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Une vaste étude de comparaison des séquences d’acides nucléiques des éléments rétroides (« retroid éléments ») suggère que les rétrovirus ont évolué à partir des rétrotransposons à LTR par l’acquisition d’un troisième gène (Xiong & Eickbush, 1990). Ce troisième cadre de lecture ouvert (ORF3) des rétrovirus est transcrit en ARN et épissé pour produire la protéine d’enveloppe membranaire, qui joue un rôle dans la capacité des rétrovirus à envahir leur hôte. La structure de tirant est très semblable à celles des rétrovirus de vertébrés, avec deux longues répétitions terminales (LTR) encadrant trois cadres de lecture ouverts, gag, pol, et env, chacun codant des protéines homologues aux protéines virales.

L’alignement des séquences de tirant avec d’autres éléments transposables montre que tirant appartient à la famille Gypsy, l’élément dont il est le plus proche étant ZAM (Marsano et al, 2000).

Chez la drosophile, les rétrovirus endogènes décrits comme actifs sont peu nombreux : Gypsy et ZAM chez D. melanogaster (Pelisson et al, 2002), Tom chez D. ananassae (Tanda et al, 1994). Ces rétrovirus sont actifs dans les ovaires de certaines lignées permissives ou instables, où ils réalisent leur cycle de réplication, conduisant à la multiplication de leur génome dans les cellules germinales. Les protéines de l’enveloppe de ces rétrovirus ont été détectées dans les cellules folliculaires (Leblanc et al, 2000) (Pélisson et al, 1994). Les particules virales de ces rétrovirus sont produites dans les cellules folliculaires et se concentrent majoritairement le long de la membrane apicale en contact avec l’ovocyte.

En plus d’améliorer notre connaissance sur les rétrovirus endogènes chez la drosophile, l’étude présentée ici nous a permis de caractériser un nouveau rétrovirus endogène actif chez D. simulans.

Nous avons détecté la protéine d’enveloppe de ce rétrotransposon chez les femelles d’une souche particulière (Mayotte) où la transposition de tirant est détectée (Akkouche et al, 2012). Dans cette population, la protéine ENV est présente principalement à la membrane des cellules folliculaires, comme pour Gypsy et ZAM (Leblanc et al, 2000) (Pélisson et al, 1994).

La présence d’une copie de tirant qui code des protéines d’enveloppe potentiellement fonctionnelles dans la population Mayotte soutient l’idée que des particules virales infectieuses peuvent être assemblées dans les ovaires de cette population. Il a été proposé que les particules virales de ZAM empruntent le réseau de microtubules de la cellule germinale pour accéder à son noyau, intégrer le génome viral dans les chromosomes de l’hôte et ainsi le transmettre à la descendance (Leblanc et al, 2000).

Dans la population Mayotte, les résultats d’immunomarquage anti-ENV et d’hybridation in situ de l’ARN de tirant indiquent que la protéine et l’ARN sont localisés au niveau de la membrane apicale. On peut donc envisager que le site d’assemblage des particules de tirant est localisé à la membrane apicale. Il faut noter que ce type de localisation polarisée dans une cellule épithéliale est également observé pour de nombreuses

glycoprotéines virales telles que celles codées par le virus influenza et le VIH (Tanentzapf &

al, 2000). Toutes ces données suggèrent que les rétrovirus et les « retrovirus–like elements » ne sont pas liés simplement phylogénétiquement, mais aussi fonctionnellement.

Le moment de l’infection de l’ovocyte de drosophile par les particules virales produites dans les cellules folliculaires semble suivre un schéma précis : après l’étape 10 de l’ovogenèse, l’ovocyte devient complètement entouré par une membrane vitelline épaisse imperméable, ce qui constitue une barrière à l’infection virale. Dans le cas de tirant, nous observons que l’accumulation de la protéine d’ENV est faible dans des stades précoces de l’ovogénèse et augmente pendant le stade 9. Par conséquent, tirant à une fenêtre de temps pour former des particules virales et infecter l’ovocyte.

2.1.1.1 L’élément tirant : un modèle d’étude de prolifération de rétrovirus endogènes dans les populations naturelles de D. simulans.

L’expression des copies actives de ZAM et Gypsy est inhibée dans la plupart des lignées de drosophile ; ces lignés sont qualifiées de lignées « restrictives » ou stables. En revanche, dans certaines lignées cette répression (inhibition) est perdue, ce qui permet aux éléments de transposer et ainsi de produire de nouvelles insertions génomiques (Desset et al, 1999). Ces lignées sont appelées permissives ou instables.

Notre modèle biologique, consistant en une collection de populations naturelles différant par leur nombre de copies de tirant, s’est révélé idéal pour nous permettre de comprendre la dynamique de ce rétrotransposon, en déterminant des statuts différents de tirant dans trois des populations étudiées. (1) Dans la souche Chicharo qui ne contient pas de copies euchromatiques, aucun transcrit n’a été détecté, ce qui est attendu. (2) Dans la population de Mayotte, les transcrits de tirant ainsi que la protéine d’enveloppe correspondante sont localisés dans les cellules folliculaires qui entourent l’ovocyte, tirant est actif dans les ovaires de cette lignée, où il réalise son cycle de réplication, conduisant à la multiplication de son génome dans les cellules germinales. Donc on peut considérer Mayotte comme une souche permissive de tirant. (3) Dans la population de Makindu, tirant est exprimé mais la transposition reste un événement rare. Ceci implique une régulation post- transcriptionelle, comme il le sera montré dans la troisiéme partie du chapitre 2.

Dans la majorité des populations naturelles, l’élément tirant est inactif comme dans la population Chicharo, malgré le fait que nos résultats montrent que ces populations contiennent les gènes d’enveloppe de tirant complets.

2.1.1.2 L’expression de tirant dépend de la population.

L’analyse de la distribution de tirant dans le génome hôte a montré que le nombre de copies est variable entre populations naturelles de D. simulans. Trois populations (Mayotte, Makindu et Zimbabwé) ont des insertions euchromatiques de tirant dont le nombre varie entre 2 et 5, et une population (Chicharo) ne contient pas de copies euchromatiques.

Toutes les populations étudiées de D. simulans ont des copies hétérochromatiques de tirant dans leur génome (Fablet et al, 2006, 2009). Cette distribution de tirant est similaire à la distribution de Gypsy chez D. melanogaster. Toutes les populations contiennent des copies de Gypsy localisées dans l’hétérochromatine péricentromérique, et quelques populations contiennent des copies de Gypsy sur les bras chromosomiques (Bucheton, 1995). La présence de copies de Gypsy sur les bras est corrélée avec la mobilisation de l’élément.

tirant a des copies euchromatiques sur les bras dans les deux populations Mayotte et Makindu. Dans ces deux populations, tirant à une localisation cellulaire différente, ce qui suppose une dynamique différente. Les transcrits de tirant sont détectés dans le cytoplasme des cellules folliculaires dans les ovaires de la population Mayotte, par contre cette localisation folliculaire est nucléaire dans la population Makindu. De manière surprenante un marquage pour des transcrits sens de tirant a aussi été observé dans le noyau des cellules nourricières des femelles Makindu, à la différence des femelles Mayotte, où on ne détecte pas de transcrits dans les cellules nourricières (Figure 4).

La localisation des transcrits dans le noyau des cellules folliculaires a été décrite récemment pour l’élément mdg1 (Sokolova et al, 2011). La localisation des transcrits dans les noyaux des cellules nourricières a été également observée pour l’élément I (Chambeyron et al, 2008). Cette accumulation nucléaire suggère au moins un mécanisme de répression post- transcriptionnelle (PTGS) (Chambeyron et al, 2008). L’accumulation des transcrits de tirant dans le noyau des ovaires de la population Makindu ainsi que l’absence de transposition suggère la mise en place d’un système de régulation qui contrôle la mobilisation de tirant dans la lignée germinale. Ainsi la régulation de Gypsy dans les cellules somatiques est contrôlée par le locus péricentromérique flamenco (Lécher et al, 1997).

Cette idée est renforcée par plusieurs travaux au cours de ma thèse (voir en particulier Akkouche et al, en préparation (article 3)).

Bien que les ET aient réussi à envahir certains génomes, ils sont soumis à des mécanismes de régulation de leur activité. Ces mécanismes contrôlent leur expression, en évitant leur remobilisation massive qui serait délétère (Saito & Siomi, 2010). Parmi ces mécanismes, les régulations transcriptionnelles et post-transcriptionnelles conduisent à la diminution de la transposition. Ces dernières années, de nombreuses études ont montré l’implication des régulations épigénétiques dans le contrôle des ET, et ce, dans de nombreux organismes comme l’homme, la plante, la drosophile ou encore la levure. Les mécanismes épigénétiques qui permettent des modifications transmissibles et réversibles de l’expression

des gènes sans modification de la séquence nucléotidique, comme les modifications post- traductionnelle des histones et les piwi-interacting RNA (piARN), sont des voies utilisées par l’hôte pour contrôler l’expression des éléments transposables.

PARTIE 2