• Nenhum resultado encontrado

Les systèmes d’indicateurs de performance dans les éco- cités en chine

10 La période du questionnement

10.4 Les systèmes d’indicateurs de performance dans les éco- cités en chine

Dans le cadre du travail de post-doctorat d’Hadrien Commenges, nous nous sommes intéressés au rôle de la modélisation urbaine dans la planification stratégique ou la gestion des projets urbains dans un contexte franco-français, en Ile de France. Ce travail m’a mené à m’intéresser à la notion de « ville durable », terme aujourd’hui fort utilisé, presque galvaudé, pour me demander ce qui définit et caractérise l’aménagement urbain durable.

Ce travail de compréhension de l’aménagement urbain durable m’a conduit à m’intéresser à l’urbanisme nouveau en Chine, et en particulier au concept d’éco-cité.

Les éco-cités chinoises sont l’appellation donnée à de vastes quartiers (souvent plusieurs centaines de milliers d’habitants) construits ex nihilo à proximité de grandes villes chinoises. La question environnementale est devenue aujourd’hui centrale pour la santé des chinois, en particulier pour la qualité de l’air, mais aussi pour l’eau (nombreuses où il y a la problématique des inondations et problèmes de qualité de l’eau liée aux nitrates et phosphates) (Buckley and Piao, 2016). La question initiale à laquelle nous avons souhaité répondre était la suivante : dans l’élaboration du plan de masse de villes nouvelles telles que les éco-cités chinoises, y a-t-il ou non l’usage de modèles numériques à un moment ou à un autre de la phase de conception ou de déploiement du projet ?

Nos recherches nous ont tout naturellement conduites sur le terrain de la ville de Tianjin. Tianjin est le premier projet d’éco-cité d’envergure en Chine. C’est aussi la première éco-cité à avoir commencé à accueillir des habitants. La dizaine d’années de recul que nous avons à présent concernant cette éco-cité en fait un terrain d’étude particulièrement pertinent. Les premières conclusions auxquelles nous sommes parvenus constate la naissance d’une idéologie de développement urbain durable à la chinoise, basé non sur des résultats de modélisation mais sur la mise en place d’un système d’indicateurs assez élaborés, aussi appelés KPI (pour Key Performance

105

Indicators). Pour l’élaboration du plan masse de Tianjin éco-cité, la rationalité des choix effectués ne semble pas avoir été défendue par l’usage de modèles numériques mais par l’établissement de ce système d’indicateurs, censé être scientifiquement fondé car relevant de différentes références scientifiques observées par l’Académie des Sciences Environnementales de Tianjin, désignée responsable de la mise au point du système des indicateurs.

Bien sûr, le plan masse de l’éco-cité construite autour d’un plan d’eau, la disposition même des différents quartiers censés réduire les déplacements en voiture, ainsi que la mise en place de routes très larges dédiées à des transports multi-modaux et propres, suggère que l’on est bien au cœur d’une éco-cité durable. Cependant, aucun capteur et aucun système d’observation ou de mesure quantitatif ne semble avoir été mis en place pour s’assurer que le système d’indicateurs allait effectivement pouvoir être respecté.

Dans la recherche de modèles plus durables pour le développement chinois, le concept d« éco-cité » a été repéré comme un modèle susceptible de fournir des solutions aux problèmes environnementaux, écologiques, et socio-économiques. Le travail réalisé pendant le post-doc de Yinghao Li, dans le cadre du groupe transversal

« Modélisation et Dynamiques urbaines » du Labex apporte ainsi un nouveau témoignage du projet sino-singapourien de l’éco-cité de Tianjin à mi-chemin de l’échéance de l’évaluation du projet fixée à 2020.

L’étude de terrain réalisée courant 2016 au sein de cette fameuse éco-cité fait émerger ses atouts mettant au grand jour des discussions et analyses qui ont néanmoins été ignorées jusqu’à ce jour. Il apparait au cours de ce travail que le mode de gouvernance locale mis en place pour administrer la construction et la gestion de l’éco-cité de Tianjin est un mode de gouvernance novateur pour la Chine. En particulier, un bureau de l’environnement est entièrement dédié au respect du système d’indicateurs, lui-même dédié à la durabilité selon les 3 piliers bien connus du développement durable : durabilité environnementale, sociale et économique. De plus, au niveau technologique, nous avons pu constater la mise en place de solutions techniques innovantes susceptibles, si correctement conduites d’apporter des solutions pour des villes plus durables : en particulier, l’énergie solaire est utilisée systématiquement pour les bâtiments publics, les déchets font l’objet d’un tri ayant pour objectif la production d’énergie dans une usine de méthanisation dédiée, tandis que la collecte des déchets par camions est remplacée par un système de collecte pneumatique.

Cependant, les défauts, qui ne sont pas des moindres, fournissent également des éléments de débat sur la pertinence de la construction d’éco-cités en vue d’un développement urbain durable. En effet, nous avons pu constater sur place un certain décalage entre les objectifs initiaux des KPI et le manque voire l’absence de monitoring destiné à vérifier l’efficience de ces indicateurs. De plus, lié à la non connaissance ou à la non-coopération d’un certain nombre d’habitants, les infrastructures peinent à remplir leurs objectifs. C’est par exemple le cas du système de collecte des déchets. Aujourd’hui, la plupart des bâtiments construits n’ont finalement pas été connectés au système de collecte des déchets en place, car les promoteurs ne sentaient pas une demande suffisante de la part des habitants pour répercuter le surcoût. L’usine de méthanisation n’a pas pu être mise en fonctionnement

106

en raison de l’absence de tri suffisante des différents types de déchets (secs et humides).

Au-delà du contexte strictement lié aux éco-cités, l’implémentation d’un système d’indicateurs de performance, la mise place d’une structure de gouvernance favorisant le respect des contraintes environnementales, représentent des pistes intéressantes pour un changement de paradigme dans l’urbanisme chinois en général.

Ce travail a fait l’objet d’une publication en cours de publication dans la revue China Perspectives.

107

11 Les perspectives dans le domaine de la recherche