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LA DISPARITION DES PROGRAMMES CQ

No documento Françoise Chevalier (páginas 135-140)

DES POINTS D'ABOUTISSEMENT TRES DIFFERENTS (date d'observation: été 87

2) LA DISPARITION DES PROGRAMMES CQ

Dans deux entreprises dont Opal, le nombre des CQ a progressivement diminué jusqu'à disparaître. Aussi étudierons nous, essentiellement à travers le cas d'Opal, la faillite d'un programme CQ, le bilan qu'on peut en dresser mais aussi, dans la mesure du possible, les effets d'apprentissage qui en ont été retirés.

2.1 La faillite des programmes CQ

Confrontés à des difficultés toujours grandissantes, les programmes déclinent de plus en plus. Les oppositions et la désaffection ne cessent de croître, les moyens sont réduits à la portion congrue et bientôt on ne parle plus de programmes CQ, plus personne n'y fait référence si ce n'est pour évoquer une période révolue.

Une telle évolution transparait bien dans la presse CQ de l'entreprise L... mais aussi au travers des titres des journaux CQ d'Opal. Chez Opal, après un démarrage prudent (nO1 et 2 en Mars et Avril 81), vient le développement euphorique (n° 3, 4 en 82, n° 5 et 6 en 83 et le n° 7 en 84), puis le déclin s'amorce et se creuse (le seul n° 8 pour 85 ne concerne pas l'usine mais la

caisserie et les n° 9 et 10 annoncent clairement la fin de l'opération)(2). Non seulement les titres traduisent bien ce mouvement mais la forme elle-même en témoigne. Alors que les premiers numéros n'étaient que de simples photocopies - en noir et blanc - de quelques pages agrafées, les numéros suivants se présentaient comme de véritables journaux - sur papier glacé, avec couleurs - de plusieurs pages ; il n'est plus question de cette présentation luxueuse dans les derniers numéros.

Les structures CO sont démantelées. Chez Opal les deux derniers cercles crées au début de l'année 86 remettent leurs conclusions au printemps 87.

L'opération CO est définitivement terminée. Le service Organisation du travail et Cercles de Qualité est dissout, le coordonnateur quitte l'usine ; chez L... le faciliteur muté à un autre poste n'est pas remplacé. Les programmes CO sont définitivement clos: plus aucun CO ne fonctionne dans les usines, et pour le personnel non-cadre, aucune réunion nouvelle n'est venue remplacer celles des cercles.

2.2 Le bilan

Le bilan que l'on peut tirer de nos investigations, mi 87, présente àla fois des aspects quantitatifs et des aspects qualitatifs.

2.2.1 Les aspects quantitatifs

Dans les deux cas la généralisation des CO ne s'est pas faite. La répartition des CO par atelier manifeste un véritable enkystement. Ainsi après cinq années de CO Opal totalise 19 cercles principalement dans les ateliers et surtout dans les services de Transformation, lieu d'implantation des premiers CO tests(3). Près d'un tiers de l'effectif total a participé à un cercle. De même l'observation montre que les services administratifs (comptabilité, achats, personnel, contrôle de gestion, informatique ...) sont peu touchés, ainsi que les services techniques, les services de recherche et de développement, les laboratoires qui restent

(2)"Les phases du programme CQ wes à travers les titres du journal d'Opal" sont présentées en annexe n°

21

(3)Cf. "La répartition des CQ chez Opal: le bilan", annexe n° 22.

autant de foyers d'opposition vivaces.

Par ailleurs, les bilans économiques des deux programmes depuis leur création font apparaître des soldes positifs. Le bilan chez. Opal montre un coût de 5.240.000 francs, un gain brut de 6.171.000 francs soit un gain net de 931.000 francs. Le même constat de rentabilité strictement financière vaut aussi pour l'entreprise L..Ainsi, malgré leur rentabilité, les deux opérations prennent fin.

222 Les aspects qualitatifs

Dans les deux entreprises, les réflexions du personnel sur la période CQ apparaissent partagées. Ainsi les observations des acteurs eux-mêmes sont lourdes d'ambiguïté. Chez Opal la Direction rappelle brièvement les apports des CQ pour, immédiatement après, en montrer toutes les limites et tous les inconvénients. Nous sommes très loin de l'euphorie du départ. A ce moment la Direction fait siennes les critiques des cadres - effet de mode, longueur des études, pertes de temps et lourdeur des structures sont évoquées. Quant aux faciliteurs, ils se disent à la fois enrichis sur le plan personnel par l'expérience qu'ils ont vécue mais tout de même déçus de la voir s'achever. Pour le faci1iteur resté sur le site mais occupant un nouveau poste, ses dernières remarques sur son avenir professionnel chez L... traduisent son inquiétude.

''Vous savez je me suis tellement engagé dans les cercles que ça ne va pas être facile de gérer la suite pour moi. .. Je me demande si ça ne vas pas avoir des conséquences sur ma carrière'~

Les cadres et parmi eux, les opposants les plus notoires, voient dans ces résultats leurs prédictions réalisées.

''Vous voyez, on vous l'avait dit, les CQ ça ne marche plus'~

Aucun ne regrette l'abandon des cercles. Tous invoquent le phénomène de

"mode" : les modes passent et disparaissent, leur destin quasi inéluctable serait là. Les esprits restent sceptiques.

''Les cercles, c'est comme la marée. Nous avons eu le flux, maintenant c'est le reflux. Question de volonté, question de mode ... Vous reviendrez

nous voir à la prochaine mode ... '~(cadre)

''il était temps, les choses rentrent dans l'ordre.

La révolution culturelle est finie'~ (cadre)

Au niveau du personnel non cadre, si aucune réunion nouvelle n'est venue remplacer les réunions des cercles de qualité, un système de suggestions est cependant institué fin 87. Système qui reprend l'ancienne formule de la boite idées utilisée 10 ans auparavant dans l'usine et remise au goût du jour. Les opérateurs sont aujourd'hui invités à faire part de leurs suggestions, les meilleurs sont primées. Enfin la mise en place d'un programme Qualité Totale est également envisagée - "mais sans cercles" - précise le Directeur. Qualité Totale et Horizon 92 constituent désormais les deux bannières de ralliement proposées officiellement par la Direction.

Enfin les remarques des membres et des animateurs sont elles aussi marquées du sceau de l'ambiguïté. On y trouve tour à tour de la déception - celles de voir le programme abandonné, certaines de leurs attentes non satisfaites, de consta- ter la disparition des cercles alors même que beaucoup s'y étaient largement investis - mais, en même temps un certain soulagement - celui de voir s'achever une expérience devenue pesante au fil du temps et dans laquelle peu à peu les difficultés rencontrées l'emportaient sur la satisfaction retirée.

"Réfléchir ou produire, il faut choisir. On a produit, après on nous a demandé de réfléchir, on revient maintenant à la production. .. ça aura quand même un peu changé les choses tout ça...

Les gens se sont exprimés, avant ils ne l'avaient jamais fait" (Animateur).

"Sur les gens qui ont fait des CQ, 60 % restent convaincus que c'était pas ma~ sauf pour la forme qui devenait vraiment trop folklo !...

n

y a

eu un tel excès de formalisme et de chiffrage que ce n'était plus possible'~ (animateur)

23 Les effets d'apprentissage

Si dans ces deux entreprises plus aucun CQ ne se réunit un point reste néanmoins fortement ancré dans les mémoires : les stages de formation. Ainsi chez Opal, la dynamique de groupe enclenchée à cette occasion porte toujours ses effets. Certains agents de maitrise - anciens animateurs - utilisent encore les

outils des cercles comme par exemple le brainstorming ou le diagramme causes/effet. Quelques participants déclarent aussi mieux se connaître et plutôt que de chercher à résoudre seuls certains problèmes, ils en parlent plus volontiers àleur entourage. C'est le cas de cet animateur qui déclare :

"On n'a plus peur de se réunir... Et même quand il Y a un problème au niveau du travail quotidien, je réunis mes gars... avant ils n'auraient pas compris, maintenant c'est entré dans les moeurs. " (animateur)

On enregistre également certains changements de comportements des opérateurs, anciens membres des CQ. De ce point de vue les attitudes en cas de panne, sont révélatrices. PlutÔt que de laisser les techniciens - mécaniciens ou électriciens - se débrouiller seuls, certains opérateurs leur livrent un début de diagnostic de pannes, aiguillant et facilitant ainsi leur travail. Très concrètement on passe, pour les opérateurs, de remarques telles que :"ça ne marche pas, c'est ton boulot f' à des observations plus proches de celle-ci : "une fois sur trois la machine fait une ratée, qu'est-ce que tu en penses l". De même chez L... deux conducteurs de machines (anciens membres de CQ aussi) ont demandé a être équipés de compteurs-enregistreurs de produits leur permettant de mieux apprécier la vitesse effective de leur équipement par rapport aux données théoriques.

En somme, s'il y a dans ces deux cas, abandon des cercles de qualité, on ne peut néanmoins pas assimiler cet état de fait àun retour en arrière complet ou, àun retour en l'état tel que l'expérience puisse être simplement gommée. Des effets d'apprentissage existent. L'expérience des cercles de qualité a malgré tout tissé des liens informels dans et entre certaines équipes et contribue à une fluidité plus grande dans le fonctionnement de certains services. Cependant, il convient de noter que le recul dans le temps nous manque ici pour que l'on puisse réellement se prononcer sur l'importance de ces effets. En fait il semblerait qu'il n'y ait pas échec total mais plutôt que la transformation obtenue soit nettement moins poussée que ce qui était prévu à l'origine.

No documento Françoise Chevalier (páginas 135-140)

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