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Pour conclure, la démarche entreprise dans ce travail a permis d’aborder une problématique spécifique liée au parcours migratoire et son influence ou non-influence sur l’accompagnement d’un enfant ayant des besoins éducatifs particuliers. Les recherches actuelles sur la transmission générationnelle (Perroud et al. 2014 ; Yehuda et al.2014 ; Brand et al. 2011) montrent une réalité influençant le développement de l’enfant, car la violence et les traumatismes vécus par la mère sont transmis à l’enfant, même si ce dernier ne les a pas vécus (Feldman et al. 2015), mais également de nouvelles perspectives qui s’ouvrent afin d’obtenir une réversibilité de cette réalité.

Il semble que les pédagogues en éducation précoce intervenant à domicile peuvent faire fructifier ce processus de réversibilité. Néanmoins, pour le déclencher, il est important de renforcer la confiance familiale en ses compétences et en ses ressources dans l’éducation de son enfant. La mobilisation de ces ressources peut être déclenchée par un soutien affectif et une attention positive, comme cela a été démontré par Akkari et Changkakoti (2009) dans la relation famille-école. Les stratégies parentales ressortant de ce travail font référence au bien-être et à l’intégration de l’enfant, et ces mêmes stratégies sont exprimées par Gremion et Hutter (2008) et déterminées comme étant les motivations principales poussant les parents à changer leur projet familial en vue de la scolarisation de l’enfant et de son intégration réussie.

Il est intéressant de souligner que pour parler de la collaboration parent-professionnel dans un contexte sensible lié à la migration forcée, une connaissance réciproque s’impose.

Pour les professionnels, ce sont les connaissances sur le contexte familial, leurs attentes et leurs besoins qui faciliteront la tâche de trouver des stratégies permettant des modifications positives dans l’environnement familial. Cependant, il faut garder à l’esprit que les évènements traumatiques et la réalité de la migration peuvent être un frein au début de l’intervention, en sachant que la rencontre parents- pédagogue dans le contexte de la migration peut se heurter à différents obstacles, tels que la langue, les valeurs ou la culture. Un manque d’informations et de connaissances sur la famille peut mener le pédagogue à agir avec maladresse, ce qui comporte le risque de faire ressurgir certains traumatismes.

Cela peut conditionner la construction de la relation et entraver le processus de l’intervention, d’où l’importance pour le pédagogue d’approfondir ses connaissances et de les articuler avec ses compétences professionnelles. En effet, intervenir dans la situation d’une famille migrante, confrontée à des traumatismes, demande de mettre en œuvre des compétences spécifiques permettant de répondre aux besoins particuliers liés à cette réalité. Ainsi, un approfondissement des connaissances permet d’enrichir les pratiques, d’ajuster les stratégies et d’adopter une sensibilité à l’individualité. Ceci permet de créer une approche attentive avec une réceptivité et une ouverture vers l’autre, cependant, sans tomber dans l’apitoiement, comme le souligne Gremion (2002).

Pour les familles, il est primordial de comprendre l’intervention et de lui donner un sens. La variable du temps joue un rôle important dans ce processus. En effet, les familles peuvent avoir besoin de plus de temps pour accepter l’intervention et un engagement actif du pédagogue peut avoir un effet inverse, dans lequel une accélération temporelle va estomper le processus entrepris par la famille. Être ou devenir parents dans la migration signifie devoir assumer ce rôle sans l’étayage de la famille élargie et dans un décalage entre le cadre intérieur et extérieur du nouveau contexte (Perregaux et al., 2006).

Dans la continuité de cette recherche, il est ressorti que la solitude post-accouchement renforçait encore certains aspects liés aux expériences traumatiques de la migration, comme le fait que la migration entraîne plusieurs ruptures dans le processus de construction de sens (Ahovi, J., & Moro, M. R., 2011).

Selon ces auteurs, il s’agit de la perte de l’accompagnement et de l’étayage familial, ainsi qu’une

impossibilité de donner un sens culturellement acceptable aux dysfonctionnements, tels que la tristesse de la mère, le sentiment d’incapacité et le interactions mère-bébé. Cette réalité vécue par la mère peut encore soutenir son sentiment de méfiance et sa peur de l’autre. Le facteur temporel et l’attitude adoptée par le pédagogue seront des données importantes dans la relation famille professionnel.

Une dernière réalité qui a émergé de ce travail est l’importance d’une variation de dispositifs facilitant l’intégration sociale de ces familles. Il s’agit notamment de l’impact du macrosystème sur les modifications de l’environnement familial et sur le développement de l’individu. En réalité, cette influence commence par l’adoption de la politique migratoire, ainsi que par la mise en place d’outils et de dispositifs variés pour permettre une intégration réussie. Cela comporte l’encouragement de l’intégration précoce sur la base de l’égalité des chances en dépassant des obstacles à l’aide de moyens adéquats16.

Perspectives

Dans le but d’approfondir ce travail, il serait intéressant d’étendre cette recherche à l’ensemble du canton en incluant les cinq services éducatifs itinérants, et de faire ressortir les différences et les similitudes dans les interventions auprès des familles issues de la migration forcée, entre les services généralistes et spécialisés.

Dans ce travail, les pédagogues participant à cette étude bénéficient d’une longue expérience professionnelle enrichie par de nombreuses formations. Il serait donc intéressant d’explorer les pratiques professionnelles en regard des années d’expériences.

Il a été mis en évidence que la variable du temps a été significative dans le processus d’acceptation du service. En effet, les familles qui ont participé à la réalisation de ce travail était déjà engagées dans un nouveau processus, le processus de transition famille-école impliquant de nouveaux enjeux pour la famille. Il est possible que cette réalité ait un impact sur le regard que la famille pose sur l’intervention précoce. Il serait donc intéressant d’explorer les attentes et besoins familiaux en modifiant des variables telles que l’allophonie, le statut juridique, le temps écoulé depuis la migration et depuis le début de l’intervention.

Les résultats obtenus dans ce type de futures recherches pourraient participer à l’évolution des services en éducation précoce spécialisée dans le contexte de la migration. Ils permettraient également aux pédagogues d’être plus outillés pour intervenir dans ces contextes sensibles. Même en présence de différences dans les techniques et les styles pédagogiques, les pédagogues pourraient garder un fil conducteur assurant un service adapté, un service soutenant les compétences des parents et visant un processus d'empowerment chez ces derniers. Ainsi il serait possible de construire ensemble une société riche dans sa diversité.

« La première grande vague migratoire en Suisse, c'est les protestants français. Ce sont eux qui nous amenés l'horlogerie, les banques et le chocolat ».

(Fernand Melgar, cinéaste, réalisateur du film « Vol spécial »)

16 www.sem.admin.ch/sem/fr/home/publiservice/berichte/ integration.html

Apports personnels

Au départ, une peur de l’inconnu, une peur de la confrontation à la souffrance et une peur que cette souffrance empêche les personnes de partager les expériences qu’elles ont vécues avec un inconnu ont freiné ma curiosité. Cependant, cette dernière a finalement gagné du terrain et amené des questionnements sur les pratiques d’accompagnement des familles issues de la migration forcée, ce qui m’a conduit à réaliser ce travail et à dégager des pistes de réflexion et d’ajustements pour ma pratique professionnelle. En effet, les connaissances acquises par la réalisation de ce travail et par les témoignages issus des rencontres avec les familles m’ont permis de développer une sensibilité culturelle et une meilleure compréhension de la réalité de ces familles, ainsi qu’une sensibilisation à mes propres stéréotypes et préjugés. En effet, minimiser les différences à l’intérieur d’un groupe et réduire l’individu à une référence culturelle, ainsi que généraliser les vécus et les expériences de souffrances ou encore l’envie de répondre de manière égalitaire sont les risques qui peuvent influencer ma pratique. Ceci malgré ma curiosité et une sensibilité aux différences culturels, ainsi qu’aux souffrances vécues dans le contexte migratoire qui participent à l’ajustement de mes pratiques pour l’accompagnement de cette population hautement hétérogène. Sans la réalisation de cette recherche je n’aurai donc pas forcément pu accéder à des réflexions sur l’existence des risques dans la différence culturelle. Il me sera donc plus facile dans ma pratique professionnelle de comprendre leurs priorités, leurs besoins et leur méfiance ainsi que faire la différence entre ce qui appartient à la famille et ce qui m’appartient, à moi. J’ai pu me rendre compte de l’importance du temps pour ces familles que ce soit pour l’adaptation au pays d’accueil ou pour l’acceptation que quelqu’un vienne chez eux, ce qui demande de la patience de la part des professionnels.

Il m’a également été possible de constater la nécessité de s’imprégner régulièrement de ressources théoriques issues de nouvelles recherches, ainsi que de naviguer entre la réalité de terrain et les connaissances théoriques. De futurs perfectionnements et formations dans ce domaine seront importantes pour moi, car la migration est un sujet d’actualité qui ne cesse d’évoluer.

Ce travail a finalement continué à renforcer mon intérêt personnel pour le sujet de la migration, pour les conditions et pour les souffrances des personnes migrantes, ainsi que pour la façon dont il serait possible de les aider.