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Ce chapitre qui achève la première partie de la thèse propose une biobibliographie dramaturgique de l’auteur. Du côté biographique, j’aborde les aspects de sa vie qui nous permettent de dénouer la naissance d’un écrivain de théâtre dans la vie de l’homme. En le faisant, je suis obligée de négliger des événements qui participent davantage à son parcours dans l’exercice d’autres métiers tels que celui de comédien, auquel il consacre aussi une grande partie de son énergie. Je fais tout de même mention à ses autres activités professionnelles et artistiques dans la mesure où elles sont en lien avec l’écriture de ses textes. Il est vrai que dans sa formation, la pratique de l’écriture et celle de l’art de la scène ont souvent marché ensemble ou, du moins, se sont mutuellement nourries. Ainsi, la partie « bio » du chapitre est au service de la « biblio », même si la première vise aussi à constituer une biographie akakpoïenne plus étendue que les textes sommaires produits jusqu’à présent.

Pour construire ce chapitre, j’ai réalisé plusieurs heures d’entretien à cinq occasions différentes, auxquels je me référerai au fur et à mesure. Je me suis également servie d’une rencontre avec le dramaturge que j’ai animée dans le cadre du séminaire de Master

« Dramaturgies afro-contemporaines : enjeux esthétiques, enjeux politiques » de l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 assuré par Mme Sylvie Chalaye. La transcription de l’intégralité de cette rencontre et d’extraits des entretiens se trouvent dans les annexes de la thèse. Le premier entretien a été réalisé le 23 mars 2019, alors qu’on était dans un train qui partait de Paris en direction de Belfort, pour assister à une étape de travail de création de son texte Prométhée augmentée au Théâtre du Pillier. Je parlerai plus longuement de ce projet le moment venu. Le deuxième entretien a été réalisé le 25 mars 2019, au retour de ce même voyage, toujours dans le train. Pour le troisième entretien, j’ai été accueillie dans son appartement situé entre Barbès et Montmartre le 03 avril 2019. Le quatrième entretien a également été réalisé chez lui, le 26 novembre 2019. Pour éclaircir certaines questions que je me suis posées après avoir travaillé sur les quatre premiers, le dramaturge est venu dans l’appartement où je vivais à Paris dans le 11e arrondissement le 25 juin 2020. La rencontre a eu lieu 1er mars 2019 au Musée du Quai Branly où se tient depuis une dizaine d’années le séminaire de Mme Chalaye.

En plus des données obtenues lors des rencontres et de ces entretiens que j’ai enregistrés et transcris intégralement, j’ai aussi relevé tous les articles, critiques et entretiens disponibles dans la presse le concernant, ainsi que les dossiers disponibles des spectacles créés à partir de ses textes. J’ai également tenu à le voir sur scène à chaque fois que cela était possible pendant mon séjour de recherche en France. Je dois dire que j’ai été impressionnée par sa plasticité en

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tant que comédien, je dirais même que son projet d’écrivain de faire parler la langue du texte est en lien direct avec son jeu d’acteur. Ce rapport m’a interpelée à plusieurs reprises, mais je ne l’ai pas vraiment creusé vu qu’il dépasse totalement la portée de ma recherche77.

Je commence ce chapitre dans une logique plutôt chronologique, en suivant les différentes étapes de sa vie, la longueur de chaque étape étant proportionnelle à sa production dans la période. La dernière étape, qui commence au moment où il s’installe définitivement en France, en tout cas jusqu’à présent, est la plus longue. Dans cette dernière étape, je me suis permise de faire moins attention à la chronologie, au profit du lien que les publications peuvent avoir entre elles. En cohérence avec le corpus choisi pour ma recherche, je présente plus largement les projets autour des pièces de théâtre publiées entre 2004 et 2019, en proposant également un résumé de chacune d’entre elles ainsi que leur contexte de production.

Ces résumés sont issus pour la plupart des ouvrages publiés, mais j’ai rédigé ceux qui manquaient78. J’ai voulu retranscrire la quatrième de couverture des œuvres pour permettre au.la lecteur.trice brésilien.ne de les découvrir, étant donné que l’accès à ses œuvres chez nous reste difficile. Ainsi, j’ai respecté les choix de l’éditeur, lorsqu’il s’agit des textes publiés chez Lansman, les résumés des œuvres individuelles sont suivis d’extraits que j’ai également retranscrits. Ses textes de théâtre inédits et ses écrits d’autres genres seront très brièvement mentionnés, la liste complète de sa production figure dans la bibliographie de l’auteur dressée dans les références de ce travail.

Donner naissance est un trésor

Le 22 août 1974 naît Adjigninou Gustave Doré Léonidas Yao AKAKPO dans une ville sur la lisière de la frontière béninoise et de la mer du Golfe de Guinée. Située à 50km de la capitale togolaise, Aného fut une ville commerçante très importante au cours de l’histoire de la région, d’où partirent non seulement des produits locaux, mais aussi, et surtout –, et c’est là que son histoire rejoint celle des Brésilien.ne.s –, des hommes, femmes et enfants pendant la période de la Déportation transatlantique des Subsahariens (DTS)79. On pourrait dire que la situation géographique de son lieu de naissance est une sorte de prémonition de la passion que ce garçon

77 Un autre aspect qui dépasse le cadre de recherche est celui de répertorier toutes les mises en scène de ses textes.

Je m’y réfère uniquement lorsque cela est en lien avec l’écriture de la pièce, ou bien lorsque la mise en scène a été relevée par l’auteur lui-même au cours de nos entretien en raison de son importance, comme une lecture de l’un de ses textes à la Comédie Française.

78 Les références sont indiquées au fur et à mesure, les résumés ne comportant pas de références ont été rédigés par moi-même.

79 Expression empruntée à Léonora Miano dans son texte Parole due paru dans son ouvrage Impératif Trangressif (2017).

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développa pour le voyage et la découverte. Il y vit les trois premières années de sa vie sous les auspices de sa grand-mère maternelle, Davi. À son esprit aventurier il faut ajouter un caractère très distrait, la tête toujours dans les nuages selon lui. Enfant, les histoires de cowboys le fascinent autant pour l’aventure que pour l’exploration des contrées inconnues.

Comme il est d’usage chez les Togolais, Akakpo a donc plusieurs prénoms, cinq au total, chacun ayant une signification particulière dans la complexité de son existence. Le choix de son nom de plume a été fait à un moment où l’artiste ne s’était pas encore reconcilié avec son prénom « traditionnel » Adjigninou, le seul figurant sur son acte de naissance80. Aujourd’hui, son rapport à ce prénom a beaucoup changé, il y voit même une prédiction de son avenir d’artiste, qu’il ne manque pas d’évoquer :

Le seul prénom qu’il y a sur ma pièce d’identité c’est Adjigninou, qui est un prénom relatif à la culture du peuple de mon père : les Pla. Chez les Pla, quand un enfant naît, on suppose qu’il naît avec l’esprit de l’enfant, mais il hérite aussi d’esprits d’ancêtres, des esprits plus vieux que ce jeune esprit-là. Et donc, on lui fait une cérémonie pour déterminer quels sont les ancêtres dont il a hérité l’esprit et à partir de cette cérémonie on lui donne le nom comme un sceptre, pour pouvoir gérer la cohabitation entre tous ces esprits. Moi, la cérémonie, on me l’a faite et le prénom qui en est sorti c’est Adjigninou. En fait, à l’origine, c’était Adjiouane, Adjiouanou qui est plus le mina parlé des Pla. Les Pla sont au Bénin. Mon père est togolais, mais son père à lui est béninois. Et pourquoi du coup Adjiouanou est devenu Adjigninou? C’est pour le rapprocher plus du mina togolais. Mais aussi parce qu’à une période le gouvernement togolais trouvait qu’il y avait trop de Béninois au Togo, et ils ont été déportés au Bénin. Je pense que pour éviter tout ça, mes parents ont réglé la question en togolisant mon prénom, donc Adjigninou. Et c’est le seul qui est sur ma pièce d’identité, parce que le président togolais à l’époque Gnassingbé Eyadéma avait décidé qu’on n’allait pas porter nos prénoms dits

« importés ». Donc, il fallait qu’on ait des prénoms « authentiques ». Comme lui, il s’appelait Etienne avant, et puis, du jour au lendemain, il a décidé qu’il s’appellerait désormais Eyadéma. En même temps, dans la vie on m’appelait Dodo, qui était le diminutif de Doré. Donc, on m’appelait Dodo à la maison, à l’école c'était Adjigninou. Mais je n’étais pas du tout fier de l'Adjigninou parce que ça sonnait traditionnel, ça sonnait sauvage, barbare, c’était long, il y avait des sonorités très compliquées dedans. Pendant très longtemps, je n’ai pas eu de fierté à porter ce prénom, qui pourtant a une très belle signification puisque Adjigninou veut dire: donner naissance est un trésor.81

80 En 1974, le président Eyadéma a instauré la politique d’authenticité qui a africanisé le nom de certaines villes et a interdit l’usage des prénoms « importés » sur les actes de naissance. L’histoire officielle raconte que la population y aurait adhéré volontairement, étant donné que le président lui-même utilise son prénom traditionnel Gnassingbé (d’après le : site officiel du gouvernement du Togo https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Politique/Une-page-majeure-de-l-histoire-du-Togo).

Dans la réalité, les choses ont été plus complexes, car ceux qui sont nés à partir de cette année-là ne pouvaient avoir qu’un prénom traditionnel sur leur acte de naissance, et que les parents de l’enfant qui allait être déclaré devaient eux-aussi avoir des papiers avec des prénoms traditionnels, ce qui a eu un effet en cascade dans le changement des noms civils. (D’après des échanges informels réalisés avec Akakpo)

81 Entretien réalisé à Paris le 26 novembre 2019.

93 Finalement, parce que donner naissance ça veut dire aussi la création, c’est comme un destin. Ça me rejoint pour ce que je suis devenu.82

Sa situation géographique de naissance, son prénom Pla togolisé, avec l’empreinte d’une

« tête dans les nuages » de l’esprit de l’un de ses ancêtres qui l’habitait à sa naissance - apparu lors de la cérémonie où on lui donne son nom - semblent participer tous à la naissance du génie créateur de celui qui depuis sa plus jeune enfance choisit comme son prénom d’usage Gustave, prénom donné en l’honneur de l’un de ses grands-pères. C’est de Doré, qui évoque la préciosité d’un premier enfant, que vient son surnom en famille. Enfant, il a aussi envisagé l’existence d’un artiste dessinateur appelé Gustave Doré, lorsqu’il décalquait les personnages des livres que sa mère lui achetait pour en créer de nouvelles histoires. L’illustration est devenue un de ses talents d’artiste qu’il a pour le moment plutôt abandonné. Son prénom Léonidas, quant à lui, est le résultat d’un compromis entre ses parents que chaque enfant garçon aurait un prénom en hommage à la maman et chaque enfant fille, au papa. Mme Léonie Akakpo a été la seule honorée et à trois reprises, puisque Gustave est le fils aîné d’une fratrie de trois garçons. Enfin, son cinquième prénom renvoie à la tradition togolaise de nommer les enfants selon leur jour de naissance : Yao parce qu’il est né un jeudi.

Le jeune Akakpo quitte Aného pour rejoindre ses parents à Lomé à la fin des études de comptabilité de sa maman. Sa vie de petit garçon est peuplée par les personnages des histoires qu’il aimait. Plutôt introspectif, il passe beaucoup de temps seul jusqu’à ce qu’il apprenne à lire et qu’il y retrouve sa compagnie indéfectible. Deux drames survenus lorsqu’il avait dix ans marquent fortement son enfance : alors qu’il vient tout juste de perdre un frère de cinq ans son cadet, décédé soudainement, la séparation de ses parents fait de lui « l’homme » de la maison.

Désormais, grand-mère, mère et petit frère encore bébé relèvent tous de sa responsabilité, comme le veut la coutume. Il traverse ces différentes épreuves en la compagnie de ses héros devenus des personnages vivants qui le suivaient partout. Lorsqu’il devait avoir 13 ans, d’une impertinence naît un nouveau rapport à l’écriture :

Je m’ennuyais très vite à l'école. Souvent, je cachais un livre sur mes jambes et je lisais pendant le cours dès que je m’ennuyais. Et puis, très tôt, je lisais les gros romans de Jules Verne. Mais je lisais aussi des romans policiers, beaucoup. Et les romans qu’on avait aussi au programme, les auteurs africains, les classiques. On avait Cheikh Anta-Diop, Hamidou Kane, Sembène Ousman, Ferdinand Oyono, bref, tous les classiques africains. Plus les Européens qu’on a eus au programme. Et puis, j’ai eu une expérience aussi assez intéressante. Comme pendant les cours je lisais, évidemment il ne fallait pas que le prof s’en aperçoive, un jour le prof de maths s’en est aperçu, j’étais

82 Entretien réalisé dans le train entre Paris et Belfort le 23 mars 2019.

94 en classe de quatrième. Il m’a confisqué mon livre. Normalement, il devait m’envoyer chez le surveillant où je me ferais punir. En plus, comme j’étais parmi les bons élèves, les bons élèves ne se font jamais punir, c’est une honte terrible ! Les cancres, ils sont habitués, c’est leur quotidien, même, ils recherchent ça. Alors que nous, ah ! C'est la honte suprême ! Donc, je flippais grave ! À la fin du cours, il m’a dit « Alors, pourquoi tu lis dans mon cours

? » Je lui ai dit « En fait, je m’ennuie, c'est pour ça ». Et là il m’a dit

« Attention quand même, en classe de quatrième le programme change beaucoup. Attention là ! Tu te débrouilles bien en maths, mais si ça se trouve, tu vas louper des choses. Et moi, je ne veux absolument pas que quelqu'un lise dans mon cours, c’est hors de question ! Je te rends le livre, mais à une condition. » Et j’ai demandé « Quoi ? », et lui « Que tu m’en parles ».

On ne m’avait jamais demandé de parler d’un livre. Donc, du coup, j'en parlais... pas bien ! Je ne savais pas comment en parler ! Et là, il me dit « Ok, pour la prochaine fois, tu me fais une fiche de lecture. Tu me fais le résumé du livre. Tu me fais une critique et tu m’amènes ça. Je te donne le livre et, à cette seule condition, tu n’es pas puni. » J’étais en quatrième. Je pense que ça a changé mon rapport à l’écriture. C’est-à-dire que du rapport de consommateur de livres, je suis devenu plutôt, oui, un critique.83

À la suite de cette expérience, les livres prennent de plus en plus des formes autres que des simples récits d’histoires qui le font voyager. La manière dont elles sont racontées importe de plus en plus. Son activité préférée prend une nouvelle allure et la littérature devient aussi un objet d’observation et d’analyse. Il continue à lire tout type d’ouvrage, beaucoup de romans policiers du type SAS84, d’ailleurs, mais son regard est désormais porté sur des endroits jusqu’alors insoupçonnés.

La Catharsis ou le suicide

Akakpo retrouvait son plaisir de la lecture non seulement dans des genres très divers, mais aussi sans distinction de l’origine des auteurs. Pour lui, ce qui comptait c’était de pouvoir

« voguer dans l’imaginaire ». Il constitue ainsi une bibliothèque intime des plus variées, grâce à Léonie, sa maman, qui lui achetait souvent des livres et à la bibliothèque du Centre Culturel Français de Lomé où il empruntait ce que le budget maternel ne pouvait pas assouvir. Dans ses lectures, un écrivain qui s’est détaché parmi tant d’autres, c’est Sony Labou Tansi85.

Celui chez qui j’ai marqué une différence, c'est Sony Labou Tansi. Quand j’ai lu Je soussigné cardiaque et Parenthèse de sang, j’étais en seconde, sa façon de manier le français était comme un uppercut. Ça m’a chamboulé parce que tout d'un coup, c’était une langue fleuve. C’était très différent de ce que j’avais lu jusque-là. Donc, oui, là c'est quelque chose qui m’a marqué.86

83 Entretien réalisé à Paris le 03 avril 2019.

84 Série de romans d’espionnage écrite par Gérard de Villiers réputés pour être très légers et de lecture rapide.

85 Sony Labou Tansi (1947-1995) est un écrivain né au Congo Kinshasa et mort au Congo Brazzaville. Auteur d’une œuvre immense comprenant poésie, roman et théâtre, il a reçu plusieurs prix de son vivant, il est connu aujourd’hui comme l’un des plus grands écrivains africains de langue française.

86 Entretien réalisé le 03 avril 2019.

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Plus qu’une simple découverte, Sony devient une véritable référence littéraire pour Akakpo dans son travail d’écrivain artisan de la langue. Dans ses souvenirs, la découverte de cet auteur a été fondamentale pour qu’il se sente rassuré avec son propre rapport à la langue française dans l’écriture. L’écriture fleuve de Sony arrive en même temps qu’il cherche une voie esthétique pour tenir compte des différents parlers togolais dans un texte en français. A cette époque, il travaillait sur une nouvelle ayant pour thème la résistance d’une communauté de pêcheurs contre la disparition de leur village. Son projet d’écriture était paradoxal étant donné que les gens de cette communauté ne parlent pas français, il voulait donc écrire sur des gens qui n’auraient jamais accès à son texte. Il était capital pour lui de rendre hommage à la lutte de cette communauté, non seulement en racontant leur histoire, mais aussi que son texte porte leur voix esthétiquement.

Ils parlent mina et ils ne parlent pas français. Et, pour moi, c’était important de le faire entendre dans le texte, qu’ils ne parlent pas français. Mais comment je le fais entendre, ça ? Je ne pouvais quand même pas leur faire parler du petit nègre, c’est absolument idiot. Je ne savais pas comment faire, le français que j'écrivais n’était plus pour moi une langue, c’était juste un véhicule, le véhicule de cette histoire-là. Leur parler, ce n’est pas leur parler, leur parler passe par le véhicule. Donc, il fallait qu’il y ait du mina dans le français, il fallait que je fasse entendre le mina dans le français. Je crois que l’une des premières phrases qui m’est venue, c’est au lieu de dire « le jour s’est levé », comme on dit en français, en mina on dit « le jour s’est ouvert ». Je me suis dit, tiens, j’aime beaucoup cette image du jour qui s’est ouvert, qui s’ouvre. Et c’est dans la même période que je rencontre l'écriture de Sony, qui fait aussi ça. Bien, c’est super, il y a un grand auteur qui fait ça, c’est très bien ! Voilà ! J’y ai droit ! Et j’y vais à fond !87

Cette nouvelle reste inédite à ce jour, et le genre nouvelle n’est pas celui dans lequel il retrouve sa voie dans l’écriture. Il n’en demeure pas moins que le processus de travail avec la langue dans ses textes naît à ce moment-là, en pleine adolescence. Par ailleurs, Labou Tansi en plus d’un « uppercut esthétique » est aussi un uppercut thématique, car c’est à cette époque où le jeune togolais découvre les enjeux liés à la situation socioéconomique dans laquelle son pays sombre. Le leitmotiv laboutansien de dénoncer les malversations des gouverneurs africains rejoint les inquiétations du jeune-homme. Dans l’ouvrage Sony Labou Tansi paroles inédites (MAGNIER, 2005), Akakpo adresse une lettre post-mortem à Labou Tansi comme à un père spirituel :

[…] Sinon, ici tout va bien. Je me le dis, je me le répète pour ne pas céder à la rage destructrice, s’arracher du poème, s’attacher une bombe et aller se faire exploser tout seul, car je ne crois pas aux explosions collectives et je nie leur puissance à changer le moindre bol d’air au monde. Alors je fais comme toi,

87Entretien réalisé à Paris le 03 avril 2019.