Santé mentale : guérison et rétablissement Catherine Déchamp-Le Roux, Florentina Rafael Peut-on parler de guérison dans le champ de la santé mentale ou devrait-on
parler de rétablissement ? Quelles significations attribuer à ces concepts dans un domaine où la pathologie est marquée du sceau de la chronicité et empreinte de représentations stigmatisantes ? Quelles applications concrètes l’émergence de ces concepts en santé mentale engendre-t-elle en termes de pratique clinique et de politique de santé publique ?
Cet ouvrage aborde les notions de guérison et de rétablissement en santé mentale d’un point de vue théorique, clinique et expérientiel par des auteurs issus de divers horizons. La mise en perspective de ces regards croisés (chercheurs en sciences sociales, cliniciens et usagers) vise l’élaboration de savoirs complexes et inédits autour de questions constituant des enjeux fondamentaux de la recherche contemporaine en santé mentale.
En France, l’approche du rétablissement en santé mentale est encore très peu abordée aussi bien sur le plan de la recherche scientifique, que dans les services de santé mentale.
Les auteurs souhaitent ainsi sensibiliser le public à ces approches novatrices tout en produisant de nouvelles connaissances dans le champ de la sociologie de guérison.
Catherine Déchamp-Le Roux est sociologue, professeur à l’Université de Lille 1 et chercheur au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques.
Florentina Rafael est chercheur en santé publique et consultante en épidémiologie.
ISBN : 978-2-7420-1422-4
Offre de soins en Psychiatrie
Santé mentale :
guérison et
rétablissement Regards croisés
Sous la direction de Catherine Déchamp-Le Roux Florentina Rafael
Santé mentale :
guérison et
rétablissement
Regards croisés
Santé mentale : guérison et rétablissement Catherine Déchamp-Le Roux, Florentina Rafael Peut-on parler de guérison dans le champ de la santé mentale ou devrait-on
parler de rétablissement ? Quelles significations attribuer à ces concepts dans un domaine où la pathologie est marquée du sceau de la chronicité et empreinte de représentations stigmatisantes ? Quelles applications concrètes l’émergence de ces concepts en santé mentale engendre-t-elle en termes de pratique clinique et de politique de santé publique ?
Cet ouvrage aborde les notions de guérison et de rétablissement en santé mentale d’un point de vue théorique, clinique et expérientiel par des auteurs issus de divers horizons. La mise en perspective de ces regards croisés (chercheurs en sciences sociales, cliniciens et usagers) vise l’élaboration de savoirs complexes et inédits autour de questions constituant des enjeux fondamentaux de la recherche contemporaine en santé mentale.
En France, l’approche du rétablissement en santé mentale est encore très peu abordée aussi bien sur le plan de la recherche scientifique, que dans les services de santé mentale.
Les auteurs souhaitent ainsi sensibiliser le public à ces approches novatrices tout en produisant de nouvelles connaissances dans le champ de la sociologie de guérison.
Catherine Déchamp-Le Roux est sociologue, professeur à l’Université de Lille 1 et chercheur au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques.
Florentina Rafael est chercheur en santé publique et consultante en épidémiologie.
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Sous la direction de Catherine Déchamp-Le Roux Florentina Rafael
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Santé mentale : guérison et
rétablissement
Regards croisés
Collection : L’Offre de soins en psychiatrie Directeur de collection : Thierry Trémine
• Conduites addictives et processus de changement, Christophe Lançon, 2013
• Les équipes mobiles en psychiatrie et le travail de disponibilité, Lise Demailly, Olivier Dembinski, Catherine Déchamp-Le Roux, 2014
• L’accueil, un temps pour soigner, Florence Quartier, Patrick Chaltiel, Dimitri Karavokyros, Philippe Rey-Bellet, 2015
• Promenades dans le Paris de la folie – Les êtres et les lieux, Jean Garrabé, Freddy Seidel, 2015
Santé mentale : guérison et
rétablissement
Regards croisés
Sous la direction de
Catherine Déchamp-Le Roux
Florentina Rafael
ISBN : 978-2-7420-1422-4 ISSN : 2270-1338
Éditions John Libbey Eurotext 127, avenue de la République 92120 Montrouge, France Tél. : 01 46 73 06 60 e-mail : contact@jle.com http://www.jle.com
© John Libbey Eurotext, 2015
Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie (CFC), 20, rue des Grands- Augustins, 75006 Paris.
Santé mentale : guérison et rétablissement
Les auteurs
Marie-Carmen Castilloest maître de conférences en psychologie clinique à l’Univer- sité Paris 8. Elle a dirigé pendant plusieurs années l’UFR de psychologie. Ses thèmes de recherche concernent l’exploration des dimensions psychologiques centrales dans le devenir de personnes atteintes de troubles psychiatriques et de leurs proches (impact du diagnostic, conscience des troubles, représentations de la maladie, réinsertion sociale...).
Brigitte Chamakest sociologue et historienne des sciences. Chercheur au CERMES3, Centre de recherche en sciences humaines et sociales, à l’Université Paris Descartes.
Elle mène depuis plusieurs années des recherches sur les transformations des repré- sentations de l’autisme, le rôle des mouvements associatifs, l’histoire des neurosciences et des sciences cognitives. Elle a codirigé, avec Baptiste Moutaud, l’ouvrageNeuro- sciences et société : enjeux des savoirs et des pratiques sur le cerveau(éditions Armand Colin, 2014).
Sarah Dauchyest psychiatre et travaille depuis près de vingt ans auprès de patients atteints de cancer. Elle coordonne, depuis 2002, les activités de clinique, de recherche et d’enseignement de l’unité de psycho-oncologie à l’Institut Gustave Roussy. En charge depuis 2007 du département de soins de support de ce même hôpital, elle est particulièrement impliquée dans le développement des soins palliatifs. Elle est l’actuelle présidente de la Société française de psycho-oncologie. Elle est également membre de l’équipe de recherche « Éthique, sciences, santé et société » à l’Université Paris Saclay.
Catherine Déchamp-Le Rouxest sociologue. Professeur à l’Université de Lille 1 et chercheur au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques UMR 8019 CNRS. Son domaine de recherche est celui de la santé avec un axe sur les politiques de prévention confrontée aux inégalités sociales et à l’expertise du profane dans une perspective comparée sur des terrains divers comme les maladies chroniques, le dépistage prénatal, le cancer, le vieillissement et la santé mentale. Responsable d’un projet partenariat MESHS de Lille (2013-2014) intituléL’idée de guérison et de rétablis- sement en santé mentale : approches croisées des controverses et des vécus expérientiels, à l’origine de cet ouvrage.
V
Suzette Delalogeest oncologue à l’Institut Gustave Roussy. Chef du comité de patho- logie mammaire et présidente duFrench breast cancer intergroupde Unicancer.
Patrice Desmonsest psychanalyste et philosophe. Il enseigne la philosophie et la psychanalyse à des étudiants de travail social (AFERTES), et est chargé de mission au Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale de Lille. Il est l’auteur avec Jean-Luc Roelandt duManuel de psychiatrie citoyenne. L’avenir d’une désillusion(éditions in Press, 2002).
Luigi Floraest docteur en sciences de l’éducation. Il a été conseiller pédagogique à la direction collaboration et partenariat patient de la faculté de médecine (2013 à 2015) et post-doctorant à la l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal de septembre 2014 à septembre 2015 en tant que patient chercheur. Il est chercheur associé du laboratoire EXPERICE à l’Université Paris 8. Il est un des spé- cialistes des savoirs expérientiels issus de la vie avec la maladie et des interactions que ces savoirs génèrent avec les systèmes de santé et leurs acteurs. C’est à ce titre qu’il a identifié et organisé pour l’Université de Montréal un référentiel de compétences
« patient » qui permet autant de former les professionnels de la santé et du psycho- social au partenariat de soins que de mobiliser des patients dans le cadre de ce nouveau paradigme relationnel.
Tim Greacenest chercheur en psychologie sociale. Directeur du laboratoire de recher- che de l’établissement public de santé Maison Blanche à Paris et président du réseau européen d’établissements psychiatriquesENTER Mental Heath, son travail de recher- che, comme ses activités associatives, porte sur l’empowermentdes citoyens en matière de santé et plus particulièrement l’empowermentet l’inclusion sociale des personnes vivant avec un trouble psychique et de leurs proches. Depuis 2014, il préside le groupe de réflexion en santé mentale de la Conférence régionale de santé et d’autonomie d’Île-de-France.
Anne-Chantal Hardy est sociologue. Directrice de recherche CNRS au laboratoire Droit et changement social à Nantes, elle a travaillé sur les questions d’emploi, de travail et de formation avec une dimension pluridisciplinaire, qu’il s’agisse de collabo- rations avec des juristes ou des professionnels de santé. Elle a par la suite orienté ses travaux dans le champ de la santé par le prisme du travail des professionnels de santé.
Elle est l’auteur deTravailler à guérir. Sociologie de l’objet du travail médical(Presses de l’EHESP, 2013).
Emmanuelle Jouetest chercheur en santé mentale et en sciences de l’éducation. Au sein du laboratoire de recherche de l’EPS Maison Blanche, elle développe des ingénie- ries pédagogiques et de recherche innovantes, où sont impliquées dès le départ les personnes vivant avec un trouble psychique.
VI
Santé mentale : guérison et rétablissement
Marie Koenigest psychologue. Elle a soutenu une thèse de doctorat en 2013 sur le paradigme du rétablissement dans la schizophrénie. Elle exerce en tant que clinicienne au CHS Pontoise, et est chargée de cours à l’Université Paris 8, où elle enseigne notam- ment depuis plusieurs années un cours sur les nouveaux paradigmes dans le champ de la psychiatrie. En parallèle à ses activités cliniques et universitaires, elle est aujourd’hui chargée de mission au Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale de Lille, travaillant pour l’intégration des usagers et des aidants à la révision de la classification internationale des maladies (CIM-10).
Patrick Le Cardinalest psychiatre. Actuellement au CHS de la Savoie à Chambéry, où il coordonne une Équipe de Soutien pour le Logement Orientée Rétablissement (ESPLOR), il a travaillé de nombreuses années en tant que chargé de mission au Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale de Lille. Il a notamment coordonné les recherches-actions « Engagement Associatif et Résilience » (2005-2006) et « Pair-Aidant » (2006-2009), préparatoires à l’élaboration du « pro- gramme Médiateur de santé/Pairs » (2010-2013).
Massimo Marsiliest psychiatre. Il est responsable à l’EPSM Lille Métropole, de deux programmes : la réhabilitation psychosociale pour les personnes à très longue hospi- talisation et une équipe mobile de psychiatrie précarité (EMPP Diogène). Il travaille également comme chargé de mission au Centre collaborateur de l’OMS pour la for- mation et la recherche en santé mentale de Lille, où il a aussi deux projets en charge : le programme « Médiateur de santé/Pairs » et la participation des usagers et des aidants au processus de révision de la Classification internationale des maladies mentales (CIM- 10). De nationalité italienne, il a eu l’honneur de commencer sa carrière à Trieste sous la direction de Franco Basaglia, le psychiatre promoteur de la réforme psychiatrique italienne.
Olivier Martina été déclaré à l’âge de 25 ans, atteint de la pathologie psychiatrique la plus grave et réputée incurable, à savoir la schizophrénie paranoïde. Refusant la fatalité et croyant en la psychothérapie, il a cherché un moyen de se sortir de cette maladie chronique. Il espère l’avoir trouvé dans la thérapie écrite qu’il pratique depuis des années avec un certain succès, car, sans l’aide d’aucun traitement, il obtient une stabilisation continue de son état et une compréhension des origines de sa maladie.
Corinne Noelest médiatrice de santé/pair depuis plus de trois ans. Elle exerce ses fonctions dans un service de psychiatrie adulte à l’EPSM Lille Métropole. Ayant vécu l’expérience de la maladie mentale qu’elle a réussi à surmonter, son moteur est de devenir une source d’espoir pour tous ceux qui traversent les mêmes épreuves.
Elle souhaite aussi contribuer au changement de mentalité des professionnels sur le rétablissement. Elle travaille avec eux à l’amélioration des pratiques.
VII
Les auteurs
Lionel Pourtau est sociologue. Chercheur en sociologie de la santé à l’Institut Gustave Roussy, il est également membre de l’équipe de recherche « Éthique, scien- ces, santé et société » à l’Université Paris Saclay. Ses domaines de recherche à la croisée de la sociologie et de la santé publique sont le risque et l’innovation en oncologie.
Florentina Rafaelest chercheur en santé publique. Actuellement consultante en épi- démiologie, elle a exercé la fonction de directrice adjointe au Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale de Lille. Membre de l’équipe Ecève (Paris Descartes), elle a une expertise dans le domaine de l’épidémiologie de terrain et la recherche interventionnelle en santé mentale et a notamment coordonné l’évaluation du programme « Médiateurs de santé/Pairs », une recherche-action inter- régionale basée sur la notion de rétablissement en santé mentale (2012-2014).
Jean-Luc Roelandtest psychiatre. Directeur du Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale de Lille et membre de l’équipe Ecève (Paris Descartes), il a été responsable pendant 35 ans d’un secteur de psychiatrie de la banlieue Est de Lille et a mis en place avec les usagers, les municipalités, les acteurs sanitaires et sociaux, un système de soins en santé mentale intégré dans la cité, reconnu par l’OMS comme un exemple de bonnes pratiques. Ses travaux concernent la lutte contre la stigmatisation, la psychiatrie citoyenne, la santé mentale communautaire, les conseils locaux de santé mentale avec les élus locaux, et l’empowermentdes usagers et aidants.
Jean-Pierre Royolest docteur en psychologie et psychopathologie cliniques. psycho- logue clinicien et art-thérapeute, il est directeur de PROFAC, organisme de recherche et de formation clinique en art-thérapie. Il est également président de la ligue profes- sionnelle d’art-thérapie, et membre du bureau de la Société française de psycho- pathologie de l’expression et d’art-thérapie et de la Société internationale de psycho- pathologie de l’expression.
Jean-Paul Thomas est philosophe. Professeur émérite à l’Université Paris-Sorbonne (Université Paris 4), ses recherches portent sur la maîtrise du vivant, la médecine, la bioéthique et l’eugénisme. Il a notamment publiéLa plume et le scalpel. La médecine au prisme de la littérature(PUF, 2008) etLa Médecine nouvelle religion(François Bourin, 2013).
VIII
Santé mentale : guérison et rétablissement
Santé mentale : guérison et rétablissement
Sommaire
• Les auteurs V
• Préface XIII
• Avant-propos XVII
• Introduction XIX
Partie 1. Approches pluridisciplaires de la guérison
1 • La guérison : tentative d’analyse philosophique d’une notion commune
> Jean-Paul Thomas 3
Une conception scolaire de la guérison 4
Les leçons de l’irréversibilité 5
Soigner n’est pas guérir 8
2 • L’approche sociologique de la guérison
> Catherine Déchamp-Le Roux 11
Le paradigme du normal et du pathologique 11
La guérison dans la médecine traditionnelle 12
Le paradigme de la maladie-déviance 13
Approche critique de la maladie-déviance 14
Le concept decoping(faire avec la maladie) 15
La médecine régénérative 16
La sociologie de la guérison 17
Conclusion 18
3 • L’impensé de la guérison
> Anne-Chantal Hardy 21
Les problèmes de la guérison 22
Les processus de la guérison 25
Pour ne pas en finir avec la guérison 27
Partie 2. Les nouvelles frontières du normal et du pathologique 4 • La pathologie de la « normalité » : l’exemple des questions de genre
et de sexualité
> Patrice Desmons 33
L’inversion du normal et du pathologique : un symptôme 34
Radicaliser cette inversion 36
La pharmacie des discours médicopsychologiques 38
Conclusion : ne pas nier la performativité 39
IX
5 • Le concept de neurodiversité ou l’éloge de la différence
> Brigitte Chamak 41
Le contexte et la généalogie d’un concept 42
L’impact des changements de classification sur la genèse
d’un mouvement 44
La neurodiversité et la diversité des associations 46
Conclusion 47
Partie 3. La guérison dans le contexte des maladies chroniques 6 • « Devenir malade » et « guérir » : la dissolution des ruptures
biographiques face au cancer
> Lionel Pourtau, Sarah Dauchy, Suzette Delaloge 53
La première évolution : de la maladie aiguë à la maladie chronique ou la
dissolution de la guérison 54
La deuxième évolution : le risque de cancer ou la dissolution de l’état de
bonne santé 56
La conscience du continuum de l’état de malade 59
Conclusion : vivre avec son risque et faire face à une biomédicalisation de
toute la vie 60
7 • De la psychiatrie à la santé mentale, de la guérison au rétablissement
> Jean-Luc Roelandt 63
La guérison par la sortie de l’asile 64
La guérison psychanalytique de « surcroît » 66
La guérison par apparition de la sectorisation psychiatrique 67 La guérison par sortie des classifications des troubles psychiatriques 68 La guérison par transformation en situation de handicap 70
Le rétablissement contre substitut à la guérison 70
Le rétablissement vu par l’épidémiologie psychiatrique 72
Conclusion 74
Partie 4. Le rétablissement en santé mentale : un changement de paradigme
8 • Des soins centrés sur l’individu et non sur la maladie
> Massimo Marsili 81
Le modèle médical 82
La complexité 83
Les soins et la subjectivité 85
Le rétablissement 86
Conclusion et questions ouvertes au sujet d’un nouveau paradigme 87 9 • L’empowermenten santé mentale
> Tim Greacen, Emmanuelle Jouet 91
L’empowermentet la santé mentale 92
L’empowermentet la formation tout au long de la vie 92
Où en sommes-nous en France ? 93
Les implications pour la formation des professionnels 95
Conclusion 98
X
Santé mentale : guérison et rétablissement
10 • Résilience et rétablissement, fondements et points communs
> Patrick Le Cardinal 101
La résilience, produit de la philosophie empiriste anglo-saxonne 101 Historique et fondement du concept de rétablissement 103
Conclusion 106
11 • Du patient « passif » au patient expert
> Luigi Flora 109
Pourquoi devenir des partenaires en santé et coconstruire ensemble ? 109 La nécessité d’évoluer vers une nouvelle relation entre patients,
proches aidants et intervenants de la santé et des services sociaux 110 De patient partenaire, expert de sa vie avec la maladie,
à l’expertise patient au service des milieux de santé 111 Quelles compétences les patients et les professionnels de la santé
doivent-ils développer pour devenir des partenaires dans les soins,
l’enseignement ou la recherche ? 112
Les patients formateurs dans le milieu de l’enseignement 114 Exemple de mobilisation dans les milieux de soins 114
L’école du partenariat en santé 117
Conclusion 118
12 • Le rétablissement : un parcours de transformation identitaire
> Marie Koenig, Marie-Carmen Castillo 121
Les deux perspectives du rétablissement : « récupération »
versus« transformation » 122
Le rétablissement expérentiel : quelles transformations identitaires ? 123 Le rétablissement du soi : un parcours de reconnaissance 127
Conclusion 130
Partie 5. Les formes du rétablissement 13 • L’art-thérapie
> Jean-Pierre Royol 135
L’art-thérapie : une méthode de soin éclairée par la psychanalyse 135
Le symptôme n’a rien d’anormal 136
Les symptômes et la norme 136
Le soin psychique comme théâtralisation sociale de la norme 136
La normalité du pathologique 137
La santé et le rétablissement comme effets de discours 138
La variabilité de la norme 138
L’art-thérapie et la conception singulière du rétablissement 140 14 • Se rétablir : parcours d’un médiateur de santé/Pair
> Corinne Noel 143
La construction du rétablissement 143
Les facteurs de stabilisation 145
La connaissance de soi 146
XI
Sommaire
15 • Se rétablir par l’écriture
> Olivier Martin 149
Le parcours psychiatrique 149
La prise de conscience 151
XII
Santé mentale : guérison et rétablissement
Santé mentale : guérison et rétablissement
Préface
J
e me suis beaucoup interrogé sur la façon d’appréhender la préface d’un ouvrage qui traite d’un changement de paradigme aussi majeur que le passage d’une approche traditionnelle paternaliste et « pathologie centrée », vers une approche de rétablisse- ment qui redéfinit la notion même de guérison, tout en positionnant le patient comme le principal acteur de sa vie et de son processus de soin.J’aurais pu aborder cette préface à titre de leader académique du partenariat patient, ici, à l’Université de Montréal, pour témoigner que ce tournant est en train de modifier durablement nos façons d’enseigner la santé physique et mentale à nos futurs profes- sionnels, qu’ils soient médecins, infirmiers, psychologues, travailleurs sociaux... Je lais- serai, cependant, mon collègue, Luigi Flora, élaborer davantage sur ce sujet dans un des chapitres de cet ouvrage. J’aurais pu aussi l’aborder à titre de conseiller auprès de plusieurs groupes de recherche canadiens qui impliquent aujourd’hui systématique- ment des patients à titre de partenaires à part entière dans l’ensemble de leurs activités, parce qu’ils ont réalisé la richesse inestimable de leurs savoirs expérientiels et veulent les mobiliser pour élargir leurs travaux aux sciences sociales et à la réflexion sur l’orga- nisation des services de santé, notamment. Finalement, j’aurais pu aussi l’aborder à titre d’accompagnateur de plusieurs décideurs du réseau de la santé du Québec qui désirent travailler en étroite collaboration avec les patients de leurs établissements, pour réaliser le virage décisif entre une gestion centrée sur les soins aigus et une gestion centrée sur les maladies chroniques.
Seulement à la lecture des chapitres de cet ouvrage, ce sont principalement mes souve- nirs de patient qui me sont revenus, des flashs de mon propre cheminement à travers l’expérience de trois maladies chroniques : l’hémophilie sévère, le VIH et l’hépatite C.
Tout d’abord, des flashs de toutes ces petites guérisons qui ne débouchent jamais sur une guérison au sens biomédical du terme, mais qui ont ponctué mon processus émancipa- toire et normatif dès mon plus jeune âge. Être hémophile sévère dans les années 1970, représentait plus de 200 accidents hémorragiques par an, des traitements à l’efficacité approximative, des allers et retours incessants entre l’hôpital et la maison, et des deuils successifs de ce qui ne sera plus possible de réaliser en tant qu’enfant, en tant qu’adoles- cent, puis en tant qu’adulte. Mais c’était aussi la chance inestimable d’évoluer dans des contextes de soins d’avant-garde, où nos cliniciens et les milieux associatifs nous appre- naient que le rétablissement, tel qu’on l’entend ici, était possible. Que nous avions « une seconde chance » en devenant des êtres apprenants, capables d’autonomie et d’auto- détermination avec un minimum d’accompagnement et de transmission de connaissan- ces. Rapidement, nous avons alors démarré en famille notre processus libératoire,
XIII
découvert que ce savoir minimal de s’autodiagnostiquer, de s’autotraiter, de prendre soin de soi-même et des autres, malgré toutes les contraintes de la vie, constituait de petites guérisons qui rouvraient graduellement les portes de l’espoir : l’espoir d’une vie normale, d’un rétablissement, sans perspectives curatives pourtant.
Un autre flash, la normalité : une quête sans fin pour quelqu’un de malade depuis ses premiers mois. Que signifie être « normal » lorsque l’on ne peut pas aller régulièrement à l’école, que l’on passe plus d’une année en centre de réadaptation loin de ses amis et de sa famille, qu’il nous est impossible de faire du sport avec les copains, tous systématiquement prévenus que nous sommes faits de verre et qu’ils peuvent nous briser sans le vouloir à tout moment ? Peu importe, c’était pour moi la quête principale, la quête existentielle, la nécessité de ne pas être perçu comme déviant, d’endosser une norme sociale pour s’intégrer, quelle qu’elle soit et, coûte que coûte, pour trouver au plus vite une voie d’accès à la société. Sinon, c’est la fin, en tout cas l’impression de fin. Là encore, le soutien d’un pair qui sait trouver les mots, car il partage la même réalité de la normalité, le rôle d’un kinésithérapeute mobilisant, d’un instituteur inspi- rant, d’un médecin qui sait expliquer, d’une infirmière qui écoute, d’un ami avec qui on prend des risques, d’une grand-mère qui vous gâte, sont autant de gestes, de situations de vie où il est possible d’apprendre ce qu’est l’essence même de la norma- lité. C’est dans le reflet du regard de tous ces partenaires de vie que nous découvrons les contours d’une normalité salvatrice, bien que relative, mais aussi les spectres de la déviance qui se dévoilera alors comme un construit social sans substance. Il est alors possible de se positionner, de faire des choix, d’agir en conséquence, de se mettre en mouvement, de s’émanciper tranquillement de ses peurs, d’essayer de vivre pleine- ment sa réalité pour finalement se guérir doucement. Particulièrement dans le contexte des maladies chroniques, ce processus doit être souvent répété car les règles du jeu changent sans prévenir, quand ce n’est pas le jeu lui-même qui se transforme.
Un autre flash, les maladies chroniques : des montagnes russes, des cycles sans fin, des hauts et des bas qui se succèdent, l’obligation de s’adapter en continu dans un quo- tidien qui dérape dès que vous pensez l’avoir apprivoisé. J’ai 14 ans, j’apprends que je suis séropositif, tout est à refaire, je repars à zéro, il faut retrouver un sens à l’essentiel, un sens à la guérison, un sens au rétablissement. Y aura-t-il encore une autre chance de me rétablir, une autre façon de retrouver son chemin, alors que la société se dresse telle une forteresse derrière les murs de la normalité du moment, déclarant ouverte- ment une guerre morale à la déviance que l’on appelle au Québec les « 4 H » pour identifier les populations les plus touchées par le SIDA (les hémophiles, les héroïno- manes, les homosexuels et les Haïtiens) ? Dès lors, comment redéfinir ses propres fron- tières, sa propre identité, alors que tout se mélange, que rien n’est clair excepté les symboles hermétiques de la peur et de l’exclusion. La mort biologique ? Elle est là, tout autour, réelle et irréelle à la fois, incontournablea priori, puisque le SIDA des années mi 1980-mi 1990 est dans un vide curatif. L’adolescent que je suis ne pense pas à cela mais plutôt à sa vie amoureuse naissante, à la réaction de ses amis et même parfois de sa famille, à ses études, à sa capacité à avoir des enfants. La première crise
XIV
Santé mentale : guérison et rétablissement
que je vais vivre sera donc relationnelle, une lutte contre l’isolement, en passant à nouveau par cette quête de la normalité dans une société qui a fixé alors des standards inatteignables. Et c’est encore une fois le processus des petites guérisons qui reprendra ses droits alors que je retrouvais progressivement quelques références, une certaine confiance dans mes actes, des visages bienveillants et des gestes d’accompagnement au milieu d’une marée d’incompréhension.
Ce nouveau processus de rétablissement s’est appuyé finalement sur les mêmes fonde- ments que celui qui prévalait pour l’hémophilie : le passage à travers plusieurs deuils, l’accompagnement, la reconquête d’une normativité, la transformation progressive des représentations, le développement d’une capacité de résilience, l’apprentissage de la vie avec la maladie, le soutien des pairs... tout ce que vous retrouverez dans cet ouvrage.
La question qui me semble la plus importante aujourd’hui est de savoir comment nous, patients, sommes soutenus par nos milieux de soins pour déclencher et traverser ce processus ? La réponse est claire, très mal, et c’est pourquoi ce type d’ouvrage est nécessaire pour mieux comprendre les mécanismes subtils de la guérison et du rétablis- sement afin d’aider nos institutions de santé à prendre ce virage essentiel, tant dans le contexte de la santé mentale que celui de la santé physique.
À titre d’exemple du chemin qu’il reste à parcourir, j’étais encore dernièrement en traitement intense pour de longs mois et je me trouvais encore bien seul à mobiliser les ressources diversifiées et nécessaires à mon rétablissement. Certes, j’ai une grande habi- tude maintenant de ce type de situations, et certains réflexes spontanés issus de mon expérience de la vie avec la maladie m’évitent les pièges et favorisent la réussite de mon parcours. Cependant, malgré cela, il a encore fallu que je joue le rôle principal d’anima- teur, d’entremetteur, de motivateur, voire de soutien, à mon propre réseau de ressour- ces, tout simplement parce que nos institutions de santé ne fonctionnent encore que trop peu sur ce « mode rétablissement », et sont trop axées sur l’acte curatif, la gestion du soin au sens strict plutôt que de la personne. Alors, si c’est encore difficile pour moi qui fais partie de la très petite minorité de patients expérimentés, privilégiés et très bien connus du système dans lequel en plus j’exerce des fonctions de direction au niveau professionnel, il est d’autant plus facile d’imaginer comment ça se passe pour la grande majorité des autres patients... Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Ce qui est clair c’est que nous parlons ici d’un changement culturel majeur, voire révolu- tionnaire, qui va prendre de longues années à s’implanter avec un fort leadership de transformation sur plusieurs niveaux, car ce changement va demander une modification profonde et soutenue des pratiques de tous, incluant celles des patients. Pour finir, quelques recommandations qui, de ma perspective, pourraient assurer le succès d’un tel changement. La plupart d’entre elles sont abordées dans les chapitres qui suivent et/ou illustrées dans mes expériences personnelles décrites précédemment :
• intégrer de nouveaux savoirs : la reconnaissance de la valeur ajoutée du savoir expérientiel des patients et de leurs proches ainsi que de leur statut d’acteur de soins à part entière et, conséquemment, de partenaires d’évolution incontourna- bles de nos systèmes de santé ;
XV
Préface