émanant de la Déclaration de Bologne (1999) a mis l’accent des formations sur des priorités curriculaires qui, sans éviter l’apport littéraire, n’en privilégient pas moins des objectifs jugés plus performants ou attrayants : les relations internationales, la traduction, le monde de l’entreprise, la communication et un peu l’enseignement. De fait, le recours au « littéraire », souvent considéré concurrentiel par rapport aux unités programmatiques de litté-rature à proprement parler – et en tout cas, jugé incapable de susciter la commu-nication dans l’enseignement-apprentissage du français –, se voit perçu avec une certaine suspicion ou est à peine toléré comme méthodologie accréditée.

Il est vrai que la prédominance de la fonction « poétique » (Jakobson) dans le texte littéraire – notamment dans le roman, même si elle est loin d’en être la seule – peut engendrer une méfiance didactique à son égard et un recours quasi exclusif à des documents authentiques didactisés. Or, comme le rappelle un ouvrage collectif récent, dirigé par Anne Godard, pertinemment intitulé La Littérature dans l’Ensei-gnement du FLE (2015), il est une approche et des implications spécifiquement « actionnelles » de la littérature dans l’enseignement-apprentissage du FLE qu’il s’agit de mettre à profit, spécialement à partir du roman contemporain français, francophone ou allophone : « On observe […] une orientation résolument contem-poraine et francophone dans le choix des textes, qui fait aussi la part belle aux femmes écrivains. Ce n’est pas la dimension patrimoniale du littéraire qui importe ici, mais une pratique vivante et sans complexes de textes qui peuvent aussi bien relever du pur loisir (romans policiers) que d’un plaisir esthétique et intellectuel exigeant » (Godard, 2015 : 153).

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À cela s’ajoute l’ample crise des Humanités, surtout « littéraires », qui ont fait se détourner nombre de candidats au métier d’enseignant, mais qui touche aussi, et de façon virulente, l’image que les apprenants se font de l’(in)utilité de la lecture du texte littéraire en français, quand ce n’est pas du français tout court. En effet, deux facteurs hautement nuisibles à la « culture littéraire » en FLE s’articulent fatalement dans cette approche problématique. D’une part, l’intuition que la France (et curieusement pas la Francophonie) n’arrive pas à se départir de son statut de « nation littéraire », concept véhiculé et théorisé par Priscilla Parkhurst Ferguson et que cet auteur définit de la sorte : « le champ littéraire français aime à se signaler à l’attention, comme pour transmettre à la société son capital d’idées et d’idéaux, par toutes sortes de représentations emblématiques ou symboliques » (1991 : 24). D’autre part, l’attente de la part des apprenants – mais aussi l’investissement par les auteurs et concepteurs de manuels de FLE sur – des textes informatifs à lisibilité immédiate, transparente, pragmatique et leur rejet, parfois irrationnel, de toutes marques de complexité ou d’ambiguïté textuelle. 3. Un lectorat changeant

En outre, le statut postmoderne du lecteur, tel que l’a glosé Nicolas Ancion (1993) – lui-même écrivain à ouvrages simplifiés adaptés au FLE –, fondé sur la caractérisation complexe du lecteur littéraire contemporain dégagée par le fameux roman-essai Comme un roman de Daniel Pennac (1992), rappelle que le liseur contemporain s’arroge des droits dont le système littéraire et la pratique du litté-raire en FLE doivent forcément tenir compte. Il s’agit de considérer l’inversion de la logique du devoir de lecture et de lui substituer la revendication de « droits » sous forme d’une charte postmoderne imprescriptible, incompatible avec les habitudes et exigences enseignantes.

Aussi le lecteur se voit-il reconnaître des prérogatives subvertissant l’approche moderne de la lecture : le droit de ne pas (vouloir) lire, le droit de sauter des pages ou de limiter sa lecture à la quatrième de couverture, le droit de commencer une lecture et de ne pas la finir, le droit de relire, le droit de lire n’importe quoi indépendamment des hiérarchies des genres littéraires ou des contraintes de la culture lettrée, le droit à l’identification (fût-elle naïve) avec les personnages de romans lus, et d’y éprouver une « jouissance » toute particulière, le droit de lire n’importe où, le droit de lire ici et là en passant d’un livre à l’autre, de lire à haute voix ou encore de se taire (Ancion, 1993 : 165-198). Sans compter que l’accès au texte littéraire se fait souvent à rebrousse-poil, en partant de l’adaptation cinéma-tographique vers le texte original ou encore en support numérique.

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D’ailleurs, la domination de l’image est telle, notamment des aspects graphiques dans le cadre de l’élaboration du manuel, qu’il ne reste que peu de place pour des textes considérés plus lourds et denses. En effet, un rapide coup d’œil comparatif sur les manuels de FLE en circulation sur le marché éditorial portugais permet de détecter un souci parfois minimaliste du texte par rapport à la place occupée par l’image, l’illustration ou le renvoi en hyperlien. Le texte trop dense ou trop long est rarement introduit au profit de messages rapides, même dans le cas de l’exercisier ou dans les systématisations grammaticales.

Il est évident que, dans le contexte global du fait littéraire, le genre romanesque ne représente, ni ne procure toutes les potentialités de l’investissement didactique en FLE. Loin de là. Defays et al. (2014) fournit un tour d’horizon d’autres genres tout aussi efficaces et porteurs d’avantages dans leur usage en vue de stratégies d’enseignement-apprentissage en FLE tels que le conte, la nouvelle, mais aussi la bande dessinée.

Force est de souligner, par ailleurs, qu’une certaine tradition de l’opacité et de l’autotélisme de la littérature moderne ne s’est pas avérée propice à l’exploitation de compétences communicatives, ce qui n’est pas vraiment le cas des littératures francophones, davantage fondées sur la narrativité et l’ouverture sur le référent et le monde (Le Bris & Rouaud, 2007).

À cet égard, Jean-Marc Defays et al. (2014) souligne la question problématique de la fiction hexagonale issue du tournant des années quatre-vingts, laquelle recourt à l’ironie et à la parodie, rendant le texte plus « lisible », selon un protocole de lecture distinct de celui qui régissait les générations antérieures, davantage « textuelles » et anti-romanesques. Comme le suggère cet essai,

[d’] autres écrivains [après Camus et le Nouveau Roman] présentent une écriture blanche doublée d’une ironie plus légère que l’on ne rencontre guère chez les existentialistes. Ainsi des écrivains plus récents, Patrick Modiano, dont la délicate nostalgie sombre rarement dans l’emphase ou encore les auteurs de l’écurie Minuit, Jean Echenoz, au style lisible et à l’humour subtil, et Jean-Philippe Toussaint, à l’appréciable sobriété (Defays et al., 2014 : 66). Bien évidemment, la question du choix des écrivains à faire lire en classe de FLE est avant tout fonction de légitimité. Comme le défend Defays et al.,

[l’] enseignement de la littérature en FLE demeure, en tout cas dans ses choix les plus courants, apparemment tributaire d’une vision de la littérature légitime (soit par l’étiquetage de classique, soit par la fortune éditoriale de l’écrivain). Aucun auteur ‘méconnu’ ou ‘atypique’ ne figure dans cette sélection (Defays et al., 2014 : 63).

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Et cet essai de fournir un listage « Top 10 » des ouvrages le plus retenus où cohabitent des noms tels que Saint-Exupéry, Camus, mais aussi Maalouf et Le Clézio (Defays et al., 2014).

4. Le roman francophone

Dès lors se pose la question de l’opportunité didactique de l’ouverture de la didactique du FLE sur le roman francophone, sur l’écriture romanesque en langue française produite en dehors de l’Hexagone, voire par des auteurs non francophones, mais ayant volontairement opté pour le français comme langue d’écriture litté-raire (allophones). En fait, c’est parce que les auteurs francophones et allophones sont personnellement confrontés à la problématicité de la langue française en tant que langue d’écriture, que ce soit sous forme passive et assumée (insécurité linguistique) (Klinkenberg, 1987) ou dans une perspective active et assumé, et dès lors quelque part esthétique (surconscience linguistique) (Gauvin, 1997), que leur expérience rejoint celle des apprenants en FLE et peut, de façon empathique, les aider à se situer positivement dans leur démarche.

Defays et al. (2014) insiste sur ce point : « S’intéresser au conflit des langues chez un auteur conduit alors à pousser la réflexion un peu plus loin que les écrivains venus de régions n’appartenant pas à la francophonie même dans son acception la plus large du terme » (Defays et al., 2014 : 78). Une idée que Reine Berthelot (2011) a développée en se demandant « comment » enseigner les littératures francophones. Berthelot en dégage une problématique du statut du roman francophone dans le contexte de l’enseignement-apprentissage du FLE qui passe par la reconnaissance et la prise en charge didactique de sa spécificité esthétique, à savoir : la relative opacité discursive et la plus grande présence de l’oralité, mais aussi l’ouverture sur un référent à thématiques distantes et distinctes de l’idiosyncrasie européenne, ce qui confère aux littératures francophones, ou allophones en français, un degré d’extranéité qui s’avère un puissant inducteur interculturel : « cet ailleurs qui s’affirme ainsi à l’intérieur de la langue, ouvre des horizons nouveaux, tant dans la reconnaissance d’autres écritures imprégnées par leur culture d’origine que de thématiques nouvelles » (Defays et al., 2014 : 43).

Ces écrivains et ces écritures « venus d’ailleurs », selon l’heureuse expression d’Anne-Rosine Delbart (2005), placent la langue française, et son enseignement-ap-prentissage en tant que langue étrangère, dans une perspective mondiale et mondialisée, à même de se départir d’une Histoire ou identité uniques. Dominique Wolton (2006) pointe les apories de la mondialisation dans ses implications au français. Selon lui, « il devient nécessaire à la fois de préserver son identité et de

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cohabiter avec l’autre » (Wolton, 2006 : 34). Il s’agit en fait de gérer les paradoxes issus des frictions identité – altérité / dialogue interculturel, identité et communi-cation internationale.

Or, le roman francophone, ou allophone en langue française, s’avère un puissant médiateur de cultures, un outil efficace dans la déclinaison des diversités et convergences francophones, notamment par rapport à l’Hexagone et à l’Europe. Defays et al. (2014) rend cette capacité de médiation de la sorte :

L’expérience littéraire du bilinguisme serait exportable dans la classe de FLE à la fois comme auxiliaire de l’accès à la littérature dans la langue étrangère et comme révélateur pour les apprenants de leurs propres représentations et de leurs compétences de la langue-cible (Defays et al., 2014 : 81).

Il y aurait quelque part possibilité d’identification de l’apprenant avec une certaine distance de l’écrivain francophone ou allophone par rapport au français.

Aussi bien chez Defays et al. (2014) que chez Berthelot (2011), des noms d’écri-vains et des titres de romans sont avancés dans le sens d’une prise en charge didac-tique de leur légitimité littéraire. Parmi eux, certains sont devenus incontournables et sont largement connus du grand public : Patrick Chamoiseau, Tahar Ben Jelloun, mais aussi des romanciers plus récents et inscrits dans des taxinomies francophones plus complexes : littératures migrantes, beur, etc. Et là, d’autres noms s’affirment comme propositions de lecture, souvent détenteurs de prix littéraires, décernés comme signes de légitimité et de reconnaissance, tels qu’Azouz Begag, Ahmadou Kourouma ou Leïla Houari, dont les thématiques et les horizons diégétiques offrent des pistes de lecture très pertinentes, même si de préférence à un niveau plus avancé des descripteurs de l’enseignement-apprentissage du FLE (B2).

L’essai collectif La Littérature dans l’Enseignement du FLE (Godard, 2015) évoque l’avantage de travailler ces thématiques au goût du jour et en phase avec l’émergence des littérature-monde (Gadard, 2015 : 153) à la faveur de l’ensei-gnement-apprentissage du FLE et de la lecture du roman francophone. En effet, « l’apprenant [y] découvre des textes mettant en jeu le déracinement, la migration ou le devenir autre » (Defays et al., 2014 : 156).

5. Conclusion

Quoi qu’il en soit, la présence plus ou moins importante et la redécouverte du roman français, francophone et allophone de langue française dans l’enseigne-ment-apprentissage du FLE impliquent une pratique didactique concrète et des propositions méthodologiques en vue de sa plus large mise à profit pédagogique.

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À cet égard, plusieurs suggestions et pratiques, ou pistes de travail en classe pour enseignants de FLE à certains stades (plutôt avancés) du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001) ont récemment vu le jour, qui méritent que l’on s’y attarde. Relevons l’essai de Reine Berthelot sur les Littératures francophones en classe de FLE. Pourquoi et comment les enseigner (2011) qui, dans son volet « comment », expose plusieurs fiches thématiques de travail à partir de la lecture d’auteurs allophones, et ce, échelonnée sur plusieurs séquences et séances comportant une présentation biobibliographique, suggestion d’extraits, thèmes à développer et une observation de post-lecture : le quotidien chez Chadortt Djavann et l’erreur chez Agota Kristof et Anna Moï (Berthelot, 2011 : 55-81).

De son côté, Defays et al. (2014) signale aussi des « pratiques du texte littéraire en classe de FLE », lesquelles font la part belle au roman français et francophone. Il s’agit avant tout de faire progresser les apprenants dans la production écrite à partir de la compréhension écrite du texte littéraire, puisque, « [l]e recours à la littérature en classe de FLE devrait donc déboucher naturellement sur des activités de ré-écriture » (2014 : 96). Aussi, la pratique de lecture, du roman surtout, se déploie-t-elle selon plusieurs activités à développer au niveau de l’apprenant : critiques (fiche de lecture), re-créatives (pastiche, parodie, réélaboration libre de ce qui a été lu), créatives (ateliers, écritures à contraintes, etc.) (Defays et al., 2014 : 95-99).

Plus récemment, La Littérature dans l’Enseignement du FLE (Godard, 2015) – soit dit en passant, la portée va bien au-delà du simple propos didactique, mais théorise carrément le fait littéraire – pointe plusieurs activités didactiques pratiques pour l’apprenant : la lecture à voix haute, des mises en relation thématiques et référentielles, l’exploitation syntaxique et sémantique, l’incitation à l’écriture et à l’expression orale (Godard, 2015 : 145-151).

Il ressort de ce qui vient d’être exposé que le littéraire (notamment le roman) est loin d’avoir dit son dernier mot en didactique du FLE. Il s’avère même un outil imprévu dans la systématisation et pratique des compétences inscrites au programme et dans les descripteurs du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001), d’autant plus qu’il s’ouvre sur le monde et sur le dialogue interculturel. À pratiquer davantage, et peut-être légèrement plus tôt, la pratique de la lecture du roman permet de dépasser le simple souci de communication en langue française pour introduire l’apprenant dans les associa-tions symboliques et culturelles suscitées par notre langue.

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Bibliographie

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Notes

1. Et dont Christian Puren a encore récemment rappelé la portée et les implications dans une perspective holistique du FLE (2014).

2. C’est le cas de Magie des Mots 9, lequel introduit dans son Super Magique à la lecture-com-préhension d’un conte.

Referências

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