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L’image du Hammam dans la littérature algérienne

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Academic year: 2017

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© Université de Mostaganem, Algérie 2011

L’ image du Hammam dans la littérature

algérienne

Dr Leila Dounia Mimouni-Meslem Universit é d’ Oran, Al gérie Résumé :

Le Hammam f ait part ie int égrant e de la cult ure maghrébine et algérienne car c’ est un lieu où les individus se ret rouvent cert es pour se laver mais aussi pour se voir, discut er et racont er les événement s heureux ou malheureux qui j alonnent leurs vies. Nous nous sommes donc int éressés, dans le cadre de cet art icle, à l’ image du hammam dans deux œuvres lit t éraires : "Les alouet t es naïves" d’ Assia Dj ebar et "Une f emme pour mon f ils" de Ali Ghalem. Dans ces deux œuvres, l’ image du hammam varie ent re rit e et espace de libert é pour les personnages f éminins, le bain maure j oue sur ces deux symboliques et dévoile ainsi son import ance dans cet t e cult ure.

Mots-clés :

lit t érat ure algérienne, hammam, bain maure, Maghreb, rit es.

***

En Algérie, quasiment chaque quart ier a son bain. A la créat ion d’ un nouveau quart ier, les habit ant s dépl orent avant t out l ’ absence de bain, et ensuit e la viabil isat ion des rout es et aut res. Bien que la salle de bain soit disponible dans la plupart des appart ement s en milieu urbain, les f emmes, en part iculier, et ce même quand elles prennent des douches régulières préf èrent l e bain hebdomadaire qui "net t oie en prof ondeur", a "un ef f et de massage" et de "dét ent e" physique et psychologique.

Le Hammam revêt ainsi une grande import ance dans la vie de la cit é et f ait l’ obj et d’ écrit s, de descript ions, de discussions qui ont mis en exergue ses dif f érent es f onct ions.

Ce sont ces f onct ions que nous allons donc aborder dans ce t ravail à t ravers deux œuvres lit t éraires : "Les alouet t es naïves" de Assia Dj ebar et "Une f emme pour mon f ils" de Ali Ghalem. Comment le Hammam est présent é dans ces deux ouvrages ? Comment s’ expriment ces aut eurs qui sont des deux sexes ?

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premier t emps les dif f érent es déf init ions du Hammam. Nous passerons ensuit e dans un deuxième t emps à la représent at ion qui est f ait e du bain maure dans des ext rait s de ces deux œuvres en commençant par la vision d’ Assia Dj ebar avant de passer à celle de Ali Ghalem.

1 - Définition du Hammam :

Le Hammam, ou bain maure, est un bain de vapeur, t el que le sauna, t rès humide où les gens peuvent se laver. La chaleur alliée à l’ humidit é permet de net t oyer l a peau en prof ondeur grâce à la dilat at ion des pores. Il exist e depuis l’ ant iquit é :

A l’ origine, dans l’ ant iquit é, l es premiers bains à vapeur f urent créés en j et ant des pierres chauf f ées dans l’ eau f roide. C’ est en Inde que f urent découvert s sur des sit es archéologiques, des syst èmes d’ évacuat ion des eaux usagées avec les premières canalisat ions f ait es de t erre cuit e, deux mille ans avant l’ arrivée des Romains. Avec la civilisat ion pharaonique, les anciens Egypt iens perf ect ionnèrent les premiers hammams. Plut ôt qu’ une grande sall e, ils préf érèrent créer des pet it es pièces ét anches, const ruit es en pierres. Les Grecs suivirent cet t e t radit ion de bains de vapeur qui convenait à l eurs gymnases(1).

L’ empire romain a ensuit e, de par son ext ension, permis l’ apparit ion du bain maure dans t out e la Médit erranée et de ce f ait au Maghreb. Or, le Hammam est loin de se cant onner au Maghreb à une simpl e f onct ion d’ hygiène : sa f onct ion n’ est pas uniquement physique mais aussi et peut êt re surt out morale. Il a une f onct ion sociale et psychol ogique : le Hammam "solut ionnait en plus les problèmes de sant é morale et physique grâce à la chaleur et l’ usage de l’ eau, source de vie et de j oie ainsi qu’ un lieu de célébrat ions f amiliales"(2). C’ est un f ait cul t urel, une t radit ion basée sur des rit uels qui marquent les ét apes de la vie : le premier bain du bébé, le bain après la circoncision du garçon, le bain pré et post nupt ial, le bain de l ’ accouchée, et c.

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dans cert ains écrit s lit t éraires maghrébins. C’ est le cas dans les deux œuvres sur lesquelles nous nous penchons dans cet art icle : "Les alouet t es naïves" (1997) de Assia Dj ebar et "Une f emme pour mon f ils" (1979) de Ali Ghalem. Ainsi ces deux aut eurs, un homme et une f emme, abordent dans une œuvre lit t éraire le bain maure : t ous les deux le t rait ent suivant le point de vue d’ un personnage f éminin, y a-t -il néanmoins des dif f érences ent re les deux approches ?

Le roman de A. Dj ebar t rait e de la part icipat ion de la j eunesse algérienne à l’ indépendance de l’ Algérie mais aussi de la décept ion ressent ie après l’ indépendance quant à leurs vies, leurs rapport s de couples et cert ains de leurs rêves. Le roman t rait e aussi de la cohabit at ion ent re t radit ions et modernit é dont le bain est une des manif est at ions : cela apparaît lorsque le personnage "indépendant et moderne" de Nf issa, héroïne du roman, en donne une vision posit ive car c’ est un aspect de sa cult ure auquel elle est rest ée t rès at t achée.

Quant au roman de Ali Ghalem, il t rait e d’ un mariage arrangé ent re la j eune Fat iha et Hocine qui t ravaille en France. Ce mariage qui f init par un divorce mont re l’ impossibilit é de l’ at t eint e du bonheur quand la f emme se t rouve opprimée par des t radit ions séculaires (le f ait de ne sort ir de la maison de sa belle-f amil le qu’ accompagnée alors que ce n’ ét ait pas le cas quand elle vivait chez ses parent s, d’ êt re t ouj ours surveillée, d’ êt re obligée d’ avoir plusieurs enf ant s(3), de ne pas avoir l e sout ien d’ un mari absent et n’ obéir qu’ aux ordres de la belle mère, de ne pas pouvoir t ravailler…) qui l’ empêchent de se réaliser.

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du couple et de leur évolut ion dans une sociét é algérienne encore ancrée dans les t radit ions sur une période sit uée avant et après l’ indépendance ; dans le roman de Ali Ghalem il en va de même car c’ est la sit uat ion de la f emme dans une sociét é encore at t achée à des t radit ions qui ne sont pas en adéquat ion avec l a modernit é et le désir de libert é, d’ indépendance de la f emme algérienne. Néanmoins, la vision des f emmes dans le roman d’ Al i Ghalem est marquée par le f ait qu’ il soit un homme et les hommes, de par l’ aspect t rès pudique qu’ il s ent ret iennent les uns avec les aut res, n’ ont pas de ce f ait le même rapport que l es f emmes avec le hammam.

Commençons par l’ ext rait du roman "Les alouet t es naïves"(4). Dans cet ext rait deux des personnages f éminins se ret rouvent au bain : Nf issa et Nadj ia qui sont sœurs. Nf issa se remémore son enf ance quand elle part ait avec sa sœur et sa mère Lalla Aicha au hammam. Le premier point que nous relevons c’ est l’ aspect nost algique qui prime dans la descript ion qu’ elle f ait du bain : "Tu t e souviens, demande Nf issa à Nadj ia qui sourit à peine de cet at t endrissement , la caissière nous of f rait une orange, une mandarine" (A. Dj ebar, p. 145) : la not ion de souvenir est t rès présent e ét ant donnée que Nf issa se remémore son enf ance au bain maure. Un souvenir qui est posit if comme l’ indique l’ at t endrissement que remarque Nadj ia dans le discours de Nf issa.

On poussait la port e de la salle chaude - auj ourd’ hui, Nf issa redécouvre cet t e port e : un bois ancien et noir, au-dessus une roue sur laquelle j oue une corde, au bout de celle-ci une énorme pierre bat cont re la port e et la ref erme.

- Tu t e souviens ? dit Nf issa à Nadj ia qui f init de se laver pour sort ir.

- Oui ? demande la sœur avec pat ience.

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ici ?

Nadj ia sourit , mut ine en vérit é, presque at t endrie (Les souvenirs t e t ouchent enf in, pense Nf issa). "Nous disions, évoque Nadj ia, c’ est la port e de l’ enf er". (A. Dj ebar, p. 146).

On en revient à la mémoire, au souvenir at t endrissant qui apparaît à t ravers le sourire de Nadj ia s’ amusant de l’ imaginat ion de deux f illet t es qui, pour décrire cet t e chaleur qui émane du bain, comparaient la salle chaude à un enf er. Ef f et dramat ique accent ué par l’ imaginat ion des f illet t es pour lesquelles l e hammam renvoie à un lieu magique, f ascinant et ef f rayant . Or, en Algérie, cet t e port e est l’ une des choses les plus marquant es au sein du bain, t out Algérien ayant grandi en f réquent ant un hammam ne pouvait l ’ ignorer car, en plus d’ êt re l ’ ent rée de la pièce chaude ou inf ernale, elle ét ait assez lourde pour que les enf ant s ne puissent l’ ouvrir par eux-mêmes ou du moins t rès dif f icilement , et le bat t ant de l a port e qui la f aisait revenir à sa place représent ait le risque perpét uel de se f aire pincer par cet t e port e cont re l’ embrasure, l’ enf ant se voyant déj à coincé et ne pouvant accéder à la salle chaude. Les enf ant s at t endent al ors sagement l e passage d’ un adult e pour qu’ ils puissent , garçons ou f illes, se f auf iler rapidement , n’ ét ant j amais coincés et t ouj ours f iers d’ avoir bat t u "la port e de l ’ enf er". De ce f ait , Assia Dj ebar en f aisant réf érence à cet t e port e réveille les souvenirs des lect rices qui se ret rouvent dans cet t e enf ance parf ois oubliée et dans une douce nost algie.

2 - Rituels du bain :

Le Hammam apparaît , t el qu’ indiqué dans l ’ œuvre de A. Dj ebar, comme un f ait cult urel qui a une consonance posit ive.

Elle décrit le bain comme ét ant une série de rit uels et de codes. La not ion de rit uel est donc vit e rat t achée à celle du bain maure, de ce f ait il nous semble pert inent de nous pencher sur l a déf init ion de ce t erme.

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"a rapport aux rit es (…) Réglé comme par un rit e, habit uel et précis"(5). Int éressons nous donc d’ abord à l a not ion de rit e.

Les rit es peuvent êt re déf inis comme ét ant des : "Comport ement s codif iés et imposés par le groupe social, se répét ant selon un schéma f ixé chaque f ois que se produisent l es circonst ances auxquelles ils sont rat t achés. Les gest es, paroles, post ures et obj et s qui les composent n’ ont pas de j ust if icat ion ut ilit aire mais une port ée symbolique orient ée vers la communicat ion avec l es puissances surnat urelles"(6).

C’ est le cas par exemple avec le rit uel de l a "t esmia" qui à la naissance d’ un enf ant permet de lui donner un nom et de le placer de plain pied dans sa f amille et dans cet t e sociét é maghrébine à laquell e désormais il appart ient :

Ainsi, les prat iques sociales auprès du berceau du nouveau-né ont pl usieurs f onct ions qui peuvent êt re résumées comme suit :

1 - f onct ion de reconnaissance de cet êt re.

2 - de prot ect ion cont re les esprit s malf aisant s et d’ at t irer les bonnes grâces des bons et mauvais esprit s par les dons, sacrif ices, sent eurs (encens, cumin, f liou, harmel, ) et c.

3 - lancement du processus de socialisat ion et renf orcement des liens af f ect if s car en valorisant l’ enf ant , ses parent s, sa f amille, on conf irme leur st at ut de parent s, on renf orce leur sent iment de responsabil it é, on nourrit leur désir d’ êt re de bons parent s et on renf orce leur at t achement à leur enf ant .

4 - de communicat ion comme le souligne j ust ement Pascal Lardelier (2003) le rit uel est une occasion de communicat ion et de communion ent re les membres du groupe. Les liens sont renf orcés par le part age du sel, du copieux repas, de l’ af f ect ion, des cadeaux et des inf ormat ions sur les présent s et l es absent s, les mort s et les vivant s"(7).

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garder un lien avec sa religion, ses cout umes ou t radit ions, de mieux appréhender les choses qui l ’ ent ourent et surt out d’ organiser sa vie à la f ois social e et spirit uelle. Le rit e a donc un sens, une f onct ion t rès souvent dict ée par une inst ance religieuse. Le bain est ainsi le lieu où on lave la j eune mariée avant et après le mariage. Il obéit aussi à une série de rit uel s bien déf inis lors du t out premier bain d’ un bébé où par exemple on allume une bougie, on dit la "besmallah" ou aut re sourat e prot ect rice, on pousse des youyous pour marquer la f êt e, à l’ ent rée avec le bébé dans l a salle chaude. C’ est une f orme d’ init iat ion et de cél ébrat ion indiquant que l’ enf ant est assez grand pour sort ir et af f ront er l’ ext érieur.

Pour Marc Augé : "L’ act ivit é rit uelle conj ugue les deux not ions essent ielles en ant hropologie : l ’ al t érit é et l’ ident it é"(8). Ainsi, aller au bain permet cert es de se laver, de se purif ier (grandes ablut ions pour la prière), mais aussi de s’ af f irmer et de s’ inscrire de plain pied dans son groupe social car il permet de rencont rer des personnes, c’ est un loisir pour les f emmes qui ne sort ent pas, il permet de vibrer avec l’ ambiance, de part ager des prat iques qui rendent compt e d’ une ident it é d’ espace, de lieu, de sent iment s, et c.

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met t aient des robes de bain pour cacher leur nudit é, par pudeur au moment d’ ent rer dans la salle chaude. Le panier en osier, dans lequel sa mère rangeait ses af f aires de bain, f aisait aussi part ie de ce rit e, un panier qui f ascinait les villageoises peu habit uées à ce genre de luxe cont rairement aux f emmes des villes qui en possédaient t out es. Un panier en osier qui n’ exist e plus désormais rempl acé par des valises cert es mais qui rest ent t ouj ours une part ie import ant e du t rousseau de la j eune mariée qu’ on reconnaît immédiat ement grâce à son t rousseau de bain voyant rose/ doré. Le hammam t émoigne donc des dif f érent s st at ut s sociaux, les t rousseaux les plus luxueux sont une preuve de richesse mais aussi de coquet t erie. La descript ion de Dj ebar t émoigne de l’ époque, du cont ext e sociohist orique et ant hropologique.

Le hammam peut êt re donc considéré comme un rit e const it ué d’ un ensemble de rit uels car il rent re parf ait ement dans le cadre délimit é par la cit at ion suivant e : "On peut donc penser comme religieuse ou sacrée t out e prat ique rit uelle du moment où s'y rencont rent et s'y combinent (la durée individuell e et le t emps collect if , l'hist oire individuelle et l'hist oire des aut res). La quest ion du rit e permet donc de met t re en scène l es propriét és générales du social en plaçant au cœur de la réf lexion les relat ions qui président à la product ion du sens : (l e rapport de soi à soi et le rapport de soi à aut rui)(9) M. Augé"(10).

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3 - Le corps et l’ esprit obj ets de tous les soins :

Le hammam est un lieu d’ échange humain impliquant ce rapport à soi et à aut rui dont parle M. Augé. Les codes sociaux sont reproduit s au sein de ce lieu clos, on parle des mariages, des naissances, des décès, de ses problèmes personnels… La chaleur bienf aisant e du bain devient cat hart ique et permet à l’ âme d’ évacuer l es maux qui la rongent comme le f ait le corps avec la crasse qui le couvre. Les f emmes en sort ent presque épurées car débarrassées du poids de leurs pensées ne serait -ce qu’ un court inst ant . Leurs corps et leurs esprit s se dét endent : "Nf issa se sent ait (maint enant elle t rouve le mot et s’ ét onne elle-même comme si la pruderie bourgeoise de Lalla Aicha s’ ét ait t ransf ormée chez elle en ef f arouchement int ellect uel ) se sent ait volupt ueuse". (A. Dj ebar, p. 145).

A la lect ure de cet ext rait , le corps f éminin n’ est pas t abou chez Assia Dj ebar car dans le hammam la f emme se libère de cet int erdit qu’ elle doit support er à l’ ext érieur et ce à cause du regard que port e l’ homme sur elle. Dans le hammam l’ homme est exclu, les f emmes peuvent se libérer j usqu’ à un cert ain point car une cert aine pudeur rest e ("j usqu’ à cet t e vieille laveuse qui, un mince chif f on ent re l es j ambes" A. Dj ebar, p. 146). Les f emmes au bain se sent ent ainsi libres de se dét endre et de s’ exposer à une chaleur bienf aisant e, purif iant e et surt out prot ect rice car elle les prot ège du regard masculin représent é comme une menace à l ’ ext érieur par une cult ure t rop prot ect rice par craint e du déshonneur. Cela explique donc la gêne ressent ie par Nf issa lorsqu’ elle évoque le t erme "volupt ueuse" car les plaisirs du corps pour la f emme sont t rès souvent t abous :

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préserver son corps, à "prot éger ses part ies génit ales plus que ses yeux", et on la met en garde cont re l’ homme(11).

Le bain maure est pour Dj ebar un lieu sacré où le corps n’ est pl us t abou mais commun en quelque sort e incluant une série de rit uels que les f emmes, en maj orit é, suivent presque religieusement , sans vraiment penser à y déroger. Cela renvoie t rès bien à la déf init ion qu’ en donne l e Robert : "Ensembl e d’ habit udes, de règles immuables. . . Prat ique réglée, invariable"(12).

Mais le rit uel est aussi aut re chose dans le sens où il est t rès f ort ement ancré dans la cult ure qui l’ a vu naît re et qui le nourrit , le t ransf orme pour le plier à ses besoins : le rit uel est donc "ce dont on hérit e cult urellement et que l’ on veut t ransmet t re ident ique (…) Il est répét it if , analogique, t héât ral, émot if , inf ant ile"(13). Cet aspect t héât ral, répét it if Assia Dj ebar l’ a aussi t raduit dans son livre car t out dans le bain décrit par Nf issa devenait un rit uel répét it if et immuable auquel elle ét ait conf ront ée lors de chaque bain : Ainsi l’ aspect t héât ral apparait lorsque Nf issa enf ant f ait semblant d’ êt re gênée (Ext rait 1) ou quand la caissière f aisait semblant de se vexer (Ext rait 2) :

1 - "Nf issa prenait l ’ air f aussement gêné quand l’ une des laveuses se penchait pour l’ embrasser en disant :

- Comment va not re pet it e f ille ? " (A. Dj ebar, p. 144).

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ancré dans le religieux et dans l es règles de polit esse qui veulent qu’ on ne ref use pas un cadeau surt out s’ il vient du j ardin d’ un époux décédé.

- L’ aspect répét it if est présent t out le long du passage où Dj ebar décrit le bain mais il y a un ext rait qui le souligne t rès bien :

Un rit e présidait au bain hebdomadaire. Encore à présent , il demeure puisque Nf issa a accept é de se voiler pour y accompagner sa mère : "après une heure de salle chaude (…) Nf issa et Nadj ia sort aient se reposer avec Lalla Aicha dans une chambre à la t empérat ure plus douce (…) comme aut ref ois elle t ient dans sa main le même bol de cuivre, elle s’ asperge d’ eau glacée les pieds et les mains (…) comme aut ref ois menus pot ins, chaînes monot ones des récent s mariages, ou circoncisions, ou ent errement …" (A. Dj ebar, p. 143).

4 - Le Hammam espace de liberté :

Ali Ghalem quant à lui ne décrit pas le bain avec aut ant de soin et ne l e compare pas à un ensemble de rit uels. Cela est peut êt re dû au f ait qu’ il soit un homme qui, de par son ignorance de ces rit uels, n’ ose pas vraiment s’ approf ondir dans un suj et qu’ il ne connaît pas vraiment . Un aut re élément peut expliquer ce manque de descript ion : la pudeur masculine. Le hammam pour les hommes n’ a pas la même symbolique, pour eux c’ est principalement l’ endroit où l’ on se lave, ce n’ est pas le lieu des bavardages (comme c’ est le cas dans les caf és, lieu masculin par excellence au Maghreb). Les f emmes au bain se sent ent en sécurit é ent re-elles, alors que les hommes se sent ent t rès mal à l’ aise craignant le gest e ou le regard qui pourrait êt re impudique, un manque de pudeur soulignant un t ot al manque de respect . Ceci expliquerait donc le f ait que l’ aut eur ne se soit pas t rop at t ardé sur la descript ion du bain maure là où A. Dj ebar ut ilise plusieurs pages.

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Ghalem j oue sur le cont rast e Espace clos / Espace de libert é pour t émoigner de la sit uat ion de la f emme algérienne part agée ent re un désir d’ indépendance, de libert é et un ensemble de t radit ions séculaires qui l’ en prive. Le bain est t rès vit e relié à l a not ion de libert é, c’ est un endroit où le personnage principal , Fat iha, se sent en libert é car loin du cont rôle qu’ exerce sur elle sa belle-mère, loin du regard des hommes. C’ est un endroit où elle peut ret rouver ses amies et discut er, où son rapport à son corps est enf in déculpabilisé lui permet t ant ainsi d’ oublier t ous ces int erdit s, ces t abous dont elle f ait bien malgré elle l’ obj et .

Ceci rest e assez paradoxal : le hammam est un endroit clos et pourt ant il symbolise t rès f ort ement un sent iment de libert é, de dét ent e, de bien êt re : "Fat iha aimait bien aller au hammam. . . Il y régnait une at mosphère heureuse de libert é, l es conversat ions allaient bon t rain". (Ali Ghalem, p. 167).

Ce côt é exut oire rest e donc t rès présent : "on échangeait sans grande ret enue les secret s de f amilles, les conf lit s d’ int érêt s, les malheurs d’ une f emme dél aissée, l es ext ravagances d’ une aut re, les avent ures sexuelles réprouvées ; mais aucune de ces conf idences n’ ent raînait la mélancolie ; le cadre du hammam ne s’ y prêt ait pas c’ ét ait le lieu de la dét ent e, du plaisir du corps, des rires, des bavardages et des commérages". (Ali Ghalem, p. 167).

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que l’ hôpit al ét ait le lieu de la souf f rance, de la peur, et des quest ions sans réponse ? " (Ali Ghalem, p. 167).

Cet t e dialect ique hammam/ hôpit al marque une ambivalence import ant e qui mont re l’ ét at ment al des f emmes suivant le lieu où elles se t rouvent : le hammam de par sa nat ure même renvoie direct ement au sent iment de dét ent e, là où l’ hôpit al de par les souf f rances qu’ il englobe pousse les f emmes à parler des maux qui rongent leurs vies. Le personnage de Fat iha recherche cet t e "vérit é" exprimée à l’ hôpit al qu’ elle considère comme libérat rice : "Ah, si elles pouvaient êt re plus vraies, la vie des f emmes changerait plus vit e. C’ ét ait cet t e vérit é dans les rapport s, à l’ hôpit al , qui avait surpris Fat iha, et elle l’ avait aimée car elle répondait à ses exigences l es plus prof ondes". (Ali Ghalem, p. 167).

Le hammam, chez A. Ghalem, devient donc un moyen parmi d’ aut res pour parler de la souf f rance des f emmes algériennes, de leur f rust rat ion, de l eur besoin d’ exprimer leurs maux et peut -êt re ainsi de les exorciser, de les soigner. Le bain est un exut oire car lieu de dét ent e et de libert é, une libert é malheureusement t emporaire.

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Notes :

1 - Fadéla Krim : Les Hammamat es, Hist oire brève du hammam, Edit ions Dahlab, 2007, p. 10.

2 – Ibid. , p. 9.

3 - Ali Ghalem : Une f emme pour mon f i ls, Edit ions Syros, 1979, p. 167.

4 - Assia Dj ebar : Les alouet t es naïves, Edit ions Act es Sud, 1997, pp. 141 - 147. 5 - Dict ionnaire Robert 1, 1991.

6 - Dict ionnaire de sociologie, Gilles Ferreol et coll. , Edit ions Armand Colin, 3e édit ion, 2004, p. 196.

7 - Badra Mout assem-Mimouni : Les enf ant s nés hors mariage en Algérie. Evolut ion des représent at ions et de la prise en charge, Colloque int ernat ional : "Modèles de la pet it e enf ance en hist oire et en ant hropologie" organisé par UMR 208 "Pat rimoines Locaux", Inst it ut de Recherche pour le Développement (IRD), Musée Nat ional d’ Hist oire Nat urelle (MNHN) le 18 - 19 j uin 2009, Paris. 8 - Cit é par Bernadet t e Tillar : Des f amilles f ace à la naissance, collect ion Savoir et Format ion, L’ Harmat t an, Paris, 2002, p. 152.

9 - L’ aut eur de l’ art icle cit e les réf érences suivant es pour M. Augé : La t raversée du Luxembourg, Paris, Hachet t e, 1985, en part . pp. 108 - 136.

10 - Daniel Fabre : "Le rit e et ses raisons", Terrain, Numéro 8, Rit uels cont emporains (avril 1987), mis en ligne le 19 j uillet 2007.

URL: ht t p: / / t errain. revues. org/ index3148. ht ml. (2010)

11 - Soumaya Naamane-Guessous : Au-delà de t out e pudeur, EDDIF, Maroc, 1990, p. 23.

12 - Dict ionnaire Robert 1, 1991.

13 - Jean-Paul Huchon : L’ êt re social, L’ Harmat t an, 2002, p. 134.

Pour citer l'article :

 Dr Leila Dounia Mimouni-Meslem : L’ image du Hammam dans la lit t érat ure algérienne, Revue Annales du pat rimoi ne, Universit é de Most aganem, N° 11, 2011, pp. 33 - 46.

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