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II. Le cédrat

II.2. Diversité moléculaire des cédratiers

II.2.3. Synthèse

L’étude génétique menée sur 24 variétés de cédratiers nous a permis de mettre en évidence un groupe de 13 cultivars V1-V11 et V23,V24 présentant des distances génétiques faibles au niveau cytoplasmique et nucléaire. Ce résultat est en accord avec la littérature dans laquelle les cédrats y sont décrits comme une espèce ayant un polymorphisme génétique très faible [Nicolosi et coll. 2000, Luro et coll. 2001, Ollitrault et coll. 2003, Barkley et coll. 2006, Froelicher et coll. 2011]. Nous pouvons donc les considérer génétiquement comme d’authentiques cédrats appelés aussi « vrais » cédrats ou cédrats ancestraux. D’un point de vue taxonomique, ces observations sont confirmées puisque les feuilles de ces variétés ont une morphologie caractéristique des cédrats ; elles sont de forme obovale, de couleur vert pale et ne possèdent pas de pétioles ailés. D’un point de vue phénotypique, les fruits de ces variétés ont des caractéristiques morphologiques similaires, notamment une adhérence forte entre la pulpe et l’albédo. A contrario, les analyses génétiques suggèrent que les 11 autres cultivars V12-V22 botaniquement répertoriés parmi les cédrats seraient de « faux » cédrats c'est-à-dire des hybrides ou des progénitures d’hybrides. Ces résultats se confirment au niveau des caractéristiques morphologiques des feuilles et des fruits (faible adhérence de la pulpe à l’albédo) de ces 11 variétés qui diffèrent phénotypiquement des « vrais » cédrats.

Parmi les « faux » cédrats (V12-V22), cinq cultivars V17-V21 présentent des profils génétiques et des compositions chimiques des huiles essentielles de feuilles très diversifiées.

Sur la base des marqueurs chloroplastiques, nous avons fait l’hypothèse - pour la variété

‘Florence’ V17 - d’une filiation maternelle avec les citrons ou les oranges amères. Cependant, par complémentation allélique, aucun candidat parmi les agrumes échantillonnés ne peut être proposé comme possible parent mâle de cette variété. Néanmoins, quelques allèles spécifiques suggèrent un hybride de cédrat comme ancêtre de ce cultivar. Cette variété V17 présente toujours un profil chimique singulier par rapport aux autres variétés étudiées. En effet, les compositions chimiques en volatils des feuilles (limonène/-pinène), des zestes (limonène/-pinène), de l’albédo (limonène/sélina-4(15),5-diène), du jus (limonène/- bisabolène/trans--bergamotène) ainsi que celles des extraits de zestes (rutine/néoériocitrine), d’albédo (néoériocitrine/acide férulique/acide quinique) et de jus (acide quinique/diosmine/néohespéridine) montrent que ce cultivar se distingue systématiquement des cédrats ancestraux mais aussi des hybrides. Ainsi, la classification taxonomique de la

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variété ‘Cédrat de Florence’ V17 au sein des cédrats est discutable aussi bien au niveau des observations chimiques et génétiques que morphologiques. En effet, cette variété possède des fruits de couleur orangée à maturité contrairement aux autres cédrats (qu’ils soient

« ancestraux » ou pas) qui sont jaunes ou jaunes pâles.

La constitution génétique complexe de la variété ‘Ada Jamir’ V18 combine un cytoplasme des mitochondries de lime ‘Mexicaine’ et un chloroplaste proche de la mandarine.

Cette originalité génétique du cultivar vis-à-vis du groupe des « vrais » cédrats se confirme au niveau chimique par la teneur abondante en 1,8-cinéole dans l’huile essentielle de feuilles.

Sur la base les marqueurs nucléaires SSR, la variété ‘Kadu Mul’ V19 est proche du citron ‘Eureka’ et la variété ‘Mac Nao Si’ V21 est proche de la lime ‘Mexicaine’ ; ces deux cultivars sont probablement issus de croisements entre citrons et limes pour ‘Kadu Mul’ V19 et ‘Mac Nao Si’ V21, respectivement. De plus, ces résultats sont confortés par la composition chimique des huiles essentielles de feuilles de ‘Kadu Mul’ V19 et ‘Mac Nao Si’ V21 qui ont le même chimiotype (limonène, sabinène, linalol et citronellal) que certaines variétés de citrons et de limes [Lota et coll., 2002].

D’un point de vue génétique, la variété ‘Mac Nao N’ V20 se singularise également des

« vrais » cédrats. Toutefois, il est difficile de clarifier sa filiation au regard de nos résultats.

Les huiles essentielles de feuilles de ‘Mac Nao N’ V20 sont atypiques par des teneurs élevées en -terpinène, -pinène, p-cymène et (E)--ocimène.

Associé au cultivar ‘Rhobs el Arsa’ V15 au niveau des marqueurs SSR nucléaires, le

« faux » cédrat ‘Poncire de Colioure’ V22 se distingue des « vrais » cédrats par une teneur en (E)--ocimène relativement élevée dans l’huile essentielle de feuilles.

Les cinq autres variétés de « faux » cédrats (‘Cédrat de Damas’ V12, ‘Cédrat des Ommeyades’ V13, ‘Fourny’ V14 ‘Rhobs el Arsa’ V15, ‘Verruqueux’ V16) ont des compositions volatiles similaires. En effet, les huiles essentielles de feuilles sont caractérisées par le limonène puis par des teneurs équivalentes en géranial, néral, géraniol et nérol (sauf pour la variété V12 où les taux en géranial et néral sont un peu plus élevés).

Au niveau des fruits, la composition chimique des zestes (huile essentielle), des albédos (fraction volatile) et des jus (fraction volatile) est dominée par le limonène. Ce résultat indique que les différentes parties du fruit ont des compositions volatiles relativement homogènes. Pour ce qui est des constituants phénoliques, les extraits de zestes de ces variétés exhibent tous le couple acide quinique/rutine comme composés majoritaires alors que pour l’albédo et le jus nous n’observons pas d’uniformité de la composition chimique. En outre,

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quatre de ces variétés (V12, V13, V15, V16) présentent des concentrations totales en composés phénoliques dans les albédos et les jus beaucoup plus importantes que les autres variétés étudiées.

Les 13 cultivars (V1-V11, V23-V24) considérés génétiquement comme de « vrais » cédrats exhibent des huiles essentielles de feuilles riches en limonène, néral et géranial (V1- V8, V24) ou en limonène, nérol et géraniol (V9-V10). Seule les variétés V11 et V23 présente une composition chimique (nérol/néral/géraniol/géranial) ne correspondant pas à ces deux chimiotypes. Concernant les compositions chimiques des fruits des 11 « vrais » cédrats étudiés (V1-V11), les fractions volatiles (zestes, albédos et jus) de neuf d’entre eux V1-V5, V7, V9-V11 sont caractérisées par le chimiotype : limonène/-terpinène. Il est à noter qu’aucun des « faux » cédrats ne présente ce chimiotype dans les zestes.

A ce stade, il convient de rappeler que les chimiotypes limonène/-terpinène observés dans les zestes d’une majorité de cédratiers ancestraux sont très couramment observés chez les limes (C. latifolia et C. aurantifolia) et les citrons (C. limon) [Jantan et coll. 1996 ; Huang et Pu, 2000 ; Lota et coll., 2002]. Ce résultat est conforté par ceux de Nicolosi et coll. qui supposent que les limes descendent d’un croisement entre le cédrat et C. micrantha [Nicolosi et coll., 2000]. A contrario, le chimiotype à dominance limonène des cédrats hybrides a été rapporté dans divers travaux relatifs à la composition volatile des zestes de mandarines (C.

reticulata) [Fanciullino et coll., 2006] et des oranges amères (C. aurantium) [Huet, 1991 ; Lota et coll., 2001].

Les huiles essentielles de zestes des deux autres variétés V6 et V8 se distinguent des précédentes par un type chimique : limonène/néral/géranial. Comme certains « faux » cédrats, les fractions volatiles des albédos et des jus de ces deux cultivars présentent de fortes teneurs en limonène. Ce résultat peut s’expliquer par les phénomènes d’équilibre mis en jeu lors de l’extraction par espace de tête qui entraine une surreprésentation des monoterpènes hydrocarbonés (limonène) au détriment des oxygénés (néral et géranial) qui étaient fortement représentés dans les huiles essentielles de zestes.

Les compositions phénoliques des différentes parties du fruit ne permettent pas de mettre en évidence des chimiotypes spécifiques aux « vrais » cédrats. En revanche, nous constatons que la majorité des cédrats authentiques exhibent des concentrations en phénols totaux bien inférieures à celles des « faux » cédrats.

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Bien que génétiquement proches, les 13 « vrais » cédrats ne sont pas pour autant identiques, ce qui nous amène à proposer des hypothèses sur la filiation entre le Cédrat de Corse V9 et certaines variétés. D’après les marqueurs cytoplasmiques SSR les variétés

‘Corsican’ V9, ‘Etrog type’ V6 et ‘Poncire commun’ V10 peuvent être rapprochées. En effet, la distribution allèlique des marqueurs SSR nucléaires suggère une possible autofécondation de ‘Poncire commun’ V10 qui serait à l’origine de la variété ‘Corsican’ V9 réduisant de fait le niveau d’hétérozygotie (6 locci hétérozygotes de ‘Poncire commun’ V10 sont homozygotes chez ‘Corsican’ V9). La proximité génétique entre ‘Etrog type’ V6 et ‘Corsican’ V9 se retrouve par des similitudes au niveau phénotypique. Les pétales de ces deux variétés sont totalement blancs, et non violacés comme ceux des autres variétés (notamment les différents cultivars ‘Etrog’ V2-V5). Du point de vue de la composition volatile des huiles essentielles de feuilles (limonène/géraniol/nérol), la variété ‘Corsican’ V9 se rapproche de nouveau de

‘Poncire commun’ V10 et se démarquent notablement des autres cédratiers. Ainsi, une différenciation entre le cédrat ‘Corsican’ V9 et la variété ‘Diamante’ V8 est envisageable sur la base de la composition volatile.

Ce résultat s’avère intéressant en vue d’une éventuelle certification sur l’origine géographique et botanique des liqueurs et eaux de vie puisque si la Corse produit des fruits confits, des confitures et des spiritueux à partir de la variété ‘Corsican’, la variété ‘Diamante’

est de même utilisée en Italie (Calabre) pour la fabrication des produits agroalimentaires dérivés. A ce stade, il serait toutefois souhaitable de confirmer notre hypothèse par une étude des spiritueux correspondants à ces deux cultivars.