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Submitted on 1 Jan 1980
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Bases physiologiques du comportement alimentaire chez les ruminants
F. Gallouin, M. Focant
To cite this version:
F. Gallouin, M. Focant. Bases physiologiques du comportement alimentaire chez les ruminants. Re-
production Nutrition Développement, 1980, 20 (5B), pp.1563-1614. �hal-00897758�
Bases physiologiques du comportement alimentaire chez les ruminants
F. GALLOUIN M. FOCANT
Institut national agronomique Paris-Grignon 16, rue Claude-Bernard, 75231 Paris cedex 05
* Université catholique de Louvain
Laboratoire de Biochimie de la Nutrition,
place Croix-du-Sud, 3, B-1348 Louvain la Neuve, Belgique.
Summary.
Thephysiological
basesof feeding
behavior in ruminants.According
to LeMagnen, feeding
behavior may be defined as« the overall actions of ananimal
by
which it ingests suitable food forsatisfying
its organic needs and refuses substan-ces which are not food or are toxic ».
This definition thus supposes that the animal has learned to recognize edible substances
or that innate reflexes, of which we are unaware, are involved.
Feeding
behavior is initiatedby
a need to eat(hunger),
and it ceases when the ruminant is satiated. Twoantagonistic
pro-cesses are thus
implicated :
the first initiates the behavior, and the second stops it. Most of the work done on the regulation offeeding
behavior has concerned satiety mechanisms. In fact, it is difficult toquantify
the need of an animal to eat, while satiety isgenerally
easy to observe.As all other mammals, ruminants have a milk diet
during
the neonatalperiod.
But if theyoung animal has a free choice, it soon
prefers
grass which has a different chemical compo- sition than milk. This change in foodpreference
results in an overall transformation of the gastric compartments into a systemadapted
to cellulosedigestion.
This modification occurs in the pre-weaningperiod
and isexpressed by
the appearance of aspecial
behavior, that of rumination or merycism. In these compartments, a flora and a faunadevelop
and live onthe food the animal eats. Cellulose
degradation products,
i.e. volatilefatty
acids(VFA)
suchas acetic, propionic or
butyric
acids, form and are usedby
the host as a source of energy.There is true
symbiosis
between the rumenmicropopulation
and the ruminant. The ani- mal’s characteristicfeeding
behavior is a result of its cumbersome diet, the presence of gastric compartments,micropopulation
metabolites and of rumination.The feeding
behavior of ruminants should be studied on the pasture.According
to Ruckebusch, the food intake, the total duration of rumination and the restperiod
each last8 hrs in cattle.
The meals, alternating with
periods
of rumination, are eatenmainly during
theday ;
their relative
length
varies with grassquality.
Domestic ruminants eat 6 to 14 meals per
day separated by
ruminationperiods.
Thetotal duration of rumination
depends
on thelength
of the grass ; it maydrop
to 45 min perday
if the ration isground.
The animal is satiated when the gastric compartments have been filled to a certain level.
However, when the same diet is
ground,
the same amount isingested.
Thus, other factors, such asoropharyngeal
sensations or metabolic and nervous factors related to thedigestion
of the meal, are
responsible
for short-term satiety in ruminants. As intestinal transit rate,gastric
activity affects food intake. These transits themselvesdepend
on the state ofvigilance.
Satiety
is a result of theabsorption
of theproducts
ofdigestion through
the rumen or theintestine. The volatile
fatty
acids produced inhibit food intake and ruminationby
acting either onspecific
receptors orby changing
the transit.Glycemia,
blood volatilefatty
acids and amino-acidemia do not seem toplay
a directrole in short-term satiety. Moreover, Forbes believes that no experiment has yet shown the
exact role of
digestive
hormones in the control of satiety.The size of the meals may vary in relation to the
fattening
state of the animal. Thedaily
energy
ingested
decreases as the animal gainsweight. Attempts
have been made toexplain
this process as affected
by
freefatty
acids,prostaglandins,
insulin,growth
hormone, sex hor-mones,
glucocorticoids
and temperature. In fact, all these factors have a metabolic effect onfood intake and may cause some
pathological
states.Psychological
factors also play a role in modulating the satiety andhunger«
centers ».This research on ruminants has
only
commenced butalready
promises some interestingpractical applications.
Sommaire.
1. - Introduction.
2. - Les structures
impliquées
dans la réalisation du comportement alimentaire.2.1. - Le tractus
digestif.
2.2. - Rôles du
système
nerveux central dans la régulation de la prise alimentaire.3. -
Régulation
du comportement alimentaire.3.1. - Rôle de la réplétion du réticulo-rumen.
3.2. - Contrôle humoral de la prise alimentaire.
3.3. - Rôle des hormones
digestives.
3.4. - Rôle d’autres facteurs endocriniens.
4. - Conclusion.
1. - Introduction.
Le
comportement
alimentaire est lapremière
desrégulations métaboliques
car ilpermet
le contrôle des entrées des nutriments dansl’organisme.
L’étude du
comportement
alimentairepeut
être abordée de manières bien diffé- rentes.L’éthologiste
observera les animaux dans leur milieu nciturel et évitera leplus possible de
lesperturber.
Le zootechnicien cherchera à connaître lerégime
alimentaire le mieuxaccepté
par l’animal tout en assurant le maximum deperformance
en vued’une
production
lactée ou de viande. Lephysiologiste
cherchera ledéterminisme,
c’est-à-dire le comment ducomportement.
C’est sous cetangle
là que nous aborderons l’étude ducomportement
alimentaire des ruminants.Le
Magnen
définit lecomportement
alimentaire comme « l’ensemble des actes de l’animal parlequel
ilingère
des aliments propres à satisfaire ses besoinsorganiques
etrefuse les susbtances non alimentaires ou
toxiques
». Cettedéfinition,
trèsgénéralisable
à l’ensemble des mammifères et même du
règne animal, appelle
un certain nombre decommentaires. L’« ensemble des actes » est très difficile à délimiter. La
quête
de nourri-ture, sa sélection ou
choix,
sacapture,
sa mastication... constituent unepartie
de cesactes.
La
faim
est laperception
de l’état de besoinorganique lorsque
le ruminant ne s’estpas alimenté
depuis
un certaintemps.
Ellecorrespond,
sansdoute,
pourlui,
à un état de malaise ets’accompagne
d’un désir vif et conscient de nourriture. La faimrepré-
sente donc pour
l’organisme
un mécanisme de défense curatif. Il est très difficile demesurer cette faim chez l’animal. Par contre, on pourra a
posteriori,
l’évaluerquand
l’animal aura
ingéré
un repasplus
ou moinscopieux.
L’appétit
est considéréclassiquement
comme une sensationagréable,
une formeatténuée de la faim. En
fait,
onpeut
considérer commephénomène d’appétit,
touteconsommation alimentaire
qui,
par sa valeurquantitative
ouqualitative,
traduit uneanticipation
parl’animal,
au cours de l’exécution de saprise orale,
à la fois des besoins à couvrir et des effetsmétaboliques
ultérieurs des aliments. En d’autres termes, l’animaladapte
à un besoin latentqui
ne s’est pas encoremanifesté,
uneingestion
dont la com-position
etl’importance
ne sont pas décelables directement par lescapacités
sensorielles de l’animal. Ils’agit
là d’unremarquable exemple
de mécanisme de défensepréventif ;
c’est un
phénomène acquis
résultant d’unapprentissage
basé sur desexpériences répétées.
Lors de ces
expériences
de choixalimentaire,
limitées par la variété desespèces végétales
environnantes, le ruminant « classe » les aliments selon sespréférences.
La«
palatabilité
absolue» de l’aliment(Le Magnen)
est la cote donnée par l’animal au début d’un repas et en fonction d’undegré plus
ou moins intense de la faim. A la fin du repas, cette cote baisseprogressivement
et onpeut
doncparler
à ce moment, depala-
tabilité relative de l’aliment. Le ruminant est
apparemment rassasié,
mais si on luipropose un autre
régime (orge
à laplace
dufoin,
ou betterave au lieud’orge),
ilrecommence à
ingérer.
Lapalatabilité
du foin était devenuenulle,
celle del’orge
et dela betterave était encore élevée.
La satiété est comme la
faim,
laperception
d’un état interne : c’est un étateupho- rique apparaissant après
uneingestion capable
engénéral
de satisfaire les besoinsorganiques.
Le terme satiété sous-entend un état deréplétion
satisfaisant(satis
est = c’est
assez) qu’il
y a lieu de ne pas confondre avec le « koros » des grecsqui
estassimilable à l’écœurement. La satiété est encore un état
d’anticipation : lorsque
l’animal s’arrête de manger, les besoins ou déficits
organiques
ne sont pas encore couvertspuisque
ladigestion
est àpeine
commencée et que de cefait,
les nutriments n’ont pas encorepénétré
dansl’organisme.
Onpeut
donc considérer la satiété comme unphénomène
d’alarme ou de défensepréventif empêchant
l’animald’ingérer
desquantités
d’alimentsdépassant
sespossibilités
d’utilisationdigestive
etmétabolique.
Ces
quelques
définitions(Le
Bars etGallouin, 1972) permettent
de penser quel’organisme
animal estcapable
d’établir une relation entre l’effet sensoriel des ali- ments,qui
seproduit
essentiellement au niveau buccal etgastrique,
et leurs effets méta-boliques, énergétiques
etqualitatifs qui
se manifestentprincipalement
dansl’organisme
même.
L’appétit
pour un aliment est basé surtout sur uneanalyse
visuelle et, chez les animauxdomestiques
surtout, sur l’odeur et legoût (perception buccale). L’appétit
estlimité du fait de
l’apparition
de la satiété, par uneperception
du volumeingéré
aucours même du repas
(perception
buccale etgastrique).
Cetappétit
estcependant,
quantitativement
etqualitativement,
fonction despropriétés
nutritionnelles de l’aliment et des besoinsmétaboliques
à couvrir,qui
varient d’ailleurs fortement en fonction de l’étatphysiologique imposé
par lesproductions
de l’animal.Un
problème physiologique
se pose donc : comment le besoinorganique
métabo-lique, quantitatif
etqualitatif d’aliments, s’accompagne-t-il
d’uncomportement
se tra-duisant par la
découverte,
la sélection etl’ingestion
enquantités appropriées
des ali-ments
capables
de satisfaire ces besoins et desupprimer
lesperturbations organiques qu’ils engendraient.
Nous n’aborderons pas, dans cette
étude,
lesproblèmes
liés à larégulation
dumétabolisme de l’eau et des
électrolytes,
c’est-à-dire le déterminisme de la soif. Toute-fois,
nous avons conscience que l’eau est un véritable aliment et que soningestion
conditionne en
grande partie
laprise
des alimentsénergétiques.
Dans cette étude nous
envisagerons
tout d’abord lesproblèmes posés
par le com-portement
alimentaire dujeune
ruminant. Puis nous essaierons de décrire lecomporte-
ment alimentaire de
quelques
ruminants adultes. Nous aborderons ensuite l’étude des structures dusystème
nerveux centralqui
contrôlent le déclenchement et l’arrêt desréponses
alimentaires. Une interventionexpérimentale
directe sur ces structures ner-veuses détermine des modifications très
rapides,
souvent presqueimmédiates,
de laconsommation alimentaire
quantitative
etqualitative, quelles
que soient les conditionsmétaboliques
de l’animal. Puis, nousenvisagerons
lesproblèmes
liés à larégulation
àcourt terme de la
prise
alimentaire en insistantparticulièrement
sur les facteurs humo-raux et nerveux
qui
informent les centres nerveux des besoins del’organisme.
Enl’état actuel de nos connaissances, il est extrêmement difficile de
préciser quel
est ouquels
sont les facteursmétaboliques
ou nerveuxqui agissent
defaçon prépondérante
sur la faim ou sur la satiété. Les ruminants
présentent
parrapport
aux autres mammi-fères un certain nombre de
particularités digestives
etmétaboliques qui
ont orienté les recherches de cesvingt
dernières années. Il nous semble doncopportun
de faire unbref
rappel
d’anatomie et dephysiologie digestive
des ruminantsqui
nouspermettra
de poser lesproblèmes
avecplus
deprécision.
2. ― Les structures
impliquées
dans la réalisation ducomportement
ali- mentaire.2.1. - Le tractus
digestif.
Le sous-ordre des ruminants
appartient
ausuper-ordre
desongulés,
infra-classe des Euthéria, sous-classe des
Theria,
classe des Mammifères(Grassé, 1955).
Lesfamilles
ayant
desreprésentants
dans la faune actuellepeuvent
êtregroupés
en rumi-nants
digitigrades
et ruminantsonguligrades.
Les ruminantsdigitigrades
ne sontreprésentés
que par la famille des Camelidaecomprenant
lechameau,
ledromadaire,
lelama,
lavigogne, l’alpaca.
Les ruminantsonguligrades
sontbeaucoup
mieuxrepré-
sentés. Ils sont classés en 6 familles
qui
sont lesTragulidae, Maschidae, Cervidae,
Anti-locapridae, Bovidae,
Giraffidae. Lesespèces
dont lecomportement
seraévoqué
danscette étude ont été
choisies,
en raison du nombre considérable de travauxqui
leur ontété consacrés dans la sous-famille des Bovinae, des Ovinae et des
Caprinae.
En
règle générale,
les ruminantspossèdent
une dentition detype
sélénodonte(dents
dont la surface ressemble à un croissant delune)
trèsadaptée
à la mastication de l’herbe. Ils sont caractérisés par laprésence
d’un estomac divisé enquatre
sacs d’iné-gale grandeur.
Lepremier
sac, la panse(rumen, ingluvium)
est leplus volumineux,
iloccupe chez les bovins
pratiquement
la moitiégauche
de la cavité abdominale etpré-
sente souvent des
poches
accessoires ; il est ouvertlargement
en avant par le col de la panse(ou
orifice rumino-réticulaire : ouvertureelliptique
de 18 cm x 13cm)
sur ledeuxième réservoir ou réseau
(bonnet, réticulum).
Le réseau est en relation avec letroisième réservoir ou feuillet
(psautier,
omasum,livret, psalterium)
par un étroit ori- ficequi
ne laisse transiter que desparticules
alimentaires de tailleréduite,
eneffet,
cet orifice réticulo-omasal mesure chez la vache2,5
cm x1,5
cm. Le feuillet est de formeallongée
etprésente
à l’intérieur une série deplis
de la muqueuse orientés suivant salongueur
etdisposés
comme les feuilles d’un livre. Le rôle de ce réservoir est de réab- sorber l’eau et lesélectrolytes
contenus dans les aliments(Brugère, 1969).
Le feuilletdébouche par l’orifice omaso-abomasal dans l’abomasum ou caillette
qui
estl’analogue
de l’estomac d’un
monogastrique
comme le porc ou l’homme.Cet ensemble de
poches
évolueaprès
la naissance du ruminant. Chez lejeune
ruminant, le lait ne transite pas normalement par le rumen et le
réseau,
car il existe undispositif particulier,
lagouttière oesophagienne, qui
faitcommuniquer
directementl’aesophage
avec le feuillet. Lagouttière oesophagienne
est constituée d’un demi-tubequi peut
se transformer en un conduitparfait
parrapprochement
de ses deux lèvres.De ce
fait,
le lait ne tombe pas dans le sac réticulo-ruminaiqui
est alors peudéveloppé.
Au sevrage, ce sac deviendra extrêmement volumineux et contiendra l’herbe que le ruminant
ingère.
Lagouttière oesophagienne
ne fonctionneraplus
de la même manièreque chez le
jeune
sauf en cas dedéshydratation
grave de l’animal : dans ce cas, l’eau de boisson arrivera directement dans le feuillet et la caillettepermettant
une restaura-tion
rapide
du déficithydrique.
Cette modification des réservoirs
gastriques
en fonction durégime
alimentairea des
répercussions
au niveau ducomportement
alimentaire. Nous voyons donc que lejeune,
comme tous les autresmammifères,
en alimentationlactée, peut
être considérécomme un
monogastrique.
Il en a d’ailleurs le mêmecomportement alimentaire,
maisil se modifiera considérablement
quand
l’alimentation aurachangé
au sevrage. Toute-fois,
onpeut imaginer
que le ruminantgarde
encore unerégulation
de saprise
alimen-taire voisine de celle d’un
monogastrique.
Cette manièred’envisager
leproblème
estd’ailleurs en concordance avec les réalités
expérimentales :
il y abeaucoup
depoints
communs dans la
régulation
de laprise
alimentaire chez lesmonogastriques
et lesruminants. Il existe aussi de
grandes
différences liées à laphysiologie digestive
desruminants, elle-même en
rapport
avec leur anatomie.Les deux
premiers pré-estomacs (sac réticulo-ruminal)
chez l’adulte ont un rôle de réservoir danslequel
s’accumule etséjourne
l’herbe. Le sac réticulo-ruminal contientaprès
les repas, de 70 à 75p. 100
de la matière sèche du tubedigestif qui
sera retenueà ce niveau de 30 à 70 h en moyenne.
Les éléments
grossiers
de la ration nepourront
pas transiter par lesphincter
dufeuillet,
ils serontpréalablement
réduitsgrâce
au mécanisme de rumination ouméry-
cisme ou
comportement mérycique.
La rumination faitpartie intégrante
ducomporte-
ment alimentaire. L’acte de la rumination consiste en la
régurgitation
d’un bol alimen- taire calibréprélevé
dans le réseauatteignant
la cavité buccalegrâce
à une onde anti-péristaltique
del’aesophage.
Lesliquides
contenus dans le bol sont alorsexprimés
et immédiatement
déglutis.
Les aliments sont ensuitemastiqués
et insalivés abondam-ment,
puis
de nouveaudéglutis. Après
unepériode
de repos dequelques secondes,
unnouveau bol est
régurgité.
Bost et Ruckebusch(1960)
ont démontré que la seule condi- tion nécessaire à la rumination était l’atteinte du cardia par le niveau desingesta.
Lemérycisme
a été décrit chez l’homme.Les zones sensibles
permettant
le déclenchement desphénomènes
moteurs de larumination sont à rechercher au niveau même des estomacs. Cet
aspect
seradéveloppé
dans un
chapitre
ultérieur. Parmi lespremiers
travaux concernant larégulation
humo-rale de la rumination, citons ceux de Le
Bars,
Nitescu et Simonnet(1953) qui
constatentque
l’hypoglycémie provoquée
par administration d’insuline est le facteur excitant la motricité. Selon Bost(1958a, b),
le centre bulbaire de la ruminationreçoit
en perma-nence des excitations
rythmiques provenant
du centre moteur despré-estomacs.
Dus-sardier a d’ailleurs démontré en 1960 que la motricité
gastrique dépendait
de la miseen
jeu
d’un arc réflexe dont la voie sensitive estreprésentée
par lepneumogastrique.
Ilest
possible
selonIggo (1951)
et Titchen(1953)
d’obtenir des contractions réflexes du réseau par la stimulationvagale.
Les centres nerveux sont donc situés au niveau bul-baire,
la voie motrice descendante estreprésentée
par les nerfsextrinsèques,
ycompris
les
pneumogastriques. Toutefois,
lesplexus intrapariétaux jouent
le rôle déterminant de cette motricité.Une autre
particularité anatomiquefondamentale
chez les ruminants est constituée par l’ensemble desglandes
salivaires. Le travail desglandes
salivairesdépend
bienentendu de la nature de l’alimentation :
plus
elle estsèche,
etplus
le ruminant doitsaliver. C’est ainsi que la
quantité produite
par un bovin par 24 h varie de 100 à 190 1(10
à 15I/kg
de matière sècheingérée).
La sécrétion estcontinue maisaugmente
forte-ment lors de la
première prise alimentaire,
et lors dechaque cycle
de la rumination. La salive des ruminants a unpH
franchement alcalin(8
à8,5),
cequi permet
à l’animal de maintenir unéquilibre
acide-base convenable au niveau du rumen. CepH basique
est dû en
grande partie
au fait que la salive est riche en bicarbonate de sodium : le bovin secrètepar jour de
1 à1,5 kg
de bicarbonate de sodium. Onconçoit
dès lors faci- lement le rôle de maintien dupH joué
par la salive. On sait en effet, que chez les rumi- nants,grâce
à une homéostasieprécise,
au niveau du rumen(anaérobiose, température
constante de 30 à
40 °C, brassage périodique,
teneur en eaucomprise
entre 75 et85
p. 100),
lesmicro-organismes peuvent
sedévelopper
dans de très bonnes conditions.De
plus,
le transit est lent au niveau du rumen du fait de saposition
en « cul-de-sac »sur le
trajet
des aliments.L’importance
desmicro-organismes
a étéprécisée
par Hun-gate (1942
et1943)
et a faitl’objet
d’un article desynthèse
intéressant en 1966 : cettemicropopulation
seraitcomposée
par mi dejus
de rumen de bactéries(10 1 °),
deproto-
zoaires et de levures
(10 6 ).
Selon les travaux récents deBauchop (1979)
deschampi-
gnons inférieurs anaérobies
(phycomycètes) participeraient
activement àl’attaque
desfibres
végétales.
Ceschampignons possèdent
une cellulasecapable d’attaquer
in vitro,des feuilles de
papier
filtre ou des fibresvégétales.
Leur efficacité au niveau du rumenserait d’autant
plus grande
que lerégime
est riche en fibresâgées
et que le transit, par voie deconséquence
est lent.Bauchop (1979)
estime que lecycle complet
deschampi-
gnons est de 24 h.
Le nombre et la nature de la
micropopulation
du rumen varient en fonction de lanature de
l’alimentation,
elle diminue en fonction dujeûne.
Lesmicro-organismes
dépendent
donccomplètement
del’apport
alimentaire effectué par leur hôte. Mais àl’inverse,
lamicropopulation
vit pour son proprecompte.
Endéfinitive,
le ruminanttire un « bénéfice » de cette
symbiose
car lesmicro-organismes
sont seulscapables
dedigérer
les alimentscellulosiques.
Deplus,
ils réalisent dessynthèses
de vitamines et sontcapables
d’utiliser des formes d’azote nonprotéique (urée, ammoniaque)
pour semultiplier.
Le bilan serapositif
pour le ruminantmalgré
l’existence d’actionsspolia-
trices de la
part
desmicro-organismes, qui
par leur métabolisme propre, libèrent dans le milieu de 1 000 à 2 000 1 de gaz parjour, composés
deCO 2 , CH 4 , H 2’ principalement,
et de
NH, qui
ne pourra pastoujours
être utilisé en totalité par lesmicro-organismes
et
qui risquera
doncd’intoxiquer
le ruminant.Envisageons quels
sont les effets de ladigestion
microbienne sur lesprincipaux
constituants de la ration
ingérés
par les ruminants. Les sucressimples (fermentescibles)
sont utilisés dans une
proportion
de 95 à 100 p. 100 par lamicropopulation
pour réali-ser :
1)
ses propressynthèses (donc multiplication
de bactéries et deprotozoaires qui
représentent
une source de matièresprotéiques de haute valeur); 2) produire et
libérerdans le milieu des acides gras à courte chaîne dits acides gras volatils. Ces acides gras volatils ou AGV sont par ordre
d’importance
décroissante l’acideacétique,
l’acide pro-pionique
et l’acidebutyrique, qui
traverseront laparoi
du rumen(Schambye, 1951)
etseront directement utilisés pour les besoins
métaboliques
de l’animal hôte. L’acide pro-pionique
pourra être converti englucose,
l’acideacétique participera
à lasynthèse
des
lipides
du lait et l’acidebutyrique
accélèrera le catabolismeprotéique
et élèverale taux
sanguin
des corpscétoniques.
Les
micro-organismes
sontégalement capables
deproduire
ces AGV àpartir
de lacellulose. Cette
digestion
s’effectuegrâce
aux cellulases desmicro-organismes.
Dans cecas, c’est l’acide
acétique qui
est leplus abondant,
suivi des acidespropionique
etbuty- rique.
Cettedigestion
de la cellulose est unphénomène
extrêmementimportant
et trèsintéressant
puisque
les ruminants arrivent à convertir enprotéines
des élémentsvégé-
taux inutilisables directement par l’homme.
Les
protides
de la ration sontégalement profondément
remaniés par les micro-organismes.
Plus laprotéine
estsoluble,
etplus
elle seradégradée.
Cecipeut
être unsérieux
handicap
pour le ruminant. Letannage
desprotéines
alimentairespermet
d’éviter leur
digestion
par lesmicro-organismes.
Dans le cas d’uneattaque
micro- bienne, lesprotéines
sont d’abordhydrolysées,
il y a libération des acidesaminés, qui
sont ensuite désaminés avec
production d’ammoniaque
et de radicauxhydrocarbonés.
Cet ammoniac servira à certaines bactéries
ammoniophiles.
De cefait,
àpartir
desprotéines alimentaires,
oud’ammoniac,
les bactéries font leurs propressynthèses,
et endéfinitive,
le ruminantingère
desprotéines
bactériennes. Enrésumé,
cessynthèses
bac-tériennes
permettent
au ruminant de convertir desprotéines
de valeurinégale
en pro- téines de valeurbiologique
élevée et deprofiter
des vitaminessynthétisées
par lesmicro-organismes.
Les
lipides
sontégalement
modifiés.Toutefois,
pour une alimentation à based’herbe,
leur taux est peu élevé. Mais l’utilisation deslipides
en alimentationpeut s’avé-
rer intéressante.
D’après
Bines(1976) t’augmentation
du taux deslipides
alimentaires chez le bovinpermettrait
unapport d’énergie
efficace pour laproduction
du lait etl’amélioration du taux
butyreux,
maisl’incorporation
degrandes quantités de lipides
dans la ration pose un certain nombre de
problèmes.
On sait que si le taux delipides dépasse
8p.100,
l’activité desmicro-organismes
du rumen se trouve considérablementperturbée.
Il fallait donc éviter que lesmicro-organismes n’attaquent
leslipides.
Wol-ter
(1978)
propose dedisperser
leslipides
sur unsupport protéique
et de tannerl’ensemble au formol.
Ainsi,
leslipides
ne sont libérés que dans l’intestin du ruminant et lesmicro-organismes
ne sontplus perturbés
par un excès delipides.
Les ruminants sont élevés en vue d’une
production
deviande,
de lait ou de laine.Les rations
préconisées
en alimentation du bétailpeuvent
êtredéséquilibrées,
cequi produira parfois
des troubles des métabolismes de lamicropopulation,
telsqu’acidose
du rumen, alcalose du rumen, météorisations...
(pour
lapathogénie
de cesmaladies,
on se
reportera
à l’article deBrugère-Picoux, Brugère
et Le Bars,1979).
2.2. - Rôles du
système
nerveux central dans larégulation
de laprise
alimentaire.Les rôles du
système
nerveux central dans larégulation
de laprise
alimentaire sont extrêmement nombreux. Grâce à un ensemble très vaste de travaux,générale-
ment élaborés à
partir
desmonogastriques,
et même defaçon plus
restrictive, chez le rat, on a réussi à proposer un schémaglobal
ducomportement
alimentaire.En
définitive,
il y a enprésence,
dans lecomportement alimentaire,
un aliment etun animal
(voir fig. 1) (Le
Bars etGallouin, 1972).
L’aliment est examiné par l’animalà l’aide de deux
systèmes
sensoriels : la vision et l’odorat. La vision luipermet
dereconnaître cet aliment par
l’analyse
etl’intégration
dans lesystème
nerveux. L’odoratlui
permet
de comparer l’odeurqu’il reçoit
au souvenir d’odeursprécédemment analy-
sées et dont
l’expérience
alimentaire était favorable.L’intégration
des messages visuel et olfactifindique
à l’animal si l’aliment estacceptable.
C’est alorsqu’intervient
l’information centrale fournie par
l’hypothalamus qui
lerenseigne
surl’amplitude
desa faim ou au contraire sur son rassasiement. Dans le cas de faim et
après
unepremière analyse,
l’animal a uncomportement
moteurqui
se traduit parl’ingestion
d’unepartie
de l’aliment. A ce moment
seulement,
legoût
de l’aliment est perçu etanalysé
de lamême
façon
que les afférences olfactives ou visuelles. En casd’acceptation
endeuxième
analyse,
l’aliment est entièrementingéré.
Le
comportement
alimentaire a ainsi commencé. Pour l’ensemble des animaux, l’aliment va donner secondairement lesignal
de l’arrêt ducomportement
ou rassasie-ment. Ce
signal
sera différent selon que l’on considère les animauxmonogastriques
ou les animaux ruminants. Chez les
premiers,
laprise
de nourritures’accompagne
d’une multitude de
phénomènes digestifs
se traduisant parl’augmentation
notabledu taux de certains métabolites dans le sang. Par voie de
conséquence,
lesystème
ner-veux
hypothalamique peut
ainsi êtrerenseigné
sur les variations de laglycémie,
dutaux des acides gras, des acides
aminés,
etc...Dans ces
conditions,
les noyaux ventromédians sont activés et l’inhibitionqu’ils
exercent sur
l’hypothalamus
latéral ou centre de la faimaugmente,
c’est lephénomène
de satiété.
Chez les ruminants il est évident que la satiété est déclenchée initialement beau- coup
plus
par le volume de la ration que parl’énergie qu’elle
estsusceptible d’apporter
car la libération des nutriments
dépend
engrande partie
de lamicro-population
durumen
qui
neprésente
unephase d’hyperactivité
que vers la fin du repas. Chez ces ani-maux, la
prise
alimentaire est unphénomène
de défensepréventive
et le véritable repas est en fait la rumination. Lephénomène
de satiété initiale sera alorscomplété
par un
phénomène
de rassasiement secondaire résultant d’unepart,
de la formationet de
l’absorption
des acides gras à courte chaîne au niveau des réservoirsgastriques
et de leur utilisation
métabolique
et, d’autrepart,
comme chez lesmonogastriques,
del’absorption
des autres nutriments au niveau intestinal.2.2.1. Rôles de
l’hypothalamus.
- En cequi
concerne l’existence des centreshypo- halamiques
et leur rôlephysiologique
dans laprise alimentaire,
un c centre» situé dans larégion
médiane del’hypothalamus peut
être assimiléphysiologiquement
par- lant à un centre de la satiété car sa destruction lève le freinqu’il exerçait
et provoquel’hyperphagie.
Une « aire » située dansl’hypothalamus
latéral est identifiable à uncentre de la faim. Cette
conception
estclassique
chez lesmonogastriques
et établie àpartir d’expériences
réalisées chez le rat(Heterington
etRanson, 1939 ; 1942),
chez lasouris
(Mayer
etal., 1955),
chez lesinge
et le chat(Anand,
Dua etShoenberg, 1956),
chez le porc
(Auffray 1969)
et chez l’oie(Auffray
etBlum, 1970).
Deplus,
on admetgénéralement
que le centre de la satiété(HVM)
inhibe le centre de la faim(HL).
Seloncette
conception,
c’est lephénomène
de satiétéqui
serait essentiellementrégulé
Cette manière
d’envisager
leproblème
repose sans doute sur le faitqu’il
y abeaucoup
de preuves en faveur d’une
régulation
de la satiété par des facteursmétaboliques,
alors
qu’il
est difficile de relier l’état de faim à une baisse d’unquelconque
métabolite.Il est
également plus
facile d’observerexpérimentalement
l’arrêt d’un repas que de déclencher uneprise
alimentaire.Larsson
(1954)
a mis en évidence ces centreshypothalamiques
chez la chèvre.Il a montré
qu’une
stimulationélectrique
itérative desrégions
latérales del’hypo-
thalamus
(aire périfornicale) permet
lareprise
du repas chez la chèvre rassasiée.Larsson observe que certains
points
stimulés déclenchent la rumination, ce sont les mêmesrégions
dont la stimulation entraînel’hyperphagie (aire latérale).
Larsson a
exploré
d’autresrégions
et a montré que l’excitation du bulbe au niveau du noyau dorsal du vaguepouvait produire l’hyperphagie.
A la même
époque
Dussardier et Albe-Fessard(1954)
ont mis en évidence le centrevagal
de la rumination ouplus
exactement de l’activité réflexe des estomacs.Iggo (1955)
a identifiégrâce
à destechniques électro-physiologiques
desrécepteurs gas- triques capables
d’informer ce centre. Deplus,
en1956,
il démontre que la section intercolliculaire(animal décérébré)
nesupprime
pas le réflexe de commande motrice par distension du réseau. Parconséquent,
cesexpériences
démontrent que l’activitémotrice (et la rumination) dépend
d’un centrebulbaire,
mais, Ruckebusch(1960 à 1963) précise qu’elle peut
être modulée parl’hypothalamus. Wyrwicka
et Dobrezcka(1960) produisent
à l’inverse un arrêt de la consommation par stimulation des aires médianes(HVM)
chez la chèvre conditionnée à laprise
de nourriture. Deplus,
Ruckebusch(1963)
a démontré chez le moutonqu’il
étaitpossible d’obtenir,
selon la localisation despoints
del’encéphale explorés,
soit laprise
alimentaire soit la rumination.La
prise
de nourriture est obtenue pour une stimulation itérative de larégion comprise
entre le troisième ventricule et lefornix,
et cecimalgré
« un état d’inconfortassez accusé de l’animal ». La même stimulation
quand
le mouton estpréalablement gavé
déclenche une incitation à laprise
de nourriture mais elle n’est pas suivie d’effet.Cette
expérience
nous sembleparticulièrement intéressante,
elle tend à prouver en effet que les facteurs d’encombrement de la ration « domineraient » les autres proces-sus alimentaires.
Ruckebusch,
dans ce même travail démontrequ’il
estpossible
d’obte-nir la rumination par stimulation d’autres
points
situés dans lesrégions plus profondes
et
plus postérieures.
Lecomportement
ainsi obtenu est très semblable à ce que l’on observespontanément.
En
1968,
avecLaplace,
Ruckebusch étudia defaçon
trèscomplète
les effets àlong
terme des excitants corticaux, des
antidépresseurs
non IMAO ou IMAO( 1 )
et desprinci-
paux vomitifs sur le niveaud’ingestion,
letemps
deprise
de nourriture, letemps
de rumination, le nombre decycles méryciques
et l’état devigilance
du mouton adulte.D’un
point
de vuequalitatif,
ces auteurs ont montré quel’injection
demescaline,
apo-morphine, morphine, amphétamine
provoque unsyndrome général
d’excitationavec
comportement
oralstéréotypé.
Cecomportement
ne doit pas être confondu avec laprise
de nourriture car iln’y
a pas en effetd’ingestion
alimentaire. Lamescaline,
à la dose de 2mg/kg
IM provoque des mâchonnements et des mastications à vide(com- portement oral)
durantprès
de 6 h.L’apomorphine,
chez le mouton, par voie intra- veineuse ou intramusculaire(0,1 mg/kg)
n’est suivie que d’excitation aveccomporte-
( 1
) IMAO : inhibiteur de la monoamineoxidase, enzyme qui, au niveau de l’élément pré-synaptique, régule le stockage et la disparition des neuro-transmetteurs comme l’adrénaline.