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Chapitre 5 Origine des magmas primaires du Jbel Saghro

5.2. Discussion

5.2.1. Magmas primaires

À l’exception de la basanite TAM10, toutes les néphélinites et basanites du Jbel Saghro ont des Mg# (62.3–70.3) et des teneurs en éléments traces compatibles (p.ex. Sc, Cr, Co, Ni) suffisamment élevées pour que ces roches représentent des laves primaires ayant subi peu ou pas de cristallisation fractionnée (Frey et al., 1978 ; Figure 3.5, Tableau 3.5). Ceci est corroboré par la présence de xénolites de péridotite à spinelle qui suggère une ascension depuis des profondeurs supérieures à 30 km, à une vitesse importante ne laissant pas l’opportunité de réagir avec la croûte, et donc de modifier la composition du magma (Frey et al., 1978). La possibilité d’assimilation de xénolites sera étudiée plus loin dans cette partie.

Cependant, si l’on s’en tient strictement aux valeurs données par Frey et al. (1978) (Mg# > 65, 90–670 ppm de Ni, 27–80 ppm de Co, et 15–28 ppm de Sc), alors les néphélinites et basanites ayant les Mg# et teneurs en Ni, Co, Sc et Cr les plus faibles pourraient avoir subi de faibles degrés de cristallisation fractionnée d’olivine et clinopyroxène. Sur la Figure 3.5, On observe une diminution de CaO corrélée à une augmentation d’Al2O3 qui entraîne une baisse du rapport CaO/Al2O3 quand la teneur en SiO2 augmente, qui peut s’expliquer par la cristallisation de clinopyroxène (p.ex. Jung et al., 2006). L’augmentation de la concentration en Al2O3 et l’absence d’anomalie négative en Eu dans les spectres de terres rares des néphélinites et basanites implique que le plagioclase n’a pas fractionné, et donc que la cristallisation de clinopyroxène, si elle a eu lieu, s’est produite plus profond que le champ de stabilité du plagioclase (c.-à- d. > 27 km ; Borghini et al., 2010).

Un modèle de cristallisation fractionnée utilisant la loi de Rayleigh a été appliqué à la néphélinite la plus mafique (TLA15 : Mg# = 69.0 ; Tableau 3.5) afin de vérifier si les laves mafiques plus riches en silice du Jbel Saghro (c.-à-d. les basanites) ne sont pas issues de faibles taux de cristallisation fractionnée des laves les plus sous-saturées (c.-à-d. les néphélinites) :

( 1) 0

liq liq D

C # C $ F

" (5.1)

D’après Shaw (1970), avec Cliq la concentration du liquide final,

C

0liq la concentration du liquide initial (ici TLA15), F le degré de fractionnement (c.-à-d. le pourcentage de liquide restant après cristallisation) et D la somme des coefficients de partage d’un élément donné entre le liquide et toutes les espèces minérales qui cristallisent. Les paramètres utilisés sont indiqués dans le Tableau 5.1 et les résultats obtenus sont présentés dans la Figure 5.1.

La Figure 5.1 montre deux diagrammes permettant l’identification des processus de cristallisation fractionnée et de fusion partielle dans lesquels on représente le rapport de deux éléments incompatibles en fonction de la concentration du plus incompatible (Minster et Allègre, 1978). On remarque que :

(1) la cristallisation d’olivine et de clinopyroxène (Modes 1 et 2) font augmenter les teneurs en La et Th ainsi que les rapports La/Yb et Th/Hf des liquides produits ;

(2) la cristallisation d’olivine seule (Mode 3) n’a pas d’effet sur les rapports La/Yb et Th/Hf du liquide produit ;

(3) la cristallisation d’apatite et de pérovskite en plus de l’olivine et du clinopyroxène (Modes 4 et 5) entraînent la diminution des rapports La/Yb et Th/Hf couplée à une augmentation des teneurs en La et Th des liquides produits ;

(4) la Figure 5.1B suggère que les trois échantillons de néphélinite pliocènes ayant les concentrations en Th les plus élevées peuvent être issus d’un taux de cristallisation de 15–20%

sur les modes 1 à 3, à partir d’un magma ayant la composition de la néphélinite miocène TLA15.

Mais on ne retrouve pas ce résultat pour les rapports La/Yb.

(5) seule la cristallisation de 10% de pérovskite (Mode 6) permet de reproduire les

Figure 5.1. Diagrammes de (A) La/Yb en fonction de La et (B) Th/Hf en fonction de Th pour les laves primaires du massif de Jbel Saghro. Les lignes représentent les résultats de la modélisation de cristallisation fractionnée dont les paramètres sont indiqués dans le Tableau 5.1. Les pourcentages représentent le taux de cristallisation F. Ol : olivine, Cpx : clinopyroxène, Ap : apatite, Prv : pérovskite.

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variations observées entre les néphélinites et les basanites, mais un tel fractionnement n’a jamais été rapporté dans la littérature.

La cristallisation d’olivine et pyroxène n’est donc pas compatible avec les variations observées dans les laves mafiques de Saghro. Ce modèle suggère donc que les basanites du Jbel Saghro ne sont pas issues de la cristallisation fractionnée des magmas néphélinitiques. Ceci est corroboré par la présence de minéraux mafiques riches en magnésium dans les deux types de laves (néphélinites : olivine Fo91–79 et clinopyroxène Mg# = 85–62, basanites : olivine Fo88–81 et clinopyroxène Mg# = 81–73).

Il convient cependant de tenir compte des fortes variations observées dans la composition chimique des basanites de Saghro, notamment en MgO, Ni et Cr, et également au niveau de leurs rapports Ba/Rb (Figures 3.4 à 3.8). De telles variations en MgO, Ni et Cr sont habituellement attribuées à la cristallisation fractionnée d’olivine et clinopyroxène pendant la remontée du magma (p.ex. Jung et al., 2006). Nous avons cependant vu que la cristallisation d’une quantité irréaliste de pérovskite était la seule façon de reproduire les concentrations des basanites par cristallisation fractionnée à partir de la néphélinite la plus mafique (Figure 5.1). Comme les basanites contiennent des xénolites de lherzolite et de pyroxénite, il est possible que certains de ces xénolites aient été broyés avec la matrice malgré le tri minutieux effectué lors de cette étape

de préparation des échantillons. La Figure 5.2 présente donc le résultat de modélisations de mélange de la néphélinite miocène et de la basanite les plus mafiques avec les trois différents types de xénolites du Moyen Atlas analysés par Natali et al. (2013). On remarque sur cette figure qu’un tel mélange pourrait expliquer les variations en P2O5 et Ba/Rb, mais qu’il produit par contre des variations en MgO, Ni et Cr avec la teneur en SiO2 à l’opposé de celle qui est observée dans les basanites. Si l’on considère un mélange entre la basanite la plus riche en SiO2 et un xénolite du Moyen Atlas, on peut alors expliquer l’augmentation des teneurs en MgO, Ni et Cr vers la basanite ayant le Mg# le plus élevé, mais pas la diminution conjuguée de la teneur en SiO2. L’assimilation de xénolites ne semble donc pas être une bonne hypothèse pour expliquer les

Figure 5.2. Modélisation du mélange de la néphélinite miocène TLA15 (Mg# = 69, lignes rouges) et de la basanite TAM8 (Mg# = 70.3, lignes oranges) avec chacun des trois types de xénolites du Moyen Atlas analysés par Natali et al. (2013) : lherzolite enrichie en LREE, lherzolite pauvre en clinopyroxène et webstérite à olivine. Les pourcentages représentent la part de xénolite assimilée dans le magma.

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variations chimiques observées dans les basanites.

Une autre hypothèse serait de considérer que les néphélinites et basanites sont issues de faibles taux (étant donnés leurs Mg#, et teneurs en Cr et Ni élevés) de cristallisation fractionnée d’un magma parent n’affleurant pas en surface ou n’ayant pas été échantillonné. Cette hypothèse permettrait d’expliquer les fortes variations en Ni et Cr observées dans les basanites.

Ces résultats, combinés aux critères donnés par Frey et al. (1978) (Mg# et concentrations en éléments en trace compatibles élevés, présence de xénolites de lherzolite à spinelle) indiquent que les néphélinites et la basanite TAM8 de Saghro sont des laves primaires, et qu’il n’est pas possible de les relier par de la cristallisation fractionnée, ou bien que celle-ci a joué un rôle négligeable dans leur évolution. Les néphélinites et basanites du Jbel Saghro sont donc issues de taux de fusion partielle différents, et la suite de ce chapitre sera consacrée à la modélisation du processus de fusion et à la caractérisation de leur(s) source(s).