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Chapitre III Traçage et modélisation du cycle de l’eau

I. Résumé de l’étude

I.1. Introduction

Dans les écosystèmes forestiers, les flux d’éléments minéraux sont en grande partie dépendant des flux d’eau : pluviolessivats, écoulements de tronc et drainage d’eau dans le profil de sol. La connaissance de ces flux d’eau est donc capitale pour calculer les flux de nutriments dans l’écosystème. Alors que certains flux d’eau (par exemple la pluie hors couvert ou sous couvert) sont quantifiables par des méthodes directes, la mesure du flux de drainage en eau à différentes profondeur du sol est virtuellement impossible. Ce flux est donc généralement estimé à l’aide d’un modèle hydrique qui prédit le flux de drainage à partir de données « entrées » (hauteur des précipitations, évapotranspiration potentielle) et de paramètres caractérisant le sol. Il existe de nombreux modèles hydriques couvrant une large gamme de complexité allant de modèles simples à réservoirs et à flux aux modèles mécanistiques basés sur l’équation de Richards (écoulements en milieu non-saturé). De manière courante, le modèle est calibré sur un jeu de donnée de mesures de l’humidité volumique du sol (TDR ou échantillonnage du sol) ou sur un jeu de donnée de mesures de potentiel hydrique du sol (tensiomètres). Cependant, ces calibrations ne sont que rarement validées par des expériences de traçage de l’eau.

L’objectif de cette étude était d’estimer les flux de drainage d’eau dans le profil de sol du peuplement de hêtre. Pour ce faire, deux modèles hydriques de structures différentes (BILJOU et HYDRUS-1D) ont été calibrés en s’appuyant sur le jeu de données de mesures de l’humidité volumique du sol (TDR). La capacité des modèles à reproduire l’élution du deutérium dans le profil de sol a ensuite été testée pour valider la calibration des modèles. L’expérience de traçage au 2H permet également d’acquérir de nombreux paramètres (temps de résidence de l’eau dans le sol, porosité « efficace » aux transferts…) essentiel pour comprendre le fonctionnement hydrique et les flux d’éléments minéraux.

I.2. Principaux résultats

I.3.1. Mise en évidence de flux préférentiels d’eau dans le sol

ǯ±Ž—–‹‘†—–”ƒ…‡—”ȋ‡”‹…Š‹••‡‡–‹•‘–‘’‹“—‡Ɂ2H) résultant du transfert matriciel de la lame d’eau enrichie a été suivie dans les solutions du sol aux trois profondeurs 15cm, 30cm et 60cm. Les solutions du sol à ces profondeurs ont été collectées avec des bougies poreuses qui collectent essentiellement l’eau lié du sol (pF>2.8) ou eau « matricielle ». La détermination des pics d’élution a permis de calculer les vitesses de transfert de cette lame d’eau en millimètres parcourus par millimètres de pluie percolée. L’inverse de ces vitesses est une estimation de la porosité utilisée par la lame d’eau enrichie (exprimée en pourcentage du volume de sol total).

A 15cm et à 60cm, les valeurs de porosités estimées étaient anormalement élevées dépassant largement les valeurs de porosité totale du sol communément admises. Ceci implique que le flux d’eau réel qui participe au transfert matriciel de la lame de traçage est plus faible que celui que nous avions considéré (pluie-etp) pour nos calculs de vélocité et porosité. Plusieurs hypothèses peuvent être posées pour expliquer ce constat :

i. Une surestimation de la pluie incidente ou du flux d’eau sous-couvert,

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Apport du multi-traçage isotopique (2H, 15N, 26Mg et 44Ca) à la connaissance des flux d’éléments minéraux dans les écosystèmes forestiers

ii. Une sous-estimation de l’évapotranspiration

iii. L’existence de flux préférentiels d’eau dans le profil de sol (une part de l’eau percolant dans le sol ne participe pas au transfert de la lame de traçage).

Une surestimation de la pluie incidente ou du flux d’eau sous-couvert ainsi qu’une sous- estimation de l’évapotranspiration de l’ordre de 200 mm.an-1 est peu probable (Aussenac, 1972;

Granier et al., 1999; Wilson et al., 2001). La seule hypothèse plausible pour expliquer la sous- estimation des vitesses de transfert de la lame de traçage est l’existence de flux préférentiels d’eau dans le profil de sol.

Les simulations de transfert de deutérium avec les modèles BILJOU et HYDRUS-1D étaient aussi en accord avec l’hypothèse de flux préférentiels. En effet, les deux modèles fonctionnent avec le modèle de transfert par effet piston et ont initialement simulé un transfert de deutérium beaucoup plus rapide que les vitesses observées. Pour pouvoir correctement simuler le transfert de deutérium dans le profil de sol, il faut réduire la quantité d’eau matricielle participant à l’effet piston. La quantité d’eau restant à drainer est alors considérée comme des écoulements préférentiels qui ne participent pas au transfert matriciel de traceur tel qu’observé par l’intermédiaire des bougies poreuses.

I.3.2. Quantification des flux préférentiels d’eau dans le sol

De nombreuses études ont montré l’importance des flux préférentiels dans le fonctionnement hydrique des sols (Feyen et al., 1999; Williams et al., 2003; Deeks et al., 2008;

Allaire et al., 2009; Legout et al., 2009; Stumpp and Maloszewski, 2010). Cependant, la quantification des flux préférentiels est difficile et seules quelques études ont pu estimer la part des flux préférentiels dans le flux de drainage d’eau en bas de profil (Stone and Wilson, 2006;

Legout et al., 2009; Stumpp and Maloszewski, 2010).

La génération de flux préférentiels d’eau dépend surtout de l’intensité des épisodes pluvieux et de l’humidité initiale du sol lors de l’épisode pluvieux (Seyfried and Rao, 1987;

Jardine et al., 1990; Lennartz and Kamra, 1998; Ghodrati et al., 1999; Langner et al., 1999;

Williams et al., 2003; Jarvis, 2007). Pour modéliser la génération de flux, nous avons considéré plusieurs seuils d’intensité de précipitation au-delà desquels l’excédent de précipitation transfère rapidement à travers le profil de sol. Le seuil d’intensité de précipitation qui permet de reproduire au mieux l’évolution de l’humidité volumique du sol et le transfert de deutérium dans le profil de sol était le seuil de 3.5mm.h-1. Avec un tel seuil, le flux de drainage total annuel est réparti comme suit : 54% de flux préférentiels et 46% du flux matriciels. Ceci est plus élevé que la part des flux préférentiels dans le flux de drainage d’eau en bas de profil reportée par d’autres études (de 11 à 51% (Stone and Wilson, 2006), 10% (Stumpp and Maloszewski, 2010) et 17%

(Legout et al., 2009)) et pourrait en grande partie s’expliquer par la texture à dominante sableuse des sols de la placette.

I.3.3. Incidence possible des flux préférentiels d’eau sur les flux de drainage de nutriments

La simulation de flux préférentiels dans le profil de sol ne change pas le flux de drainage total annuel mais peut avoir des conséquences sur le calcul de flux de drainage de soluté. La

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Chapitre III : Traçage et modélisation du cycle de l’eau

composition des eaux circulant lentement ou rapidement dans le sol peut, en effet, fortement varier (Ranger et al., 1993; Marques et al., 1996; Legout et al., 2009). Le bilan de flux « entrées- sorties » de deutérium a été calculé de deux manières différentes : (1) en ne considérant pas les flux préférentiels (calcul « classique » le flux de drainage d’eau est couplé aux concentrations dans les bougies poreuses à 60cm de profondeur) et (2) en considérant les flux préférentiels (couplage du flux d’eau préférentiel avec les concentrations dans les plaques lysimétriques à 10cm de profondeur et couplage du flux matriciel d’eau aux concentrations dans les bougies poreuses à 60cm de profondeur). Lorsque l’on ne considère pas de flux préférentiels, le bilan en deutérium est déséquilibré (-14%) alors que le bilan en deutérium est équilibré lorsque les flux préférentiels sont pris en compte (+3%).

En appliquant les mêmes méthodes de calculs aux flux de drainage de nutriments, nous avons mis en évidence une possible sous-estimation des pertes par drainage si l’on ne considère pas les flux préférentiels. En considérant ces écoulements rapides, les flux de drainage en Ca, Mg, Al et NO3 augmenteraient de 160%, 62%, 75% et 125% respectivement. Ces valeurs peuvent cependant légèrement surestimer les pertes pour ces éléments. Pour ce calcul, le flux de drainage préférentiel a été couplé à la composition chimique des eaux collectées par plaques lysimétriques à 10cm de profondeur. Cependant, il est possible que l’eau soit en interaction avec la phase solide même dans les écoulements rapides. En effet, il a été montré que les concentrations des eaux gravitaires changent avec la profondeur (Marques et al., 1996; Ranger et al., 2001; Legout, 2008). Même dans le cas de flux préférentiels et rapide d’eau, les échanges entre la phase liquide et solide ne sont pas excluent.

L’expérience de traçage et la modélisation hydrique dans le peuplement de hêtre ont donc permis d’estimer les flux d’eau au sein de l’écosystème et permettent ainsi de calculer des flux de drainage de nutriments dans le profil de sol nécessaires pour établir les bilans de flux « entrées- sorties ». Ce chapitre a permis aussi de mettre en évidence l’existence de flux préférentiels d’eau dans le profil de sol. Ces flux préférentiels jouent un rôle important dans le cycle de l’eau mais leur influence sur les flux de nutriments dans le sol reste méconnue. Les flux préférentiels d’eau pourraient engendrer des pertes accrues de Mg et de Ca en transférant très rapidement ces éléments depuis la surface jusqu’à la profondeur sans interaction avec la phase solide (réactions d’échanges d’ions…). La composition chimique de l’eau de flux préférentiels pourrait également être en interaction avec la phase solide du sol même si les vitesses d’écoulement sont élevées.

Ainsi, les pertes de Mg et Ca par flux préférentiel d’eau depuis la surface seraient moins élevées.

Les résultats de l’expérience de multi-traçage isotopique permettront de vérifier si le magnésium et le calcium des horizons de sol superficiels sont transférés rapidement vers les horizons profonds.

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Apport du multi-traçage isotopique (2H, 15N, 26Mg et 44Ca) à la connaissance des flux d’éléments minéraux dans les écosystèmes forestiers

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Chapitre III : Traçage et modélisation du cycle de l’eau

II. Tracing and modeling preferential flow in a forest