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L'estimation latitudinale de l'origine par les isotopes de l'eau: l e mod•le simple

VARIATIONS DE L'ORIGINE DES PRECIPITATIONS ANTARCTIQUES ET INFLUENCE SUR LE THERMOMETRE

II.1. Comment estimer l'origine des prŽcipitations ?

II.1.5. L'estimation latitudinale de l'origine par les isotopes de l'eau: l e mod•le simple

La composition isotopique des prŽcipitations antarctiques permet de 'remonter' ˆ leur origine. Le mod•le simple isotopique, prŽsentŽ dans la premi•re partie (Section I.2.3), permet en effet d'estimer cette composition pour diffŽrentes sources, caractŽrisŽes par leur tempŽrature.

Ce mod•le comporte de nombreux param•tres, comme le gradient vertical de tempŽrature, la fonction de supersaturation, dont les valeurs sont mal connues et doivent •tre dŽterminŽes par 't‰tonnement', en essayant de se rapprocher au mieux des compositions observŽes. Cette

dŽtermination empirique des param•tres permet de prŽciser la sensibilitŽ de la composition isotopique ˆ chacun d'eux, mais emp•che d'utiliser cette composition pour dŽpartager les diffŽrentes origines possibles: on peut trouver un jeu de param•tres pour chaque source permettant de simuler la composition observŽe. Il faut donc avoir recours ˆ une caractŽristique indŽpendante si l'on veut prŽciser l'origine des prŽcipitations. Deux sont utilisŽes: la saison- nalitŽ, ainsi que l'exc•s en deutŽrium, une quantitŽ isotopique de deuxi•me ordre. L'exc•s en deutŽrium provient d'un faible Žcart ˆ la relation moyenne entre les deux isotopes lourds. Plus prŽcisŽment, alors que les teneurs isotopiques dD et d18O varient dans les prŽcipitations dans un rapport de 8 environ, l'exc•s en deutŽrium, notŽ d, est dŽfini comme l'Žcart ˆ cette relation : d=

dD - 8* d18O (Dansgaard, 1964). La Partie 4 dŽfinit plus compl•tement cet exc•s. Comme chacune des teneurs dD et d18O est bien corrŽlŽe avec la tempŽrature locale (Figure I.4), cet Žcart d est sensŽ dŽpendre d'autres param•tres, ˆ l'origine des prŽcipitations. Le mod•le simple permet de montrer qu'il dŽpend fortement de la tempŽrature de source.

Deux Žtudes, citŽes par Bromwich (1988), comparent les variations saisonni•res de la teneur isotopique des prŽcipitations ˆ la station coti•re de Syowa (40¡E) avec les variations des conditions climatologiques ocŽaniques. Elles concluent ˆ une origine de la vapeur des moyennes ˆ hautes latitudes (55-58¡S pour l'une, 38¡-62¡S pour l'autre). Il faut souligner la mŽconnaissance des conditions climatologiques dans l'hŽmisph•re sud, due ˆ la faible densitŽ de mesures. Depuis quelques annŽes, les observations (par satellites notamment) et leur assimilation dans des mod•les de circulation gŽnŽrale ("analyses opŽrationnelles") ont permis d'amŽliorer leurs couvertures spatiale et temporelle.

D'autres Žtudes, plus rŽcentes, utilisent conjointement saisonnalitŽ et exc•s en deutŽrium. Pour le Groenland, Johnsen et al. (1989) ont ŽtudiŽ des mesures issues de forages du sud-est (Dye 3) et du centre (site G) prŽsentant une saisonnalitŽ bien marquŽ. En essayant de simuler les valeurs ŽlevŽes d'exc•s en deutŽrium et leur antiphase avec le signal isotopique, ils concluent ˆ une origine de moyenne latitude ˆ subtropicale caractŽrisŽe par des tempŽratures ocŽaniques de l'ordre de 20¡C. Les valeurs d'exc•s plus faibles caractŽristiques de sites c™tiers (Isfjord, au Svalbard, et Reykjavik en Islande, stations du rŽseau de mesures isotopiques des prŽcipitations de l'IAEA) sont par contre compatibles avec une source de vapeur plus proche.

Pour ces derniers sites, la contrainte apportŽe par le mod•le isotopique n'est pas tr•s forte car les diffŽrences d'exc•s en deutŽrium apparaissent avec le fractionnement isotopique, ˆ partir de valeurs peu diffŽrentes dans la vapeur initiale. Des conclusions identiques ont ŽtŽ obtenues pour l'origine des prŽcipitations au centre du Groenland, pour les sites de GRIP et GISP (Hoffmann et al., 1997). A la fois les valeurs ŽlevŽes de l'exc•s et un lŽger retard d'un mois par rapport aux isotopes, sont mieux simulŽs par une source subtropicale (34¡N). Cette derni•re Žtude utilise la

version du mod•le dŽveloppŽe par Ciais et Jouzel (1994), qui prend en compte la coexistence de trois phases aŽroportŽes (vapeur, liquide et solide).

Pour l'Antarctique, les Žtudes se sont portŽes sur le plateau central, zone la plus ŽlevŽe avec des altitudes supŽrieures ˆ 3000 m•tres, dans sa partie orientale o• se trouvent les stations associŽes aux forages de Vostok, Dome Concordia, Dome B, Pole Sud, Plateau. Les traverses qui approvisionnent ces stations par voie de surface ˆ partir de la c™te (Mirny pour Vostok, Dumont d'Urville pour Dome C) ont permis l'Žchantillonnage de neige rŽcente, de composition isotopique intermŽdiaire entre celle des sites c™tiers (typiquement -150ä pour dD) et celle extr•me de l'intŽrieur (-440ä ˆ Vostok). Ce fractionnement poussŽ de la vapeur rŽsulte des tempŽratures tr•s basses rencontrŽes dans cette rŽgion centrale o• la tempŽrature annuelle est de l'ordre de -40¡C, avec des minima aussi bas que -89¡C. Dans ces conditions extr•mes, la teneur isotopique, et plus encore l'exc•s en deutŽrium, sont tr•s sensibles ˆ l'histoire de la vapeur et aux conditions de son fractionnement. Jouzel et Merlivat (1984) ont montrŽ que, dans ces conditions de coexistence entre vapeur et phase solide, l'effet cinŽtique accompagnant la condensation est fondamental pour simuler des valeurs rŽalistes de l'exc•s en deutŽrium. Cet effet cinŽtique provient de la sursaturation de la vapeur par rapport au solide. Cette sursaturation est quantifiŽe par le rapport, notŽ Si, entre la pression de vapeur effective et celle ˆ l'Žquilibre (Si>1). A cause de la difficultŽ de mesure de ce rapport, une paramŽtrisation simple, linŽaire ˆ la tempŽrature, est adoptŽe. Le tr•s faible nombre de mesures disponibles alors n'a pas permis ˆ Jouzel et Merlivat (1984) de prŽciser l'origine de la vapeur. Petit et al. (1991) ont utilisŽ de nouvelles donnŽes, issues de traverses, pour discuter l'augmentation continentale de l'exc•s en deutŽrium en terme de source. Ils ont montrŽ que les fortes valeurs d'exc•s en Antarctique centrale sont uniquement compatibles avec une origine de la vapeur entre 30 et 40¡S (Figure II.7), et qu'une contribution des hautes latitudes est possible dans les rŽgions proches de la c™te caractŽrisŽes par un exc•s faible.

Ciais et al. (1995) ont ajoutŽ la contrainte de la saisonnalitŽ ˆ celle des valeurs d'exc•s en deutŽrium, afin de dŽterminer l'origine des prŽcipitations pour un site proche de la c™te, D47, en Terre AdŽlie, et un site central, P™le Sud. Ils ont ajustŽ le mod•le simple, pour chacune des sources envisagŽes, afin de simuler les valeurs d'exc•s mesurŽes. La phase entre l'exc•s et un isotope est utilisŽe pour discriminer les sources. Pour P™le Sud, la source la plus probable se situe vers 30¡S (plus ou moins 10¡), avec une bonne correspondance entre les valeurs mesurŽes (Tableau II.2). Pour le site D47, la saisonnalitŽ correspond ˆ des latitudes subtropicales, mais les teneurs isotopiques elles-m•mes correspondent ˆ des sources en hautes latitudes. Il appara”t donc que les caractŽristiques de ce site c™tier sont plus difficiles ˆ simuler, peut-•tre parce que le mod•le simple ne dŽcrit pas les phŽnom•nes convectifs qui affectent les zones c™ti•res de

l'Antarctique comme du Groenland, mais correspond au transport 'horizontal' de la vapeur qui caractŽrise l'intŽrieur de l'Antarctique.

Figure II.7. Simulation de la relation entre l'exc•s en deutŽrium et la teneur en deutŽrium (dD) des prŽcipitations, pour diffŽrentes sources caractŽrisŽes par leur latitude, avec un mod•le isotopique simple (Petit et al., 1991). Les param•tres du mod•le ont ŽtŽ ajustŽs diffŽremment pour chaque source afin de reproduire au mieux les mesures en Antarctique (symboles).

Delmotte et al. (1999) ont ŽtudiŽ le site c™tier de Law Dome (113¡E), ˆ proximitŽ de la station australienne de Casey. Par rapport ˆ D47, ce site bŽnŽficie d'une accumulation trois fois plus forte et d'un vent plus faible, ce qui donne plus de confiance dans la datation et la stratigraphie. Ils ont appliquŽ le mod•le de Ciais et Jouzel (1994) ˆ diffŽrentes sources possibles des prŽcipitations, et montrent que l'addition de vapeur issue de la zone c™ti•re, en ŽtŽ, rapproche la phase entre isotope et exc•s des observations. Cette Žtude renforce donc l'idŽe d'une source locale pour les prŽcipitations c™ti•res, au moins en ŽtŽ lorsque la mer est libre de glace.

DeutŽrium (dD, ä) Exc•s en DeutŽrium

(d, ä) retard d/dD

(mois)

Site: moy. min. max. moy. min. max.

P™le Sud

observations -390 -450 -340 9 5 1 2 2-3

mod•le 20¡S -402 -447 -338 10 5 14 4-6

mod•le 30¡S -393 -435 -336 10 7 14 2-3

mod•le 40¡S -387 -431 -323 11 7 14 4-7

mod•le 50¡S -373 -429 -300 8 -2 16 5-7

mod•le 60¡S -365 -418 -294 8 -4 18 5-6

C™te (D47)

observations -210 -250 -150 5 0 9 0

mod•le 20¡S -257 -313 -178 5 3 6 2-3

mod•le 30¡S -247 -300 -168 7 2 10 1-2

mod•le 40¡S -235 -295 -150 5 3 8 4-5

mod•le 50¡S -227 -312 -113 0 -5 6 4-5

mod•le 60¡S -209 -280 -92 -6 -10 -4 4-5

Tableau II.2. CaractŽristiques isotopiques de deux sites antarctiques, P™le Sud dans l'intŽrieur (1000 km de la c™te), et D47 en Terre AdŽlie (154¡E, 75¡S, ˆ 110 km de la c™te), comparŽes ˆ celles simulŽes pour diffŽrentes sources (Ciais et al., 1995).

Mesures faites sur la neige de surface, reprŽsentant 9 ans pour P™le Sud, environ 25 ans pour D47.

Quelques Žtudes ont envisagŽ des variations d'origine des prŽcipitations, ou tout au moins de leurs caractŽristiques, lors des changements climatiques. Jouzel et al. (1982) ont mesurŽ ˆ Dome C une diminution de 4.5ä de l'exc•s en deutŽrium en pŽriode glaciaire. Ils l'ont interprŽtŽe par l'augmentation de l'humiditŽ relative ˆ la source de 10%, en supposant une diminution de l'Žvaporation, de la tempŽrature, et une augmentation de la vitesse des vents.

Mais la modŽlisation utilisŽe alors, et donc la sensibilitŽ aux diffŽrents param•tres, sont discutables. Au contraire Johnsen et al. (1989) ont trouvŽ un exc•s constant au sud du Groenland (site Dye 3, d=8ä). Ils ont interprŽtŽ cette invariance par une humiditŽ spŽcifique (teneur de l'air en vapeur) constante, provenant d'un refroidissement de la source (2¡C) et d'une augmentation de l'humiditŽ relative de 10%. Ces variations sont gŽnŽralement discutŽes ˆ 'source fixe', en supposant que l'origine gŽographique des prŽcipitations n'a pas variŽ, car elles sont compatibles avec ce que l'on attend d'un changement climatique glaciaire (refroidissement, vent plus fort, etc). Un autre exemple d'une telle interprŽtation se trouve dans Aristarain et al.

(1986). Le mod•le isotopique simple permet d'estimer la dŽpendance entre la variation climatique (sur la derni•re centaine d'annŽes)

D

de la teneur des prŽcipitations en PŽninsule Antarctique (”le de James Ross, 57¡W-67¡S), et les variations de tempŽrature de condensation (Tc) et de la source (Te):

D

dD = 8.5*

D

Tc - 4.2*

D

Te. En supposant une source de vapeur

proche, les auteurs avancent que les variations de ces deux tempŽratures doivent •tre voisines:

D

Tc=

D

Te, ce qui conduit ˆ un gradient:

D

dD = 4.3*

D

Tc. Cette valeur est en fait tr•s proche du gradient temporel calculŽ ˆ partir de relevŽs de tempŽrature des stations voisines depuis 50 ans environ (Faraday et Esperanza). Cette possibilitŽ d'un gradient temporel (4.3ä/¡) plus faible que le gradient spatial (8.5ä/¡) par refroidissement de la source (Te) souligne, encore une fois, l'intŽr•t de dŽterminer l'origine des prŽcipitations.

Un cas opposŽ a pourtant ŽtŽ rencontrŽ: une diminution de 4ä de l'exc•s en deutŽrium a ŽtŽ mesurŽ par Johnsen et al. (1989) ˆ Dye 3 (Groenland du sud) lors des interstades (chauds) ponctuant la pŽriode glaciaire. Cette diminution d'exc•s suppose un refroidissement de 2¡C de la source des prŽcipitations, en contradiction avec le rŽchauffement de toute la rŽgion nord- atlantique, dŽmontrŽ, notamment, par les isotopes eux-m•mes. Ces auteurs ont avancŽ, judicieusement, l'hypoth•se que la zone source des prŽcipitations (la dŽrive nord-atlantique) pouvait avoir changŽ de tempŽrature en changeant de place, dŽcalŽe vers le sud en pŽriode froide (donc plus chaude) et vers le nord en pŽriode chaude (donc plus froide) comme toutes les autres structures climatiques ('front polaire', glace de mer, etc). Un tel rŽsultat est confirmŽ par notre modŽlisation de la circulation gŽnŽrale atmosphŽrique.