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SANITAIRE
Les Nouveaux Faits sur la Fièvre Jaune
Les faits nouveaux de première importance mis en lumière sur la nature du
virus amaryl sont surtout:’ 1. La découverte d’un animal réceptif, le macaque,
M. rhesus; 2. La transmission par le moustique du virus á cet animal; 3. La
longue vitalité du virus amaryl, consideré jusqu’ alors comme tres fragile et la
possibilité de l’etudier en dehors des lieux d’endémo-épidémicité. Et deja de
divers côtés on entrevoit, partant de ces prémisses, la possibilité d’une théra- peutique préventive de la fièvre jaune. Au Brésil, de Beaurepaire Aragáo inocule avec succès divers macaques: rhesus, cynomolgus, speciosus et constate ce qu’avait
déja vu Beeuwkes en A. 0. F., que les cas les plus bénins chez l’homme sont
souvent les plus favorables à la transmission aux singes. Il donne un moyen
remarquable de diagnostic rétrospectif qui peut être extrémement precieux dans
les cas frustes ou les cas de debut. Aragáo propose d’injecter à un Macaque
rhesus 2 à 4 CC. du sérum du sujet et 24 heures plus tard une dose sûrement mortelle de virus; si le macaque resiste c’est que le sérum provient d’unc personne ayant eu la fièvre jaune et rien que la fièvre jaune. 11 a fait aussi une certain
d’injections d’un vaccin antiamaryl sans incidents notables, vaccin composé de
foie de singe mort de fièvre jaune, formol6 $2 pour 1,000 et phénique $0.5 pour
cent. A Paris, Pettit, Stéfanopoulo et Frasey nous apprennent que certains
singes africains, le cheval. peuvent donner un sérum neutralisant in vitro le virus
de la fièvre jaune. Leur serum antiamaryl n’a pas d’influence défavorable sur
l’organisme, protege le malade centre une injection ultérieure de virus, empêche la fièvre jaune de se declarer ches le macaque qui recoit du serum un à trois jours
après l’injection du virus. A Hambourg, M. H. Kuczynski et B. Hohenadel
montrent que le sérum sanguin de singe atteint de fièvre jaune est aussi infectieux que le plasma du foie, qu’après double centrifugation du sérum le culot injecté
donne des symptômes extrément graves chez les singes (rhesus, cynomolgus) qui
n’ont pas d’ictère, en general pas de vomissements et rarement du vomito negro,
mais, tres abattus, meurent en asthénie complete. Pendant l’incubation le sang
n’est pas contagieux mais la fièvre apparait au bout de 24 heures après inoculation intrapéritonéale, ce qui montre la courte durée de l’incubation. Avec les souches
simiennes et humaines et sur des milieux de culture spéciaux que Kuczynski
dénomme milicux physiologiques, demi-solides ou liquides, il obtient des cultures d’organes et des cultures de virus. Des repiqunges ont pu être obtenus jusqu’à,
la 15e génération. Les inoculations faites avec la Premiere culture amènent une
maladie mortelle, celles faites avec les cultures ñlles n’aménent que peu de réac- tions, mais les animaux ainsi inocules sont immunisés centre des doses mortelles. Kuczynski aurait donc obtenu une espece de virus atténué vaccinant les singes et
il obtient l’immunite avec des cultures de son microbe qu’il appelle Bacillus
d@rophicans.
11 resulte donc nettement de toutes ces expériences que si le germe causal de la
fièvre jaune reste encare inconnu (en attendant vérification des travaux de
Kucaynski), il n’en est pas moins vrai que Pon est des I’heure sur la voie d’un
traitement prophylactique plein de promesses. A côté de ces méthodes de séro
ou vaccinothérapie antiamaryle, basées sur les principes de la biologie moderne, il
est bon de rappeler qu’on peut envisager une méthode analogue à ce qu’était
la variolisation pour la variole. Finlay remarqua que les moustiques infectes après
1 Peyrot, J.: Msrseille-M6d 67: 134-142 (25 jan.) 1930.
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OFICINA SANITARIA PANAMERICANA [Agostoun repas sur un jauneux transmettent une maladie grave quand ils piquent
directement un subjet réceptif et au contraire une maladie atténuée quand ils
piquent le subjet réceptif après avoir piqué plusieurs individus immunisés. Cette nouvelle infection, de Finlay, est d’autant plus bénigne que le moustique a piqué plus de monde depuis qu’il a chargé sa trompe de virus amaryl. La vaccination
B l’aide du moustique, Finlay I’a également conque au moyen d’une piqûre de la
personne susceptible par un, deux insectes infectes seulement: il y a alors infection
bénigne. La question primordiale en matière de prophylaxie de la fièvre jaune
est surtout la délimitation des zones d’endémicité et le dépistage des cas frustes ou inapercus qui entretiennent la chafne amaryle à l’état latent entre deux poussées épidémiques.
En admettant ce qui n’est pas demontre, qu’il n’y a pas d’animal reservoir de virus intermédiaire, la cha9ne amaryle se presente comme formée de maillons con-
stitués alternativement par: Homme infecté-Aedes aegvpli-Homme infectd-
Aedes-et ainsi de suite. Dans cette chaîne on a eu surtout en vue jusqu’à
présent, l’homme infecté cliniquement avec des phénomènes apparents; il
faut surtout faire intervenir l’individuel en apparence sain, à peine indisposé, qui est le véritable entreteneur de germe. Ces cas frustes, à symptomatologie tres réduite, passent fatalement inapercus en temps ordinaire les sujets qui en sont atteints peuvent être consideres, sur les Iégères réactions qu’ils présentent, comme à peu près sains quoique infectes, des porteurs éphémères de virus dont ils assurent
la conservation cachee. Vu le grand nombre d’individus nécessaires pour assurer
la permanente d’un virus qui n’est transmissible que pendant quelques jours, on
s’explique le peu d’indigènes qui, en pays d’endémicité, présentent apparemment,
lors des Bpidémies, des infections graves. Par centre dans les pays neufs, à
fièvre jaune importée, ils sont aussi sensibles que les Européens. Le diagnostic positif a posleriori de ces cas frustes est-il impossible? Jusqu’à présent, oui, mais si les recherches d’Aragáo se confirmen& elles ouvrent la voie à un dépistage fécond pour la détermination des zones d’endémicité dans lesquelles la démousti- cation et la lutte antilarvaire seraient poussées au maximum et poursuivies pendant
assez longtemps pour éviter tout retour offensif de la maladie. Ce diagnostic
a posterz’ori pourrait aussi servir à un but thérapeutique, le sérum des guéris ayant
des propriétés préventives. On aurait ainsi sur place, en case de bouffée épi-
démique, des donneurs de sérum preventif. L’immunité des indigènes ne paraît
pas cependant toujours être définitive; elle peut s’user, soit sous I’influence du temps, soit sous I’action d’un virus exalté. Si la chaîne amaryle est une réalité, il faut obligatoirement qu’il existe des cas d’une bénignité telle, “d’une forme
fruste tellement anodine” pour employer les termes de Lasnet, qu’on pourrait
presque parler de porteurs pratiquement sains de germe amaryle. De ces porteurs plus ou moins infectés les uns seraient immunisés centre la maladie, les autres ne le seraient pas; il faut incontestablement que leur nombre soit immense, puisque le sang n’est infectant pour le moustique que pendant quelques jours, pour per- mittre au virus de traverser des périodes en apparence indemnes de fièvre jaune
pouvant s’échelonner sur de longues années. Dans le chafne amaryle, nous
venons d’insister sur le rôle du maillon humain indigène. voyons un peu le maillon moustique.
Jusqu’ à présent on nous a toujours dit que l’dedes agypti femelle seul transmet la fièvre jaune et on a determiné l’index stegomyien et insisté sur l’augmentation du nombre de moustiques lors de l’éclosion d’une épidémie. Or, de divers côtes,
en particulier Cazanove à Dakar, on nous signale des cas de fièvre jaune sans
variation ni surtout augmentation du nombre des moustiques lors de l’éclosion
d’une Bpidémie; “il y a autre chose” comme dit Cazanove. D’autre part, voilà
que du Brésil, Beaurepaire Aragáo et da Costa Lima bousculent un peu nos notions
sur la transmission du virus par le moustique. Dans la chaîne classique, nous
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,
Or, ces auteurs nous apprennent que les déjections des moustiques infectés sant
virulentes et déterminent chez le macaque des formes graves ou non de fiBvre
jaune transmissible; que les mêmes fèces d’A. aegypti infectés, simplement dépo-
sées sur la peau ou la conjonctive des singes peuvent leur transmettre la maladie.
Bien plus, ils nous prouvent que A. aegypti mâle peut tout comme la femelle
transmettre la fièvre jaune soit après avoir piqué un malade, soit fait plus trou- blant, après être resté en contact avec des femelles contaminées. Il n’est donc
pas illogique d’admettre que la chaîne amaryle est plus complexe qu’on ne
l’admettait jusqu’ici, en se bornant au rôle de vecteur principal reconnu à A.
aegypti, à plus forte raison si on se réfère aux observations faites par Bauer en
Nigeria qui montrent l’intervention possible d’autres moustiques. Bauer, en
effet, a obtenu des transmissions de virus avec d’autres espèces de Stegomyia:
A. luteocephalus, A. spicoannulatus et avec une espèce bien différente qu’on
n’s’attendait pas à trouver dans la bagarre amaryle: SEretemopodites chrysogaster.
Pettit, Stefanopoulo et Roubaud 2 montrent que le magot algérien est tres
sensible au typhus amaril et qu’il en meurt rapidement. En outre, ils établissent que les stegomies des régions, indemnes de fi.èvre jaune, sant aussi capables de
transmettre le virus amaril, que les stegomies des contrées d’endémicité. En
particulier, la stegomie du Nord-africain est capable de jouer le r61e de vecteur de virus. Ces notions sont importantes & connaître pour les hygiénistes, à une époque où les avions peuvent véhiculer un jauneux encore infectieux dans un pays
jusqu’alors exempt du redoutable fl8éau.
L’Encéphdite Postvaccinale et son Traitement
Les commissions officielles de Hollande, d’Angleterre, de la Société des Nations,
ont pensé que l’encéphalite survenant chez des sujets récemment vaccinés n’est
pas le fait du virus vaccinal, mais d’un virus différent qui n’a d’ailleurs jamais été mis en évidence et dont l’activité serait déchaïnée & la suite de la vaccination.
Cette opinion est également acceptée dans la plupart des pays. Hekman 3 pense
cependant plus naturel d’invoquer l’intervention du virus vaccinal dont l’expéri-
mentation a démontré les affinités neurotropes. C’est en partant de cette idée
qu ‘il a, depuis le mois d ‘août dernier, recouru dans les encéphalites postvaccinales
aux injections intraveineuses de sérums de sujets récemment vaccinés avec
succès. Dans presque tous ces cas le sérum provenait de parents vaccinés en
même temps que leurs enfants et avec le même vaccin. Il en a été de même dans d’autres encéphalites traitées par six de ses confrères. Chez un de ses malades
il a employé avec le même succès en injections intramusculaires le sang total
citraté du père vacciné quatre ans auparavant. Le nombre des encéphalites
après primo-vaccination traitées ainsi par l’auteur et ses confr&res a été de 16 sur lesquelles il a étE relevé 14 guérisons complètes et rapides, soit une proportion de
guérisons de 87.50 pour cent si on 6limine un cas injectg in extremis. Cette
efficacité du traitement. en même temps que la modification marquée suivant de
très près la première injection apporte un argument décisif en faveur de la nature
vaccinale de ces encéphalites. Dans les encéphalites survenant chez les revac-
cin&, beaucoup plus rares que chez les primo-vaccinés, l’apparition de I’encépha- lite est sensiblement plus précoce: quatre ou cinq ours ou lieu de dix à quatorze. Cette incubation plus courte correspond à l’apparition plus hâtive de 1 ‘éruption
vaccinale. Elle doit être rapprochée de la durée moindre de l’incubation de la
variole chez les sujets vaccinés, relevbe par de Jong ches les varioleux à La Haye.
Les encéphalites postvaccinales sont devenues plus frbquentes alors que la vac-
cination jusqu’à ces dernières années passait, à bon droit, pour inoffensive.