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LA RELIGION ET LA POLITIQUE DANS LE MAGHREB ARABE: UNE RELATION AMBIGUË

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Kacem Gharbi**

Resumo: Este artigo apresenta a relação entre religião e política, ou melhor, a ambigui-dade dessa relação em uma região geográfica específica, a do Magrebe árabe ou do norte da África. Aqui é necessária uma precisão geográfica. Atualmente, Marrocos, Argélia e Tunísia constituem a base essencial do que chamamos Ma-grebe Árabe. É por esse motivo que nos contentaremos em esclarecer o estado dessa relação entre religião e política apenas nesses três países básicos. A pre-sença da religião no espaço público tornou-se cada vez mais evidente desde os últimos vinte anos do século passado. Essa presença se tornou mais impressio-nante desde 2011, ou seja, desde os movimentos sociopolíticos de protesto no mundo árabe. Nesta região, o Islã aparece como a característica comum mais importante. No entanto, em uma região tão diversa, tanto do ponto de vista da cultura popular como politico, o impacto do Islã e sua fisionomia são diferentes de país para país. Nosso objetivo aqui é a superação do secularismo francófano e a construção de uma teologia da libertação muçulmana.

Palavras-chave: Islam. África do Norte. Religião. Política. Magreb.

D

ans cet article sur la relation entre la religion et la politique ou plutôt sur l’ambiguïté de cette relation, une précision géographique s’impose. Lorsque nous parlons du Maghreb arabe ou de l’Afrique du nord, nous parlons d’abord de la même chose, de la même région. Ensuite, nous définissons une certaine entité politique selon une délimitation géographique double, puisqu’une même région appartient géographiquement identiques mais appartenant à deux sphères culturelles et politiques différentes.

LA RELIGION ET LA POLITIQUE

DANS LE MAGHREB ARABE:

UNE RELATION AMBIGUË*

–––––––––––––––––

* Recebido em: 01.11.2019. Aprovado em: 07.11.2019.

** Filósofo e teólogo muçulmano, pesquisador do CERES (Centre de Recherches Économiques et Sociales) da Universidade de Túnis, Tunísia. E-mail: gharbiphilo@yahoo.fr

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Maghreb veut dire littéralement : le couchant. C’est-à-dire là où le soleil se couche. Comme le Machrek littéralement veut dire là où le soleil se lève. Nous citons donc deux zones d’un même environnement culturel selon la position du so-leil.

Comme nous venons de préciser, d’un point de vue géographique, le Maghreb arabe se situe au nord de l’Afrique. Ce qui lui procure une double appartenance arabe et africaine (une précision est à retenir : le nom Afrique est l’ancien nom de la Tunisie). Actuellement, le nord de l’Afrique est composé de six pays: la Mau-ritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie la Lybie et l’Égypte.

Une organisation des pays du Maghreb Arabe existe bel et bien, mais pour des raisons de divergences d’intérêts et de conflits d’États, l’Egypte n’en fait pas partie. Le résultat est que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie constitue actuellement la base

es-sentielle de ce que nous appelons le Maghreb Arabe. La Mauritanie se trouve à l’extrême entre le Maroc, le Sénégal et l’Algérie. Son poids est très faible politiquement et de fait nous avons l’impression qu’il ne fait pas partie de la zone Maghreb.

C’est pour toutes ces raisons que dans cet article, nous allons nous contenter de mettre la lumière sur l’état de la relation entre la religion et la politique dans unique-ment ces trois pays de base.

La présence de la religion dans l’espace public1 se fait de plus en plus sentir depuis

les vingt dernières années du siècle dernier. Cette présence est devenue plus imposante depuis 2011, c’est-à-dire depuis les mouvements de contestation socio-politiques dans le monde arabe.

Ces mouvements contestataires ont donnés la possibilité aux partis dits islamiques d’être au-devant de la scène politique, comme le parti de « la justice et le dé-veloppement » au Maroc ou le mouvement de la « renaissance » en Tunisie. La réaction d’une certaine classe politico-culturelle a été assez violente même parmi les

partis politiques qui pendant la dictature étaient en alliance politique avec le mouvement de « la renaissance » en Tunisie (HACHMI, 2011). Ou bien encore l’imminent historien tunisien connu par son indépendance, Temimi Abdeljalil, qui déclara que « le double langage des partis islamiques ne nous donne pas la possibilité de construire une alliance avec eux » (ABDELJALIL, 2017, p. 168). Par contre, ces mêmes partis islamiques ont acquis une notoriété certaine parmi les

pays occidentaux. Ils ont réussi à tisser un cercle de relation avec des hommes politiques, des intellectuels de droite comme de gauche et des académiciens. Face à cette situation pour le moins étrange, nous faisons face à la nécessité de se poser

certaines questions:

1. Pour quelles raisons la relation entre les partis politiques dits laïcs et les partis politiques dits islamiques s’est détériorée après les mouvements de contestation arabe à partir de 2011?

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2. Pour quelles raisons la relation entre les partis politiques occidentaux, les intellectuels…etc. avec les partis politiques dits islamiques s’est dévelo-ppée, améliorée après les mouvements de contestation arabe à partir de 2011?

3. Comment s’est développée la relation entre les différents pouvoirs politi-ques au Maghreb Arabe et les partis politipoliti-ques islamipoliti-ques? Avant 2011 et après 2011.

Bien d’autres questions peuvent être posées, comme par exemple de se poser la ques-tion sur la possibilité ou non de trouver une composiques-tion entre démocratie et religion, entre religion et sécularisme ou encore religion et laïcité.

Disons de prime abord que théoriquement cela est possible et que sur le plan pratique cela s’est réalisédans pas mal de pays islamiques. Cette alternative ne con-cerne pas uniquement le monde arabo-islamique, puisque la théologie de la libération aussi bien en occident qu’en Amérique du sud peut être comprise comme une tentative assez sérieuse de donner une réponse théorique et prati-que à la prati-question de la relation entre religion et politiprati-que.2

Cette article est une tentative de donner une réponse mais cela impliquera faire la présentation des partis politiques à réfèrent religieux mais surtout il faudra analyser la relation elle-même ambiguë entre les États et la religion dans la zone Maghreb mais pas uniquement là.

PRÉSENCE DE L’ISLAM DANS LES DIVERS ÉTATS DU MAGHREB ARABE Avant de procéder à l’analyse de la relation entre le politique et le religieux, Il est

nécessaire de dresser un tableau sur le statut de la religion islamique dans la zone du Maghreb arabe.

Dans cette région, l’islam apparait comme le trait commun le plus important. Trait com-mun du point de vue de la croyance et d’une certaine culture religieuse partagée par la plupart des citoyens. Il ne faut cependant pas oublier d’indiquer la présen-ce de plusieurs minorités religieuses dans les trois pays. Principalement quel-ques centaines de maghrébins de confession juive et une infime minorité de chré-tiens dont le nombre n’est pas connu. En Tunisie nous observons un mouvement de reconversion vers le christianisme (catholicisme et protestantisme). Jusqu’à aujourd’hui nous n’avons pas la possibilité sociologique ou scientifique de parler d’un phénomène, vu que le nombre n’est pas connu et cette reconversion se fait en cachette et dans les milieux plutôt bourgeois et de culture francophone. Par contre le judaïsme est en nette régression pour deux raisons: d’abord à cause des

multiples mouvements d’immigration juive depuis la guerre de 1967. Deuxiè-me cause, la minorité juive est généraleDeuxiè-ment une minorité close et non inté-grée et il n’existe pas un mouvement de reconversion vers le judaïsme.

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Donc, nous pouvons déclarer que l’islam est pratiquement la seule religion des trois peuples de la zone Maghreb. Il faut aussi indiquer la présence de quelques minorités au sein de l’islam lui-même notamment des Ibâdites en Tunisie et en Algérie et des shiites duodécimains dans les trois pays, mais il faut savoir que ces derniers ne sont pas reconnus officiellement comme minorités religieuses. La présence shiite existe bel et bien et un mouvement de reconversion du sunnisme (CHIABOTTI) vers le shiisme (GILLON) est assez présent dans les trois pays du Maghreb.

Cependant, dans une région aussi variée politiquement et du point de vue de la culture populaire, l’impact de l’islam et sa physionomie a différé selon les pays. Dans les régions rurales, l’islam prendra des traits populaires et mystiques, tandis que dans les villes il prendra une forme régulière, plutôt officielle. Il faut aussi préciser que la physionomie socio-politique de chacun des EÉtats est origina-le, ce qui fera de la relation entre le religieux et le politique une relation plutôt singulière et particulière dans chaque pays/État.

Prenons tout d’abord le cas du Maroc. Ce dernier est resté dans son fond et malgré l’évolution de ses élites, très traditionnel. La pratique religieuse, sauf dans la société citadine, est dominée par les manifestations de la piété mystique po-pulaire ou les nombreuses confréries, surtout en milieu berbère, jouent un rôle social important.

L’atmosphère musulmane de la Tunisie fait un vif contraste avec celle du Maroc. En Tunisie, suite à une certaine politique de l’État post-colonial, une évolution très accélérée dans les villes, mais aussi dans la plupart des milieux ruraux, l’État a donc ôté aux confréries toute importance sociale et politique et pres-que toute influence religieuse.

L’Algérie est elle aussi un cas à part, un cas réellement atypique, puisque nous obser-vons une certaine fusion entre la lutte de libération nationale et l’attachement à l’islam en tant que partie prenante de cette lutte. L’identité nationale est définie aussi par l’appartenance à l’islam.

C’est pour toutes ces raisons que nous devons considérer séparément, dans le cadre de chaque État, l’impact de l’islam sur les orientations et les activités politiques actuelles, aussi bien des États que des partis politiques islamiques. Ainsi, la vision globaliste n’est pas adéquate à la situation de l’islam dans le Maghreb et chaque pays doit être décrit de manière séparée malgré toutes les similitu-des, tel le fait que l’islam est formellement ou en fait reconnu comme la reli-gion soit de l’État soit du peuple, dans chacun de ces pays du Maghreb. LE POLITIQUE ET LE RELIGIEUX DANS LES TROIS ETATS DU MAGHREB Dans cette partie de l’article, nous allons aborder le sujet en faisant l’analyse de deux

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nous ferons la présentation de la vision des gouvernements, des pouvoirs poli-tiques, d’un autre coté nous analyserons la vision et l’approche des différents mouvements appartenant à ce que nous appelons l’islam politique.

Une première remarque s’impose: pour comprendre l’émergence et l’évolution du phé-nomène de l’islam politique dans la région du Maghreb, il est nécessaire de s’interroger sur la relation entre religion et politique dans le système politique global des États et cela plus ou moins depuis les indépendances de ces pays de la colonisation française.

Uns seconde remarque sous forme de question s’impose aussi : quelle est la relation possible entre la politique et la religion dans un pays comme le Maroc ou le roi est constitutionnellement défini comme «commandeur des croyants» ?

Une troisième remarque s’impose aussi, elle concerne l’Algérie ou l’appartenance re-ligieuse fait partie de l’identité nationale et où l’État de l’indépendance se définit, au même niveau, comme algérien, arabe et musulman.

Dernière remarque concernant le cas de la Tunisie, réputée pour une certaine forme de laïcité dans la gestion du domaine religieux.

Disons d’abord qu’aussi bien le cas tunisien que le cas marocain se rejoignent de fait sur certains points, notamment la mainmise de l’État sur l’espace religieux et sa gestion par le pouvoir politique. Le cas de l’Algérie est plutôt diffèrent, comme nous le montrerons plus tard.

LE STATUT DU RELIGIEUX DANS LE SYSTÈME POLITIQUE MAROCAIN Dans le cas du Maroc, cette situation nous permet de développer de manière assez

pro-fonde la question du rapport entre politique et religion. Il n’est pas hasardeux de dire que le cas marocain résume à lui seul l’ambiguïté de cette relation au Maghreb Arabe. Notons tout d’abord que la Nation et l’État marocains sont définis à partir de deux données: la constitution et l’islam, celui-ci étant direc-tement inscrit dans le texte constitutionnel comme domaine de la protection royale, c’est-à-dire que la gestion du domaine religieux est faite par la monar-chie elle-même.

Le monarque marocain lui-même a donc une double fonction. Une fonction politique « profane », en quelque sorte, et une fonction religieuse « sacrée » étant en même temps Roi (fonction politique) et commandeur des croyants et protec-teur de la religion (fonction religieuse). Mais il est important de préciser que dans le cas de la monarchie marocaine, le roi n’est pas un religieux. Il n’a donc pas de qualité divine et la monarchie qui se définit autour de sa personne n’est pas une monarchie de «droit divin».3

Le roi marocain tient aussi sa qualité religieuse de sa généalogie, c’est-à-dire du fait qu’il serait un descendant du prophète de l’islam. Mais cette proximité avec

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la figure prophétique n’est qu’un facteur parmi d’autres, fragile certes, mais bien exploité pour la mise en place de la légitimité politique de la monarchie.4

La monarchie marocaine finira par mettre en place un quasi-monopole de la sphère re-ligieuse. C’est suite à cela que l’influence politique des hommes de la religion ou des savants de la religion sera fortement limitée mais sans jamais disparai-tre. En même temps la monarchie va petit à petit monopoliser le domaine du politique. Nous sommes donc face à une monarchie qui a mis la main sur le religieux et le politique.

En fin de compte, la véritable institution religieuse est la monarchie et nous ne pouvons imaginer dans ce cas une séparation du politique et du religieux puisque c’est le pouvoir politique qui contrôle l’islam et qu’il fait appel à celui-ci pour cons-truire une partie de la légitimité politique du monarque.

Avec l’émergence de l’islam politique, la gestion de l’islam sera de plus en plus discu-tée et le monopole du domaine religieux par la monarchie sera affaibli. Bien sûr il va de soi que le monopole de la sphère politique sera affaibli en même temps. La concurrence et le conflit entre le monarque et l’opposition islamique se fera sur le plan religieux et sur celui de le politique.

C’est à partir des années 1970 que les données vont changer avec l’entrée en scène de l’islamisme politique. Cette nouvelle donne va modifier les rapports entre le litique et le religieux puisque pour la première fois la monarchie est ébranlée po-litiquement par l’émergence d’une contestation politique à fondement religieux. Pour contrecarrer ce nouveau phénomène, la monarchie a repris avec force son caractè-re caractè-religieux d’où l’émergence à partir de ces années-là, de ce que l’on pourrait appeler une certaine forme d’islamisme d’état. En même temps pour contre-carrer l’opposition politique, la monarchie marocaine a réalisé une certaine ouverture politique et une démocratisation relative de la vie politique. Cette ouverture politique a permis au monarque de marginaliser la frange salafiste traditiona-liste de l’islam politique représentée par Abdessalem Yassine (justice et bien-faisance)5.

Une remarque importante est à faire concernant le Maroc en particulier : nous défi-nissons l’islamisme politique comme idéologie politique fondée sur l’islam, nous pouvons dire que presque tous les partis politique, monarchie inclue, ont un lien avec l’islamisme politique. La religion est bien présente dans le voca-bulaire politique marocain même au sein des partis de la gauche marocaine. Nous sommes dans l’obligation de signaler que cette situation au Maroc a permis l’émergence d’une certaine forme de théologie de la libération dans le cercle politique de gauche, principalement trotskiste.

De manière assez restreinte disons qu‘actuellement l’islamisme politique marocain se partage entre deux formations qui se distinguent par leur stratégie vis-à-vis de la participation au processus électoral. Nous avons la possibilité de déclarer

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suite à cela que la division de l’islamisme marocain sur le comportement à adopter vis-à-vis de la monarchie est le signe d’un véritable débat sur la légiti-mité du système politique en place. En ce sens nous pouvons dire qu’une par-tie de l’islamisme politique est véritablement entré dans l’âge de l’intégration politique, cher aux milieux politiques néo-libéraux occidentaux.

Le système marocain a pu ainsi échapper aux scénarios qui se sont déroulés an Algérie par l’émergence de la violence politique religieuse en Tunisie avant 2011 avec le choix autoritariste de Ben Ali.

Une question importante se pose: qui a récupéré qui ?

Nous pouvons dire qu’avec le Roi Hassan II, il y a la mise en place d’une politique qui s’appuie sur une « politique où la religion détient un rôle, une fonction plus importante dans le but d’affronter les salafistes et les isolés, alors qu’avec son fils, le Roi Mohammed VI, nous remarquons plus d’insistance sur les réfor-mes politiques dans le but de récupérer l’islam politique. Ce dernier, dans sa politique de compromis avec la monarchie, va se charger de la politique de marginalisation de la frange islamiste salafiste.

En fin de compte, nous estimons que c’est le système monarchique qui a récupéré l’islam politique pour consolider son pouvoir.

L’ISLAM ET L’ISLAM POLITIQUE EN TUNISIE

De tous les états du Maghreb Arabe, la Tunisie est sans aucun doute le pays le plus «aty-pique». Ce particularisme du régime politique tunisien issu de l’indépendance allait être largement cultivé par la mise en œuvre d’une politique résolument novatrice qui devait non seulement promouvoir la modernisation de la société tunisienne, mais aussi permettre de soustraire la Tunisie à l’influence des mou-vements traditionalistes venant de l’orient (mashrek) Arabe.

Cet engagement en faveur de la modernisation devait déboucher sur une confrontation directe, frontale, entre le système politique et le système religieux. Mais force est de constater que l’État tunisien ne saurait à proprement parler être assimi-lé à un état laïque. La réalité de la Tunisie nous conduit plutôt à relever une présence institutionnelle de l’islam, certes strictement encadrée mais présente. Il est facile à partir de là de constater que l’islam est bel et bien la religion de l’État tunisien. Comme exemple, l’appartenance à la religion musulmane figure explicitement dans la constitution comme condition de droit pour être éligible à la fonction de président de la République. L’article Un des consti-tutions de 1956 et de 2014 déclare clairement que l’islam est la religion de l’état : «La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime. Le présent article ne peut faire l’objet de révision.»6

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On est donc loin de renvoyer à une quelconque forme de séparation institutionnelle en-tre la religion et l’État. L’État tunisien naissant et celui de la post-révolution de 2011 a mis sur pied une véritable administration du culte. Mais il faut remar-quer que la cible est la maitrise de l’initiative religieuse plus que la maitrise de la religion elle-même.

L’originalité de la politique suivie par le pouvoir politique en direction de l’islam con-siste en une alchimie combinant des accents anticléricaux avec une certaine forme de modernisme religieux. Cette idéologie politique ou plutôt cette vi-sion politique se définit non pas comme une défiance généralisée à l’égard de tout sentiment religieux mais comme la volonté de contrecarrer l’islam--institution et non pas l’islam-religion.

Le pouvoir faisait en sorte de justifier ses réformes à partir d’une interprétation libérale de la loi religieuse. Cette interprétation ne pouvait manquer de coïncider avec les intérêts politiques et économiques du pouvoir tunisien, aussi bien celui de l’indépendance que celui de la révolution de 2011.

A partir des années 1970-1980 un changement va commencer à apparaitre, les rela-tions entre le politique et le religieux vont évoluer dans un sens nettement plus favorable aux interprétations les plus conservatrices de l’islam. Pendant cette période, la Tunisie a vécu la montée des mouvements de gauche et dans le but de ralentir leur influence, le pouvoir va prendre position en faveur des lectures traditionalistes pour garantir une alliance implicite avec le nouveau mouvement islamique. Nous prenons comme exemple l’interdiction par un décret ministériel du mariage mixte, c’est-à-dire le mariage entre une tunisien-ne musulmatunisien-ne et un étranger non musulman. (À partir de 2014 ce décret sera annulé.)7 Le second exemple que nous citons concerne la célébration officielle

par l’État de toutes les fêtes religieuses, mêmes les plus secondaires.

Comme dans le cas du Maroc, nous sommes face à un pouvoir politique qui utilise la religion comme moyen politique pour consolider son pouvoir.

Qu’on est-il du mouvement islamique lui-même ?

Il faut savoir que ce mouvement – à la différence des autres mouvements de l’islam politique en orient Arabe- est plutôt pragmatique dans sa manière de procéder. C’est pour cela qu’il profitera du début d’ouverture politique du régime au début des années 80 pour demander de se «légaliser dans un parti politique» et sortir de la clandestinité. Et malgré toute la répression qu’il a connue au début des années 80 puis en 1987 puis de 1991 jusqu’à 2011, ce mouvement ne s’est pas engagé dans des actes de violence ou de terrorisme.

Le sens pragmatique de ce mouvement va lui permettre de mettre la main «démocra-tiquement» (c’est-à-dire après des élections libres) sur le gouvernement après le changement de régime en 2011. Et depuis 2014 il gouverne lentement mais suûrement en étroite collaboration avec les représentants de l’ancien régime.

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Reposons la question de tout à l’heure: qui a récupéré qui? Est-ce le mouvement isla-mique ou l’ancien-nouveau régime ?

La réponse est claire: cette cohabitation avec l’ancien régime n’est pas contre nature mais plutôt elle est dans la logique du néolibéralisme qui privilégie les com-promis politiques.

Le problème que nous vivons maintenant est le début de transfert du compromis politi-que vers un compromis social qui va éliminer les conflits de classe. Cela dans l’intérêt du régime politique et des institutions internationales qui le soutien-nent et qui encourage le transfert du compromis du politique au social.

SALAFISME, ISLAM POLITIQUE ET POUVOIR ALGERIEN

Commençons tout d’abord par dire que le cas algérien est plutôt singulier. Les cas marocain et tunisien se ressemblent sur plusieurs points, principalement sur l’adhésion par l’État et les partis politiques islamiques au néo-libéralisme. Cette adhésion a permis le grand compromis politique que nous vivons depuis 2011.

Comme nous l’avons mentionné au début de cet article, la religion islamique est une partie essentielle de l’identité du mouvement de la libération nationale algé-rien (BEGHOURA, 2005). Seconde spécificité de l’Algérie, son socialisme. Dès le début de l’indépendance nationale, l’État algérien prônait le socialisme d’état mais un socialisme qui se légitime par et à travers la religion islamique. C’est une lecture socialiste de l’islam. D’après cette interprétation (d’ailleurs assez intéressante dans la perspective de la théologie de la libération), l’islam est une religion socialiste. Ici le socialisme est d’une certaine manière une doctrine religieuse. Un peu à la manière de la théorie sociale de l’Église. L’État algérien n’utilise pas la religion pour consolider son pouvoir, mais bien au

con-traire, il considère l’Islam comme fondement de son identité nationale et de son identité socialiste (BEGHOURA, 2005, p. 121).

Par contre la relation de l’Etat algérien depuis l’indépendance a eu une relation plutôt conflictuelle avec les mouvements religieux islamistes. L’État national après l’indépendance a interdit les partis politiques islamiques, mais il a quand même, entre 1962 et 1966, permis la création et la légalisation de «L’association des valeurs» qui est une association islamique de défense d’une certaine concep-tion des valeurs islamiques mais d’obédience plutôt salafiste. Cette associaconcep-tion a été interdite en 1966 quand l’État algérien a eu vent de l’influence du salafis-me venant de l’orient arabe dans les rangs des dirigeants de cette association (ROCHERIEUX, 2001, p. 27).

A partir des années soixante-dix, l’influence du salafisme devient de plus en plus im-posante. Le salafisme oriental, surtout saoudien, a réussi à s’introduire parmi

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la jeunesse algérien en même temps que les débuts des échecs du modèle so-cialiste algérien.

Le salafisme algérien a, par la suite, profité de l’ouverture politique et de la fin du rêve socialiste pour se convertir en parti politique et gagner d’abord les élections municipales. Sous la bannière du FIS (Front Islamique de Salut), il a su fiter du désarroi de la jeunesse algérienne pour gagner ces élections sans pro-poser un nouveau projet de société. Dans une dynamique de victoire, le FIS a gagné le premier tour des élections législatives en 1991. Entre les deux tours, l’armée algérienne intervient par un coup d’État. Les années de terreur com-mencent, plus de 250.000 morts et des dizaines de milliers de disparus jusqu’à aujourd’hui (GUERRE, 2016).

L’Algérie sera pendant une bonne dizaine d’année prisonnière d’une armée qui ne veut pas quitter le pouvoir et d’une opposition salafiste sanguinaire qui voudrait bien profiter de la démocratie pour atteindre le pouvoir. Mais c’est une utili-sation unique.

Il faut aussi mentionner que d’autres partis islamiques existent en Algérie. Mais ce sont des partis salafistes non violents et faisant partie de la coalition au pouvoir depuis plus d’une vingtaine d’années. À cause de cette alliance et suite aux échecs économiques et sociaux de l’État, ces partis ont vu leur influence sur la rue s’amoindrir de jour en jour.

L’Algérie est singulière dans son socialisme, dans sa relation avec la religion et dans son salafisme violent.

En conclusion, cet article a essayé de présenter trois modèles de relation entre la re-ligion et la politique au Maghreb Arabe. Notre objectif est et sera toujours le dépassement du laïcisme francophone et la construction d’une théologie de la libération musulmane.

RELIGION AND POLITICS IN THE ARAB MAGHREB: AN AMBIGUOUS RELATIONSHIP

Abstract: This article presents the relationship between religion and politics or rather the

ambiguity of this relationship in a particular geographic region, that of the Arab Maghreb or North Africa. Here a geographical precision is necessary. Morocco, Algeria and Tunisia currently constitute the essential basis of what we call the Arab Maghreb. For this reason we will be content to shed light on the state of this relationship between religion and politics in only these three basic countries. The presence of religion in the public space has become more and more evident since the last twenty years of the last century. This presence has become more impressive since 2011, that is to say since the socio-political protest movements in the Arab world. In this region, Islam appears as the most important common

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trait. However, in a region as politically diverse and popular culture’s point of view, the impact of Islam and its physiognomy has differed from country to coun-try. Our objective here is the overcoming of French-speaking secularism and the construction of a theology of Muslim liberation.

Keywords: Islam. North Africa. Religion. Politics. Maghreb. Notas

1 Dans cette article, nous avons utilisé le concept « espace public » tel qu’utilisé par Jürgen Habermas (1988).

2 Voir https://arabi.ahram.org.eg un article sur cette question ; http://english.ahram.org.eg/ Portal/1/Egypt.aspx.

3 Cette situation mérite une certaine explication étant donné que la définition du droit divin est elle-même ambiguë: «On appelle monarchie de droit divin un régime non démocratique dans lequel le pouvoir du monarque est considéré comme émanant de la volonté d’une divinité. En se présentant comme “investi par Dieu” et n’ayant de compte à rendre qu’à celui-ci, le monarque peut ainsi justifier le caractère absolu de son pouvoir qui n’est partagé avec personne et n’admet de limites que celles fixées par la divinité. Une monarchie de droit divin est donc une monarchie absolue.» http://www.toupie.org/Dictionnaire/Monar-chie_droit_divin.htm

4 Cette définition peut aussi englober le statut du Roi marocain : Le droit divin est en général fondé sur l’hérédité avec l’idée que Dieu choisit le monarque par la règle de succession. Le régime peut aussi trouver sa légitimité en s’appuyant sur la Coutume (Lois fondamen-tales du royaume) qui doit être respectée et qui tempère le pouvoir. http://www.toupie.org/ Dictionnaire/Monarchie_droit_divin.htm

5 Al Adl Wal Ihsane (littéralement : Justice et Bienfaisance ou Justice et Spiritualité) est un mouvement islamique marocain créé en 1973 par Abdessalam Yassine. Ancien inspecteur du ministère de l’Éducation nationale marocain, il fut initialement membre de la Zaouiya al Boutchichia, une confrérie soufie qu’il quitta après en avoir déploré l’évolution et aussi parce qu’il fut écarté de la succession à la fonction de chef de confrérie après la mort de ce dernier au profit de son fils. Yassine fut fortement influencé à ses débuts par la pensée de Sayyid Qutb, il considère que la société marocaine vit dans la fitna (division) sous un régime de jâhilîya (ignorance). https://fr.wikipedia.org/wiki/Al_Adl_Wal_Ihsane

6 http://www.legislation.tn/sites/default/files/news/constitution-b-a-t.pdf

7 Les Tunisiennes musulmanes pourront dorénavant se marier avec des non-musulmans. La circulaire de 1973 qui encadrait l’union des Tunisiennes était en totale contradiction avec la Constitution adoptée en 2014. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/09/15/la-tunisie-met-fin-a-l-interdiction-du-mariage-avec-des-non-musulmans_5185969_3212.html Referências

ABDELJALIL, Temimi. Défendre la révolution tunisienne. Edit: Fondation Temimi de recher-che scientifique, Tunis 2017. (La traduction est notre)

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1, p. 121-132, 2005. Disponível em: https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2005-1-pa-ge-121.htm. Acesso em: 06 out. 2019.

CHIABOTTI, Francesco. Qu’est que le sunnisme? Vous Avez dit Arabe, Institut du Munde Arabe, s/d. Disponível em : https://vous-avez-dit-arabe.webdoc.imarabe.org/religion/sunnisme-chiisme-et-soufisme/qu-est-ce-que-le-sunnisme. Acesso em: 06 out. 2019.

GILLON, Fârès. Quelles son les particularités du Chiisme? Vous Avez dit Arabe, Institut du Munde Arabe, s/d. Disponível em: https://vous-avez-dit-arabe.webdoc.imarabe.org/religion/ sunnisme-chiisme-et-soufisme/quelles-sont-les-particularites-du-chiisme. Acesso em: 06 out. 2019. GUERRE CIVILE ALGÉRIENNE. Jan. 2016. Disponível em: https://fr.wikipedia.org/wiki/ Guerre_civile_alg%C3%A9rienne. Acesso em: 06 out. 2019.

HACHMI, Troudi. Revue le Maghreb, du 06-10-2011, Tunisie.

HABERMAS, Jürgen. L’espace public: archéologie de la publicité comme dimension constitu-tive de la société bourgeoise. Paris: Payot, 1988.

ROCHERIEUX, Julien. L’évolution de l’Algérie depuis l’indépendance. Cairn Info, v. 14, n. 1, p. 27-50, 2001. Disponível em: https://www.cairn.info/revue-sud-nord-2001-1-page-27.htm. Acesso em: 06 out. 2019.

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