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En marge du dossier sur l’empathie en anthropologie Entretien avec Jeanne Favret-Saada réalisé par Cyril Isnart

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114-115  (2008)

L’empathie en anthropologie

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Jeanne Favret-Saada et Cyril Isnart

En marge du dossier sur l’empathie en

anthropologie

Entretien avec Jeanne Favret-Saada réalisé par Cyril

Isnart

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Référence électronique

Jeanne Favret-Saada et Cyril Isnart, « En marge du dossier sur l’empathie en anthropologie », Journal des

anthropologues [En ligne], 114-115 | 2008, mis en ligne le 01 décembre 2009, consulté le 04 juillet 2013. URL :

http://jda.revues.org/323

Éditeur : Association française de anthropologues http://jda.revues.org

http://www.revues.org

Document accessible en ligne sur : http://jda.revues.org/323

Document généré automatiquement le 04 juillet 2013. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier.

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Jeanne Favret-Saada et Cyril Isnart

En marge du dossier sur l’empathie en

anthropologie

Entretien avec Jeanne Favret-Saada réalisé par Cyril Isnart

Pagination de l'édition papier : p. 203-219

Questions de méthode

1 Cyril Isnart – Quelle était votre position méthodologique durant vos enquêtes au Maghreb, avant que vous ne vous engagiez dans l’enquête de la sorcellerie du Bocage ?

2 Jeanne Favret-Saada – Quand j’ai commencé à aller sur le terrain, après l’indépendance de l’Algérie (automne 1962), j’avais derrière moi trois ans de vie dans ce pays en guerre. De l’ethnologie, je n’avais qu’une connaissance livresque, puisque je n’avais pu que l’enseigner à la fac. Outre les grands auteurs français (Mauss, Lévi‑Strauss…) et l’ethnologie coloniale du Maghreb, j’avais beaucoup lu d’anthropologie anglo-américaine sous la direction amicale d’Ernest Gellner. Ma «  position méthodologique  » aurait été on ne peut plus classique si la situation l’avait été : l’ethnologie n’avait pas de méthode pour étudier un pays en pleine révolution. J’ai fait autant de recherche que j’ai pu, pendant deux ans, dans des conditions incroyables pour un fonctionnaire de la recherche. Impossible de faire des projets et même de résider longtemps où que ce soit : parfois, il fallait partir au bout de trois jours. Mais j’étais tout le temps avec des paysans et j’avais une connaissance différenciée et historicisée des régions. Gellner était bien le seul ethnologue au monde à croire que je pourrais faire de la « science » avec mes notes sur ces épisodes discontinus et, sans sa confiance, je n’aurais pas osé publier une ligne.

3 C.I. – Qu’entendez-vous pas « une connaissance différenciée et historicisée » ? Est-ce que vous voulez dire que la connaissance livresque est différente de la connaissance issue de la pratique du terrain ? Est-ce que cela implique que la connaissance livresque et érudite est néanmoins nécessaire à l’établissement d’une connaissance en général ?

4 J.F.-S. – Oui, « la connaissance livresque et érudite » est nécessaire ! Mes prédécesseurs coloniaux en Algérie avaient certes un biais idéologique parfois énorme (leurs distinctions dans les structures politiques entre Berbères et Arabes, ou nomades et sédentaires), ils avaient appris quelque chose qui pouvait au moins me servir de point de départ. J’ai découvert la relativité de leurs distinctions sur le terrain et je me suis employée à les critiquer. Reste que ces coloniaux (des officiers, des juges, des administrateurs) avaient beaucoup vu, depuis leur position sociologique et politique : il aurait été stupide de jeter ces travaux à la poubelle sous prétexte que leurs auteurs n’étaient pas nés au bon moment !

5 C.I. – L’anthropologie française de l’Europe, qui s’est un temps réclamée de Claude Lévi-Strauss, a pris en charge, à sa manière, l’héritage des folkloristes, en lui appliquant un traitement très objectivant à travers un usage comparatif des données brutes et en leur donnant un statut de source pour traiter la longue durée de la culture. Comment vous placez‑vous dans ce rapport de filiation ?

6 J.F.-S. – Ces auteurs démontrent de façon convaincante l’existence de réseaux de relations entre des signifiants culturels apparemment hétéroclites, et la continuité de ces réseaux bien après l’effondrement de la société « coutumière ». Mais bien que j’admire leur infatigable ingéniosité, leurs analyses ne satisfont pas ma curiosité et elles me paraissent fondées sur des a priori philosophiques que je ne partage nullement. Voyez la notion de société « coutumière » : ils assurent qu’elle s’est perpétuée durant cinq à neuf siècles mais, telle qu’ils la constituent, elle paraît incréée ; ou bien elle l’a été, mais par un big bang analogue à l’improbable passage lévi‑straussien de la nature à la culture. Bref, ces auteurs témoignent d’une indifférence massive pour la variation historique : leur culture « coutumière » est un état perpétuel, un arrangement de « représentations » si génial que les conflits, s’il y en a, viennent d’ailleurs. Mais d’où ? Leurs analyses semblent déconnecter le registre de la représentation mentale de

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tout ce qui fait vivre et mourir les humains : les discordes, les passions et les intérêts, les pratiques, les variations, les hasards…

Prenez par exemple le livre si astucieux de Claudine Fabre‑Vassas, La Bête singulière : les juifs, les chrétiens et le cochon (1993) et comparez‑le avec Le Christianisme et ses juifs, 1800‑2000, que j’ai écrit avec Josée Contreras (2004). Notre livre est tenu pour étranger à l’anthropologie (voir le silence des revues spécialisées à son sujet), mais tout de même on peut y réfléchir.

Claudine Fabre‑Vassas décrit l’antisémitisme chrétien comme du représentationnel, du verbal ou du rituel. Or nous montrons qu’il a été toujours articulé sur des politiques (bien sûr, culturelles de part en part, mais qui doivent être décrites dans leurs variétés et leurs variations) et sur des pratiques dont beaucoup ne relèvent pas du rituel (un pogrom, c’est du symbolique, mais on peut aussi le considérer comme un événement historique). À propos des polémiques sur la Passion d’Oberammergau en Bavière, nous montrons dans quels conflits sont pris les termes de « tradition » ou de « rituel » : conflits dans les Églises, conflits historiques (le nazisme et ses suites), conflits politiques nationaux et internationaux, conflits entre coteries intellectuelles ou militantes, conflits dans les sciences sociales… Josée Contreras et moi n’avons ni expliqué ni même décrit dans son entier le fait « antisémite » chrétien, mais nous nous sommes demandés sérieusement ce qui manquait à une anthropologie comme celle de Claudine Fabre‑Vassas.

Le rapport à l’autre

7 C.I. – Pour quelles raisons le lien entre ethnographe et « autochtone » n’est jamais montré dans la littérature scientifique comme un complexe d’affectation réciproque, mais plutôt comme un rapport d’objectivation sur le terrain ?

8 J.F.-S. – Parce que l’anthropologie, même dans ses tentatives les plus humanistes, a toujours reconduit un présupposé d’asymétrie entre l’ethnographe et son objet. Au temps des colonies, cet objet était inférieur. Par la suite, ce paternalisme a été remplacé par une épistémologie de la distance, qui prétendait protéger le chercheur contre l’affectation par autrui. Le tout, facilité par une philosophie dualiste affirmant ad nauseam le primat de la représentation.

9 C.I. – Peut‑on dire alors que « l’invention des représentations » (issue des Durkheimiens en partie) est un dispositif scientifique – et idéologique ? – qui reproduit, en effaçant les affects du terrain, l’objectivation, la distanciation, la fabrique de l’altérité, le grand partage ? Cela semble le cas des « représentations » observées par les psychologues sociaux qui disposent d’un régime de scientificité fondé sur la procédure expérimentale.

10 J.F.-S. – Durkheim lui‑même s’inscrit dans une tradition philosophique dualiste qui postule une hiérarchie entre la raison et l’affect. Quand ce dualisme se transfère au cas des relations entre l’ethnographe et l’« autre », celui‑ci tombe automatiquement du côté de l’affect, de la non-raison, etc.

11 C.I. – Mais comment l’ethnographe de la sorcellerie a‑t‑elle fait pour se déprendre de ses pièges car, comme pour tout ethnologue héritier, quoi qu’il en dise, d’outils coloniaux, la nuance est subtile entre la distinction, au sens bourdieusien, et la différenciation de son propre savoir avec le savoir des autres ? Est‑ce seulement une affaire de précaution oratoire ? 12 J.F.-S. – Pour se déprendre de ses pièges, un seul moyen, une position épistémique, plutôt :

réaliser que, quoi que nous sachions (ou croyions savoir), c’est bien parce que nous ignorons quelque chose d’essentiel au sujet d’autrui que nous partons sur le terrain. Et quoi d’essentiel ? Eh bien, justement, impossible de le savoir d’avance. (Cela n’empêche pas de présenter un projet de recherche à son labo, à condition d’y croire le moins possible).

Une anecdote. Lors d’un passage à Paris (je vivais alors en Algérie sans avoir fait de terrain), j’ai été conviée à rencontrer Margaret Mead. La gorge serrée de timidité, je me suis rendue dans un salon du VIIe arrondissement. La grande dame m’a assailli de questions sur les observances des juifs de Tunisie, groupe dont je suis issue. Elle avait construit ce questionnaire en croisant ses connaissances générales sur le judaïsme avec les travaux d’une ethnologue israélienne. Une interlocution minimale avec moi ou deux minutes de réflexion sur le fait que son informatrice supposée enseignait en fac, parlait l’anglais et avait été invitée dans ce salon parisien auraient

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dû lui faire soupçonner que l’indigène de service avait quitté sa grotte de sauvage ou son ghetto depuis longtemps, et ses ascendants avant elle. (Et aussi : que seuls, parmi les juifs de Tunisie, les « pauvres » avaient émigré en Israël et conservé un lien vivant avec leur religion). Bref, j’ai été incapable de répondre à la célèbre ethnologue, que cette rencontre avec une informatrice récalcitrante a exaspéré.

Quand ensuite j’ai commencé à travailler, mon premier principe a été : puisque nous ignorons quelles sont les bonnes questions, commençons par nous taire et par comprendre de quoi ils parlent entre eux, quelles sont pour eux les questions pertinentes. J’avais en tête mes lectures de l’ethnologie coloniale, mais je me taisais jusqu’à ce que j’aie senti comment me glisser sans violence dans le jeu ordinaire de leurs préoccupations. L’idée était que, malgré mon savoir encyclopédique, j’ignorais par principe ce qu’il serait important de connaître.

13 C.I. – Réfléchir sur l’empathie en anthropologie, c’est pour la plupart des ethnologues exercer une sorte de retour sur l’expérience ethnographique, pour comprendre comment les relations se sont nouées, c’est prendre le rapport à l’autre comme un instrument de travail, en mettant parfois de côté les dimensions de regret, de remords, d’ironie, de mensonge, d’affection, d’amitié ou de distance qu’implique la distanciation de la position de l’ethnographe.

14 J.F.-S. – Plusieurs remarques. D’abord, « l’empathie », quelque sens qu’on lui donne, ne saurait être qu’une affectation réciproque et non la relation entre deux îles séparées par une mer. Ensuite, la dimension affectuelle des relations entre ces deux entités est permanente en ethnologie : bien sûr la confrontation ethnologique n’est pas la réflexion sur des notes ou l’écriture d’un livre, mais personne, jamais, où que ce soit, ne saurait être désaffecté. Enfin, votre liste des affects ressentis par le savant est étrangement limitée : où sont la colère, la rage, la peur, l’humiliation, le désespoir ?

15 C.I.  –  Dans le «  Repérage  » de Corps pour corps, vous décrivez vos premiers pas ethnographiques dans le Bocage, ce que l’on peut appeler une entrée sur le terrain, comme une suite de prises de contact décevantes avec des notables qui repoussent l’idée de l’existence de la sorcellerie, et comme une observation ethnographique « flottante », vous laissant « couler dans les habitudes villageoises ». Pourquoi cette manière d’entrer sur le terrain est‑elle apparue efficace pour votre démarche et votre objet de recherche ?

16 J.F.-S. – Au tout début, les propos des notables et des érudits locaux du Bocage m’ont déçue puis exaspérée. Deux mois plus tard, je les ai reliés aux discours de la presse et de la psychiatrie sur la sorcellerie, et ils m’ont vivement intéressée car ils démontraient l’existence d’un discours «  national  » sur la sorcellerie, d’une idéologie rationaliste officielle qui condamnait les ensorcelés et leurs désorceleurs. Je rencontrais ainsi du « global » au cœur même du « local », chez l’instituteur, le médecin, le curé, certains paysans… D’autre part, je ne crois pas avoir pratiqué une « observation ethnographique flottante », car la chose est impossible : la notion d’observation implique l’idée d’une surveillance attentive, d’un examen systématique. Disons que j’ai vécu sur place, sans enquêter frontalement sur la sorcellerie, mais en me mêlant aux bavardages ordinaires, qui portaient souvent sur le malheur, la maladie, la mort, la répétition… Une fois que j’ai pu produire des commentaires corrects de ces situations et donc participer aux conversations, j’ai osé de prudentes incursions dans ce qui me paraissait être le domaine de la sorcellerie. Une famille paysanne m’a alors raconté, avec une grande émotion, une histoire arrivée à ses anciens voisins. La rencontre, ensuite, avec des gens capables de me dire « Moi, j’ai été ensorcelé » fut le fruit de ma détermination, de cet apprentissage mais aussi du hasard.

Comment parler des autres

17 C.I.  –  Vous expliquez dans «  Être affecté  » que l’empathie ne qualifie pas justement votre démarche ethnographique, mais est‑ce seulement parce que ce concept implique une distanciation durant l’enquête ?

18 J.F.-S. – L’emploi de ce terme « empathie » devrait être abandonné en anthropologie parce qu’il a deux significations contradictoires. Veut‑on parler d’une communication immédiate par fusion affective ou d’un déplacement mental, imaginé, de sa propre place à celle de l’autre ? Sans compter une bonne douzaine d’autres notions (la sympathie pour autrui, etc.) que les ouvrages récents sur «  l’empathie  » s’acharnent à examiner. Du point de vue conceptuel,

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« empathie » est dans le même cas que « antisémitisme » : un terme polysémique dont on voudrait bien faire un terme analytique parce qu’on ne peut pas s’empêcher de l’employer. Eh bien non, il faut s’astreindre à préciser ce qu’on a en tête.

19 C.I. – C’est un problème des sciences sociales : le recouvrement de la langue naturelle et de la langue censée en rendre compte. Comment avez‑vous négocié ce recouvrement dans vos propres travaux ?

20 J.F.-S. – Oui, c’est un problème général totalement irrésolu, mais dans chacun de nos travaux, nous devons en proposer une solution particulière. Je ne crois pas nécessaire de construire une langue savante car ce serait oublier que les livres d’ethnologie ne sont pas destinés aux seuls professionnels. Nous avons besoin d’un vocabulaire spécifique, par exemple pour décrire les rapports de parenté, et de concepts généraux pour désigner l’objet de notre travail. Mais la plupart de ces concepts ne sont que des termes polysémiques : comme disait Sperber, ils amalgament plusieurs significations qui ont entre elles un vague air de famille, si bien que nos débats théoriques sont désespérément confus. Une seule méthode pour l’éviter : se demander, à chaque occurrence de tel terme dans un texte, ce qu’il ne désigne pas ; quand on en est incapable (voyez « observation participante »), c’est qu’il ne s’agit pas d’un concept. Il faut alors interroger le débat théorique en cause : qui donne quel contenu à ce supposé concept ? Pourquoi ? Bref, faire la liste de ses significations, c’est‑à‑dire remplacer ce mot qui n’est pas un concept par d’autres, y compris par des périphrases.

Nous avons dû affronter ce problème, dans Le Christianisme et ses juifs, avec le mot « antisémite » : impossible de l’utiliser comme un terme analytique, même s’il est reçu comme tel dans les sciences sociales. Sauf que chaque auteur a sa petite idée sur la question de savoir qui, ou ce qui est « antisémite » : il y a un accord général sur Hitler et le nazisme, mais pour les Églises chrétiennes ? Le lecteur est alors projeté dans de grandes batailles idéologiques que livrent aussi, mine de rien, les historiens, sociologues et ethnologues. Nous avons choisi de traiter « antisémite » comme un terme polémique du langage indigène et donc d’en faire une citation, de l’inscrire entre guillemets – en nous imposant de qualifier avec précision les situations que nous décrivions. De même, dans Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins, j’ai spécifié d’emblée en quel sens j’employais les termes situant les acteurs de la crise. Et pour la sorcellerie, j’ai identifié un discours officiel ou public (auquel Lévi‑Strauss s’est laissé aller sans réfléchir, un jour où il préfaçait un travail sur la sorcellerie en Berry), distinct de ce qu’un ethnologue responsable devrait penser.

21 C.I. – Comment ce recouvrement se manifeste‑t‑il dans l’autre champ que vous avez exploré, la psychanalyse ?

22 J.F.-S. – Freud et les multiples groupes de psychanalyse se sont acharnés à forger des concepts théoriques qui tranchent sur la langue naturelle, au point qu’on ne peut prendre connaissance de la psychanalyse sans l’aide de dictionnaires spécialisés. Malheureusement, cette mise à distance du parler ordinaire vient de la prétention à faire passer la psychanalyse pour une « science » nouvelle : Freud l’a voulue sur le modèle de la physiologie, Lacan sur celui d’une linguistique dont la « théorie » mimerait les processus inconscients.

23 C.I. – Plus généralement, quels ont été les apports de ces deux sortes d’« écoute » de l’autre – et de soi – à votre méthode d’exploration du réel ?

24 J.F.-S. – Je n’aime pas parler d’écoute, cela situe les protagonistes d’une psychanalyse ou du terrain ethnographique de façon exagérément asymétrique. Mieux vaut parler de « présence à », d’« attention flottante » : le thérapeute laisse flotter son petit moi pour que le patient puisse le tripoter et le modeler à son idée ; l’ethnologue laisse flotter ses repères et abandonne à l’indigène le soin de désigner la place qu’il est censé occuper – une place inconnue du chercheur, dans un système de places qui fait précisément l’objet de l’enquête. Mais cette situation est plus banale que les postures avantageuses de l’analyste et de l’ethnologue ne le laissent supposer : il en va de même dès lors qu’on accepte de se déplacer sans préjuger de soi, un transport de soi – aussi bien dans la nature que dans le rapport amoureux.

25 C.I. – L’anthropologie a‑t‑elle pour but une sorte d’herméneutique des cultures ? Autrement dit, est-ce une vision naïve des spécialistes de l’anthropologie culturelle comme C. Geertz que de croire possible une «  lecture par-dessus l’épaule de l’autre  » (1973  : 215) de ses

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représentations culturelles et de son système symbolique en se fondant sur des éléments d’observation qu’ils soient explicites ou implicites ?

26 J.F.-S. – La métaphore de Geertz ne vaut pas un clou, allez savoir pourquoi elle a tant de succès et depuis si longtemps. La « culture » n’est pas un livre, mais un être vivant qui ne cesse de se modifier (Sahlins l’a si bien montré) ; « l’informateur » lui‑même ne prétend pas citer une bible parce qu’il sait bien que la « culture », c’est partout et tout le temps ; quant à prétendre lire ce « livre » par‑dessus l’épaule de l’indigène, cela dit seulement que l’ethnologue a été nourri avec du bon lait et des corn flakes dans sa prime enfance, et qu’il dépasse l’indigène d’une tête. 27 C.I. – Dans quelle mesure la pratique du terrain devrait‑elle dépasser le niveau d’une exégèse surplombante aussi documentée qu’elle puisse être, comme le font, parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, les historiens tributaires de leurs sources et non d’une expérience de rencontre ?

28 J.F.-S.  –  Il n’entre pas dans la définition de l’exégèse qu’elle soit surplombante  : c’est même plutôt l’humilité qui est la règle dans les commentaires des grands textes religieux. Au demeurant, ni l’historien ni l’ethnologue ne sont des exégètes. Le premier, parce qu’il ne commente pas un texte mais une infinité de sources, et qu’il construit un récit (histoire « événementielle ») ou une analyse. Le second, l’ethnologue, parce qu’il ne dispose pas d’un livre sacré de la culture  : il produit des commentaires, mais aussi des interprétations, des descriptions, des récits, des généralisations... Quant à la position de surplomb, elle n’est que comique dans les deux cas : par définition, l’ethnologue même après vingt ans de terrain en sait moins que le moindre indigène sur la culture ; et l’historien est dans une situation encore plus précaire, menacé qu’il est par la découverte d’archives nouvelles.

Au demeurant, pourquoi opposez-vous historiens et ethnographes  ? Voyez l’exemple magnifique de Marshall Sahlins qui, après une première période de travail sur le terrain, a plongé dans les archives des îles du Pacifique. Ce qui est ou non ethnologique, ce sont les questions qu’on pose, non la nature des informations. Sahlins s’est demandé comment les Hawaïens s’étaient représentés la mort du capitaine Cook : question minuscule, qui l’a entraîné dans une enquête de plusieurs années, un peu auprès d’êtres humains vivants, beaucoup dans des archives. Dans Le Christianisme et ses juifs, nous sommes parties d’une question ridiculement étroite : pourquoi les adversaires chrétiens de la Passion d’Oberammergau, à partir de 1930 (une poignée de gens), lui ont-il reproché son « antisémitisme » et non son « antijudaïsme » ?

L’écriture ethnologique

29 C.I. – Vous insistez sur la temporalité longue du travail ethnographique et sur la nécessité du travail a posteriori sur les notes de terrain. Quelle différence faites-vous entre ces deux régimes de l’ethnologie ?

30 J.F.-S. – Plutôt que de « régimes », terme qui évoque une organisation, un programme, je préfèrerais parler de « moments » de la recherche. Dans « Être affecté », j’ai montré que le travail ethnographique est un long processus qui exige des dispositions non seulement variées mais contradictoires entre elles. Par chance, nous ne sommes pas censés les mobiliser toutes en même temps. Mais par malheur, il faut toutes les avoir, sans quoi ces années d’effort n’aboutissent pas à une ethnographie, à un livre qui communique une expérience de terrain et qui tente de la penser. J’ai aussi voulu mettre en évidence la constante précarité de ce travail : chacune de ses phases offre d’innombrables occasions de faire le mauvais choix. Quiconque, pour finir, en a fait suffisamment de bons pour aboutir ferait bien de se souvenir qu’il doit ce succès, pour partie, au hasard. Même s’il a dû, pendant les années qui séparent un projet de sa réalisation, faire mine de marcher d’un pas sûr vers la victoire finale.

Aujourd’hui, j’ajouterais ceci. Une fois que l’ethnographe a fini son enquête, il revient dans sa ville et son université. Il reçoit en pleine figure les idées reçues qu’avant son départ, il partageait plus ou moins à son insu. Sa vieille tante, ses collègues, les journalistes…, chacun est assuré de savoir ce qu’il faut penser sur la sorcellerie (l’ethnologue ne partageait pas cette certitude, et c’est pourquoi il a enquêté). Or ces gens qui lui font les questions et les réponses sur le sujet sont les premiers représentants du public du livre à venir. C’est pour leur faire

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effectuer un certain trajet, depuis leurs idées reçues jusqu’à un texte qui lui paraisse adéquat à son expérience, que l’ethnologue veut écrire. Et c’est en étant saturé par leurs discours qu’il relit ses notes de terrain.

Pour ma part, j’ai dû laisser passer dix-huit mois avant de pouvoir ouvrir mes dossiers  : non seulement j’avais été secouée par l’expérience, mais ce que mes interlocuteurs parisiens attendaient de moi me paralysait. Quand j’ai pu relire mes notes, c’est que j’étais enfin apte à instaurer un va-et-vient entre mon journal de terrain et les idées reçues. Donc, à écrire. Avec une difficulté supplémentaire : je savais que je serais lue dans le Bocage, dont les habitants disent de la sorcellerie les choses les plus contradictoires selon la place où ils sont au moment où ils parlent. Je décidai donc de rendre plausible l’expérience des ensorcelés et de leurs désorceleurs pour quiconque accepterait de me suivre dans un certain parcours textuel. Corps pour corps est une réponse aux questions des lecteurs de Les mots, la mort, les sorts : « Mais vous, comment y êtes‑vous entrée ? »

31 C.I. – De quelle manière et à quel moment de votre parcours l’évidence des liens entre la démarche ethnographique et l’analyse vous est-elle apparue ?

32  J.F.-S. – Quand j’ai commencé à rencontrer des ensorcelés qui, je le rappelle, m’ont parlé parce qu’ils me croyaient désorceleuse et voulaient me consulter, mes collègues et amis ethnologues, Gellner inclus, m’ont désavouée (Dan Sperber a été l’unique exception à la règle). Dans le brouhaha de Mai 68, j’avais connu quelques analystes et je m’étais liée avec tels d’entre eux qui venaient des sciences sociales, surtout d’ex‑linguistes. Et par ailleurs, j’avais entrepris une thérapie personnelle. Ces gens (y compris mon analyste) m’ont toujours soutenue dans ma démarche : nous avons discuté au fil de mois sur les places auxquelles mes interlocuteurs du Bocage me mettaient, sur le projet de découvrir un système inconnu de places, etc. En ce temps-là, ces Lacaniens n’étaient pas uniformément sectaires : ils n’exigeaient pas que mon ethnographie constitue une application directe de leurs théories. Nous n’avons rompu des lances que longtemps après, quand j’ai commencé à dire que « leur » thérapie était un cas particulier parmi d’autres, le désorcèlement par exemple.

D’autre part, j’ai beaucoup utilisé le texte d’un psychanalyste, Octave Mannoni, intitulé « Je sais bien… mais quand même », qui analyse très finement l’ambiguïté d’un de ses patients dans son attitude vis‑à‑vis de la voyance. Mais je n’en ai retenu que la description, pas du tout la théorisation (farcie de gros mots freudiens) qui, pour Mannoni, constituait son apport principal.

33 C.I. – Après la réécriture de vos notes de terrain dans Corps pour corps avec Josée Contreras et Writing Culture, comment pensez‑vous aujourd’hui le statut de la narration de l’expérience ethnographique ?

34 J.F.-S. – Quand Writing Culture est paru en 1986, j’avais publié à peu près toute mon œuvre relative à la sorcellerie. Les mots, la mort, les sorts date de 1977, Corps pour corps de 1981, et nos articles sur le désorcèlement se sont succédé de 1983 à 1987 – certains ayant paru plus tard en France. J’ai souvent été invitée aux USA à partir de 1985, en raison de l’intérêt naissant, là‑bas, pour l’écriture ethnographique. Mais il y avait trop de malentendus entre nous, trop de flou sur ce qu’ils cherchaient véritablement, trop d’intérêt pour l’ethnographe lui‑même (parfois même de narcissisme), et j’ai cessé d’y aller.

Ces mois‑ci, je commence seulement à comprendre pourquoi ces deux premiers livres jouaient sur le récit : je travaille à un troisième, Désorceler, qui n’en comportera pas (à paraître l’an prochain aux Éditions de l’Olivier). Ce nouvel ouvrage reprend la recherche que nous avons faite pour partie ensemble, Josée Contreras et moi, sur le fonctionnement du désorcèlement. J’avais assisté à environ 200 séances de désorcèlement et j’avais enregistré des fragments d’une trentaine d’entre elles. Nous avons travaillé pendant des mois sur mes transcriptions, et nous avons découvert des mécanismes dont je n’avais pas eu le moindre soupçon sur le terrain. C’est une situation tout à fait banale, faut‑il le rappeler. Ainsi, dans le champ des thérapies psychiques : ni le « patient » ni son thérapeute (malgré les prétentions théoriques de certaines thérapies savantes) ne perçoivent le ressort effectif de la thérapie. Ou encore dans le champ de la parole : l’on ne peut pas à la fois parler à quelqu’un et savoir ce qu’on dit.

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On pourrait dire que Josée Contreras et moi, nous avons enfin pratiqué l’exégèse textuelle, mais c’est faux : nous cherchions les ressorts cachés d’une efficacité qui s’affirmait séance après séance, pas les réseaux de signification des mots. Je rappelle que ces textes indigènes ne sont pas tombés du ciel (j’ai dû aller sur place et occuper une certaine place pour assister aux séances), et qu’ils n’ont pas été ma seule source : je disposais aussi de mes notes journalières (riches de commentaires des ensorcelés sur leurs séances) et de mes souvenirs.

Pourquoi donc a-t-il fallu des récits dans Les mots, la mort, les sorts et Corps pour corps ? Parce que je ne voyais pas d’autre manière de communiquer au lecteur – un collègue, un lecteur citadin intéressé, un Bocain ambivalent – une expérience, la sorcellerie bocaine, dont la littérature scientifique sur la question et les idées reçues du public ne donnaient aucun savoir préalable. De plus, j’avais pris connaissance de cette sorcellerie par une pratique d’enquête qui contrevenait aux préceptes de la discipline : quand par la suite j’ai présenté au congrès de l’American Anthropological Association (Chicago, 1987) ma conclusion épistémologique et méthodologique à mes travaux sur la sorcellerie, je l’ai intitulée « Sortir de l’anthropologie pour en faire » (elle a ensuite été republiée en France sous le titre « Être affecté »). J’avais donc pratiqué une ethnographie dont il n’existait pas de savoir préalable pour atteindre un fait social dont il n’y avait pas plus de savoir préalable. Le plus simple était encore de familiariser le lecteur avec cette double étrangeté en lui proposant des récits qui, tous, nouaient l’une ou l’autre des dimensions de cette rencontre. En 2008, je considère que ce travail est accompli pour les lecteurs : beaucoup ont déjà lu les deux premiers livres ou peuvent les trouver en livre de poche. Ils n’auront donc pas besoin de trouver des récits dans Désorceler.

Au‑delà de ces travaux sur la sorcellerie, je pense que le récit est nécessaire pour les ethnologues (Sahlins, par exemple) qui envisagent la culture comme un processus en mouvement perpétuel et non comme un état, une permanence (l’anthropologie structu-rale). Pour ma part (Le Christianisme et ses juifs, etc.), j’essaie d’envisager la culture sous l’angle de sa mise en acte, comme un ensemble de pratiques – d’actions – dont les énoncés symboliques font partie, et qui produisent des effets repérables dans le temps historique. On dirait aujourd’hui que je pratique une anthropologie pragmatique, mais au début des années 1970, quand j’ai conçu mon ethnographie des sorts, la linguistique pragmatique était encore dans les limbes. Toutefois, vous aurez peut‑être remarqué en lisant Les Mots, la mort, les sorts à quel point je m’appuie sur les travaux d’Émile Benveniste (l’énonciation et la subjectivité dans le langage). Soit dit en passant, cet immense penseur part toujours de menus faits empiriques et il communique ses réflexions – si souvent révolutionnaires – dans une langue limpide très proche du langage ordinaire.

Pour conclure

35 C.I. – Dans la perspective ethnographique classique, la relation à l’autre et l’immersion dans sa vie quotidienne permettent la compréhension de son système symbolique. Vous avez d’abord étudié les rapports de force dans la sorcellerie bocaine contemporaine  ; puis, les conflits autour d’une représentation théâtralisée et rituelle existant depuis 300 ans  ; et enfin, des affaires internationales de blasphèmes – comme l’affaire Salman Rushdie ou les caricatures du Prophète diffusées au Danemark. Comment avez-vous négocié le passage d’un objet de recherche à l’autre ?

36 J.F.-S.  –  Sans doute le travail sur le terrain, parmi la population dont on voudrait saisir le « système symbolique » est-il bien pratique. Mais c’est une facilité, pas une nécessité. Les cultures depuis longtemps disparues ont elles aussi laissé d’innombrables traces que des archéologues, des historiens et des cohortes d’amoureux des « systèmes symboliques » peuvent interroger. Les « représentations », pas plus que les « actions » ne sont une propriété exclusive des rares humains vivants qui auraient la chance de vivre à la portée d’un ethnologue  ! Celui‑ci n’est d’ailleurs jamais dépourvu de perspectives historiques ou de savoir livresque – sans même parler des ancêtres autochtones, dont le chercheur est bien obligé de prendre les messages au sérieux.

Comment suis-je passée d’un objet de recherche à l’autre ? Ce qui les relie, depuis mes débuts en Algérie, c’est ma fascination pour les situations de crise. Un événement imprévu – mais

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porteur d’un enjeu vital – survient ; il bouleverse l’état des forces en présence et requiert une mobilisation ; des groupes de grandeurs variées se mettent en action, chacun essayant d’occuper la place qui lui paraît adéquate pour l’emporter ou ne pas perdre ; l’affaire se termine en queue de poisson, les parties se résolvant à une fin provisoire des violences.

Ces crises vitales obligent le chercheur à envisager ensemble l’organisation sociale et l’ordre symbolique, la « structure », dirait Sahlins. Les valeurs, les idées, les institutions, les gens, tout se met soudain en branle : on est loin du symbolique envisagé comme un transcendantal, une supercausalité qu’aucun devenir ne pourrait affecter. On est enfin dans l’immanence, ce registre où les petits humains du monde sublunaire que nous sommes tous (ethnologues inclus) se décarcassent comme ils peuvent.

Bibliographie

CLIFFORD J., MARCUS G. E. (eds), 1987. Writing Culture. The Poetics and Politics of

Ethnography.Berkeley, University of California Press.

FABRE-VASSAS C., 1993. La bête singulière. Les juifs, les chrétiens et le cochon. Paris, Gallimard. FAVRET-SAADA J., 1977. Les mots, la mort, les sorts : la sorcellerie dans le bocage. Paris, Gallimard. FAVRET-SAADA J., 1990. « Être affecté », Gradhiva, 8 : 3-10.

FAVRET-SAADA J., 2005. Algérie 1962-1964. Essais d’anthropologie politique. Paris, Éditions Bouchène.

FAVRET-SAADA J., 2007. Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins. Paris, Les prairies ordinaires.

FAVRET-SAADA J., CONTRERAS J., 1981. Corps pour corps. Enquête sur la sorcellerie dans le Bocage. Paris, Gallimard.

FAVRET-SAADA J., CONTRERAS J., 2004. Le christianisme et ses juifs. 1800-2000. Paris, Seuil. GEERTZ C., 1973. Bali : interprétation d’une culture. Paris, Gallimard.

MANNONI O., 1969. Clefs pour l’imaginaire ou l’autre scène. Paris, Seuil.

Pour citer cet article

Référence électronique

Jeanne Favret-Saada et Cyril Isnart, « En marge du dossier sur l’empathie en anthropologie », Journal

des anthropologues [En ligne], 114-115 | 2008, mis en ligne le 01 décembre 2009, consulté le 04 juillet

2013. URL : http://jda.revues.org/323

Référence papier

Jeanne Favret-Saada et Cyril Isnart, « En marge du dossier sur l’empathie en anthropologie », Journal des anthropologues, 114-115 | 2008, 203-219.

À propos des auteurs

Jeanne Favret-Saada

EPHE, Ve Section, Sciences religieuses. 46 rue de Lille – 75007 Parisfavsa@club-internet.fr

Cyril Isnart

IDEMEC, UMR 6591, CNRS, Université de Provence. 5 rue du Château de l’Horloge, BP 647. 13090 Aix-en-Provence Cedex 2isnart@mmsh.univ-aix.fr

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