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Les écrivains et la langue: le cas de Charles Ferdinand Ramuz

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Academic year: 2021

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MÁTHESIS 15 2006 275-289

LES ECRIVAINS ET LA LANGUE:

LE CAS DE CHARLES FERDINAND RAMUZ

MARIA HERMÍNIA AMADO LAUREL

(Universidade de Aveiro)

Nous pouvons parler la langue faite, nous ne pouvons faire la langue.

Maurice Millioud, 1914.

RESUMO

Este estudo pretende iniciar o leitor à problemática das relações entretecidas entre os escritores e a língua na qual se exprimem.

Trata-se de uma questão particularmente premente no caso dos escritores de língua francesa cuja nacionalidade porém é outra.

Se nos casos dos escritores provenientes de países hoje independentes ou em processo de progressiva autonomia, mas outrora sob administração francesa, o uso da língua do “ocupante” adquire várias modulações, entre o sentimento da sua inadequação para traduzir culturas de transmissão oral (Patrick Chamoiseau), e a sua constituição como veículo de comunicação internacional da situação do colonizado (Albert Memmi, ou Assia Djebar, voz da condição feminina), o uso da língua francesa reveste-se de outros contornos no caso dos escritores europeus belgas e suíços, para os quais o francês é também uma língua materna (caso à parte ainda ocupam os escritores flamengos que escrevem em língua francesa), solicitando portanto outros enfoques.

Questão crucial no caso da obra de Charles Ferdinand Ramuz, um dos escritores suiços de língua francesa mais emblemáticos da primeira metade do século XX, cujos romances acabam de ser editados na prestigiada colecção Bibliothèque de La Pléiade. É precisamente sobre alguns dos ensaios mais significativos do autor que nos debruçamos neste estudo, comprovando o seu empenhamento no direito à diferença que deve ser reconhecido aos usos não-clássicos da língua francesa como língua literária.

ABSTRACT

Cette étude constitue une introduction à la problématique des rapports entretenus par les écrivains à la langue dans laquelle ils s’expriment. Il s’agit d’une question d’une importance accrue dans le

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cas des écrivains dont l’usage de la langue française ne correspond pas à la nationalité française.

La langue française est différemment modulée dans le cas des écrivains en provenance de pays aujourd’hui indépendants ou en procès d’autonomisation, mais auparavant sous administration française. Le sentiment de son inaptitude à la transmission de cultures véhiculées oralement (Patrick Chamoiseau), ou à la situation du colonisé (Albert Memmi, ou Assia Djebar, voix de la condition féminine) en constituent des motifs récurrents. L’utilisation de la langue demande pourtant une autre approche dans le cas des écrivains européens de langue française suisses et belges, pour lesquels cette langue est aussi la langue maternelle (les écrivains flamands qui s’expriment en français constituant un autre cas de figure).

Cette question devient de la plus grande importance dans le cas de Charles Ferdinand Ramuz, un des écrivains suisses romands les plus importants de la première moitié du XXe siècle, dont les romans viennent d’être édités dans la collection réputée, la Bibliothèque de La Pléiade. Nous nous pencherons sur quelques-uns des essais les plus significatifs de cet auteur dans la présente étude, parmi ceux qui témoignent de son engagement dans la défense du droit à la différence qu’il estime devoir être reconnu à des usages non-classiques de la langue française en tant que langue littéraire.

*

1. L'avant-Ramuz. Contextualisation.

L'affirmation (que nous reproduisons en exergue à notre étude) prononcée à la manière d'un aphorisme par le philosophe Maurice Millioud dans le contexte de son analyse d'un roman de Robert de Traz (L'Homme dans le rang), publiée dans la Bibliothèque universelle en 19141, est à la fois "signal" et "symptôme"2 du rapport à

la langue vécu par les intellectuels romands au début du XXe siècle.

1 Cf. Pierre-André Rieben, "L'écrivain romand et la langue", in Francillon, R.,

Histoire de la littérature en Suisse romande, Lausanne, Payot, 1997, vol. 2, p. 258,

n. 2.

2 Nous utilisons la terminologie proposée par Vincent Jouve dans la communication intitulée "Peut-on comprendre un texte? Emma Bovary et la graisse des livres", prononcée le 13 octobre 2005, lors de la Journée de recherche Leituras

ex-cêntricas, tenue à l'université d'Aveiro. Texte à paraître en 2006. Par l'expression

"signal", l'auteur renvoie à la logique du texte, sous-jacente aux niveaux textuels de celui-ci, perceptible à l'analyse de "close reading" relevant de la "compréhension" du texte; l'expression "symptôme" ouvre le sens d'un texte à de différentes approches (de nature psychanalytique, anthropologique, sociologique, historique et littéraire, discursive, etc.), et situe la lecture qui peut en être faite dans le contexte de "l'interprétation".

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Cette affirmation témoigne en effet du partage du champ littéraire romand du début du siècle face aux différents rapports entretenus par les écrivains à la langue française. Or cette question est justement au centre de l'oeuvre ramuzienne, et ceci depuis ses débuts, constituant la toile de fond d'une production copieuse, qui ne cesse de s'enrichir depuis les premiers titres, dont le recueil de poèmes Le Petit Village (paru en 1903, Ramuz étant alors âgé de 25 ans) et ceux qu'il publiera l'année suivante dans le recueil collectif Les Pénates d'Argile (avec ses amis, les frères Cingria, Alexandre et son cadet Charles-Albert, et Adrien Bovy3), jusqu'au dernier volume publié du vivant de l'auteur,

le recueil de nouvelles, Les Servants et autres nouvelles (1946). Considérée en tant que "signal", cette affirmation dénote le parti pris de l'auteur, assumant la filiation française de la littérature romande et la non-identité de celle-ci. Que le texte de Millioud paraisse à La Bibliothèque universelle est tout autant significatif. Attardons-nous quelque peu sur l'histoire de cette revue4 et nous

comprendrons aisément l'importance de s'y faire publier, tout aussi bien que le champ où l'écrivain qui y publie se situe. Cette revue, au titre de départ ambitieux, La Bibliothèque universelle de Genève, était le véhicule de la vie culturelle et scientifique genevoise et de son Académie (future université de Genève); davantage ouverte aux contributions littéraires à partir de la fin des années 1850, dirigée alors par William de la Rive, cette revue se voulait devenir "un lieu de rassemblement intellectuel pour la Suisse romande"5, ce qui explique,

en partie, la fusion opérée dans les années 1860 avec la Revue suisse, qui poursuivait des objectifs identiques. Ce périodique, qui juxtaposera dans son titre la désignation conjointe des deux publications, constitue l'espace de publication réputé des écrivains romands contemporains des débuts littéraires de Ramuz, étant alors dirigé par Edouard Tallichet.

Résolument contre les influences du roman scientifique et naturaliste, de modèle zolien, et de la pensée positiviste qui constituaient la modernité en France, influences réputées néfastes par ses collaborateurs, la revue privilégiera une vision idéaliste et morale de la littérature, tout en proscrivant la poésie6. Le clivage entre les

3 Adrien Bovy, historien, professeur d'histoire de l'art à l'université de Lausanne. 4 Cf. Maggetti, D., L'invention de la littérature romande: 1830-1910, Lausanne, Payot Lausanne, 1995, p. 38-45, 161-175, 199-214, 462-486. Revaz, G., "La vie littéraire au cours de la seconde moitié du XIXe siècle", in Francillon, R., op. cit., p. 109-119.

5 Cf. Francillon, R., op. cit., p. 109. 6 Cf. Francillon, R., op. cit., p. 110, n. 2.

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modèles français – réputés matérialistes et amoralistes, sinon immoraux – et la recherche d'un champ littéraire romand s'accentue donc dans l'espace de publication de la revue7. Au fur et à mesure que l'univers littéraire romand s'affranchit de la tutelle moralisante de souche protestante, de nouveaux périodiques surgissent, qui ouvrent des allées prometteuses à la nouvelle littérature émergeante. Il en est ainsi, du moins dans ses intentions, de La Suisse romande (1885), dirigée par Eugène Rambert, dont les propos ne sont pas loin d'évoquer ceux de l'ancienne Revue suisse, mais surtout de deux autres périodiques, où les critères esthétiques et l'exigence de qualité des textes prennent la relève sur les critères de nature préférentiellement morale. Il s'agit, bien évidemment, et dans un premier temps, de la Revue de Genève, dont la courte existence – octobre 1885/septembre 1886 – et malgré le nombre réduit de ses abonnés et donc, de ses lecteurs, suffira pourtant à la démarquer du champ occupé par la Bibliothèque universelle, imbue de moralisme protestant, et, dans un deuxième moment, au tournant du siècle, de La Semaine littéraire (à la durée bien plus longue que celle qui l'avait précédée dans ses objectifs, 1893-1927), où Ramuz publiera ses premiers textes, dès 1903. Les deux revues contribueront à ouvrir le goût littéraire romand à d'autres modèles et valeurs esthétiques8, et à préparer le champ à des

projets résolument modernes, tels La Voile latine, sous-titrée par l'écrivain fribourgeois Gonzague de Reynold, "Revue de culture suisse", et les Cahiers vaudois, où le nom de Ramuz trouvera sa consécration.

Les objectifs poursuivis par ces deux projets constituent une excellente entrée en matière pour le sujet dont nous nous occupons dans cette étude. C'est dans les pages de ces deux périodiques que Ramuz explicite, en partie, son rapport à la langue française. Un rapport qui trouve son fondement idéologique dans les conceptions

7 Revue qui n'est pourtant pas, du temps de la direction de Tallichet, exclusivement littéraire: y trouvent aussi place des "articles de politique, d'économie et de morale" (Revaz, G., art. cit., in Francillon, R., op. cit., p. 110).

8 Sur le rôle joué dans cette revue par le poète romand Louis Duchosal, et sur l'importance de celui-ci pour l'ouverture du goût romand aux modèles de la modernité, notamment mallarméens, v. Cabral, Maria de Jesus, "En vers et contre tout: l'entreprise symbolique de Louis Duchosal", in Laurel, M. H. (coord.), Leituras na

Francofonia, Aveiro, Centro de Línguas e Culturas, 2004, p. 29-48. Sur le champ

littéraire romand contemporain de Mallarmé, v. Cabral, Maria de Jesus, Mallarmé

hors frontières: effluences de l'oeuvre au tournant de la littérature en Europe francophone. Le filon symbolique du premier théâtre maeterlinckien, thèse de

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identitaires de Ramuz. En effet, l'approche de la problématique "rapport à la langue" ne peut être dissociée, dans le cas de cet auteur, du contexte discursif plus large dans lequel elle s'insère. Situation d'autant plus intéressante que Ramuz n'a pas produit de textes voulus expressément comme des textes programmatiques, doctrinaires ou théoriques sur la littérature. Le titre La Voile latine - proposé par Ramuz et ses amis qui venaient de lancer Les Pénates d'Argile -, et le sous-titre signé de de Reynold pour cette revue – « Revue de culture suisse » –, en constituent un cas de figure paradigmatique de cette implication entre l'idéologique et le littéraire dans le cas du futur signataire de la "lettre à Bernard Grasset" (1928)9, dont nous nous

occuperons plus loin. L'opposition ne cessera en effet de s'affirmer entre les deux hommes, autour de la question fondamentale recouverte par ce titre et ce sous-titre: la défense de la latinité suisse, de souche française, catholique et locale, par Ramuz et ses amis, en particulier les frères Cingria, et la défense du ferment germanique et protestant de la "suissitude", de la part du directeur de La Voile latine à partir de 1906, Robert de Traz, tout aussi bien que la défense de la situation médiatrice de la Suisse romande, au carrefour des influences germanique et française, selon l'auteur de Au pays des aïeux (recueil de poèmes, 1902), ou de Contes et légendes de la Suisse héroïque (1913), entre autres. Des positions auxquelles sont sous-jacentes aussi deux visions opposées de la tradition culturelle et religieuse identitaire romande: pour les signataires de La Voile latine, c'est dans l'assise latine et catholique qu'il faut enraciner l'identité romande, pour les défenseurs de "La culture suisse", c'est plutôt dans un contexte plus large, d'ampleur nationale ou l'influence protestante est déterminante, qu'il faudrait insérer le "cas" romand. L'apparente convergence de sens10 constituée par le titre et le sous-titre de ce périodique dépasse le

niveau de lecture demandé par son inscription purement textuelle, littérale – "signal" qui ne peut passer inaperçu du lecteur attentif. Ce titre et ce sous-titre se donnent plutôt à lire, de par leur nature oxymorique, comme le "symptôme" de la rupture entre deux champs identitaires, tel que le confirmera la disparition prochaîne de la revue. Deux champs qui cherchent à définir leur identité dans l'équilibre

9 Ramuz, C. F., "Lettre à Bernard Grasset", in Deux lettres, Précédé de Georges

Haldas: Fidélité profonde, Lausanne, Editions L'Âge d'Homme, 1992, coll. "Poche

suisse", p. 23-66.

10 Convergence entre le titre et le sous-titre, qui caractérise, dans la plupart des textes, cet élément péritextuel.

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difficile entre l'élément germanique et l'élément latin, français, plus précisément, parisien.

Rupture pourtant fructueuse, car elle sera à l'origine d'une nouvelle revue, Les Cahiers vaudois, projet auquel Ramuz consacrera son énergie créatrice à partir de 1913, Paul Budry en assumant la direction avec Edmond Gilliard. Or, le titre de ce nouveau projet ne fera que confirmer la position de Ramuz face à la question identitaire qui était sous-jacente à l'orientation de La Voile latine et qui le sera toujours pour ce nouveau projet. À l'enquête que Robert de Traz avait lancée en 1906, concernant la possibilité d'existence d'un "art national" en Suisse, "malgré ses différences de langue", et les "traditions de cet art ou de cette littérature", Ramuz répond par ce que Françoise Fornerod et Roger Francillon considèrent "son crédo en matière helvétique":

"Le canton seul en définitive y a quelque unité. Une unité historique d'abord, puis celle des moeurs et celle du langage. Je ne connais pas de Suisse. Je connais des Bernois, des Valaisans et des Vaudois [...]."11

La question "nationale" se donne alors à comprendre sous un autre angle. Aux tendances nationalistes unifiantes étayées par le rapprochement identitaire avec les sources germaniques protestantes de la quête de l'identité suisse, Ramuz et le groupe des Cahiers Vaudois répondront par un discours porté sur la réhabilitation des sources historiques latines, catholiques, bourguignonnes de la culture et de l'histoire romande (ce dernier aspect constituant le projet poursuivi par Cingria, avec, entre autres, la publication de La Reine Berthe, et sa famille en 1947), discours où se feront écho les thèses maurrassiennes, et par un discours porté sur le besoin d'une réflexion approfondie sur l'usage de la langue française comme fondement d'une quête identitaire qui devrait se jouer désormais au niveau d'une production littéraire différenciée et caractéristique d'un champ esthétique propre. Projet dont témoigneront non pas des textes doctrinaires ou des "arts poétiques" définisseurs d'"écoles" ou de "cénacles" strictes, mais où l'oeuvre fictionnelle même des écrivains, dont celle de Charles-Albert Cingria, par sa profusion et son caractère inclassable, et celle de Ramuz, par sa rigueur et l'engagement

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personnel dont elle témoigne12, se situent sans doute parmi les exemples les plus aboutis.

C'est donc au niveau de la quête d'un champ littéraire et esthétique propre qu'il faudra situer la question identitaire chez l'"auteur phare" des Cahiers, position qui l'écartera de la problématique nationaliste dans laquelle s'engageront bien des intellectuels suisses et français, dans le sillage maurrassien, tout au long de la période de "l'entre deux guerres".

2. L'importance de cette réflexion pour un renouvellement des lettres romandes.

La réponse de Ramuz à l'enquête de de Traz dont nous avons cité un extrait plus haut met en relief un des éléments sur lesquels se dressera la réflexion développée par l'auteur autour de la question identitaire, comprise selon les contours esthétiques où il la situe lui-même: celui du "langage".

Afin de mieux saisir la portée de l'engagement de Ramuz dans cette cause, il conviendrait d'introduire ici, bien que brièvement, les tendances qui définissaient le contexte littéraire romand dans lequel Ramuz cherchait sa place.

Or ce contexte, qui s'articule dans le partage d'une langue commune à celle d'une culture qui rayonne sur l'Europe depuis des siècles, ne peut être dissocié de la connaissance des rapports que les milieux littéraires romands entretiennent avec les milieux littéraires français, par le biais de ses écrivains et des tendances littéraires qu'ils cultivent. Des rapports de nature complexe, de part les incidences idéologiques et/ou politiques qui les soutiennent au long de l'histoire et qui se projettent dans la définition du champ littéraire.

C'est justement autour de l'utilisation de la langue française que les positions identitaires littéraires s'articulent, dans un débat qui, depuis Ramuz et ses contemporains, ne cesse d'être présent encore de nos jours13.

12 Ramuz ayant décidé d'abandonner une formation en droit, à laquelle le vouait le désir de son père, pour se consacrer entièrement au métier d'écrivain, après avoir conclu sa licence en lettres classiques.

13 Un débat qui dépasse même les contraintes linguistiques et qui reprend la question identitaire de base, que ce soit en territoire romand ou en territoire alémanique. V. pour le cas romand, Bertil Galland, « Mais la littérature romande existe-t-elle ? », in id., La littérature de la Suisse romande expliquée en un quart

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Du temps de Ramuz, ces rapports étaient envisagés selon quelques lignes de forces. Celles-ci se déployaient depuis la défense de l'autonomie romande face aux modèles importés de France, et l’engagement dans la sauvegarde des sources traditionnelles locales, misant sur l'édification d'une littérature nationale, de souche helvétique, jusqu’à la fusion défiguratrice avec les modèles français. Mouvement fusionnel qui peut engendrer un rapport de nature centripète avec la langue française, que l'on chérit dans sa pureté à travers des formules idéalisées, hypercorrectes, et dépréciatives des usages locaux.

Le premier choix était déjà perceptible dans l'orientation de la revue La Voile latine, dirigée par Robert de Traz, à la lecture de son sous-titre, revue de culture suisse, ou de l'oeuvre du "romaniste, historien, Européen, critique conservateur de son temps et penseur anti-libéral"14, qu'a été l'écrivain Gonzague de Reynold, autour de

laquelle s'édifie la défense de l'helvétisme et de ses valeurs particulières, inspirée de la lecture de l'"esthétique nationaliste" de Maurice Barrès15, laquelle valorisait, à son tour, une poétique

terrienne fondée sur les traditions locales.

La deuxième situation est vécue par les écrivains romands intégrés à la vie littéraire et sociale française, tels, du temps de Ramuz, Edouard Rod ou Victor Cherbuliez. Bien que dénotant un rapport de nature différente à la langue française, ces postures témoignent d'un malaise assumé de façon plus ou moins explicite par les différents écrivains face à une langue qui, enracinée dans une autre culture, et identifiée à un concept, celui de nation, qui n'a aucunement la même consistance unifiante en Suisse, tel que l'avait bien exprimé Ramuz dans l'extrait cité, parvient au point d'être ressentie comme une

d’heure, suivi d’une anthologie lyrique de poche, Genève, Editions Zoé, Coll. Cactus,

1986 ; pour le cas alémanique, Gonçalo Villas-Boas, « Um olhar sobre a literatura suiça”, Revista da Universidade de Aveiro/Letras, nºs 6-7-8, 1989-1990-1991, p. 359-380.

14 V. Aram Mattioli, "Gonzague de Reynold, écrivain nationaliste et doctrinaire catholique", in Francillon, R., op. cit., chap. VI, p. 293. Sur la vie et l'oeuvre de Gonzague de Reynold, v. Aram Mattioli, Gonzague de Reynold, Idéologue d'une

suisse autoritaire, Fribourg, Editions Universitaires, 1997.

15 Expression empruntée à Aram Mattioli, art. cit, op. cit., p. 296. La pensée nationaliste de de Reynold évoluera vers la défense des dictatures en Europe. Si l'écrivain gardera ses distances face au régime nazi, conditionné par son intransigeance catholique et son opposition à la nature athée et raciste de ce modèle politique, il célèbrera le régime de l'Estado Novo et la figure de Salazar dans le livre publié avec succès en 1936, Portugal.

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langue étrangère par l'auteur que nous avons cité en épigraphe à notre étude, Maurice Millioud, dans l'article publié en 1914 dans la Bibliothèque universelle:

"La langue française n'est pas à nous, c'est nous qui sommes à elle et qui sommes obligés de façonner sur ses exigences notre pensée, nos sentiments, notre vision. Nous pouvons parler la langue faite, nous ne pouvons faire la langue.".

3. Contextualisation dans l'oeuvre de Ramuz.

En effet, si la question du rapport à la langue française est déterminante de la réflexion des auteurs romands du début du XXe siècle, cette réflexion assumera, dans le cas concret de l'oeuvre de Ramuz, la matière première où s'inscrit sa poétique.

Nous nous bornerons, dans cette étude, à mentionner deux textes qui s'affirment comme de véritables manifestes dans le contexte de l'oeuvre ramuzienne, mais aussi dans le contexte plus élargi de la réflexion contemporaine de l'auteur sur cette problématique16. Nous

nous référons, le lecteur l'aura compris, à l'article que Ramuz publiera en 1914 dans le premier numéro des Cahiers Vaudois, "Raison d'être", et à la lettre que l'auteur adressera à son ami l'éditeur français Bernard Grasset, l’année où il publiera le roman La Beauté sur la Terre,1928.

Pourtant, c'est dans les pages du Journal17 de Ramuz que nous

trouvons l'expression la plus directe et la plus vivante de la mesure de son engagement envers la "raison d'être" de sa vie, celle d'être écrivain, celle de maîtriser la langue. "Après deux jours de grand travail"18, il y écrira le 9 décembre 1904:

16 Une référence importante doit être faite à l'oeuvre d'Edmond Gilliard, fondateur, avec Paul Budry des Cahiers Vaudois, et partageant avec Ramuz le sentiment de l'identité littéraire romande fondée sur un usage particulier du français. Pour plus d'information sur cet auteur, cf. note 1, Pierre-André Rieben, art. cit., p. 265-268.

17 Tout récemment réédité (octobre 2005), en deux tomes, chez l'éditeur Slatkine, dans le projet de l'édition des oeuvres complètes de l'auteur en cours: tome I (1895-1903), tome II (1904-1920) ), tome III (1921-1947), sous la direction de Roger Francillon et de Daniel Maggetti.

18 L'écrivain avait terminé l'écriture d'Aline l'été de 1904, roman poétique qui paraîtra en avril 1905, et la revue La Voile latine naît à l’automne de la même année. L'écrivain se trouve à Paris (où il restera, lors de ce premier séjour, jusqu'au mois de juin 1914, veille de la guerre), et entame sa carrière de lettres.

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"J'étreindrai la langue et, la terrassant, lui ferai rendre gorge jusqu'à son dernier secret, et jusqu'à ses richesses profondes, afin qu'elle me découvre son intérieur et qu'elle m'obéisse et me suive rampante, par la crainte, et parce que je l'ai connue et intimement fouillée. Alors, m'obéissant, tout me sera donné, le ciel, la mer, et les espaces de la terre – et tout le coeur de l'homme."19

La maîtrise de la "langue" à laquelle Ramuz se propose de consacrer en des termes aussi vifs sa labeur, demandera de sa part une profonde réflexion sur les rapports qui le lient, dans sa qualité d'écrivain, à la langue française. Remarquons que jusqu'à cette date Ramuz s'était exercé à de divers types de discours et genres littéraires, tels le petit poème en prose, le vers libre ou le récit réaliste. Ce sera surtout dans les textes qu'il publiera à partir des années de guerre, tels Raison d'être (1914), et après les années vingt, tels Salutation paysanne (1921), que l'écrivain se fraiera une voie propre dans les sentiers de l'originalité, poursuivant l'exercice d'une "langue" que ses lecteurs reconnaîtront aussitôt. Pourtant, il ne sera pas applaudi à l'unanimité, risquant même d'être banni de la "république des lettres" françaises, par l'usage inattendu de la langue qu'il avait osé. Noël Cordonier nous fait entendre les propos du critique français Auguste Bailly dans sa Chronique des livres lors de la parution de L'Amour du monde:

"Mais qu'il [Ramuz] soit un écrivain français, non, jamais je ne me résignerai à une hypothèse aussi dénuée de vraisemblance!... Ecrivain français! S'il veut l'être, qu'il apprenne notre langue!... Et s'il ne veut pas l'apprendre, qu'il en emploie une autre!"20

Nous avons fait référence plus haut à de divers choix qui témoignent, de la part des hommes de lettres romands, de leur rapport à la langue française. Noël Cordonier se propose d'analyser le cas de Ramuz en le situant sur le fond de "l'universalité de la culture française", "propension" que "Ramuz [...] n'a semble-t-il jamais contesté[e]"21. Si, de nos jours, tel que le reconnaît ce critique,

l'hégémonie de la culture française "est battue en brèche par les assauts d'une autre forme d'universalisme (la mondialisation, qui apparaît comme le négatif de l'humanisme traditionnel)", "entre 1900

19 V. C. F. Ramuz, Journal: Journal, notes et brouillons, Texte établi et annoté par Daniel Maggetti et Laura Saggiorato, Genève, Editions Slatkine, 2005, tome 2, p. 40.

20 Cordonier, N., "Ramuz lit Rousseau: la langue et le lieu", Revista da

Universidade de Aveiro/Letras, nº 18, 2001, p. 92.

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et 1950, le messianisme français allait cependant presque de soi, et c'est avec conviction que Ramuz estimait que le pays était la figure de proue de la pensée humaniste européenne". C'est donc dans le contexte d'une "culture à vocation 'universalisante'" et exemplaire que Ramuz se situe, avec fierté, ne pouvant cependant accepter la contrainte de mécanismes qui l'auraient "fortement convié à blanchir, à uniformiser sa langue"22. Pour Ramuz, la cristallisation du modèle

culturel français a été opérée au XVIIe siècle, et c'est par rapport à ce modèle que se définissent, encore de son temps et selon lui, les normes de la langue littéraire.

S'adressant à Bernard Grasset dans la lettre citée plus haut, Ramuz fait état de son admiration envers le siècle classique, tout en soulignant pourtant son écart de ce modèle, avec lequel il ne peut s'identifier pour des raisons historiques et culturelles mais aussi "topographique[s], géographique[s], géologique[s]" (p. 44), le "Pays de Vaud" d'où il est originaire n'ayant "jamais fait partie de la nation française" (p. 33). C'est donc selon un rapport d'admiration (envers la portée universalisante de la culture française qu'il partage), mais aussi d'autonomie (fruit de circonstances qui lui sont exogènes, mais qui le déterminent en tant que "Vaudois" et de circonstances endogènes, telles que la défense de la liberté de la langue française qu’est aussi la sienne) que s'affirmeront les liens entre Ramuz et la France. Des liens où se joue l'équilibre nuancé entre la culture et la littérature de soi et celle de l'autre, dans le partage d'une langue commune mais qu'il lui faudra connaître (pour rester proche de l’esprit de la citation du Journal de l'écrivain transcrite plus haut, et pour utiliser un mot particulièrement sgnifiant du vocabulaire métalittéraire et fictionnel ramuzien), jusqu'à la rendre sienne.

La période au long de laquelle s'écoule son premier séjour parisien (1904-1914), et dont témoigne Raison d'être, correspond à celle d'une profonde réflexion, déclenchée d'abord par le sentiment d'étrangeté qu'il y éprouve face à sa propre langue, déterritorialisée par rapport à ses repères et usages personnels, mais qui pose déjà les fondements sur lesquels il articulera la maîtrise de son art. Des propos repérés dans les pages de ce texte trouvent ainsi des échos dans

22 id., art. cit., p. 96. Noël Cordonier propose le concept de "francisation" pour signifier les mécanismes à tendance normative de l'usage de la langue et des modèles français, qu'il identifie comme "le moule homogénéisant et légaliste intérieur", et le concept d'"exemplarité", pour désigner "la particularité française estimant que sa culture représente ou enseigne l'être humain permanent", et souligner "la vocation internationale" de cette culture, id., op. cit., p. 95.

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d’autres écrits contemporains ou postérieurs de celui-ci - son Journal ou ses Cahiers23 -, définissant une poétique de l'authenticité des rapports de l'écrivain à la langue. C'est dans la nature personnelle du rapport qu'il réussira à entretenir avec la langue qu'il pourra apprivoiser ce qui deviendra sa langue.

C'est justement ce sentiment, perceptible déjà lors de ses lectures scolaires, normatives, qui transparaît des pages de "Raison d'être", où la solitude de l'étranger que Ramuz était à Paris, se double de sa non-identification à la langue:

"Le ton de la conversation m'est étranger et j'y suis étranger. Le gesticulé de la phrase, où le sentiment se mime d'avance et s'invente à lui-même à mesure qu'il s'exprime [...]; cette espèce de théâtre vécu [...] autant de choses auxquelles je reste extérieur".24

Le 21 janvier 1904, soulignant le rapport essentiel entre la "pensée" et la "forme" (ce qu'il est convenu de désigner par le fond et la forme), et le caractère sacré, "liturgique" (tel qu'il le nommera dans d'autres passages) de toute chose et de son rapport aux choses, il note dans le Journal:

"Tout être, toute chose, et la plus humble des pierres, chaque fragment de la matière est un fragment de l'esprit. La pensée habite toute forme. [...] c'est pourquoi toute chose est sacrée; [...]. Quand l'esprit partout répandu a pris conscience en nous-mêmes, il parle partout; je ne puis nommer un arbre de son nom, sans que ce nom sorte de moi, comme gonflé de ses significations intérieures; [...] la plus simple phrase porte en elle des vérité éternelles; il est

donc inutile que j'aille chercher loin de moi des prétextes à ma langue"25.

Sans doute proche du Proust de "La Méthode de Sainte-Beuve", pour qui "tout [est] dans l'individu"26, partageant avec lui l'expérience

de "l'abîme qui sépare l'écrivain de l'homme du monde" et déjà parfaitement conscient que "le moi de l'écrivain ne se montre que dans les livres"27, Ramuz écarte sa poétique de toute finalité réaliste (ou

régionaliste, tel que pourrait le laisser supposer son attachement au

23 Reproduits dans le recueil Remarques, disponible dans la Collection "Poche suisse", chez l'éditeur L'Âge d'Homme (1987), qui regroupe "Remarques (Six Cahiers, 1928-1929)", "Citations (Six Cahiers-1929) et "Remarques (Oeuvres complètes, t.19, Mermod, 1941)".

24 Cit. par Pierre-André Rieben, art.cit., p. 259. 25 Journal, tome 2, p. 4. C'est nous qui soulignons.

26 Proust, M., Contre Sainte-Beuve, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1971, p. 220.

27 id., ibid., p. 225. Raison qui justifie la réserve du "moi social" de Ramuz, et la nature de son Journal, non biographique, au sens traditionnel du genre.

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"terroir" vaudois, ou la référence récurrente à "l'ici", au "chez nous", dans plusieurs de ses textes).

En effet, l'opposition de l'écrivain à la langue française doit être envisagée dans un contexte plus large, celui de l'hégémonie de la langue française figée par l'Académie et la tradition littéraire.

Revenons à la lettre à Bernard Grasset. Après avoir identifié l'indépendance de l'histoire du Pays de Vaud par rapport à l'histoire de France, et les contingences historiques qui ont élevé le français "classique" comme "langue littéraire parmi tant de langues" qui auraient pu l'être d'entre celles "d'oïl et d'oc qui existent encore actuellement" (p. 35-36) en France, Ramuz en vient à la question de son amour envers la langue française et à la liberté qu'il défend de la pratiquer, au nom de son "amour du vrai, par goût profond de l'authentique [...], par fidélité"28 (p. 43):

"Je me refuse de voir dans cette langue "classique" la langue unique, ayant servi, devant servir encore, en tant que langue codifiée une fois pour toutes, à tous ceux qui s'expriment en français. Car il y a eu, il y a encore des centaines de français" (p. 35).

Pour Ramuz, la langue littéraire est une matière vivante à l'instar des langues, qui "sont sans cesse en train de se défaire et de se refaire". Il se propose alors de l'appeler "langue-geste" puisqu'elle doit exprimer par des mots les "gestes" de ceux qui la parlent; elle ne peut devenir ce "français académique" aux "codifications" "péremptoires, autoritaires, exclusives" qu’est la "langue-signe" des livres (p. 53).

La quête d'un usage authentique de la langue constitue donc la "raison d'être" de la poétique ramuzienne. Une poétique que l'auteur29

définit avant tout en termes de "fidélité" à son "moi profond"30, un

moi qu'il veut proche et l'expression de son "pays" et de ceux qui y habitent, mais établissant avec eux un rapport particulier.

La comparaison entre deux attitudes possibles devant la peinture d'un paysage nous permettra de mieux comprendre le rapport à la

28 C'est nous qui soulignons.

29 Le poète romand Georges Haldas intitule le texte qui précède la publication des deux lettres, dont celle à Bernard Grasset, "Fidélité profonde". Il propose dans ce texte préfaciel une fine analyse des aspects dont se revêt cette posture ramuzienne, très particulièrement en ce qui concerne son rapport à la langue.

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langue et le rôle de l'écrivain par rapport à la peinture du réel prôné par la poétique ramuzienne.

Au risque de méconnaître les "parentés secrètes" qui s'établissaient entre l'esprit et la matière, et qui donnaient forme (telles une "petite poétique") à l'univers de la création artistique de ses débuts littéraires, mais dont l'absence le condamnait à la solitude,

"Mais dès que l'esprit m'a quitté ou s'il est étranger à ma conscience intime, soudain le monde entier est dépeuplé; la plus belle des choses apparaît sèche et languissante; elle n'est plus rien en-dehors d'elle-même; elle est comme une plante qui a soif; et les plus belles phrases ne sont qu'un bruit qui s'en va. (Petite poétique)".31

l'écrivain qui cherche à produire la description exacte des choses, risque à son tour, de faire fausse route.

Aux tonalités symbolistes par lesquelles le diariste s'exprimait dans les pages de son Journal de 1904, répond, dans ses textes de maturité, la "langue ramuzienne", reconnaissable, dans les deux extraits suivants, à des effets de ressassement (tels la répétition et la reprise)32 et à la tonalité édifiante du discours qui caractérise

l'exposition de sa pensée poétique - sa "Poétique".

"L'écrivain décrit un paysage. Ce paysage, il le porte en lui-même. Mais il arrive qu'il se méfie de lui33 au point de se référer au paysage réel, car l'écrivain comme le peintre peut être tenté de peindre d'après nature. [...] il semble que tout y soit finalement et tout y est; - mais c'est précisément parce que tout y est qu'il n'y a rien. Sa description est fausse; elle est fausse parce qu'elle n'est pas convenable."34

Le discours moraliste qui exprime la poétique ramuzienne devient plus évident dans l'extrait suivant, commentaire à la situation à laquelle nous venons de faire référence, et dans lequel nous retrouvons la quête de l'authenticité (souvent exprimée sans

31 Journal, op. cit., p. 4-5.

32 Noël Cordonier a particulièrement bien étudié la syntaxe et la rhétorique de Ramuz dans l'article cité.

33 Etablissant un parallèle avec le texte précédemment cité, situation analogue à celle vécue par l'artiste lorsque "l'esprit le quitte".

34 Remarques, o.p. cit. n. 23, p. 139-140. L'identification écrivain/peintre devient récurrente chez plusieurs auteurs à partir des textes esthétiques de Baudelaire. Cette identification est explicite dans le cas de Ramuz, qui ne se nomme pas « écrivain », mais « artiste ». sur cette problématique, v. « L’exemple de Cézanne », in Critiques

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ménagements dans un style brusque) et l'exigeant pari de fidélité à soi-même et à l'art poursuivi, avec l'engagement total de sa personne, par Ramuz:

"L'écrivain est puni par où il a péché. Il a été infidèle à lui-même. Il a oublié que les choses pour lui ne peuvent avoir qu'une existence intérieure: et que là, c'est-à-dire au dedans de lui-même, il y a un paysage qu'il voit ou qu'il ne voit pas; et s'il le voit, il n'a qu'à le décrire, le décrire tel qu'il le voit; s'il ne le voit pas, qu'à ne pas le décrire. Il a oublié que c'est quelquefois en ne décrivant pas qu'on décrit."35

Et ceci au moyen d'une "langue" qu'il inventera, et qui, loin d'approfondir le vide entre lui et le monde ici dénoncé36, lui permettra de se retrouver dans la beauté de la terre, dans l'émotion première de son épiphanie. Ainsi s'explique le caractère liturgique de son oeuvre, fondé sur le rapport de "convenance" entre l'esprit et la matière, entre la langue et l’amour du monde37 qu'elle se doit de dire, entre le poète et sa vérité.

35 Op. cit., p. 140.

36 Vide creusé par les lectures scolaires, gardiennes du "bon français", tel qu'il le constate dans la Lettre à Grasset.

Referências

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