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Qu’est-ce que la thanatologie ?

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Academic year: 2023

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Michel von Wyss

Qu’est-ce que la thanatologie ?

Voilà un « gros mot », un mot qui peut paraître barbare ou préten- tieux, donc énervant ! Que recouvre- t-il ? Dépêchons-nous de le définir, de cerner au mieux la notion qu’il évoque ainsi que son objet afin que la perspective s’éclaircisse, que le brouillard se dissipe1.

THANATOLOGIE n.f. Méd. Etude des signes, des conditions, des causes et de la nature de la mort.

THANATOPRAXIE n.f. Méthode permettant de retarder le plus long- temps possible la décomposition des cadavres par des techniques d’em- baumement.

THANATOS n.m. (de Thanatos n.

myth.) Psychan. Syn. de PULSION DE MORT (par oppos. à EROS).

THANATOS Myth. Gr. Dieu de la Mort, fils de la nuit (Nyx) et frère d’Hypnos

La thanatologie est donc une approche interdisciplinaire impli- quant des représentants de la méde- cine, des sciences humaines (anthropologie, sociologie, théolo- gie, histoire, psychologie, psychana- lyse), mais aussi des soignantes, des bénévoles ainsi que des entrepre- neurs de pompes funèbres, tous intéressés à échanger des regards croisés sur différents aspects du phénomène « mort » dans un cadre exempt de tout enjeu de pouvoir ou professionnel.

La société française de thanatologie a été fondée au début des années 1970 sous l’impulsion du grand anthropologue Louis-Vincent Tho- mas qui en fut le premier président.

Il contribua notamment à mettre en évidence la véritable place qu’occu- pent les morts dans les sociétés pré- capitalistes alors qu’ils sont rejetés des sociétés modernes d’Occident orientées essentiellement vers la

rentabilité et dans lesquelles l’indivi- dualisme sur-valorise le pouvoir de l’homme sur lui-même (avortement, euthanasie, suicide)2. La société moderne est décrite comme morti- fère et pourtant la mort, souvent montrée, voire omniprésente, y est – et reste – déniée. Les thèmes de

« l’Histoire de l’homme devant la mort » (Philippe Ariès)3mais aussi de

« La mort, la fête et le temps » (Annick Barrau)4 sont deux des apports qui m’ont particulièrement marqué. De nombreux autres auteurs ont également contribué à enrichir le champ de la thanatologie sur des sujets aussi variés que : le

« statut » du cadavre au cours des âges, la mort et l’enfant, l’évolution des rites, les différents aspects du deuil et de ses complications, les tra- ditions et pratiques funéraires, les croyances, religions et conceptions de l’au-delà. Parmi les apports les plus récents, notons le livre clé de Marie-Frédérique Bacqué qui consti- tue à mon sens une véritable somme des enjeux relatifs au deuil et aux rites. Son propos peut se résumer de la façon suivante « où et comment trouver les ressources permettant de faire son deuil après la mort d’un proche signifiant, dans une société individualiste, pressée et ayant perdu le sens du sacré, et cela sans nécessairement faire appel à des professionnels spécialisés ?5».

Après ce rapide tour d’horizon de la société française de thanatologie, voyons ce qui existe en Suisse romande dans ce domaine depuis une vingtaine d’années, sous quels auspices et dans quel état d’esprit cela évolue.

La Société d’Etudes Thanatologiques de Suisse romande en bref

Fondée en 1982, la Société d’Etudes Thanatologiques de Suisse Ro- mande (SET) réunit des médecins, sociologues, anthropologues, histo-

riens, théologiens, thérapeutes, soi- gnants , entrepreneurs funéraires et bénévoles. L’originalité de cette société a tenu jusqu’à récemment au lien direct qu’elle a entretenu pen- dant vingt ans avec les Pompes Funèbres Générales S.A., tout à la fois sponsor et « laboratoire » – ou terrain d’expériences – pour la SET, jusqu’à ce que le mécanisme de la mondialisation touche aussi ce sec- teur et cette entreprise. Le licencie- ment d’un directeur compétent et humaniste, secrétaire de la SET, a mis fin à cette « joint venture » si ori- ginale entre une approche théo- rique, intellectuelle et un lieu de pra- tique particulièrement concret et concerné, pleinement ouvert à l’amélioration continue dans tout ce qui touche aux « jours autour de la mort ».

Les participants de la SET, au cours de toutes ces années, ont été nom- breux, certaines des journées annuelles rassemblant près de trois cents personnes venant de toute la Suisse romande. Un comité restreint de trois personnes, déjà membres fondateurs de la société en 1982 et toujours présentes et actives en 2004, en a assumé le fil rouge sans jamais perdre la capacité de prôner simultanément sérieux, distance, humour et autoanalyse dans la conduite de cette société si particu- lière. Il y a tout d’abord le président depuis de longues années, Bernard Crettaz, Valaisan et fier de l’être, sociologue, ancien conservateur au musée d’ethnographie de Genève, grand amateur de rites, de fête et de vie authentique, toujours en mouve- ment, au regard acéré, original et sans complaisance sur les change- ments sociétaux. Le deuxième est François Morisod, secrétaire de la société, ancien directeur des Pompes Funèbres Générales SA à Lausanne. Il est l’homme du terrain, entré comme apprenti et devenu au fil des ans directeur général d’une importante entreprise de pompes

Vous avez dit thanatologie ?

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funèbres dont il a vécu tous les aléas, sacrifié récemment sur l’autel de la rentabilité d’une entreprise devenue filiale d’une multinationale et désor- mais vouée au seul profit. Le profes- seur Patrice Guex, aujourd’hui patron de la psychiatrie au CHUV, à Lausanne, complète ce trio de choc.

Préposé à la clôture de chacune des journées d’études de la SET, il répond tout en finesse, mais en ins- pirant une totale sécurité, au besoin d’une présence contenante. Il sait recadrer à merveille, permettant à chaque fois aux participants de prendre recul, de donner sens, en explicitant le pan inconscient du vécu collectif autour de sujets qui risqueraient – si l’on n’y prêtait garde – de voir leur dimension fantasma- tique devenir submergeante.

De 1982 à 1994, la SET a abordé, au fil des ans, les sujets suivants qui ont été autant de thèmes des journées annuelles, mais aussi de pas dans le cheminement de la société :

« Approches de la mort, ici et main- tenant » ; « La mort manifestée, mais non dite » ; « Le suicide, pathologie ou responsabilité ? » ; « Cérémonies à inventer : y a-t-il de nouveaux rituels mortuaires ? » ; « Le monde des vivants et la cité des morts : qu’est- ce qu’une tombe ? » ; « La mort dans les médias contemporains » ; « La mort à la mode » ; « La mort devant la loi » ; « Le prix de la mort » ; « L’en- fance de la mort : l’enfant découvre la mort » ; « Les jours de la mort » ;

« Le deuil aujourd’hui » ; « Les savoirs de la mort »6.

Depuis le milieu des années 90, la société a passé par plusieurs crises d’identité, se demandant notam- ment si elle avait encore un rôle spé- cifique à jouer au moment où les écrits autour de ce thème se multi- pliaient et où la mort devenait de plus en plus à la mode. L’originalité, la « gratuité » et l’indépendance de la SET ont jusqu’à aujourd’hui permis de réaffirmer à plusieurs reprises l’importance de son existence pour ses membres. Dans une de ses introspections, la société constatait :

« La thanatologie existe, mais pas les thanatologues. Le statut particulier de l’étude de la mort, c’est de n’ap- partenir à personne tout en concer- nant chacun. Cela a préservé la SET de devenir le rameau d’une disci- pline-mère »7.

Depuis lors, l’activité de la société est devenue plus occasionnelle tout en restant forte : création en 1996, avec la Société Suisse de Médecine et de Soins Palliatifs, sous les aus- pices de l’Institut Universitaire Kurt Bösch à Sion et du Centre François- Xavier Bagnoud, de la formation interdisciplinaire de trois ans « Soins palliatifs et thanatologie », menant à un niveau de master européen, sous la subtile direction d’une autre membre fondatrice de la SET, Annie- Moria Venetz, psychosociologue, psychothérapeute ; exposition « La mort à vivre » au musée d’ethnogra- phie de Genève en 1999, assortie de deux publications7 et suscitant de nombreux témoignages. Tout récemment, enfin, la SET a organisé une remarquable journée à Meyrin, le 17 janvier 2004 sur le thème « La fin, l’adieu, le recommencement » où furent abordés différents types de fins signifiantes dans un parcours de vie et pas seulement celles liées à la mort paisible ou brutale d’un être cher, mais celles questionnant aussi sur les points communs et les diffé- rences avec les deuils en général dans la vie, que ce soit celui d’un idéal, d’une carrière professionnelle ou la fermeture d’une institution.

Ce bref panorama serait par trop incomplet si j’omettais de citer le remarquable travail d’accompagne- ment, mais aussi de sensibilisation et de formation, fait dans le domaine des rites funéraires et de l’approche personnalisée des familles endeuillées promue depuis de longues années par une autre che- ville ouvrière de la SET, Edmond Pit- tet, ancien bras droit de François Morisod et aujourd’hui patron de sa propre entreprise funéraire à Lau- sanne. Le rayonnement d’Edmond Pittet contribue à améliorer par

osmose la qualité des prestations des entreprises de pompes funèbres de toute la Suisse romande : rien de sophistiqué dans ses propositions, mais un grand professionnalisme, une écoute profonde et un respect absolu des besoins des proches ayant perdu un être cher ; une force tranquille aussi pour les aider à faire tout ce qui est essentiel pour eux afin de leur permettre de débuter au mieux le deuil qu’ils auront à faire8. Comme la SET foisonne de per- sonnes passionnantes, nombre d’entre elles mériteraient encore d’être citées. J’en resterai là, conscient de cette lacune.

L’approche thanatologique :

un outil pour prendre du recul

Quel est donc l’intérêt qui rassemble tous ces gens et les incite à passer tant de temps à s’arrêter sur diffé- rents thèmes en lien avec la mort ? Est-ce une pulsion de mort qui les attire ? Est-ce un intérêt pour le macabre ? Y a-t-il d’autres motiva- tions ? Je ne peux répondre que pour moi. Ce qui me donne chaque fois l’élan de faire d’une telle occasion une priorité, c’est paradoxalement à la fois la sérénité et le sentiment de vie intense que j’y ressens. C’est sur- tout que j’y trouve un regard critique qui me donne une capacité de réflexivité sur ce qui m’occupe lar- gement, soit le développement des soins palliatifs dans le canton de Neuchâtel et au niveau suisse. J’ai en effet la conviction, notamment pour des raisons de justice sociale, d’équité, qu’il est nécessaire de développer les soins palliatifs dans les politiques de la santé que ce soit au niveau des cantons ou du pays, tout particulièrement au moment où le fossé entre les moyens et les besoins dans le domaine de la santé s’élargit considérablement. Des choix devront bientôt être faits parce qu’on ne pourra plus satisfaire toutes les demandes. Une des prio-

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rités, à mon sens, devra être au moins de permettre à chacun d’avoir accès à une qualité de vie optimale à l’approche de la mort. En même temps, il m’apparaît essentiel de res- ter humble dans cette conviction et cette promotion : les soins palliatifs restent une offre parmi d’autres. Ils ne doivent pas constituer une ségré- gation positive, un « must » imposant désormais une conception du « bien mourir » qui deviendrait incontour- nable10. Le mourir est un événement existentiel. Il appartient à celui ou celle qui meurt, subsidiairement à ses proches. Il n’appartient pas aux médecins ni aux équipes de soins palliatifs qui soignent et accompa- gnent. Je ressens que notre rôle res- semble à celui des sages-femmes : nous ne sommes pas là pour assurer le passage à la place d’autrui ; nous ne sommes pas non plus là pour remplacer ses proches directement affectés. Nous sommes juste là pour proposer des conditions qui facili- tent au mieux ce passage. En soins palliatifs, nous devons aussi souvent accepter de n’avoir de vraiment important à partager que l’impuis- sance face au destin. En la SET, je trouve cet espace si essentiel qui m’aide à ne jamais oublier ces véri- tés.

En guise de conclusion, je vous pro- pose de rester sur une question.

Dans son dernier petit (little) mais grand (great) livre intitulé « Vous parler de la mort »10, paru à la fin de l’automne 2003, Bernard Crettaz se fait « passeur ». A l’image des vieux sages valaisans qui parlent chaque fois de la mort dans leurs histoires, sous forme de leçons de vie, l’auteur, marqué par son parcours d’intellec- tuel d’une part et son vécu de Valai- san du Val d’Anniviers d’autre part, endeuillé de son épouse, constate que l’on n’est pas qualifié pour par- ler de la mort si on n’y est pas soi- même confronté. Mais on perd aussi le recul nécessaire lorsqu’on est soi- même trop concerné par le décès d’un proche, et se pose alors la ques- tion : « parler de la mort, est-ce autre

chose qu’un simple bavardage ? » Adresse professionnelle : Centre de soins palliatifs La Chrysalide

Paix 99

2300 La Chaux-de-Fonds Tél. 032 913 35 23

E-mail : michel.vonwyss@ne.ch Web www.chrysalide.ch www.palliative.ch Adresse privée : Nord 3

2300 La Chaux-de-Fonds Tél. 032 968 21 16

e-mail : michel@vonwyss.ch

1 « Grand Dictionnaire Encyclopédique » Larousse.

2 « Anthropologie de la mort », Louis- Vincent Thomas, Bibliothèque scienti- fique Payot, Paris – 1975.

3 « L’homme devant la mort », Philippe Ariès, Points Histoire Paris – 1985.

4 « Mort à jouer, mort à déjouer », Annick Barrau, PUF, Paris – 1994.

5 « Approvisionner la mort », Marie-Fré- dérique-Bacqué, Ed. Odile Jacob, Paris – Octobre 2003.

6 « La mort de l’oubli, 12 ans de thanato- logie », Musée d’ethnographie de Genève, 1995.

7 « La mort à vivre » livre d’images de Eugène et Bertola et « Petit manuel des rites mortuaires » de Jérôme Ducor, Bernard Crettaz, Christian Delécraz et Christophe Gallaz, les deux publica- tions aux éditions La Joie de Lire, Genève, 1999.

8 « La mort oubliée ;, Edmond Pittet et Patrice Rossel, Editions Cabédita, Yens, 1992.

9 « Fin de vie. Un temps pour quoi ? Vio- lence de la mort pacifiée », R.-W. Hig- gins, revue ESPRIT, janvier 2003.

10 « Vous parler de la mort », Bernard Crettaz, Editions Porte-Plumes, Ayer, (Zinal), novembre 2003.

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