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Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, Algérie, N° 15, 2015

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Academic year: 2017

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Université de Mostaganem

             

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Revue académique de l'université de Mostaganem

Algérie < <

 

ISSN 1112 - 5020

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Revue académique consacrée aux domaines du patrimoine Editée par l'université de Mostaganem

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Revue Annales du patrimoine

Directeur de la revue

Mohammed Abbassa

(

Responsable de la rédact ion)

Comité de lecture

Mohamed Khet t ab Tania Hat t ab Fat ima Daoud

Mohamed Hammoudi Mokht ar At allah Kheira Mekkaoui Ahmed Brahim Bakht a Abdelhay

Correspondance

Pr Mohammed Abbassa

Direct eur de la revue Annales Facult é des Let t res et des Art s Universit é de Most aganem (Algérie)

Comité consultatif

Larbi Dj eradi (Algérie) Slimane Achrat i (Algérie) Abdelkader Henni (Algérie) Mohamed Elhaf daoui (Maroc)

Eric Geof f roy (France) Abdelkader Fidouh (Bahreïn) Zacharias Siaf lékis (Grèce) Mohamed Kada (Algérie) Mohamed Tehrichi (Algérie) Ali Mellahi (Algérie)

Asma Dj amousi (Tunisie)

Hadj Dahmane (France) Abdelkader Sellami (Algérie) Omer Ishakoglu (Turquie)

Email

annales@mail.com

Site web

ht t p:/ / annales.univ-most a.dz

ISSN 1112 - 5020

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Recommandations aux auteurs

Les aut eurs doivent suivre les recommandat ions suivant es : 1) Tit re de l'art icle.

2) Nom de l'aut eur (prénom et nom).

3) Présent at ion de l'aut eur (son t it re, son aff iliat ion et l'universit é de provenance).

4) Résumé de l'art icle (15 lignes maximum) et 5 mot s-clés. 5) Art icle (15 pages maximum, format A4).

6) Not es de f in de document (Nom de l'aut eur : Tit re, édit ion, lieu et dat e, t ome, page).

7) Adresse de l'aut eur (l'adresse devra comprendre les coordonnées post ales et l'adresse élect ronique).

8) Le corps du t ext e doit êt re en Times 12, j ust if ié et à simple int erligne et des marges de 2. 5 cm, document (doc ou rt f).

9) Les paragraphes doivent début er par un alinéa de 1 cm.

10) Le t ext e ne doit comport er aucun caract ère souligné, en gras ou en it alique à l'except ion des t it res qui peuvent êt re en gras.

Ces condit ions peuvent f aire l'obj et d'amendement s sans préavis de la part de la rédact ion.

Pour acheminer vot re art icle, envoyez un message par email, avec le document en pièce j oint e, au courriel de la revue.

La rédact ion se réserve le droit de supprimer ou de reformuler des expressions ou des phrases qui ne conviennent pas au st yle de publicat ion de la revue. Il est à not er, que les art icles sont classés simplement par ordre alphabét ique des noms d'aut eurs.

La revue paraît au mois de sept embre de chaque année. Les opinions exprimées n’ engagent que leurs aut eurs

(6)

Sommaire

L'exist ence selon le myst icisme de Shâmlou

Dr Rozit a Il ani 7 L'it inéraire d'un soufi sénégalais fondat eur de confrérie

Dr Maguèye Ndiaye 19 L'ascension et l'ivresse dans la poésie soufie

(7)
(8)

L'existence selon le mysticisme de Shâmlou

Dr Rozit a Ilani Universit é Azad Islamique d'Arak, Iran Résumé :

Ahmad Shâmlou, poèt e iranien, a développé le vers libre en Iran depuis la première moit ié du XXe siècle. Son originalit é consist e sur l’ ut ilisat ion des images abst rait es et concrèt es pour exprimer des concept ions essent ielles de l’ exist ence. La vie et la mort sont deux not ions que Shâmlou t rait e myst iquement grâce à son art poét ique. Le myst icisme orient al, qui devrait lier l’ homme à son Dieu, est accompli dans ses vers, par la relat ion ent re l’ homme et d’ aut rui. La poésie de Shâmlou of f re une nouvelle beaut é à ces not ions car l’ homme se t rouve devant une mission sociale : combat t re cont re des inj ust ices.

Mots-clés :

Shâmlou, poésie iranienne, exist ence, myst icisme, Islam.

***

Ahmad Shâmlou ét ait un génie qui a f ait l'hist oire de la Nouvelle Poésie en Iran. Il mêlait des images abst rait es et concrèt es pour décrire la vie et la mort , deux suj et s principaux qui occupent la pensée humaine depuis t ouj ours. Ces not ions sont omniprésent es dans les œuvres des aut eurs et des poèt es de t ous les pays. Mais l'art de Shâmlou les colorait d'un myst icisme orient al. Il avait la chance d'expériment er des sit uat ions part iculières : son enf ance est passée dans de nombreuses villes d'Iran, donc il connaissait bien les cult ures régionales. Adolescent , il n'ét ait pas indif f érent aux problèmes sociaux de son t emps. Son engagement f aisait de lui un prophèt e qui consacre t out e sa vie à diriger le monde. Dans ce chemin de la lut t e cont re la t yrannie, la vie et la mort sont déf inies comme les moyens d'ét ablir une nouvelle relat ion ent re le Dieu, l'homme et ses semblables.

(9)

de la mort .

1 - Histoire de Shâmlou :

Je ne suis pas une hist oire à racont er Je ne suis pas une chanson à chant er Je ne suis pas une voix à ent endre Ni quoi que ce soit à voir

Ni quoi que ce soit à savoir

Je suis la douleur commune… Crie-moi !

Né en 1925 et mort en 2000 à Téhéran, Ahmad Shâmlou

(

و ماش

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) ét ait l'un des grands poèt es iraniens du XXe siècle.

La prof ession de son père, of f icier de l'armée de Reza Shah Pahlavi, f aisait déménager la f amille d'une ville à l'aut re, ainsi son enf ance ét ait passée dans les villes dif f érent es d'Iran. Ces expériences lui ont of f ert une bonne connaissance de la cult ure des régions du pays comme Rasht , Semirom, Ispahan, Abadeh et Shiraz. Il avait commencé ses ét udes scolaires à Khach, Zahedan et Machhad et ses ét udes secondaires se déroulaient à Birj and, Machhad, Téhéran, Gorgan, Torkaman-Sahra et Orrumieh. Mais enf in, il n'a pas réussi à achever ses ét udes secondaires et obt enir son baccalauréat , non pas à cause des changement s perpét uels des lycées, mais à la suit e de son arrest at ion : pendant son adolescence, c'ét aient ses act ivit és polit iques qui lui valaient une première arrest at ion en 1943. Il passait alors plusieurs mois en prison. De cet t e période a ét é issu son premier recueil poét ique sous le nom de "Mélodies oubliées" qui comprend les vers t radit ionnels et harmoniques. C'est le seul recueil qu'il écrivait selon les lois t radit ionnelles de la poésie.

Son premier recueil en vers libres, publié sen 1957, est "L'air f rais" qui ét endait t rès rapidement sa renommée dans le pays. Cet t e œuvre englobe ses nouvelles expériences de "La nouvelle poésie".

(10)

2 - Originalité de Shâmlou :

Ahmad Shâmlou a choisi le nom Aléf -Bâmdâd (

.

فلا

/

ادماب

.

فلا

حبص

) comme son nom de plume. Il ét ait cont emporain de Sohrâb Sepehri, Forough Farrokhzad et Nima Youshidj qui l'a beaucoup inspiré. Disciple de Nima en vers libre, Shâmlou exerçait une grande inf luence sur la poésie moderne en Iran.

Chamss Langroodi, aut eur de "l'Hist oire analyt ique de la nouvelle poésie" dit que Shâmlou ét ait l'un des rares poèt es dont la poésie est plaisant e t ouj ours pour t out es les générat ions : on peut murmurer ses poèmes à l'enf ant qui veut dormir, les adolescent s t rouvent ses poèmes romant iques, les j eunes gens admirent l'esprit révolut ionnaire de ses vers et cert ains poèmes comme Au Seuil sont f avorables aux âgés(1).

La poésie de Shâmlou est simple et en même t emps complexe. Elle prof it e des images t radit ionnelles qui sont f amilières à son audience iranienne. On peut y met t re en relief les t hèmes et les myt hes des poèmes de Haf ez et d'Omar Khayyâm. Shâmlou récit ait aussi des poèmes de ces deux grands poèt es anciens et ces récit s audio sont encore at t irant s pour ses adept es.

D'aut re part , il a mélangé les images abst rait es et concrèt es d'une f açon inédit e dans la poésie perse, ce qui a inquiét é des adept es de la poésie persane t radit ionnelle.

Il s'est mont ré un adversaire résolu de la poésie prosodique et mét rique, inadapt ée pour exprimer l'époque cont emporaine. En ef f et , Shâmlou ét ait un vrai part isan de la poésie libre(2). Il prof it ait de ces nouveaut és de l'art poét ique pour exprimer la libert é souhait ée qu'il ne pouvait pas déj à exprimer dans la dimension de la poésie ancienne.

(11)

poèt es classiques persans les plus import ant s, en part iculier Haf ez. Dans son œuvre sous le nom de "Haf ez Shiraz", publié en 1975, Shâmlou a souligné les problèmes et les alt érat ions dans les poèmes de Haf ez. Selon Shâmlou, Haf ez ét ait un croyant myst ique, un combat t ant et un réf ormat eur social, qui crit iquait la cult ure de l'hypocrisie et de la piét é de son t emps.

En out re de ses poèmes, il nous a laissé une grande encyclopédie de la cult ure f olklorique persane sous le nom de "Le livre de la rue" qui comprend des expressions et des proverbes persans et dont le premier volume est publié en 1977. Son épouse, Aïda, collaborait avec lui à accomplir les données de cet t e encyclopédie et dirige sa publicat ion après la mort de Shâmlou.

Au début , l'impact de grands poèt es t els que Garcia Lorca ou Eluard sur la vision de Shâmlou paraît évident(3). Après, il a ét é inf luencé par la poésie européenne, Maïakovski, Lorca, ainsi que Prévert , Aragon, Éluard et Apollinaire(4).

Son amour aux cult ures d'aut res pays l'emmenait à t raduire en persan des œuvres lit t éraires. La t raduct ion du "Pet it prince" de Saint -Exupéry, aut eur f rançais, rest e encore un bon exemplaire de ce livre t raduit en persan.

Sa t raduct ion du poème de "Silence is f ull of unt old" de Margot Bickel, poét esse allemande, est bien connue en persan. Shâmlou a récit é lui-même cet t e t raduct ion et ses disques se rencont rent avec un grand succès chez persanophones :

The wind sings of our nost algia

and t he st arry sky ignores our dreams. Each snow f lake is a t ear t hat f ails t o t rickle Silence is f ull of t he unspoken,

(12)

Le vent chant e de not re nost algie et le ciel ét oilé ignore nos rêves.

Et chaque f locon de neige est une larme qui ne parvient pas à couler

Silence est plein de non-dit s, des act es pas ef f ect ués, des aveux à amour secret ,

et de merveilles ne sont pas exprimées. Not re vérit é est cachée dans not re silence, Vôt re et la mienne.

يگ تل

هنا ت

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يم آ

ياھ

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فا تعا

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ياھ

دماين

اب

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ياھ

تسا

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تقيقح

.

D'aut re part , la t raduct ion de ses propres œuvres en aut res langues surt out en anglais et en f rançais f ait ét endre sa renommée dans le monde de "La nouvelle poésie". Cert ains de ses poèmes ont ét é t raduit s en f rançais sous le nom de "Choix de poèmes", par son ami, Ahmad Kamyabi Mask et publiés en 2000. Parviz Abolgassemi, poèt e de langue f rançaise et iranienne, prof esseur de la lit t érat ure comparée à l'universit é d'Aix-Marseille j usqu'en 1997, chercheur associé au CNRS et t raduct eur de nombreux poèt es iraniens, a t raduit en 1994 le recueil d'"Aïda dans le miroir" de Shâmlou. Il a déj à consacré, en 1976, sa t hèse d'Ét at à not re poèt e. En 1994, en écrivant une préf ace pour le livre d'"Hymnes d'amour et d'espoir" de Shâmlou, Parviz Khazraï a t raduit ce recueil qui a ét é publié par les édit ions de "La dif f érence" à Paris.

(13)

(Manif est e), L'air f rais, Le j ardin de miroir, Aïda dans le miroir, Inst ant et ét ernit é, Aïda : arbre, poignard et mémoire!, Phénix sous la pluie, Élégies de la t erre, Éclore dans le brouillard, Abraham dans le f eu, La dague dans l'assiet t e, Pet it s chant s de l'exil, Éloges sans récompenses(5).

Ahmad Shâmlou a emport é des prix en poésie : le prix de Frough Farrokhzad en 1972, le prix de libre expression de l'organisat ion des droit s de l'homme à New York en 1990, le prix de St ig Dagerman en Suède en 1999 et le prix du mot libre aux Pays-Bas en 2000.

3 - La vie et la mort selon le mysticisme oriental :

Avant d'analyser les not ions de la vie et de la mort dans la poésie de Shâmlou, il convient de les t rait er dans le myst icisme iranien, inf luencé par la cult ure ancienne perse d'une part et les enseignement s religieux d'Islam, religion of f icielle de ce pays d'aut re part .

Déf ini par t out es les cult ures, le myst icisme est créé par l'ensemble des croyances et des prat iques qui se donnent pour obj et une union int ime de l'homme et du principe de l'êt re(6). Le myst icisme sacralise d'abord la communion vert icale ent re l'homme et son divin et dans le monde auj ourd'hui, ent re l'homme et son semblable. Cet t e nouvelle relat ion est le résult at direct de croire en Dieu.

Ancrée dans les prof ondeurs de l'hist oire, l'appét ence myst ique a t raversé les âges et occupé dif f érent es aires géographiques. Elle perdure en l'ét at , voire, à t ravers ou malgré ses mét amorphoses. D'essence divine, mais humanist e dans sa port ée, le lien myst ique inst aure une relat ion privilégiée ent re la créat ure, la créat ion et le Créat eur(7).

(14)

L'homme se mont re incapable de connaît re ces secret s de la créat ion. Alors, il essaie de les colorer de myst icisme et se relie à son Créat eur pour les découvrir et les comprendre. La relat ion myst ique qui est créée de cet t e ignorance est signif iée dif f éremment selon les cult ures et les religions.

Selon t out es les croyances, il est presque impossible de parler de la vie sans t enir compt e de la mort . Tout en s'opposant mut uellement , la vie et la mort sont d'ailleurs int imement associées. En ef f et , la mort f ait part ie de la vie non seulement comme son about issement nat urel, mais aussi comme la révélat rice de sa f init ude. Cependant , l'associat ion de la mort et de la vie est considérée comme l'union de deux cont raires. Or, dans les diverses t radit ions philosophiques et religieuses ainsi que selon l'avis général, la vie est considérée comme un bien et la mort , comme un mal. L'at t it ude des hommes vis-à-vis de ces deux not ions rest e dif f érent e. Il exist e des écart s, d'une personne à l'aut re, ou d'un peuple à l'aut re, dans leur vision du monde et dans l'appréciat ion de ce qui donne une raison de vivre(8).

Ces not ions ont un aspect part iculier dans la cult ure iranienne inf luencée f ort ement par l'Islam depuis des siècles. Des poèt es ne sont pas except ionnels. Not re poèt e, Ahmad Shâmlou, avait une at t it ude sensible, propre à lui-même, devant ces deux not ions. Ses recueils de poèmes, classés en cat égorie de "La nouvelle poésie" persane, sont pleins de belles et de nouvelles images poét iques concernant la vie et la mort . Ainsi, des exemples t irés de ces recueils peuvent bien nous illust rer ses pensées.

4 - La vie et la mort selon Shâmlou :

(15)

sur la vie dépendent de la qualit é de vivre.

Comme t out e créat ure humaine, il songeait à l'ét ernit é. Il exprime que la mort nous arrive t ôt ou t ard, mais la brièvet é de la vie ne signif ie pas que la vie n'en vaut rien, il f aut chercher la vie ét ernelle aut re part , en dehors de la vie même, dans l'humanit é(9).

Dans cet t e perspect ive, la mort pour Ahmad Shâmlou, est une expérience t rist e, mais elle n'est pas le point f inal de l'exist ence. La mort prend d'aut res sens. Elle peut signif ier vivre avec ceux qu'on n'aime pas. Ainsi, ce n'est pas la mort qui est épouvant able, ce qui la rend t rist e, c'est la vie à côt é des f aux amis dans un pays où les valeurs humaines sont méconnues où négligées(10):

Je n'ai j amais craint la mort ...

j e crains plut ôt de mourir dans une t erre où le salaire du f ossoyeur vaudrait plus que la libert é de l'homme.

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La mort est une vérit é générale qui domine la vie de t ous les êt res vivant s. Elle n'est pas nost algique, mais on doit "accept er ce courant d'air", comme nous enseigne Shâmlou. Ce n'est pas une disparit ion de l'exist ence, mais un procès qui of f re un but et une signif icat ion à la vie. Elle peut conduire l'homme à diriger sa vie consciemment et lui donner un sens spécial. L'avis de Shâmlou est semblable de Malraux qui exprime dans "L'espoir" : "la t ragédie de la mort est en ceci qu'elle t ransf orme la vie en dest in".

(16)

maj est ueuse, mais non pas sous le règne des inj ust ices. De ce point de vue, il se mont re un combat t ant social qui crit ique la t yrannie.

Shâmlou ét ait sensible aux problèmes polit iques et sociaux de son t emps. Dans ce sens, son myst icisme prend le t roisième aspect qui se déf inie comme une relat ion avec d'aut res hommes. La mort change sa f orme ainsi. Pour ce poèt e, les hommes qui se sacrif ient pour une cause dans laquelle ils ne cherchent pas l'int érêt personnel, assurent leur dignit é. Il les appelle "les plus amoureux parmi les vivant s" et nous invit e à ne pas pleurer leur mort , mais chant er "les plus beaux chant s" pour eux(12). Ce sacrif ice les dirige vers le grand Dieu.

Dans not re monde où la relat ion symét rique et réciproque ent re l'homme et son semblable a ét é f ort ement valorisée, le myst icisme prend une nouvelle couleur. Le myst icisme d'auj ourd'hui ne plonge pas de racine dans la relat ion de l'homme et son créat eur, mais aussi il est f ondé sur celle ent re l'homme et les aut res créat ions de Dieu. Ce t riangle crée l'homme immort el. Dans son poème int it ulé "Êt re", il chant e le vrai sens de l'"êt re" et du "néant ", de la mort et de l'immort alit é(13):

S'il f aut mener une vie banale

Il serait hont eux que j e n'accroche pas scandaleusement Le phare de ma vie au sapin sec d'une impasse

S'il f aut mener une saint e vie

Il serait indigne de moi de ne pas graver de ma f oi Comme la mont agne

Un souvenir immort el sur la surf ace mort elle du sol.

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(17)

sa f oi qui engendre des myt hes ét ernels, empêchent l'homme mort el de t omber dans l'oubli issu de la mort nat urelle.

Le mart yre, mourir dans la voie de libert é et d'humanit é ou pour lut t er cont re l'inj ust ice et l'oppression, est une sort e de mort exalt ée dans la poésie de Shâmlou. Il évoquait par exemple, à plusieurs reprises, la mort de Jésus sur la croix, une mort pour le salut de l'humanit é. Selon ce poèt e, si on t ransf orme la vie en act e spirit uel, l'on mourra d'une manière à ret racer l'immort alit é et la vie ne sera pas un act e absurde, ni la mort , une f in. Il nous invit e à ne pas répét er t ouj ours la même hist oire monot one et t rist e de la vie, à ne pas vivre pour mourir un j our, mais mourir de manière à êt re immort el(14).

Shâmlou n'avait pas peur de la mort mais l'ombre de cet t e vérit é est accablant e en ses vers où il chant ait la vie. Il ne pouvait pas penser à la vie sans réf léchir à la mort . Ses posit ions cont radict oires ét aient le résult at des événement s de sa vie. Quelquef ois, il admirait la mort et lui at t ribuait de grandes valeurs qui aident l'homme pour at t eindre à la perf ect ion. D'aut re part , il la considérait comme la f in de la vie. Il l'observait f ace à f ace et regardait sa dominance sur la vie et il la dét est ait(15).

Les avis changés de Shâmlou sur ces not ions sont les conséquences des changement s spirit uels et des expériences que la vie lui avait of f ert es.

D'abord, il ét ait un j eune homme romant ique qui écrivait des poèmes à un amour t errest re selon ses ét at s de j eunesse. Puis, pendant des années de combat , il est devenu un combat t ant social qui regret t ait dans un poème ces vers ant écédent s et les condamne au nom du peuple. Même, il savait bien changer cert ains symboles présent s depuis Haf ez et Khayyâm en symbole social, comme le poème de Nazli qui est apparemment amoureux, mais dédié à un des combat t ant s de l'époque du Shah(16).

(18)

devoirs que nous n'avons pas encore accomplis, beaucoup de t ravaux pas réalisés. Soudain, on claque la port e et dit : c'est l'heure de part ir… Pour moi, ce qui est horrible de la not ion de la mort , c'est le même visage"(17).

5 - Conclusion :

A cet t e période de not re hist oire, le sent iment myst ique a t rait à l'idée de rencont re avec le grand Dieu d'abord et avec le monde ensuit e. La base du myst icisme d'Ahmad Shâmlou est f ondée sur ces nouvelles relat ions ent re le Créat eur et ses créat ions.

Rendu célèbre par ses vers libres, Shâmlou est un grand poèt e sensible aux quest ions essent ielles de l'exist ence inf luencées par les sit uat ions polit iques de son t emps. Sa concept ion de la vie et de la mort , nourrie de ses expériences personnelles acquises depuis son enf ance, se concrét ise dans sa poésie qui apprécie de sa propre f açon la qualit é de l'exist ence.

Les poèmes de Shâmlou inspirent une double posit ion en f ace de la vie et de la mort : chant ant les beaut és de la vie, il mont re sa peur cont re la mort , comme t ous les êt res vivant s qui cherchent une vie ét ernelle. Mais d'aut re part , l'observat ion des inj ust ices et des t yrannies est dif f icile pour lui : il accept e la mort plaisamment et veut se sauver à l'aide de la mort et sort ir de ce monde plein d'inj ust ices. La mort volont aire, dans la voie myst ique, devient donc l'act e sublime, car elle signif ie l'accès à une t ranscendance de Dieu.

Notes :

1 - Chams Langroodi : Le bonheur de Shâmlou ét ait en vers libre, Journal de Farhikht eghan, Téhéran, 10/ 12/ 2009.

2 - Ahmad Shâmlou : Hymnes d'amour et d'espoir, t rad. Parviz Khazraï, préf . Parviz Khazraï, Ed. La différence, Paris 1994, pp. 8 - 9.

3 - Rouhollah Hosseini : Ahmad Shâmlou au passage du vent , Téhéran 2006, La revue de Téhéran, N° 10, sept embre 2006, version élect ronique, visit é le 30/ 5/ 2015. ww. t eheran. ir

(19)

6 - Dict ionnaire "Le Pet it Robert ", Paris 2001.

7 - Esf andiar Esf andi : Mét amorphose de l'humanisme myst ique dans la poésie

persane cont emporaine, l'exemple de Sohrâb Sepehrî, Revue Plume, 1e année,

numéro 2, Téhéran 2007, p. 67.

8 - Mahnaz Rezaï : La vie et la mort dans la poésie persane cont emporaine,

Revue des ét udes de la langue f rançaise, 1e année, N° 2, Téhéran 2010, p. 71.

9 - Ahmad Shâmlou : Les paroles du poèt e. Sahéb Ekht iari, Behrooz et Bagherzadeh, Hamid-Reza : Ahmad Shâmlou, poèt e des nuit s et des amours, Ed. Hirmand, Téhéran 2002, Tome 1, p. 138.

10 - Ahmad Shâmlou : Œuvres complèt es, édit ion Négah, Téhéran 2004, p. 256.

11 - Abbass Baghinej ad : Shâmlou, poèt e de la vie et de la mort , Téhéran 2008, Revue de langue et lit t érat ure persanes, 3e année, N° 9, p. 15.

12 - Ahmad Shâmlou : Œuvres complèt es, Ed. Négah, Téhéran 2004, p. 143. 13 - Ibid. , p. 173.

14 - Mahnaz Rezaï : op. cit ., p. 79. 15 - Abbass Baghinej ad : op. cit ., p. 8.

16 - Ali Abbasi et Monire Akbarpouran : St ruct ure d'horizon comme une mét hode pour une ét ude comparée ; le cas de Nâzim Hikmet et Ahmad Shâmlou, Ed. Unit é des sciences et de la recherche de Téhéran, Téhéran 2014,

Revue La poét ique de l'Universit é Azad Islamique, 1e année, n° 4, p. 72.

(20)

L'itinéraire d'un soufi sénégalais

fondateur de confrérie

Dr Maguèye Ndiaye Universit é Cheikh Ant a Diop Dakar, Sénégal Résumé :

Les pages hist oriques de l’ Islam au sud du Sahara, not amment au Sénégal, sont écrit es par des af ro-arabes et des af ricains noirs qui ont port é haut le f lambeau de l’ Islam. Ils mérit ent t ous at t ent ion et imposent aux chercheurs un devoir moral de mémoire qui ne saurait t rouver une meilleure illust rat ion que dans des recherches met t ant en relief leurs vies et leurs œuvres. Parmi ces héros f igure Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké qui s’ est illust ré à maint s point s de vue, dans le domaine spirit uel et myst ique, lit t éraire et social.

Mots-clés :

Bamba Mbacké, Sénégal, souf isme, Islam, spirit ualit é.

***

1 - L'importance du personnage et de l'œuvre :

L'homme est mult idimensionnel, au point d'at t irer la curiosit é des chercheurs dont j e me réclame, des masses musulmanes et de disciples parmi lesquels j e compt e. Tout ou presque t out , en lui, suscit e de l'int érêt : le myst ique, le f ondat eur de Tarîqa, l'érudit , le résist ant colonial, l'éducat eur, le poèt e, le servit eur du Prophèt e, le sage af ricain, pour ne cit er que les grands t rait s de caract ère du personnage. Au passage, il f aut préciser qu'aucun chercheur ne peut avoir la prét ent ion d'analyser t out e la lit t érat ure consacrée au Mouridisme, comme le souligne bien Jean Copans qui af f irmait , déj à en 1980, que : "Les seuls t ravaux récent s et qui ont moins de quinze ans t ot alisent 4000 pages imprimées ou ronéot ées… Si l'on aj out e à cet t e lit t érat ure t out es les ét udes "coloniales" du demi-siècle précédant , consacrées à l'Islam sénégalais et not amment mouride, on augment e ce chif f re d'au moins 50%"(1).

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arabe, par le f ondat eur du Mouridisme sénégalais - 35000 vers et 4000 lignes de prose - of f re t rois suj et s de réf lexion : Ahmadou Bamba est le dernier en dat e des grands f ondat eurs de conf rérie religieuse et il est not re cont emporain (1850-1927) ; ce Cheikh est act uellement , le meilleur exemple de la mét amorphose, de la myst ique spéculat ive en myst ique conf rérique, mét amorphose, commandée à la f ois, par un souci d'ort hodoxie, et par le désir de répondre aux aspirat ions des masses populaires, qui sont plus éprises de Dieu sensible au cœur, que de spéculat ions gnost iques. Enf in, le Cheikh Bamba est , précisément en cela, l'exemple, et la preuve de l'import ance sociale du myst icisme conf rérique"(2).

S'agissant de son œuvre, le chercheur Amar Samb, connu pour son ambit ion de rassembler les écrit s du guide, avait déclaré, devant l'immensit é de la t âche "qu'il f audrait t out e une vie pour évaluer les écrit s du f ondat eur du Mouridisme qui a semblé passer t out e son exist ence à t aquiner les muses"(3).

Le même aut eur af f irme que "rien que le Fulk al-mashûn (le navire chargé) compt e 366 poèmes, soit 11347 vers, alors que les odes recensées, c'est -à-dire les longs poèmes, f ont 999"(4).

Si t ous les f ondat eurs de Tarîqa sont des souf is, on est loin de pouvoir af f irmer que t ous les souf is sont f ondat eurs d'ordres religieux. Si t rès souvent , la conf rérie adopt e le nom du f ondat eur ou de sa localit é, depuis le 5e/ XIe siècle, Bamba en a conçu une qui cherche nom ailleurs, car il va l'appeler Al-Murîdiyya. Cet t e t radit ion explique la volont é de cert ains qui appellent sa voie "le Bambisme".

2 - Origines et formation :

Cheikh Ahmad Bamba Mbacké naquit ent re 1270 et 1272 de l'hégire, correspondant à 1853-1855 de l'ère chrét ienne. Si la dat e de 1270h (1853) est la plus couramment ut ilisée, la dat e de 1272h (1855) nous semble la plus proche de la vérit é(5).

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Evoquant l'origine du nom couramment ut ilisé, à savoir Bamba, Madické Wade sout ient qu' : "Il port e le nom d'un ami de son père, un marabout qui aurait inst ruit Momar Ant a Saly (son père), qui avait créé ou habit é un village du nom de Bamba. Ce qui explique le nom de Ahmadou Bamba"(6).

Sa mère Marième Bousso est f ille de Muhammad f ils de Muhammad f ils de Hammâd f ils de Ali Bousso. Elle ét ait connue pour sa piét é, ses vert us et son scrupule, au point d'êt re appelée Jârat ul-Lâh (la voisine de Dieu).

La f ondat ion du village où naquit le guide est sit uée, pour cert ains, ent re 1795 - dat e d'assassinat du marabout Malamine Sarr - et 1802, alors que Mart y, moins précis, a relat é cet t e f ondat ion en ces t ermes : "Mballa Mbacké (apparemment Mahram), grand-père d'Amadou Bamba, f onda dans la première moit ié du dix-neuvième siècle, le village de Mbacké, dans la province du Baol… et s'y ét ablit comme maît re d'école. C'est là que naquit son f ils Mor Ant a Saly. Celui-ci f it d'abord ses ét udes avec son père. Il les complèt e plus t ard auprès d'un savant marabout du nom d'Amadou Bamba. C'est en l'honneur de ce prof esseur vénéré que Mor Ant a Saly donna ce nom à son deuxième f ils"(7).

Il n'y a donc pas de dout e que le lieu de naissance d'Ahmadou Bamba f ut Mbacké et que sa concession pat ernelle f ut un lieu de savoir et de f ormat ion réput é.

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3 - Qualités morales et intellectuelles :

L'homme est connu comme déposit aire de qualit és morales, int ellect uelles et myst iques rarement réunies au niveau d'une seule personne.

1. Les qualit és morales :

A l'âge innocent , on a décrit Bamba comme un j eune pét ri de pudeur, de chast et é, et de docilit é remarquable vis-à-vis de ses parent s. Le premier combat que l'homme avait livré ét ait dirigé cont re des t ares humaines comme la j alousie, l'orgueil, l'avidit é, et l'égoïsme auxquelles il opposera l'humilit é, la bonne volont é, l'esprit de sacrif ice, de solidarit é et de dépassement de soi.

La grande mission qu'il assumera plus t ard, t ant sur le plan de la religion que celui de la résist ance cont re le colonialisme, révélera que "le Cheikh ét ait brave, mais il ne se précipit ait sur rien par excès de colère ou f anat isme, et ne s'enorgueillissait pas. Loin de l'abaissement et de l'avilissement , il ignorait la peur, la f rayeur et la pet it esse d'âme. Par ailleurs, il est des choses qui t émoignent de son courage, sa générosit é, son esprit ent reprenant , sa grandeur d'âme, sa longanimit é, sa t olérance aj out ée à sa vénérabilit é et sa gravit é sout enue par la maît rise de sa colère, son pardon et sa douceur"(9).

Paul Mart y, of f icier int erprèt e au Sénégal ent re 1913 et 1916, dans son livre int it ulé "La religion musulmane au Sénégal", s'est int éressé à t ous les guides de conf rérie de l'époque. A ce propos, il a consacré un grand chapit re à Ahmadou Bamba qu'il a int it ulé pour des raisons qui lui sont propres, "Les mourides d'Ahmadou Bamba".

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homme, pieux, charit able, de mœurs t rès pures, convaincu de la mission de réf ormat eur islamique dont il se dit invest i"(11).

Ses qualit és humaines ont , aussi, marqué plus d'un et sous ce rapport , Dumont avance les propos suivant s : "Et qui donc, mieux que lui, aura f ait preuve de courage et de caract ère, en subissant "les pires chocs de la f ort une" sans perdre la f oi, ni sa dignit é d'homme et surt out sans haine et sans violence"(12)?

Une t elle sympat hie vaut à l'aut eur de ses lignes des crit iques qui t axent son œuvre d'apologét ique et de syncrét isme. Alors, il ne surprend guère de voir des t émoignages cont raires brandis, souvent , par des colonialist es.

L'aut eur de "l'Islam dans l'Af rique occident ale f rançaise", Alphonse Gouilly dépeint le guide en ces t ermes : "Il est une des f igures les plus int éressant es de l'hist oire musulmane au Sénégal. Nul, de son vivant , n'a provoqué chez ses cont emporains des sent iment s plus cont raires. Il a ent housiasmé des f oules f ervent es qui lui ont rendu un vérit able cult e ; mais il a ét é dénoncé comme un charlat an grossier, voire comme un malf ait eur. On lui a reproché son ent êt ement doct rinaire, mais des hommes de science et de mérit e ont remis ent re ses mains les int érêt s de leur vie t errest re et f ut ure. En réalit é c'est un vrai t oucouleur : obst iné, avare, bonasse, du rest e nullement dépourvu d'int elligence ni même de f inesse"(13).

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L'aut eur t rouve la j ust if icat ion d'une t elle at t it ude t rès simple, en af f irmant que : "Ceci ne doit pas surprendre, car les rédact eurs de ces document s, gouverneurs, administ rat eurs et milit aires ét aient act eurs des événement s qu'ils relat aient . Ils ne résist aient pas t ouj ours à la t ent at ion, t out e nat urelle, d'inf léchir les f ait s de f açon int éressée, en t aisant leurs échecs ou leurs déf ait es, en exagérant ceux de leurs ennemis pour obt enir récompenses ou évit er des sanct ions. Nous savons maint enant comment le soi-disant péril de l'Islam, et , plus précisément , celui de la Mouridiyya, avaient ét é créé, grossis et gonf lé par des administ rat eurs qui s'en servaient comme d'un épouvant ail commode cont re t out cont rôle de leur mét ropole pour laisser libre cours à leurs f ant aisies sanglant es"(15).

Tout ef ois, il f aut comprendre que de t elles considérat ions à l'endroit de Bamba, venant d'un colonialist e, ne surprennent guère, car les aut orit és coloniales, rudement éprouvées par les guerres saint es de l'époque, en ét aient t raumat isées, comme l'af f irme Amar Samb : "Les aut orit és coloniales sont t raumat isées par les guerres saint es menées cont re elles par El Hadj Omar, Ahmadou Cheikhou, Mabba Diakhou, Mamadou Lamine, Fodé Kaba, et c."(16).

Dans t ous cas, Bamba est décrit comme un grand humanist e par l'ensemble de ses biographes dont El Hadj Amadou Sow qui met , ici, l'accent sur ses qualit és humaines : "Le marabout ét ait , avant t out , un magnanime humanist e convaincu. Il port ait à t out es les créat ures un amour pat ernel. En t out e, chose disait -il, il f aut voir l'image de son aut eur. Ainsi, durant sa vie, il a t ouj ours t ravaillé pour rendre le genre humain heureux dans les deux mondes… a passé t out e sa vie à servir l'humanit é par sa science, ses biens et ses grâces"(17).

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sout ien moral et mat ériel. Il se mont rait af f able avec t out le monde et parlait t ouj ours, le sourire aux lèvres. Il ne rebut ait personne et cherchait t ouj ours à cont ent er ses int erlocut eurs. En vérit é, le Cheikh incarnait t out es les qualit és sociales, morales et spirit uelles"(18).

En somme, il ét ait un vérit able sage af ricain, si on se réf ère à cet t e déf init ion qu'en donne Alassane Ndaw : "L'ét hique af ricaine prend appui sur une not ion f ondament ale : la connaissance de soi et son corollaire, la maît rise de soi. Maît re de soi, conscient de sa valeur, l'Af ricain acquiert le sent iment de son pouvoir, à f orce de l'avoir exercé sur lui-même. Son seul désir, mais aussi son devoir, est d'ét endre ce pouvoir en l'appliquant et l'exerçant sur le monde"(19).

Ainsi, les biographes du guide s'accordent , quasiment , sur la morale du guide.

2. Les qualit és int ellect uelles :

Très j eune déj à, il t aquinait la product ion de la poésie pour la maît rise de la prosodie. Après son init iat ion aux règles de base de la poésie, il a, successivement , f réquent é des maît res comme Khaly Madiakhat é Kala (1835-1902)(20) pour la correct ion de ses poèmes et un savant maurit anien, du nom de Muhammad al-Yaddâlî, pour parf aire ses connaissances en Mét rique et en Rhét orique et s'init ier à la logique.

D'ailleurs, ce t alant précoce du Cheikh se manif est e dans son poème "Aç-çindîd" composé ent re l'âge de 14 et 18 ans, et dans son magist ral t rait é sur le souf isme, Masâlik al-Jinân (les it inéraires du paradis) rédigé à l'âge de 30 ans.

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L'érudit ion du guide a, surt out , séduit Fernand Dumont et à preuve, il af f irme : "Malgré t ous les obst acles d'une hist oire cont emporaine bouleversant e de f ond en comble, il a pu amasser une science des plus mérit oires, et même assez ext raordinaire, compt e t enu des circonst ances de sa vie. Il a passé son t emps à écrire, f aisant preuve d'une grande ouvert ure d'esprit , d'une surprenant e connaissance t echnique de la langue arabe, de probit é et de droit ure, de "zèle" pour la j ust ice, l'humanit é et la t olérance"(22).

Durant son inst ruct ion auprès de ses maît res, ou même sous le t oit pat ernel à l'âge adolescent , il composa un grand nombre de poèmes et rédigea nombre d'ouvrages sur dif f érent es disciplines religieuses, comme la t héologie, le dogme, la myst ique, et c.

Avant même la mort de son père, il avait réussi à versif ier d'éminent s livres sur la t héologie et la myst ique, pour ne cit er qu'Umm al-Barâhîn (la mère des preuves) de l'Imam as-Sanûsî (m. 1490), Bidâyat al-Hidâya (le début du chemin du salut ) de l'Imam al-Ghazâlî (450-505h), poème qu'il int it ula Mulayyin aç-çudûr (l'at t endrisseur des cœurs), avant de le résumer et de le ré int it uler Munawwir aç-çudûr (l'illuminat eur des cœurs), en 1294h/ 1877, ou encore le livre de j urisprudence musulmane d'Al-Akhdarî int it ulé, après versif icat ion, Al-Jawhar an-naf îs (la perle précieuse)(23). Beaucoup de livres verront le j our sous sa plume j usqu'à son magist ral et monument al ouvrage Masâlik al-Jinân (les It inéraires des paradis) sur le souf isme et son illust re poème int it ulé "Huqqa al-bukâ" (est -il permis de pleurer les mort s ?) qui t rait e du même t hème.

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ouvrages qu'il s'est f ort ement f amiliarisé avec le sûf isme. C'est bien ce Ghazâli qui lui a t racé le chemin, at t irant son at t ent ion sur les dif f icult és du parcours : plus un but est noble et élevé, plus l'accès en est dif f icile ; le chemin est long et les ét apes nombreuses"(24).

Un t el at t achement au souf isme nous amène à aborder sa vie spirit uelle qui const it ue le t rait de caract ère dominant dans sa vie.

3. Les qualit és spirit uelles du guide :

Cheikh A. Bamba s'ét ait vit e int éressé aux enseignement s des souf is. Il ent reprit plusieurs voyages à l'int érieur du Sénégal et à l'ext érieur, comme en Maurit anie où il a visit é des saint s réput és pour bénéf icier de leurs grâces, ainsi que des t ombeaux de saint s disparus. Il comprit t rès t ôt qu'il ne pouvait se soust raire de l'isolement prat iqué, avant lui, par les myst iques musulmans.

Ainsi, après la disparit ion de son père qui l'avait init ié aux rit es de l'ordre souf i qâdirî, il déplorait les mondanit és et les cent res urbains. C'est ce qui explique son inst allat ion, successivement , à Darou Salam, Touba, Darou al- Mannân, Dar al-Alîm al-Khabîr, des f oyers sit ués près de Mbacké Baol, dans la région de Diourbel.

Sa vie spirit uelle, dans ces dif f érent es localit és, est bien résumée par Khassim Diakhat é qui af f irme que : "A côt é de ses devoirs à l'égard de ses disciples, il récit ait const amment le Coran, lisait les Hadit h et les sciences religieuses ; il invoquait inlassablement les Noms Divins, t out en accomplissant régulièrement des œuvres surérogat oires sous f orme de f ormules reçues auprès des personnes pieuses ou les prières surérogat oires noct urnes recommandées par le Coran et le Hadit h"(25).

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personnelle, ne peut êt re int erprét ée qu'à la lumière de la vie même du myst ique, au-delà de son expression verbale. Il nous f aut connaît re en dét ail le comport ement , durant sa vie, de l'aut eur ét udié, son at t it ude à l'égard de ses proches, son t émoignage devant la mort , - et cela d'après des biographies crit iques, et non seulement à t ravers des légendes, - pour pouvoir j uger si ce qu'il nous rapport e de ses expériences est une pure f ict ion lit t éraire ou la descript ion f idèle d'un phénomène vécu. Rien n'est plus f acile que de répét er de magnif iques sent ences ou de récit er de sublimes prières. Aut re chose est de les produire spont anément sous l'act ion d'une grâce de choix"(26).

La vie de Bamba semble êt re conf orme à ses aspirat ions myst iques et à sa pensée souf ie, comme le conf irment beaucoup de t émoignages. Une sort e d'ét at secondaire vécue depuis son adolescence relevée ici par Serigne Sam Mbaye : "Comme accablé sous un poids écrasant et myst érieux, pressé d'une soif ardent e et d'un désir insat iable, t out comme si on lui avait conf ié la garde des secret s du ciel et de la t erre, Cheikh Ahmadou Bamba, dès son j eune âge, paraissait t endu, médit at if et résolu, une sort e d'ext ase de nat ure inconnue le marquait et semblait l'arracher à la compagnie des hommes. Touj ours pondéré et grave, on lui remarquait , parf ois, des accès de f rénésie et de prof ondes médit at ions accompagnées d'ardeur ef f ervescent e, Walahân"(27).

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acquisit ion mais par un don gracieux du maît re des mondes. En un mot , il ét ait un homme de Dieu d'une haut e dest inée, devant remplir une mission ext raordinaire"(28).

Cet t e mission qualif iée d'ext raordinaire se t rouve êt re la créat ion d'un ordre religieux, en une conf rérie qu'il appela al-Murîdiyya (le Mouridisme).

Après le décès de son père, Momar Ant a Saly, en 1883, le guide ref usa d'êt re le conseiller du roi, mais cont inuait d'assurer les enseignement s que dispensait son déf unt père. Cependant , lorsqu'il sent it la nécessit é de prendre son dest in en main et d'assurer la mission qui ét ait la sienne, il avait réuni t ous ses disciples et port a à leur at t ent ion la déclarat ion suivant e : "Ceux parmi vous qui me f réquent ent pour ét udier peuvent choisir pour eux même et part ir là où ils veulent , et ceux qui part agent le même vœu que moi peuvent me suivre et obéir à mes ordres"(29).

Ainsi, le guide se mua du f ormat eur livresque à l'éducat eur spirit uel, au bénéf ice des disciples qui avaient choisi de rest er avec lui et de part ager sa voie.

4 - Le Mouridisme ou Al-Murîdiyya :

Le Mouridisme f ait l'obj et de beaucoup de déf init ions, des plus simplist es aux plus f ant aisist es, des plus f anat iques aux plus obj ect ives. Cert aines déf init ions se réf èrent à ses élément s const it ut if s, d'aut res à son vécu et à son évolut ion ou aux circonst ances de l'analyse, et souvent , selon qu'on est adept e ou observat eur ext érieur. Mais le plus grand int érêt réside dans la déf init ion qu'en donne son f ondat eur, Cheikh Ahmadou Bamba, qui n'a négligé aucun aspect de sa Tarîqa. Mais, int éressons-nous d'abord aux déf init ions d'aut rui.

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l'adapt at ion des grands mouvement s religieux, et de la puissance du prosélyt isme marabout ique en Af rique"(30).

L'aut eur ne manque pas de met t re l'accent sur les condit ions de naissance de cet t e conf rérie et des raisons d'adhésion des masses en af f irmant que : "Amadou Bamba f ut , au début de not re siècle (20e), le "Pôle spirit uel" (qut b) de f oules sénégalaises de plus en plus nombreuses, at t irées spont anément aut our de ce "Cheikh de droit ure" (Shaykh murshid) qui, par sa f oi et sa conduit e exemplaires, indiquait "une voie" (t arîqa) et leur apport ait "une règle de vie" (adab). C'est ainsi que naissent les conf réries populaires musulmanes, depuis des siècles, et que naquit , en part iculier, celle des mourides au Sénégal"(31).

Le Mouridisme est un corps de doct rines religieuses, morales, et cult urelles. Alors que cert ains chercheurs le déf inissent comme une Tarîqa (conf rérie) comme la Tij âniyya, la Qâdiriyya ou la Shâdhaliyya, d'aut res le décrivent comme un mouvement rénovat eur à orient at ion souf ie dans le mouvement général de vulgarisat ion de l'Islam.

Alors que la plupart des conf réries t irent leur nom du f ondat eur de l'ordre, Bamba semble opérer un choix st rat égique, en désignant ses disciples par le t erme "mûrid" (aspirant à Dieu), ce qui mont re le caract ère ouvert de sa voie.

C'est une voie basée sur les percept s du Coran et de la Sunna (Tradit ion prophét ique) qui prône l'ascét isme. Ce n'est donc point une quêt e philosophique, ou int ellect uelle, mais plut ôt un ret our à la simplicit é originelle de l'Islam, loin du f anat isme ou de l'ext ravagance not ée dans cert ains ordres souf is inf luencés par des t radit ions ext ra islamiques.

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socio-éducat ives comme les Dâra (écoles t radit ionnelles) ou Maj âlis chez les arabes, les inst it ut ions sociocult urelles comme les Dâyira (st ruct ure sociale religieuse et cult urelle), une inst it ut ion administ rat ive comme la communaut é rurale de Touba, le grand Magal de Touba (rassemblement célébrant le départ du guide à l'exil), le Calif at qui f ait of f ice d'administ rat ion cent rale.

La réponse du guide sur les f ondement s du Mouridisme qui peut met t re un t erme aux les spéculat ions, ét ait en ces t ermes: "Les f ondement s de cet t e voie sont la f oi en l'unicit é de Dieu, la soumission, au moyen de la j urisprudence, de la bienf aisance et du myst icisme"(32).

La créat ion de cet ordre ne manqua pas d'inquiét er l'aut orit é coloniale qui, en ret our, se mit à s'agit er pour circonscrire l'act ivit é du guide.

5 - Les autorités coloniales face à Ahmadou :

Lorsque Bamba s'ét ablit à Touba, les disciples accouraient de t out es part s vers lui. Au même moment , un ancien élève de son père, Saër Mat y Bâ, f ils de Mâba Diakhou Bâ, qui ne reconnut j amais l'aut orit é des f rançais, s'ét ait ret iré en Gambie d'où il ent ret enait d'excellent s rapport s avec Cheikh Ahmadou Bamba.

Cet t e sit uat ion ne t arda pas à inquiét er les aut orit és f rançaises, d'une part , essouf f lées par les lut t es incessant es cont re les chef s t radit ionnels et , par ailleurs, gênées par l'inf luence de plus en plus croissant e d'Ahmadou Bamba. Et c'est à part ir de ce moment , en 1888, que les f rançais se mirent à exercer une ét roit e surveillance sur Bamba, comme le not e Paul Mart y : "Pour la première f ois, l'administ rat ion commence à s'inquiét er de ce mouvement naissant (f in 1888)(33).

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(1889). Il demanda au Cheikh de renvoyer les ét udiant s chez eux, de prêcher le calme à ses adept es, et lui of f re des livres saint s en signe d'amit ié… Le gouverneur, "t el Noé chassant Cham", f it expulser de Guet , les Mourides prédicat eurs de guerre saint e"(34).

Quant à Amadou Bamba, souligne-t -il : "Adopt ant l'at t it ude qu'il a conservée j usqu'à ce j our. Il écrivait au gouverneur au commencement de Juillet 1889, qu'il n'avait besoin de rien de ce bas monde f ut ile et périssable"(35).

Les prét endus agissement s de Bamba et de ses disciples provoquèrent , en 1888, un rapport de l'Administ rat eur de la colonie, Leclerc, au Direct eur des af f aires polit iques(36). Cet t e surveillance devait céder la place à des mesures administ rat ives plus coercit ives comme l'int ernement et la déport at ion. L'int ernement comme le décrit Mbaye Guèye "Ét ait donc un procédé de t erreur. C'ét ait une arme t errible qui ne reposait sur aucun principe j uridique. Il aut orisait la répression de t ous les f ait s qui t ombaient ou non sous le coup d'un t ext e"(37).

Sur la base d'accusat ions non j ust if iées et de craint es non f ondées, le guide devait êt re vict ime de mesures administ rat ives arbit raires. Ainsi, il f ut déport é, successivement , au Gabon de 1895 à 1902, en Maurit anie de 1902 à 1907, puis ret enu en résidence surveillée au Sénégal j usqu'à sa disparit ion en 1927.

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t irailleurs et 45 noirs"(39).

Cit ant le même j ournal of f iciel, Serigne Mame Mor af f irme que c'est , précisément , le 20 Sept embre 1902 que Cheikh Ahmadou Bamba a pris départ pour le Gabon.

Cependant , cont rairement à ce que croyait le colonisat eur, Bamba revient auréolé de gloire et son prest ige ne f aisait que grandir j usqu'à sa disparit ion.

6 - Conclusion :

La vie de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké est celle d'un musulman sénégalais, né et éduqué en milieu souf i, mais résolu à af f irmer sa personnalit é spirit uelle dans la créat ion d'un ordre souf i qu'il appellera Al-Murîdiyya. Il a essayé de réaliser son proj et dans un cont ext e polit ique et social marqué, d'une part , par des crises int ernes nées des conf lit s ent re les arist ocrat ies t radit ionnelles et , d'aut re part , par la conquêt e coloniale du Sénégal dont les t enant s nourrissaient beaucoup d'appréhension à l'égard des marabout s, après un passé récent f ait de guerres cont re des marabout s guerriers.

Des rapport s conf lict uels avec les colonisat eurs ét aient inévit ables, et le rapport de f orce qui lui ét ait déf avorable, lui a valu accusat ions débouchant , sur des mesures comme la résidence surveillée, l'int ernement et la déport at ion. Mais, malgré ce cont ext e dif f icile, il s'ef f orcera de met t re en place son proj et . Et par sa f ormat ion int ellect uelle solide, sa vast e cult ure et ses qualit és morales et spirit uelles, il arrivera à convaincre ses concit oyens, se f aire des adept es venus de t ous les horizons de l'échiquier social.

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des pensées remarquable sur le souf isme qui ét ait son domaine de prédilect ion, mais aussi sur la t héologie et la j urisprudence. La conf rérie qu'il a léguée cont inue de polariser beaucoup d'at t ent ion et de drainer des f oules, t ouj ours plus import ant es.

Notes :

1 - Jean Copans : Les marabout s de l'arachide, Ed. L'Harmat t an, 2e éd,

Paris 1988, p. 31.

2 - Fernand Dumont : Cheikh Ahmadou Bamba et le Mouridisme sénégalais, communicat ion à l'occasion de la semaine cult urelle marquant le cinquant aine anniversaire de la mort du f ondat eur du Mouridisme, du 15 au 22 Juillet 1977 à Dakar, Ed. Dâr el Fikr, Dakar, p. 213.

3 - Cf . Amar Samb : L'œuvre lit t éraire de Cheikh Ahmadou Bamba, in Ahmadou Bamba f ace aux aut orit és coloniales (1889-1927), de Ba Omar, Ed. Dâr el Fikr, Dakar, (s.d), p. 232.

4 - Idem.

5 - Quant à Paul Mart y, il n'évoque pas la naissance de Bamba, mais parle plut ôt du j eune Bamba des années 1865, lors de sa f ormat ion à côt é de son père Momar Ant a Sally.

6 - Madiké Wade : Dest inée mouride, Ed. C.W.I., Dakar 1991, p. 53.

7 - Paul Mart y : La religion musulmane au Sénégal, Ed. E. Leroux, 1913, p. 221. 8 - Idem.

9 - Serigne Bassirou Mbacké : Minan al-Bâqî al-Qadîm (les bienf ait s de l'Et ernel) ou la biographie de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (t raduct ion de Khadim Mbacké), Dakar 1995, p. 19 - 20.

10 - L'aut eur ut ilise le t erme Tidiania qui est l'appellat ion de la conf rérie pour désigner les disciples Tîdianes, ce qui révèle une cert aine limit e en arabe. 11 - Paul Mart y : op. cit ., p. 2.

12 - Ibid, p. 572.

13 - Cit é par Madiké Wade : op. cit ., p. 22.

14 - Mbaye Gueye : Cont ribut ion à l'hist oire de la mouridiyya de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Dakar 2004, p. 9.

15 - Idem.

16 - Amar Samb : op. cit ., p. 335.

17 - El Hadj i Amadou Sow : Biographie de Khadimou Rassoul et connaissance du Mouridisme, Ed. Al-Azhar, Dakar, (s.d), p. 70.

18 - Ibid, p. 71.

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p. 99.

20 - Poèt e, moralist e et enseignant . IL naquit au village de Makala et devint Cadi et secrét aire du Dammel (roi) du Cayor, Lat Dior Diop, comme le f ut le père du f ondat eur du Mouridisme, Momar Ant a Saly Mbacké, de 1852 à 1869. 21 - Paul Mart y : op. cit ., p. 12.

22 - Fernand Dumont : op. cit ., p. 574.

23 - Mamadou Lamine Dagana Diop : Irwa an-nadîm min adhab hubb al-khadîm (l'abreuvement du commensal de la douce source d'amour du servit eur), Ed. Dâyirat Khidmat al-Khadîm, Le Caire 2008, p. 20.

24 - Serigne Sam Mbaye : Sûf isme et ort hodoxie dans l'œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, communicat ion à l'occasion de la semaine cult urelle sur la vie et l'œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba, marquant le cinquant ième anniversaire de la mort du f ondat eur du Mouridime, du 15 au 22 Juillet 1977, Dakar, source Omar Ba : Ahmadou Bamba f ace aux aut orit és coloniales (1889-1927), pp. 225 - 232.

25 - Khassim Diakhat é : La doct rine souf ie de Cheikh Ahmad Bamba, f ondat eur de la conf rérie al-Mouridiyya du Sénégal, inf luence et expérience, Annales de la FLSH/ UCAD, nouvelle série, numéro 39/ B, 2009, p. 165-182.

26 - G. C. Ant awi et Louis Gardé : Myst ique musulmane, aspect s et t endances,

expériences et t echniques, Librairie philosophique Jean Vrin, 3e éd.,

Paris 1976, p. 15.

27 - Serigne Sam Mbaye : Sûf isme et ort hodoxie dans l'œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, in Ahmadou Bamba face aux aut orit és coloniales de Omar Ba, Dar el-Fikr, Dakar, (s.d), p. 225.

28 - Idem. 29 - Idem.

30 - Fernand Dumont : op. cit ., pp. 213 - 220. 31 - Ibid. p. 213.

32 - Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké : Recueil de conseils et de réponses (manuscrit ), p. 29.

33 - Paul Mart y : op. cit , p. 224. 34 - Ibid, p. 225.

35 - Idem.

36 - Cf . Mbaye Guèye : Cont ribut ion à l'hist oire de la Mouridiyya de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Ed. U.C.A.D, 2004, pp. 105 - 144.

37 - Ibid. , p. 50.

38 - Journal of f iciel, numéro 98, Samedi 15 Novembre 1902.

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L'ascension et l'ivresse dans la poésie soufie

de Cheikh Moussa Kâ

Dr Saliou Ndiaye Universit é Cheikh Ant a Diop Dakar, Sénégal Résumé :

Cet art icle propose de revisit er les poèmes écrit s en wolof par le souf i Cheikh Moussa Kâ, disciple de Cheikh Ahmadou Bamba. Le disciple et le maît re ont t ous deux évolué ent re le XIXe et le XXe siècle, en Af rique de l’ Ouest et plus part iculièrement au Sénégal. Les poèmes du souf i Cheikh Moussa Kâ révèlent une maît rise surprenant e de ce langage à t ravers lequel se superposent et s'enchevêt rent les voiles symboliques du monde réel avec ceux mét aphysiques de la dimension spirit uelle. Tout efois, son expression poét ique semble suggérer une cert aine originalit é dans la const ruct ion symbolique qu'il aurait réadapt ée à ses propres réalit és sociohist oriques.

Mots-clés :

myst icisme, Moussa Ka, poésie sénégalaise, Islam, dhikr.

***

Depuis le IXe siècle, la poésie a t ouj ours représent é pour beaucoup de maît res du Tasawwuf une f orme d'expression maj eure du vécu spirit uel. Cet t e f onct ion, essent ielle et exclusive chez les souf is solit aires, f ut renf orcée plus t ard, à t ravers l'évolut ion conf rérique, par une seconde vocat ion non moins int ense qui assimilait la poésie à une f orme d'invocat ion de Dieu (adh-dhikr). Ainsi, grâce aux support s symboliques, les init iés pouvaient , d'une part , communiquer, sans danger, l'int ensit é et la vivacit é de leurs myst érieuses expériences personnelles et , d'aut re part , exprimer leur Reconnaissance(1) f ace à t out es ces grâces, en passant inévit ablement par la proclamat ion de l'Amour(2) pour le maît re spirit uel.

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suggérer une cert aine originalit é dans la const ruct ion symbolique qu'il aurait réadapt ée à ses propres réalit és sociohist oriques. A ce niveau précis, il sied de s'int erroger sur la place remarquable de l'eau qui, chez ce poèt e, est au-devant de t ous les support s j usque-là usit és par les aut res souf is.

Ainsi, cet art icle se propose d'apport er un éclairage sur la personnalit é myst ique, au-delà de la dimension lit t éraire, de ce poèt e, disciple et chant re de Cheikh Ahmadou Bamba(4). Nous commencerons par une analyse préalable de la f onct ion de la poésie dans le souf isme avant de revisit er la valeur des support s symboliques dans le langage des init iés et plus part iculièrement dans celui de Cheikh Moussa Kâ. Cet t e dernière part ie donnera l'occasion d'apprécier les mouvement s de l'eau qui ont permis au poèt e de voiler et de dévoiler des ét apes de l'Ascension(5) du souf i.

1 - Les voiles superposés du langage soufi :

A t ravers son langage, le souf i semble t ouj ours sit uer la grande révélat ion dans le silence. En ef f et , les subt ilit és du vécu int érieur des ét at s spirit uels insondables de l'âme semblent conduire et subj uguer l'expression de l'init ié à t el point que ses propos int erloquent et convoquent t ouj ours le silence et la médit at ion. A ce niveau, nous part ageons l'avis d'un spécialist e qui dit que "la science ult ime, en souf isme, est celle du silence"(6).

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avert issement et convoque le silence t el que nous l'avons déj à not é plus haut .

"Le Tasawwuf est t el qu'il se passe à l'int érieur du souf i des choses que Seul le Vrai (Dieu) appréhende et qu'il est en permanence avec Lui dans un ét at que Lui seul comprend"(8).

Cela veut dire que même si le souf i avait t ent é d'exprimer son vécu int érieur - et cela ne manquerait pas - il en serait incapable. C'est j ust ement f ace à cet t e limit e que l'init ié f ait recourt à l'allusion (al-ishâra) et à dif f érent s support s puisés du monde réel et plus précisément du milieu sociocult urel connu, af in de symboliser des réalit és mét aphysiques. Ainsi, ces symboles lui permet t ent , non seulement de dévoiler aux aut res init iés, par l'allusion, des réalit és subt iles et cachées, mais aussi de voiler son langage f ace aux prof anes parmi lesquels f igurent les doct eurs de la Loi, maît res de la "censure".

Plus t ard, le souf i sent ira le besoin de renf orcer ce voile de l'allusion en lui superposant un aut re plus dense et plus énigmat ique. C'est celui du langage poét ique. En ef f et , la poésie en t ant que t elle est le lieu par excellence des symboles et des allusions. En out re, elle est à même de pouvoir communiquer les sensat ions subt iles du cœur du f ait qu'elle est enf ant ée par l'inspirat ion, l'une des sources légit imes de prof usion de la connaissance myst ique (Al-Mârif a)(9).

Parmi ces premiers poèt es, les biographes et spécialist es du souf isme ont ret enu des noms comme ceux de Râbiâ al-Adawiyya, de Dhun-Nûn al-Misrî, D'Abul- Hassan an-Nûrî et d'Abû Saîd ben Abil-Khayr(10). Mais de t out es ces générat ions de souf is solit aires, le langage de T

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ayf ûr al-Bist âmi(11) et celui d'Abû Mansûr al-Hallaj(12) sont les plus énigmat iques et plus riches en symboles. La part icularit é de ces deux souf is s'est t rouvée dans le f ait qu'ils semblaient plus f réquemment parler sous l'emprise de l'Ivresse et qu'ils ét aient amenés à déf ier la loi du silence.

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nouvelles f onct ions qui lui sont assignées semblent venir se superposer les unes sur les aut res. Avant de donner un pet it aperçu sur ces f onct ions en quest ion, not ons que, concernant sa nat ure et ses support s, nous part ageons l'avis du spécialist e Eric Geof f roy qui a consacré, dans son ouvrage, t out un chapit re à l'ét ude de cet t e quest ion(13). A ce propos, il a mont ré que "la poésie souf ie, surt out à part ir du XIIIe siècle, a réinvest i et vivif ié les t hèmes de la poésie arabe classique (l'amour, le vin…), et les genres poét iques qui leur servaient de récept acles (ghazal, khamriyya, muwashshah)"(14).

La première f onct ion de la poésie dans le souf isme est sans dout e le f ait de représent er un moyen except ionnel qui permet d'exprimer le plus aut hent iquement possible des réalit és mét aphysiques que les cont raint es rat ionnelles liées à la prose empêchent de capt urer. C'est ainsi qu'on peut se permet t re, à t ravers elle, de dire son Amour pour son Créat eur, de racont er son Voyage qui déf ie le t emps et l'espace vers l'Un et de parler de l'éclat d'une connaissance int uit ive insondable. Grâce aux support s de son langage codé, cet t e poésie aut orise au souf i d'exploser au beau milieu de son ext ase et de part ager avec ses f rères sa souf f rance et sa désorient at ion lorsqu'il est sous l'emprise de la Perplexit é(15). Cet t e f onct ion a ét é const ant e dans la product ion des souf is solit aires des premières générat ions évoqués ci-dessus.

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Ces deux f onct ions semblent êt re inséparables. Elles sont aussi t out es deux liées à deux concept s t rès chers aux souf is de ces dernières générat ions : le dhikr ou l'invocat ion de Dieu et la Réalit é Muhammadienne (Al-Haqiqa al-Muhammadiyya)(17). Le premier concept renvoie au moyen dévot ionnel le plus ef f icace que les maît res des conf réries auraient t rouvé pour purif ier le cœur du disciple(18). D'ailleurs le dhikr a t ouj ours ét é au milieu des prat iques spirit uelles init iat iques de t out es les générat ions de souf is. Celles des conf réries l'ont renf orcé en réservant à la poésie une part ent ière dans ses f ormes d'exécut ion. Ici, le poème t ient sa f onct ion dévot ionnelle dans l'expression de l'Amour divin et de la Reconnaissance de Ses grâces qui semble êt re chez le dévot la f orme primordiale de l'Invocat ion.

Par ailleurs, la "Réalit é mohammadienne", symbolisée dans ce Bas-monde par la dimension physique et hist orique du Prophèt e, en t ant que modèle de l'êt re humain accompli, dépasse le t emporel pour êt re une "réalit é mét aphysique et cosmologique"(19) qui renvoie à l'ont ogénèse. Pour les souf is de ces générat ions, elle sert surt out de cat alyseur à l'Amour du Prophèt e qui, non seulement est un passage obligé vers la sincérit é de l'Amour divin comme le suggère un hadit h(20), mais s'ident if ie à celui-ci, au sommet de sa plénit ude. C'est dans ce sens qu'à t ravers la poésie, en proclamant son Amour pour le Prophèt e et en lui dédiant des panégyriques, le souf i plonge dans la prat ique de l'Invocat ion de Dieu. Cheikh Ahmadou Bamba, le maît re spirit uel de Cheikh Moussa Kâ avait incont est ablement hissé cet t e prat ique au sommet de la dévot ion sincère(21).

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expériences spirit uelles aut hent iques. Tout ef ois, l'on va const at er dans la suit e une part icularit é dans sa modalit é de "réinvest ir" les t hèmes et les symboles employés par les premiers poèt es souf is. 2 - L'eau, source de lumière :

L'Amour divin chant é par le poèt e souf i est également un ét at ou une st at ion spirit uelle vécue par l'init ié au sommet de son Ascension(24). Cela veut dire qu'à ce st ade, il exprime une expérience except ionnelle qui l'a mené j usqu'au seuil de la Jonct ion(25) où la Lumière divine lui apparaît . Cet t e Réalit é, dans Sa splendeur, le f ascine, l'hypnot ise, l'éblouit et s'empare de t ous ses sens. C'est pourquoi ce poème d'Amour est indist inct du cri d'ext ase poussé par le souf i perdu dans les t ourbillons de son Ivresse. Exprimant ardemment son Désir de se f ondre dans cet t e lumière, il souf f re et ne support e pas la séparat ion avec son Bien Aimé. Af in de donner une idée de l'int ensit é de cet t e souf f rance, le poèt e symbolise parf ois ce Désir par une maladie. C'est cela que nous comprenons à t ravers ces vers d'Abû Mansûr(26):

Ils m'ont dit : vas t e f aire soigner par Lui, mais j e leur réponds :

Ô mes amis, est -ce que le mal se soigne par le mal ? C'est l'Amour pour mon Seigneur qui m'a consumé et m'a rendu malade

Comment vais-j e alors me plaindre de mon Seigneur auprès de mon Seigneur ?

D'aut res poèt es f ont allusion à cet t e at t irance à t ravers une servilit é dans laquelle l'amoureux perd la raison. Cheikh Alâwî(27) f ait part ie de ceux-là, comme le suggère ses vers ci-après. Not ons également que la Réalit é divine est symbolisée ici par le nom d'une f emme, ce qui permet au poèt e de recréer, par le biais des out ils du prof ane, un lieu de rencont re apparemment romant ique mais haut ement symbolique, par l'int imit é, la complicit é et le Désir(28) d'union qui sont t out aut re(29):

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Eperdu ét ait mon cœur.

Le même poèt e n'hésit e pas à passer par l'érot isme (al-ghazal) qui est un aut re genre poét ique, af in d'évoquer cet t e rencont re(30):

Telle une mariée la Présence est apparue Dans sa splendeur, lors de sa descent e ! Sa main a cherché la mienne...

Sa belle silhouet t e m'a subj ugué.

Un t roisième poèt e propose une symbolisat ion qui semble êt re celle part agée par la plupart des souf is. Ce Désir de rencont re et cet t e souf f rance de la séparat ion f ont l'obj et d'une allusion à la soif chez Al-Bist âmî. C'est bien cet t e soif qui annonce le vin, support symbolique par excellence ut ilisé dans la lit t érat ure souf i pour désigner l'Amour ou la Lumière divine. Not ons qu'Abû Yazîd al-Bist âmî est considéré comme l'un des précurseurs de la t endance qui a t ouj ours sublimé l'Ivresse au dét riment de la Lucidit é. A t ravers les vers ci-dessus, non seulement la rencont re a eu lieu, mais ce Désir ou cet t e soif commence à êt re apaisée par les soins de l'Amant(31):

Il m'a abreuvé d'une boisson qui a apaisé mon cœur, Par le verre de l'amour puisé de la mer de l'af f ect ion.

Lorsque Cheikh Moussa Kâ voile, dans ces poèmes, sa propre personnalit é et indexe celle de son maît re, hissé au sommet de l'incarnat ion prophét ique(32), il ne f ait pas aut re chose que d'exalt er l'Amour divin. En ef f et , les souf is de t out es les conf réries ne dissocient pas l'Amour du maît re init iat eur de l'Amour du Prophèt e, car celui-ci est le vérit able maît re. Or, comme nous l'avons évoqué plus haut , l'Amour pour ce grand maît re s'ident if ie à l'Amour de Dieu. Aussi, la même expérience du souf i solit aire est revécue par le disciple quand il magnif ie sa rencont re avec son maît re, déposit aire, à ses yeux, de la lumière mohammadienne. C'est dans ce sens qu'il f aut lire les vers suivant du poèt e lorsqu'il décrit son propre maît re(33):

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