2.2 Champ ´electrique 2D : d´ecomposition de Helmholtz
2.2.3 Le probl`eme aux potentiels, ` a la Grisvard
Lorsque ω est convexe, ΦD , N est inclus dans H2(ω). Mais cette inclusion n’est plus v´erifi´ee lorsqu’il existe un coin rentrant. On introduit alors le sous-espace r´egularis´e de ΦD , N, not´e ΦRD , N tel que : ΦRD , N = ΦD , N∩H2(ω).
Th´eor`eme 2.7 Lorsque ω n’est pas convexe,ΦRD , N est ferm´e et strictement inclus dans ΦD , N. D´emonstration. Soit φ∈ΦRD , N. Comme dans ΦD , N, la norme du graphe est ´equivalente `a la semi-norme, on a :
||φ||H1 ≤ C||∆φ||0. Or, on a :
|φ|H2 = |gradφ|H1 = ||grad : gradφ||0≡ ||∆φ||0.
Ainsi, sur ΦRD , N, ||∆.||0 ≡ |.|2. Comme H2(ω) est complet pour sa norme canonique, ΦRD , N est ferm´e dans ΦD , N.
Proposition 2.8 L’op´erateur ∆d´efinit un isomorphisme de ΦN dans L20(ω) et deΦD dansL2(ω).
ΦD et ΦN ´etant munis de la norme L2 du Laplacien, et L20(ω) ´etant muni de la norme L2, ces isomorphismes pr´eservent l’orthogonalit´e.
D´emonstration. Pour le probl`eme de Neuman, voir [9] (lem. 2.1, p. 361).
Ainsi ∆ΦRD (resp. ∆ΦRN) est un sous-espace ferm´e deL2(ω) (resp. L20(ω)).
Soit SD , N, l’espace orthogonal `a ∆ΦRD , N dans L2(0)(ω). On en d´eduit la d´ecomposition directe orthogonale suivante :L2(ω) = ∆ΦRD ⊕⊥ SD (resp. L20(ω) = ∆ΦRN ⊕⊥ SN). Ce r´esultat nous permet de caract´eriser les fonctions singuli`eres de ΦD , N : on obtient la d´ecomposition directe orthogonale suivante entre parties r´eguli`ere et singuli`ere : ΦD , N = ΦRD , N ⊕⊥ ΦSD , N o`u ΦSD , N = ∆−1SD , N.
Les espaces ΦSD , N sont appel´esespace des singularit´es primales du Laplacienet les espace SD , N sont appel´esespace des singularit´es duales du Laplacien.
Proposition 2.9 Les espaces des singularit´es duales SD et SN sont engendr´es par les fonctions qui satisfont les probl`emes de Dirichlet et de Neumann non standards suivants :
sD ∈L2(ω), sD ∈SD ⇐⇒
( ∆sD = 0dans ω,
sD|Ak = 0∀k ∈ {1, ...,K} dans H00−1/2(Ak), (2.18) sN ∈L2(ω), sN ∈SN ⇐⇒
( ∆sN = 0 dans ω,
∂νsN|Ak = 0∀k∈ {1, ...,K} dans H00−3/2(Ak). (2.19) D´emonstration. Soit sN ∈SN. Alors ∀φ∈ΦRN,
Z
ω
∆φ sNdω = 0. On en d´eduit que ∆sN = 0 au sens des distributions. On obtient la condition limite au bord en utilisant une formule de Green [67] (thm. 1.5.3, p. 26) et le fait que ∀k, ∂νφ|Ak = 0, et ∀k, φ|Ak ∈ H003/2(Ak) . La preuve est similaire poursD.
Les fonctions de SD , N sont H1-r´eguli`eres en dehors d’un voisinage de chaque coin rentrant. SD , N est de dimension ´egale au nombre de singularit´es g´eom´etriques, c’est-`a-dire le nombre de coins rentrants : dim(SD , N) = Ncr, et SD = vect(sD , i) (resp.SN = vect(sN , i)) o`u sD , i (resp. sN , i) satisfait (2.18) (resp. (2.19)). Qui plus est, sD , i et sN , i se d´ecomposent en une partie r´eguli`ere e
sD , i, esN , i ∈H1(ω) et une partie principale sPD , i = ri−αi sin (αiθi), sPN , i = r−αi i cos (αiθi) qui n’est pas dansH1(ω) [66] (2.3.6, p. 51,) :
sD , i = esD , i + sPD , i et sN , i = esN , i + sPN , i.
sPD , i et sPN , i sont harmoniques et r´eguli`eres en dehors d’un voisinage du coin rentrantOi. Proposition 2.10 esD , i satisfait le probl`eme de Dirichlet suivant :
Trouver esD , i ∈ H1(ω) tel que :
( ∆esD , i = 0 dans ω, e
sD , i|Ak = −sPD , i|A
k ∀k ∈ {1, ..., K}, dans H1/2(∂ω). (2.20) D´emonstration. Montrons qu’on a : esD , i|γi = 0 dansH1/2(γi). On fait la preuve par contra- diction. Supposons queesD , i|γi 6= 0 dansH1/2(γi). CommeH1/2(γi)⊂L2(γi), cela implique que e
sD , i|γi 6= 0 dansL2(γi), c’est-`a-dire queesD , i|A0
i 6= 0 dansL2(A0i), ouesD , i|AΘ
i 6= 0 dans L2(AΘi ).
Retenons la premi`ere possibilit´e : esD , i|A0
i 6= 0 dans L2(A0i). Comme L2(A0i) ⊂ H00−1/2(A0i), on a donc :esD , i|A0
i 6= 0 dansH00−1/2(A0i). Or, par d´efinition, on a :seD , i|A0
i = (sD , i−r−αi i sin (αiθi) )|A0 i, dans H00−1/2(A0i ). Comme sD , i ∈ SD, et que (ri−αi sin (αiθi) )|A0
i s’annule (car θi = 0), on en conclut queseD , i|A0
i = 0 dans H00−1/2(A0i), ce qui contredit le pr´ec´edent r´esultat. Par ailleurs, sur les autres arˆetes, on a :s(PD , i)|∂ω\γ
i ∈ C∞(∂ω\γi). Les traces des(PD , i)|∂ω\γ
i et (1−ηi(ri))s(PD , i) se raccordent aux extr´emit´es des arˆetes. On en d´eduit que esD , i et (1−ηi(ri))esD , i ont mˆeme trace sur∂ω.
Proposition 2.11 esN , i satisfait le probl`eme de Neumann suivant :
Trouver esN , i ∈ H1(ω) tel que :
∆esN , i = 0 dans ω,
∂νesN , i|Ak = −∂νsPN , i|A
k ∀k ∈ {1, ..., K}, dans L2(∂ω). (2.21)
2.2. Champ ´electrique 2D : d´ecomposition de Helmholtz 55 D´emonstration. Montrons, par contradiction, qu’on a :∂νesN , i|γi = 0 dansL2(γi). Supposons que ∂νesN , i|γi 6= 0 dans L2(γi), c’est-`a-dire ∂νseN , i|A0
i 6= 0 dans L2(A0i), ou ∂νseN , i|AΘ
i 6= 0 dans L2(AΘi ). Retenons la premi`ere possibilit´e. CommeL2(A0i)⊂H00−3/2(A0i), on a donc :∂νesN , i|A0
i 6= 0 dansH00−3/2(A0i).
Or, on remarque que : gradsPN , i(ri, θi) = −αiri−αi−1
cos(αiθi) sin(αiθi)
, exprim´e en coordonn´ees polaires par rapport au coin rentrant. Ainsi, sur les arˆetes du coin rentrant :
∂νsPN , i|A0
i = (∂νsN , i − gradsPN , i).ν|A0
i = (∂νsN , i − αir−αi i−1sin(αiθi) ), dans H00−3/2(A0i ).
Comme ∂νsN , i ∈ SN, et que (ri−αi−1 sin (αiθi) )|A0
i s’annule (car θ = 0), on en conclut que
∂νesN , i|A0
i = 0 dansH00−3/2(A0i), ce qui contredit le pr´ec´edent r´esultat.
Sur les autres arˆetes,∂νs(PN , i) |∂ω\γ
i ∈ C∞(∂ω\γi). Les traces de∂νs(PN , i) |∂ω\γ
i et (1−ηi(ri))∂νs(PN , i) se raccordent aux extr´emit´es des arˆetes. On en d´eduit que∂νesN , i et ( 1−ηi(ri) )∂νesN , i ont mˆeme trace sur∂ω.
Th´eor`eme 2.12 On peut ´etablir les estimations suivantes [67] (thm. 1.2.18, p. 7) :
∀ > 0 s ∈ SD , N appartient `a H1−α−(ω) et n’appartient pas `a H1−α(ω).
D’apr`es la proposition 2.8,∀i ∈ {1, ..., Ncr}il correspond `asD , i ∈ SD (resp. sN , i ∈ SN) un uniqueϕD , i (resp. ϕN , i) deH1(ω) tels que :
−∆ϕD , i = sD , i dansω , ϕD , i|∂ω = 0 sur∂ω , et
−∆ϕN , i = sN , i dansω ,
∂νϕN , i|∂ω = 0 sur ∂ω . (2.22)
Ainsi, les espaces des singularit´es primales ΦSD et ΦSN sont de dimension finie ´egale `a Ncr, et on a : ΦSD = vect(ϕD , i) et ΦSN = vect(ϕN , i). (2.23)
∀j ∈ {1, ..., Ncr}, on pose :ϕPD , j = rαjj sin (αjθj), et ϕPN , j = rαjj cos (αjθj).
LesϕPD , jetϕPN , j,j∈ {1, ...,Ncr}formeront lesparties principalesdesϕD , ietϕN , i,i∈ {1, ...,Ncr}. Proposition 2.13 ϕD , i etϕN , ise d´ecomposent en une partieH2-r´eguli`ere et une partie singuli`ere de la fa¸con suivante :
ϕD , i = ϕeD , i +
Ncr
X
j=1
βDi , jϕPD , j avec ϕeD , i∈H2(ω) et ϕPD , j 6∈H2(ω) (2.24)
ϕN , i = ϕeN , i +
Ncr
X
j=1
βNi , jϕPN , j avec ϕeN , i∈H2(ω) etϕPN , j 6∈H2(ω), (2.25) o`u βDi , j = (sD , i, sD , j)0/π etβNi , j = (sN , i, sN , j)0/π.
Les ϕPD , i et ϕPN , i sont harmoniques et r´eguli`eres en dehors du voisinage des coins rentrants. Le calcul desβD , Ni , i est d´etaill´e en dans la section 14.1 de la partie IV.
Th´eor`eme 2.14 On peut ´etablir les estimations suivantes [67] :
∀ >0, u∈ΦSD , N appartient `a H1+α−(ω) et n’appartient pas `a H1+α(ω); ΦRD , N ⊂H2(ω).
Proposition 2.15 ϕeD , i satisfait le probl`eme de Dirichlet suivant : Trouver ϕeD , i∈H1(ω) tel que :
−∆ϕeD , i = sD , i dans ω, e
ϕD , i|Ak = −
Ncr
X
j=1
βDi , jϕPD , j|Ak ∀k ∈ {1, ..., K} au sens H1/2(∂ω).
(2.26)
D´emonstration. En proc´edant comme pour la d´emonstration de 2.10, on montre que sur les arˆetes du coin rentrantOi :
-ϕPD , i|A0
i = αiriαisin(αiθi)θi=0 = 0, dans H1/2(A0i), -ϕPD , i|AΘ
i = α riαisin(αiθi)θi=π/αi = 0, dansH1/2(AΘi ).
Sur les autres arˆetes, on a : ϕPD , i|∂ω\γ
i ∈ C∞(∂ω\γi). Par ailleurs, les traces de ϕ(PD , i) se rac- cordent aux extr´emit´es des arˆetes. On en d´eduit queϕeD , i et (1−ηi(ri))ϕeD , i ont mˆeme trace sur
∂ω.
Proposition 2.16 ϕeN , i satisfait le probl`eme de Neumann suivant : Trouver ϕeN , i∈H1(ω) tel que :
−∆ϕeN , i = sN , i dans ω,
∂νϕeN , i|Ak = − XNcr j=1
βNi , j∂νϕPN , j|Ak ∀k∈ {1, ..., K}, au sensL2(∂ω).
(2.27)
D´emonstration. Notons d’abord que : gradϕPN , i(ri, θi) = αirαii−1
cos(αiθi)
−sin(αiθi)
, ex- prim´e en coordonn´ees polaires par rapport au coin rentrant Oi. En proc´edant comme pour la d´emonstration de 2.11, on montre que sur les arˆetes du coin rentrantOi :
-∂νϕPN , i|A0
i = αiriαi−1sin(αiθi)θi=0 = 0, dans L2(A0i), -∂νϕP
N , i|AΘi = −α rαii−1sin(αiθi)θi=π/αi = 0, dansL2(AΘi ).
Sur les autres arˆetes, on a : ∂νϕPN|∂ω\γ
i ∈ C∞(∂ω\γi). Par ailleurs, les traces de ∂νϕ(PN , i) se raccordent aux extr´emit´es des arˆetes. On en d´eduit que∂νϕeN , i et ( 1−ηi(ri) )∂νϕeN , i ont mˆeme trace sur∂ω.
Nous allons maintenant ´etudier φ0D ∈ ΦD, et φ0N ∈ ΦN, les solutions des probl`emes (2.15) et (2.16). Les coefficients d´efinis ci-dessous (d´efinition 2.17) vont apparaˆıtre naturellement dans l’expression de φ0D et φ0N sous forme de somme entre un partie r´eguli`ere et une partie singuli`ere, d´ecompos´ee sur les parties principales.
2.2. Champ ´electrique 2D : d´ecomposition de Helmholtz 57 D´efinition 2.17 Pour toutj ∈ {1, ...,Ncr}, on pose :
λjD := (g0, sD , j)0/π et λjN := (f0, sN , j)0/π . Proposition 2.18 φ0D ∈ΦD, la solution du probl`eme (2.15) s’´ecrit ainsi :
φ0D = φeD +
Ncr
X
j=1
λjDϕPD , j, o`u φeD ∈H2(ω). (2.28)
Cette d´ecomposition a ´et´e `a l’origine introduite pour le cas d’un unique coin rentrant par M.
Moussaoui dans [83].
D´emonstration. φ0D se d´ecompose dans ΦD en une partie r´eguli`ere φbD ∈ ΦRD et une partie singuli`ere, d´ecompos´ee sur les vecteurs de base de ΦSD ainsi :
φ0D = φbD +
Ncr
X
i=1
ciDϕD , i, o`u : ∀i , ciD ∈R, ce qui se r´e´ecrit sous la forme :
φ0D = φeD +
Ncr
X
j=1 Ncr
X
i=1
cjDβi , jD
!
ϕPD , j, o`u : φeD = φbD +
Ncr
X
i=1
ciDϕeD , i ∈ H2(ω).
D’apr`es la section 14.2 de la partie IV, on a :
Ncr
X
i=1
ciDβDi , j = (g0, sD , j)0/π :=λjD. (2.29)
Proposition 2.19 φ0N ∈ΦN, la solution du probl`eme (2.16) s’´ecrit ainsi :
φ0N = φeN +
Ncr
X
j=1
λjNϕPN , j, o`u φeN ∈H2(ω). (2.30)
D´emonstration. Changer les indices D parN dans la d´emonstration de la proposition 2.18.
Th´eor`eme 2.20 Supposons que pour > 0 tel que 2α−1− > 0, f, g ∈ H2α−1−(ω) et e ∈ H2α−1/2−(∂ω). AlorsφeD , N ∈H2α+1−(ω).
D´emonstration. D’apr`es les hypoth`eses sur les donn´ees,eest la trace d’un vecteuredeH2α−(ω), et donc dive ∈ H2α−1−(ω), d’o`u : g0 = g−dive ∈ H2α−1−(ω). D’apr`es [67] (p. 82), lorsque g0 ∈Hs(ω),s≥ −1, on peut d´ecomposer φ0D sous la forme :
φ0D = φRD +
Ncr
X
j=1
X
0<m αj<s+1
cj,mrm αj j sin (m αjθj)
, avec φRD ∈ Hs+2(ω), cj,m ∈ R.
Le calcul des cj,m est donn´e dans [86]. On a cj,1 = λjD. Afin d’obtenir la d´ecomposition de la proposition 2.18, c’est-`a-direφRD = φeD, il faut limiter la somme surm`a m= 1 pour tout j, ce que est possible si et seulement si :
∀j ∈ {1, ..., Ncr}, s + 1 < 2αj ⇐⇒ s < smax avec smax = 2α − 1. (2.31) Ainsi, s = 2α−1− convient, et dans ce cas, φRD = φeD, comme annonc´e. Le mˆeme r´esultat est obtenu pour le probl`eme de Neumann. Pour conclure, notons qu’on peut obtenir une partie r´eguli`ere de plus en plus r´eguli`ere sous r´eserve de la r´egularit´e des donn´ees.