3.2 La prise en compte des h´et´erog´en´eit´es
3.2.1 Les mod`eles multi-groupes
Les sources d’h´et´erog´en´eit´e sont nombreuses et de nature diverse. L’int´erˆet pour des mod`eles comportant des groupes est venue des diff´erences de comportement. Ce sont les maladies sexuellement transmissibles qui ont donn´e naissance `a ces mod`eles multi-groupes. En particulier l’article fondateur de Lajmanovich et Yorke [64] en 1976 introduit le premier mod`ele multi-groupes. La MST concern´ee est la gonorrh´ee encore appel´ee blennoragie gonococcique. Le mod`ele s’´ecrit
˙
xi = (1−xi) X
β˜i,jxj−αixi. (3.3) Pour i = 1,· · · , n. Le terme xi repr´esente la pr´evalence dans le groupe i. Chaque groupe a une population constante.
On peut remarquer que ce mod`ele pour n = 2 est exactement le mod`ele (3.1) de Ross. Ronald Ross en ´etait particuli`erement conscient car dans [83] il fait aussi la remarque que les maladies v´en´eriennes peuvent ˆetre mod´elis´ees de la mˆeme fa¸con :
the venereal diseases may be loked upon as metaxenous diseases in which the two sexes take the part of the two hosts.
Metaxenous le mot utilis´e par Ross r´ef`ere aux parasites qui passent une partie de leur vie chez un hˆote et le reste dans un autre.
Une monographie la gonorrh´ee : dynamique de transmission et contrˆole par He- thcote et Yorke [44] en 1984 est une tentative s´erieuse pour traduire les r´esultats math´ematiques en recommandations de sant´e publique.
C’est la pand´emie du VIH/SIDA qui va stimuler de fa¸con importante l’attention sur les mod`eles multi-groupes [41, 90, 58, 19, 43] vers les ann´ees 1987. La distinction des groupes se fait par le comportement. En effet le comportement sexuel est un des facteurs principaux de la transmission du VIH. La transmission effective va d´ependre des types de contacts sexuels entre les groupes.
Un autre facteur important est la longue p´eriode d’infectiosit´e avant que se d´eclare effectivement un SIDA. Cette p´eriode peut-ˆetre mod´elis´ee `a l’aide d’une chaˆıne de compartiment afin de simuler un retard[53, 56, 54] . Enfin les ´etudes cliniques de la transmission du HIV montrent une variabilit´e de l’infectivit´e au cours de la longue p´eriode ”asymptomatique” o`u l’individu s´eropositif n’ a pas encore d´eclar´e un SIDA.
Cela constitue le troisi`eme facteur. C’est la raison qui a motiv´e J.A. Jacquez [58]
a introduire le concept d’individu passant par diff´erent stades, chaque stade ayant une infectivit´e diff´erente.
Sur un seul groupe le diagramme de flot est donn´e dans la figure suivante (3.1)
S I1
In
1I1+...+ nIn
1 1+μ
n+μ
n-1
μ
.. .
Figure 3.1 – Progression dans les stades d’infectiosit´e
La dynamique est repr´esent´ee par le syst`eme d’´equation diff´erentielles :
S˙ = Λ−µ S−S Xn
j=1
βjIj
I˙1 =S Xn
j=1
βjIj − (γ1+µ+α1)I1
I˙2 =γ1I1−(γ2+µ+α2)I2
...
I˙j =γj−1Ij−1 −(γj +µ+αj)Ij
...
I˙n=γn−1In−1−(µ+αn)In
(3.4)
Le param`etre γj repr´esente la fraction de vitesse de transfert du compartiment j au stage j + 1. Les termes Ij repr´esentent les diff´erentes classe d’infectieux. On peut remarquer qu’un infect´e (latent) est un infectieux avec une infectiosit´e nulle.
Ce mod`ele permet de prendre en compte les r´emissions, les rechutes. Les nombreux compartiments servent d’une part `a la prise en compte dans la mod´elisation de l’infectiosit´e et d’autre part `a repr´esenter ph´enom`enologiquement des retards.
Par la suite ce mod`ele introduit par Jacquez a ´et´e baptis´e par Hyman et al. [47]
mod`ele `a progression de stade (Stage progression SP).
L’introduction de groupes permet de consid´erer des groupes noyaux (core group) dans la transmission. Ces groupes jouent un rˆole fondamental [57] dans la transmis- sion.
Enfin on rencontre des porteurs asymptomatiques infectieux qui jouent un rˆole dans la transmission de la maladie. Le mod`ele pr´ec´edent permet de prendre en compte ces porteurs asymptomatiques. En g´en´eral ces porteurs ont une infectivit´e moindre.
Mais leur influence n’est pas n´egligeable. Un exemple c´el`ebre est celui de Mary Mallon, connue sous le nom de typhoid Mary. C’´etait une porteuse asymptoma- tique de la typho¨ıde. Cuisini`ere, au d´ebut du XX`eme si`ecle, dans plusieurs familles New-Yorkaises elle a transmis la typho¨ıde sans ˆetre elle-mˆeme malade. On utilisait anciennement le terme de porteur sains. On les qualifie de porteurs asymptoma- tiques plutˆot que de porteurs sains (car ils sont r´eellement porteurs de la maladie).
Un autre exemple est celui de certains oiseaux infect´es par des souches grippales TP (tr`es pathog`enes) ou HP (hautement pathog`enes) et qui peuvent excr´eter des virus sans aucun signe clinique ni aucune l´esion observables `a l’autopsie.
Parmi les maladies infectieuses pour lesquelles on peut introduire des porteurs asymptomatiques on a par exemple
– La tuberculose
– La typho¨ıde
– L’infection au HBV (H´epatite B) – La m´eningite
Il existe une nombreuse litt´erature sur les mod`eles multi-groupes [92,93,42,68,57].
Les mod`eles multi-groupes peuvent repr´esenter les maladies `a transmission vecto- rielle. Le mod`ele fondateur de Ross en est l’exemple type.
Dans l’article [26] (joint), nous avons donn´e un r´esultat de stabilit´e qui nous a permis d’´etudier un syst`eme constitu´e de ngroupes de syst`emes SIS, en particulier nous avons donn´e un d´emonstration plus simple du r´esultat de Lajmanovich et Yorke [64].
Nous avons ´etudi´e dans [51] (article joint) le mod`ele (3.4) avec une fonction de d´emographie ϕ(S) plus g´en´erale qu’un simple recrutement constant Λ et on a in- troduit des classes de malades latents (ne transmettent pas la maladie). Le syst`eme que nous avons consid´er´e est le suivant
S˙ =ϕ(S)−µSS−S Xn i=k+1
βiIi
E˙1 =S Xn i=k+1
βiIi − α1E1 E˙2 =γ1E1 −α2E2
...
E˙k=γk−1Ek−1−αkEk
I˙k+1 =γkEk−αk+1Ik+1
I˙2 =γk+1I1−αk+2I2
...
I˙n =γn−1In−1−αnIn
R˙ =γnIn−αn+1R
(3.5)
avecαi =γi+µi. Le param`etreγj repr´esente la vitesse de transfert du compartiment j au stage j + 1 et le Le param`etre µj la mortalit´e sp´ecifique du compartiment j.
αn+1 est la mortalit´e du dernier compartiment, celui des gu´eris ou ”removed”.
Nous avons aussi consid´er´e les mod`eles `a infectivit´e diff´erentielle DI (differential infectivity models) repr´esent´es par la figure 3.2.
S
I
1I
jI
kR
β1I1+...+βkIk
π1 πj πk
Λ
Figure 3.2 – Mod`ele `a infectivit´e diff´erentielle La dynamique s’´ecrit :
S˙ =ϕ(S)−µSS−S Xn
i=1
βiIi
I˙1 =π1S Xn
i=1
βiIi −(µ1 +γ1)I1
I˙2 =π2S Xn
i=1
βiIi −(µ2 +γ2)I2
...
I˙n=πnS Xn
i=1
βiIi −(µn+γn)In
R˙ =Pn
i=1 γiIi −µnR
(3.6)
avec Xn
i=1
πi = 1.
Nous avons r´e´ecrit ces mod`eles sous la forme g´en´erale suivante : x˙ =ϕ(x) − x βT.y
˙
y = (x βT.y)b+ A y= (A+bβT)y (3.7) o`u x ∈ IR+ repr´esente la classe des susceptibles et y ∈ IRn+ est un vecteur qui regroupe toutes les autres classes (infect´es, latents, gu´eris). Les vecteurs β etb ainsi
que la matrice A sont d´efinis pour chaque mod`ele dans l’article joint. Nous avons alors ´etabli la dissipativit´e de ces syst`emes (existence d’un compact positivement invariant et absorbant), calcul´eR0 le taux de reproduction de base, ´etudi´e l’existence des points d’´equilibre, prouv´e la stabilit´e asymptotique globale du DFE (´equilibre sans maladie) et surtout nous avons d´emontr´e la stabilit´e asymptotique globale de l’´equilibre end´emique quand il existe pour le mod`ele SP (3.5).