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Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, Algérie, N° 03, 2005

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Université de Mostaganem

             

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Revue académique de l'université de Mostaganem

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ISSN 1112 - 5020

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Revue académique consacrée aux domaines du patrimoine Editée par l'université de Mostaganem

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Revue Annales du Patrimoine

Directeur de la revue

Mohammed Abbassa

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Responsable de la rédact ion)

Comité consultatif

Larbi Dj eradi (Algérie) Slimane Achrat i (Algérie) Abdelkader Henni (Algérie) Edgard Weber (France) Zacharias Siaflékis (Grèce)

Mohamed Kada (Algérie) Mohamed Tehrichi (Algérie) Abdelkader Fidouh (Bahreïn) Hadj Dahmane (France) Amal Tahar Nusair (Jordanie)

Correspondance

Pr Mohammed Abbassa

Direct eur de la revue Annales du pat rimoine Facult é des Let t res et des Art s Universit é de Most aganem - Algérie

Email

annales@mail.com

Site web

http://annales.univ-mosta.dz

ISSN 1112 - 5020

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Recommandations aux auteurs

Les aut eurs doivent suivre les recommandat ions suivant es : 1) Tit re de l'art icle.

2) Nom de l'aut eur (prénom et nom).

3) Présent at ion de l'aut eur (son t it re, son aff iliat ion et l'universit é de provenance).

4) Résumé de l'art icle (15 lignes maximum). 5) Art icle (15 pages maximum, format A4).

6) Not es de f in de document (Nom de l'aut eur : Tit re, édit ion, lieu et dat e, t ome, page).

7) Adresse de l'aut eur (l'adresse devra comprendre les coordonnées post ales et l'adresse élect ronique).

8) Le corps du t ext e doit êt re en Times 12, j ust if ié et à simple int erligne et des marges de 2.5 cm, document (doc ou rt f).

9) Les paragraphes doivent début er par un alinéa de 1 cm.

10) Le t ext e ne doit comport er aucun caract ère souligné, en gras ou en it alique à l'except ion des t it res qui peuvent êt re en gras.

Ces condit ions peuvent f aire l'obj et d'amendement s sans préavis de la part de la rédact ion.

Pour acheminer vot re art icle, envoyez un message par email, avec le document en pièce j oint e, au courriel de la revue.

La rédact ion se réserve le droit de supprimer ou de reformuler des expressions ou des phrases qui ne conviennent pas au st yle de publicat ion de la revue. Il est à not er, que les art icles sont classés simplement par ordre alphabét ique des noms d'aut eurs.

La revue paraît au mois de sept embre de chaque année. Les opinions exprimées n’ engagent que leurs aut eurs

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Sommaire

Comment peut -on devenir Arabe ?

Mihael a Arnat 7

Le Soufisme maghrébin ent re l'aut hent icit é et la perversion

Dr Mokht ar At al l ah 13

Le paradoxe

Haf sa Bekhel ouf 39

Une grande figure soufie d'orient et d'occident René Guenon

Larbi Dj eradi 61

Translat ion as a Transmit t er of Feminist Ideology

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© Université de Mostaganem, Algérie 2005

Comment peut-on devenir Arabe ?

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran

Mihaela Arnat Universit é de Suceava, Roumanie

Résumé :

Le roman "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran" est un roman d’ init iat ion et d’ éducat ion, un roman de la t olérance conf essionnelle. Roman de l’ échange spirit uel ent re les deux civilisat ions. C’ est j ust ement cet t e pluralit é d’ hypot hèses int erprét at ives qui, au niveau t hémat ique, t out comme au niveau discursif , ouvre au roman d’ Eric-Emmanuel Schmit t une virt ualit é fert ile de pist es de lect ure où deux manières de penser, deux façons d’ expressions se rencont rent heureusement .

Mots-clés :

Arabe, Schmit t , Coran, sagesse, musulman.

***

Arabe, cela veut dire "ouvert de huit heures du mat in j usqu’ à minuit et même le dimanche, dans l’ épicerie". C’ est une phrase persévérant e qui revient maint es f ois t out au long du livre d’ Eric-Emmanuel Schmit t , "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran". C’ est beaucoup, pour ne pas avoir de signif icat ion, et assez, pour nous suscit er l’ int érêt . Monsieur Ibrahim est , depuis quarant e ans, l’ Arabe d’ une rue j uive localisée chromat iquement comme la rue Bleue. Mais t out commence, comme dans la plus vieille des hist oires, dans la rue de Paradis. C’ est ici qu’ un garçon, et son nom est Moïse, a perdu son bon sens. Il a onze ans et il a cassé son cochon. Pour aller voir les mauvaises filles. Le cochon ét ait sa t irelire dont les ent railles cachaient deux cent s francs, l’ ef fort de quat re mois parcimonieux. C’ est précisément le prix de l’ âge de l’ homme.

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ent re sa caisse et les produit s d’ ent ret ien, une j ambe dans l’ allée, l’ aut re sous les boît es d’ allumet t es, une blouse grise sur une chemise blanche, des dent s en ivoire sous une moust ache sèche, et des yeux en pist ache, vert s et marron, plus clairs que sa peau brune t achée par la sagesse"(1). La sagesse de monsieur Ibrahim c’ est un fait indéniable et cela vient de sa const ance de quarant e ans dans la rue j uive, de sa façon de parler peu et de sourire beaucoup, de sa sereine immobilit é sur son t abouret , et même de sa t roublant e absence ent re minuit et huit heures du mat in.

De l’ épicerie de monsieur Ibrahim le gamin vole des boît es de conserves. Il vole monsieur Ibrahim non sans hont e, cependant . La vilenie ét ait disculpée par cet t e excuse rassurant e que le pet it voleur se répét ait consciemment : "Après t out , c’ est qu’ un Arabe"(2). Mais, lorsqu’ il vole son père, il le fait avec la sat isfact ion de celui qui a ét ait out ragé. Le père, avocat économe, avait demandé des explicat ions pour l’ argent que Moïse dépensait pour faire bouillir la marmit e. Mais, ce que le père ne savait pas, c’ ét ait que cet t e malhonnêt e t irelire à sens unique, ne permet t ant que d’ y glisser l’ argent sans en sort ir, eût déj à ét é cassée. Le rit e préliminaire de séparat ion ét ait déj à accompli.

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cherchant à t rouver les différences qui devraient séparer les deux religions. Différences qui t ardent d’ apparaît re puisqu’ il découvre que "les j uifs, les musulmans et même les chrét iens, ils avaient eu plein de grands hommes en commun avant de se t aper sur la gueule"(6). Cela ne le concernait pas, se disait -il, mais le réconf ort ait .

Pour Moïse l’ hist oire cont inue funest ement . Son père, ayant perdu son boulot , quit t e la maison et se suicide. La mère revient voir l’ enfant abandonné il y a des années et t rouve Momo. "Voilà, maint enant j e suis Momo, celui qui t ient l’ épicerie de la rue Bleue, la rue qui n’ est pas bleue. Pour t out le monde, j e suis l’ Arabe du coin. Arabe, ça veut dire ouvert la nuit et le dimanche, dans l’ épicerie"(7). Not re lect eur se demande

légit imement , bien sûr, quel serait l’ enj eu pour lequel on a dévoilé, au milieu de not re propos, la t ransformat ion du j uif Moïse dans l'arabe Momo. Vu que ce n’ ét ait pas la surprise de cet t e conversion que nous voulions énoncer, on a cit é sans hésit at ion la fin du livre. L’ essent iel pour not re ét ude, ce n’ est pas de saisir le changement de Moïse en Momo, mais de rassembler dans un dipt yque j udéo-musulman les idées, les considérés, les supposés et les présupposés disséminés t out au long du livre et récurrent es à cet t e t héologie composit e.

Et on croit fort ement , qu’ en réalit é, il ne s’ agit pas d’ une conversion, mais d’ une récupérat ion spirit uelle de l’ Arabe Momo. Des rares phrases que Schmit t a fait prononcer le père de Moïse, on se rappelle la suivant e : "Êt re j uif, c’ est simplement avoir de la mémoire. Une mauvaise mémoire"(8). Pour échapper à cet t e maudit e mémoire le père choisit le suicide, t ouj ours pour guérir d’ elle, l’ enfant fait l’ apprent issage d’ une aut re confession. Confession qui ne supplant era pas celle j uive, mais qui lui fera du bien.

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les phrases à suivre : "Ici ça sent le cierge, c’ est cat holique. Là, ça sent l’ encens, c’ est ort hodoxe"(9). Dans la mosquée Bleue, Moïse apprend qu'un lieu de prière qui sent les hommes est cert ainement fait pour les hommes. Là, chacun se sent , sent les aut res, donc on se sent déj à mieux. C’ est une leçon d’ humilit é profonde que monsieur Ibrahim enseigne à son fils - car Moïse deviendra son fils par adopt ion - et cet t e leçon consist e dans cet t e vérit é simple : on ne vaut mieux que not re voisin.

Momo s’ inst ruit également dans l’ art de vivre. Il apprend à sourire, à avoir chaud, à êt re heureux. Le bonheur est d’ abord ressent i comme une sensat ion de chaleur cont rast ant e avec la froideur de la maison du père. L’ enfant demande candidement à son maît re où t rouver le bonheur. Monsieur Ibrahim lui en avoue la source, le Coran, pour aj out er plus t ard que les grandes vérit és ne sont pas dans les livres. Le sage monsieur Ibrahim sait que "l’ homme à qui Dieu n’ a pas révélé la vie direct ement , ce n’ est pas un livre qui la lui révélera"(10). Lorsque le pet it Moïse rest e seul, il commence à vendre les livres de son père aux bouquinist es de la Seine. On peut y déceler plus qu’ un act e freudien, c’ est une libérat ion idéologique. Loin de t out e fict ion, Momo verra clairement sa vie. Il se rendra compt e que l’ Arabe n’ ét ait pas arabe, que la rue bleue n’ ét ait guère bleue, que t ous les t ruismes sont à t omber, que la vie n’ at t endait qu’ à commencer. Ce n’ est pas du t out innocent e la réplique qu’ il donne à sa mère : "Moi, on m’ appelle Momo"(11). Ce qui suit signifie l’ accept at ion volont aire et fière de son nouveau st at ut : "Ah bon ? Tu n’ es pas Moïse ? Ah non, ne faut pas confondre, madame. Moi, c’ est Mohammed"(12).

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s’ agit de deux civilisat ions socialement caract érisées par les deux confessions. Il faudrait néanmoins prêt er at t ent ion au décor parisien où se déroule l’ hist oire. Ce que Moïse devait changer, ce n’ ét ait pas la religion j udaïque, mais ses préj ugés européens.

Le romancier ne fait point de son roman un "éloge de l’ Islam". Aussi f aut -il pas se méprendre sur la significat ion de la mét amorphose de Moïse / Momo. Or c’ est même cet t e conversion qui occult e un niveau subt il de l’ int erprét at ion pragmat ique du t ext e. La conversion ét ait un élément accessoire, sur lequel un lect eur coopérat if pourrait facilement ant iciper. En premier lieu, ce que Moïse apprend c'est réfut er les idées reçues. Ainsi l’ Arabe n’ est pas Arabe, la rue Bleue, n’ est pas bleue. Le syllogisme crédit erait la conclusion suivant e : le j uif Moïse n’ ét ait pas j uif . Progressivement , l’ enfant apprend à voir au-delà de la surface des choses, renonçant à la manière d’ appréhension occident ale et épidermique pour s’ en approprier une aut re, ext ensionnelle, non dépendant e d’ une cult ure dét erminée. Il cont est e les direct ions préét ablies car "les dict ionnaires n’ expliquent bien que les mot s qu’ on connaît déj à"(13). Ainsi, le péril ne viendrait pas de la religion mais de l’ idéologie qu’ elle act ive : "il y a des façons de penser qui sont aussi des maladies, disait souvent monsieur Ibrahim"(14).

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"Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran" - roman d’ init iat ion et d’ éducat ion ? Roman de la t olérance confessionnelle ? Roman de l’ échange spirit uel ent re les deux civilisat ions ? C’ est j ust ement cet t e pluralit é d’ hypot hèses int erprét at ives qui, au niveau t hémat ique, t out comme au niveau discursif, ouvre au roman d’ Eric-Emmanuel Schmit t une virt ualit é fert ile de pist es de lect ure où deux manières de penser, deux façons d’ expressions se rencont rent heureusement .

Comment peut -on devenir Arabe ? Moïse y connaît la réponse. Tout simplement parce qu’ il ne s’ est j amais posé la quest ion. Ou j ust ement parce qu’ on a lui appris comment se poser les quest ions.

Notes :

1 - Eric-Emmanuel Schmit t : Monsieur Ibrahim et les f leurs du Coran, Albin Michel, Paris 2001, pp. 12 - 15.

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© Université de Mostaganem, Algérie 2005

Le Soufisme maghrébin entre l’ authenticité

et la perversion des rites

Dr Mokht ar At allah Universit é de Most aganem, Algérie Résumé :

La relat ion ent re l’ univers de représent at ions t ransmis de générat ion en générat ion et l’ univers const ruit par le suj et maghrébin, nous mène vers ce qui est appelé la psychologie proj ect ive puisque t out es les t ransformat ions opérées dans les comport ement s t radit ionnels nous renseignent sur le processus de l’ évolut ion de la myst ique souf ie au Maghreb. En ce sens, pourquoi est -ce que le suj et collect if ret ient , adopt e ou change t els ou t els f ait s plut ôt que d’ aut res ? Les comport ement s observés chez les maghrébins ne sont nullement des f ait s universaux, mais des f ait s relat if s à la t radit ion et la religion musulmane au Maghreb.

Mots-clés :

soufisme, Maghreb, rit es, t radit ions, religion.

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A priori, nous supposons que le Souf isme const it ue un ensemble d’ act es comport ement aux (t radit ions) appréhendés comme des f ait s signif iés dont la compréhension relève de la compét ence et de la perf ormance logico-sémant iques d’ un suj et pot ent iel qui veille à la variét é (polysémie) de l’ int erprét at ion, c’ est -à-dire de sa capacit é à décrypt er les f ait s symbolisés par un act e reçu et qui dépendent direct ement de sa cult ure et de son appart enance et hnologique, sociologique et hist orique.

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au Maghreb.

Dès lors, la relat ion ent re l’ univers de représent at ions t ransmis de générat ion en générat ion et l’ univers const ruit par le suj et maghrébin, nous mène vers ce qui est appelé la psychologie proj ect ive puisque t out es les t ransf ormat ions opérées dans les comport ement s t radit ionnels nous renseignent sur le processus de l’ évolut ion de la myst ique souf ie au Maghreb. En ce sens, pourquoi est -ce que le suj et collect if ret ient , adopt e ou change t els ou t els f ait s plut ôt que d’ aut res ? Les comport ement s observés chez les maghrébins ne sont nullement des f ait s universaux, mais des f ait s relat if s à la Tradit ion / Religion musulmane au Maghreb, c’ est -à-dire condit ionnés cult urellement et hist oriquement en vert u de sa souche aut ocht one.

1 - Sur le plan historique :

La populat ion désignée par le t erme berbère signif iant "celui qui est ét ranger à la civilisat ion gréco-lat ine" recouvre l’ ensemble des maghrébins qui parlaient et parlent t ouj ours des dialect es puisant leurs vocables dans un même réservoir linguist ique n’ ayant j amais accédé au st at ut de langue of f icielle et devenu le point commun de quelques millions d’ habit ant s.

En ef f et , dès le VIIe siècle, on s’ at t achait à écrire en arabe, parf ois sans comprendre grand-chose, mais on en devinait quand même le sens. En dépit de l’ enseignement coranique, bon nombre de mot s arabes rest ent ét rangers et incompréhensibles pour les Berbères des mont agnes. Ceci dit , nous dist inguons dans le groupe berbère : le t ype Kabyle, le t ype Chaoui, le t ype Mozabit e et le t ype Targui.

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pouvoir sur l’ ensemble de l’ arrière-pays et réorganise polit iquement et économiquement le Maghreb.

A part ir du IIIe siècle, la dominat ion romaine décline, laissant place aux Vandales qui débarquent au début du Ve siècle. Not ons qu’ aucune de ces t rois conquêt es n’ exerça une grande inf luence sur le Maghreb berbère. Les Byzant ins n’ eurent pas plus de chance et le Maghreb garda sa spécif icit é. L’ invasion arabe, au VIIe siècle, se heurt a à une f arouche résist ance ; mais elle parvint à s’ imposer après s’ êt re ét endue à l’ Espagne.

A part ir du Xe siècle, des t roubles polit iques et religieux éclat ent au Maghreb f avorisant la prépondérance marocaine sous l’ act ion de dynast ies réclamant f anat iquement leur at t achement à la seule Religion musulmane en dépit de la croyance en un seul Dieu, "Allah", auquel on s’ adressait aussi bien en arabe qu’ en berbère.

Cet t e décapit at ion hist orique, f aiblesse chronique du Maghreb, rend possible, au début du XVe siècle, les dif f érent es invasions : port ugaise et espagnole. Une opposit ion implacable f ut dressée cont re les envahisseurs qui durent se cont ent er de quelques port s f ort if iés. Par ailleurs, la résist ance apport a un nouvel élément dans la spécif icit é maghrébine.

Les populat ions berbères j usqu’ alors opposées à l’ Islam s’ y adonnèrent en mêlant pat riot isme et f erveur religieuse ; ce qui f acilit a l’ int ervent ion des Turcs qui vinrent à la rescousse des populat ions locales et s’ y inst allèrent de la f in du XVIe siècle j usqu’ au premier quart du XIXe siècle.

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d’ évangélisat ion.

2 - Sur le plan culturel :

Cult urellement , les échanges ent re l’ arabisme et le berbérisme f urent t rès int enses qu’ il serait impossible à l’ esprit de les dist inguer l’ un de l’ aut re. Le droit coranique, aussi spécif ique qu’ il soit , est t rès dif f icile à dist inguer du droit berbère. C’ est donc dans cet t e perspect ive de conf ront at ion permanent e ent re les dif f érent s groupes et hniques que s’ élabore la cult ure originale du Maghreb.

Les populat ions maghrébines t rouvent leur idéal dans le passé à savoir : la f idélit é à la t radit ion des ancêt res comme valeur absolue qui domine t ous les act es de la vie sociale. Cet hérit age ancest ral est t ransmis essent iellement sous f orme de t radit ions orales dans le cadre d’ une ident it é originelle spécif iquement berbère puisqu’ il est t ouj ours quest ion de t ransmet t re irréversiblement , de siècle en siècle, les croyances, les révélat ions, le savoir des Anciens et l’ image de soi f ormée par le groupe et hnique auquel on appart ient .

Ces t radit ions orales t ent ent de dot er les plus j eunes membres du groupe d’ un enseignement capable de f orger chez eux un avenir qui représent e l’ image vivant e du passé.

La f amille, première école, apprend à l’ enf ant t out es les règles de civilit é en rest ant f idèle à la langue, aux us et cout umes, à la Foi considérée comme f ondée. C’ est ainsi que s’ af f irme le convent ionnalisme qui gère la cult ure maghrébine. Il en découle une volont é de donner à l’ aut re, plut ôt qu’ à soi-même, l’ apparence d’ une personnalit é saisie en t ant qu’ êt re pour aut rui, perpét uellement sous le regard des aut res.

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ancêt re honoré d’ un cult e. Le syst ème social qui en découle est conçu sur la généalogie qui leur permet de se découvrir des Ancêt res communs. Not ons, à ce propos, que la généalogie représent e une st ruct ure sociale proj et ée dans le passé et par ailleurs rat ionalisée et légit imée. L’ Islam (s’ en remet t re à la volont é d’ Allah) dénominat eur commun, est incrust é dans t out e la sociét é. Tout es les at t it udes sociales ou int ellect uelles sont int erprét ées ou réint erprét ées en réf érence au Coran : cérémonies, rit es, cout umes, naissances, mort , f emme recluse, prière collect ive, obligat ions, int erdit s, bapt ême, circoncision ; d’ où le problème de la symbolisat ion.

3 - La Symbolisation :

Du coup, il n’ y aurait que la symbolisat ion, exprimée à t ravers les rit es ident it aires et le mode de vie locale, qui impliquerait l’ exist ence d’ un dét erminisme des f ait s inclus dans le processus du Mekt oub admis par la t ot alit é du groupe t radit ionnel, en part iculier l’ élément f éminin qui f onct ionne par implicat ion et réf érence symbolique. Cependant , il est à not er que, dans le t ravail de la symbolisat ion, t out repose sur les présupposés cult urels et religieux ; d’ où l’ analogie int ert ext uelle voilée par les f eint es caricat urales auxquelles il est souvent f ait appel dans un t el processus (Cf . Rapport implicit e ent re les personnages marabout iques et coraniques).

Ce t ravail de la symbolisat ion, assez part iculier, procède de l’ admission, implicit e ou explicit e, du principe de causalit é qui préside dans l’ act e rit uel comme f ondement du processus d’ ident if icat ion ; d’ où l’ inévit able examen de la symbolique des élément s mét aphoriques et de leur agencement délibéré comme clés des Myst ères et des Miracles. A ce niveau, il nous f aut dist inguer les act es prof anes des act es sacrés.

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t ous les rit uels et les act ions signif icat ives qui réalisent le sens que leur at t ribue le groupe t radit ionnel, considérant qu’ elles répèt ent consciemment celles recommandées ab origine par Allah à ses Prophèt es et perpét uées par des pères spirit uels. Par conséquent , la réalit é devient synonyme de l’ imit at ion d’ un act e archét ypal pour l’ esprit du groupe t radit ionnel maghrébin.

Cet t e répét it ion conscient e des act es et des sacrif ices, sous f orme d’ act ions paradigmat iques, mont re une sort e d’ ont ologie originelle à plusieurs niveaux de la vie puisque la signif icat ion et la valeur de ces act es sont rat t achées à la reproduct ion / répét it ion d’ act es sacrés d’ une donnée myt hico-religieuse au sens où ils revoient à un act e ab origine.

Nous convenons que t out es ces act ions acquièrent , selon le code qui leur est at t ribué, une valeur religieuse et sont considérées comme réelles puisqu’ elles part icipent à la réalit é qui les t ranscende à t ravers l’ act ualisat ion par la répét it ion. En ce sens, le t emps concret , act uel, de la réalisat ion du rit uel coïncide t erme à t erme avec le t emps myt hique proj et é par le cycle. Il y aurait alors superposit ion du passé et du présent avec une proj ect ion f ut ure ; d’ où la valeur cult urelle du Souf isme dans t out es les sphères sociales maghrébines où il s’ accommode de la souche dominant e, quel que soit son degré d’ int ellect ion, par l’ adapt at ion de t out es les manif est at ions cult urelles aussi hét éroclit es soient -elles, sans rien rej et er, selon un processus syncrét ique.

En ef f et , c’ est dans cet esprit que les conf réries souf ies servaient de passerelles ent re l’ int ellect ualit é des haut es sphères myst iques et la dévot ion populaire ; et pour ce f aire, des poèt es souf is créèrent des chant s de dévot ion et de prières en langue vulgaire, élément s t rès import ant s dans la cult ure lit t éraire des basses classes sociales.

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prat iques inint elligibles et des déviat ions dues à l’ analphabét isme des masses populaires et leur sous-cult ure ; ce qui a permis à l’ ort hodoxie musulmane d’ user à bon escient de cet t e carence et de s’ insurger cont re t out ce qui relève du Marabout isme, à savoir : le Cult e des Saint s locaux, les Légendes, les Miracles, les Manif est at ions f rénét iques, les Transes et aut res. Pour l’ Ort hodoxie Musulmane, il ne s’ agit là que de déviat ions superst it ieuses, ét rangères à l’ Islam.

En dépit de l’ appart enance sunnit e de Dj alal ud Dine Rumi, Rabia al Adawiya, Dhu Nun al Misri, Al Halladj , Omar Ibn al Farid, Es Sanaî, Al At t ar, Al Dj ani, Mahmud Shabest ari, Al Muhassibi, Abdul Allah al Ansari, Al Ghazali et Ibn Arabi qui const it uent les grandes f igures int ellect uelles du Souf isme, les at t aques des Oulémas (maghrébins et aut res) ont ét é persist ant es et considéraient la Myst ique comme non ort hodoxe ; et pourt ant Al Ghazali avait réussi à épurer la Tradit ion musulmane et à concilier ent re l’ Ort hodoxie et le Souf isme saisi comme dimension int erne de l’ Islam.

C’ est dans cet t e perspect ive que les conf réries prét endaient j ouer leur rôle dans la sociét é puisque l’ élément maghrébin naissait et vivait dans les villages et les quart iers bas des villes sous le pat ronage des zaouïas qui réunissaient t ous les membres inf luent s de l’ ordre ; le plus souvent rat t achés par des liens f amiliaux. C’ est aussi dans ces zaouïas que l’ on récit ait le Coran, qu’ on apprenait les chant s et les danses dans la prot ect ion et dans l’ int ercession des Saint s, puisqu’ elles ét aient considérées comme le lieu privilégié de la prière et de la médit at ion. Lieux de rappels des réalit és spirit uelles, elles const it uaient une présence vivant e de la Foi musulmane.

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caract ère de religion populaire, pour lequel il n’ exist e aucune dist inct ion de classes et où t ous les membres de la sociét é f orment une vérit able f amille, const it ue un t rait pert inent et un f act eur essent iel dans la répulsion des masses à l’ égard de l’ Ort hodoxie des Oulémas et des Cheikhs bourgeois. En out re, l’ élément f éminin, reclus par l’ Ort hodoxie, pouvait part iciper à cet t e f orme de Souf isme et même organiser ses propres cercles.

Sans vouloir remont er aux origines, c’ est à part ir du VIIe / XIIIe siècle que le Souf isme, sous une f orme modérée, s’ inst alle au Maghreb, adopt ant le "Samâ", concert spirit uel, et le "Raqs", danse myst ique. Tout ef ois, il s’ avère déj à ent aché des t rait s du Marabout isme, c’ est -à-dire la personnalit é supra-normale du Cheikh (Maît re) et le goût du merveilleux.

Pour ce f aire, dès le XIe siècle, les zaouïas ét aient subvent ionnées par des dot at ions pieuses. Un siècle plus t ard, ces lieux de cult e devinrent des Tariqa, doct rines myst iques, qui dispensaient un enseignement spirit uel se réclamant d’ un f ondat eur dont l’ Isnad, la généalogie myst ique, remont e à t ravers une Silsila, lignée, j usqu’ au Prophèt e.

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D’ origine ancienne, les écoles les plus célèbres du Souf isme inst it ut ionnel sont :

1 - La Sohrawardiya qui remont e à Diya ud Dine es Sohrawardi mort en 1168.

2 - La Kubrawiya qui se rat t ache à Naj m ud Dine Kubra (1145 – 1221), implant ée en Iran, au Cachemire et à Bagdad, en Iraq. 3 - La Naqshabandiya, associée au nom de Baha ud Dine an Naqshabandi cont emporain d’ Abu Yaqub Yusuf al Hamadani (mort en 1140), s’ est implant ée en Turquie, en Anat olie, au Caucase et en Inde.

4 - La Rif aîya, f ondée par Ahmed ar Rif aî (1106 – 1182) en Egypt e et en Syrie, t rès célèbre j usqu’ au XVe siècle, donna quat re grands disciples qui créèrent chacun sa propre Tariqa : Al Badawiya, Al Dasukiya, Al Schadhiliya et Al Alawiya.

5 - La Quadiriya dont les branches se ret rouvent principalement au Maghreb, en Turquie, en Inde, au Turkest an, en Chine, en Nubie, au Soudan f ut f ondée en Iraq par Abdul Kadir al Jilani (1078 – 1166).

6 - La Khalwat iya issue de Omar al Khalwat i (mort vers 1397), en Syrie, se répand en Egypt e et au Hidj az.

7 - La Schadiliya, la plus import ant e en Af rique du Nord et en Egypt e, f ut f ondée par Abu al Hassen Ali ash Schadili (1196 - 1258), disciple de Abd al Salam Ibn Maschisch, lui-même disciple de Abu Madyan Schuâyb Ibn al Hussein (1126 - 1198) de Tlemcen, le plus grand des premiers maît res du Tassawuf . Abu Madyan avait rencont ré Ahmed ar Rif aî en Iraq et vécu à Bédj aia. On compt e parmi ses f ils spirit uels, l’ andalous Ibn al Arabi, le célèbre philosophe myst ique, mort à Damas en 1240, et le poèt e ash Shuscht ari dont les poèmes sont t ouj ours récit és dans les Hadras.

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de la Mecque. Sa conf rérie est représent ée à Ist anbul, en Roumanie, en Nubie, aux Iles Comores, au Maghreb et spécif iquement en Algérie par la Youssuf iya de Miliana. La Schadiliya a compt é parmi ses disciples Ibn At a Allah d’ Alexandrie (mort en 1309), aut eur d’ un célèbre recueil d’ aphorismes souf is sous le t it re d’ Al Hikam al At aiya.

Not ons que la Tarîqa (voie spirit uelle souf ie) est considérée comme la science de l’ Unit é avec le divin. Cet t e quêt e de l’ Absolu ne peut se réaliser qu’ à t ravers le rapport du Moi int érieur au Soi divin dans le cont ext e de l’ Unique Réalit é (Haq). Pour ce f aire, souvent t out es les Tarîqa, maghrébines comprises, s’ appuient sur la remémorat ion, la réf lexion, la médiat ion, l’ examen de conscience et la récit at ion, ce qui rend la t âche des néophyt es on ne peut plus ardue et quasi-impossible. En ce sens, il serait acquis comme vrai que "si l’ on cherche à rendre accessibles les vérit és t ranscendant es, on risque de les t rahir ; si on cherche t rop à ne pas les t rahir, on risque de ne pas les rendre accessibles".

Emport é dans l’ engrenage de la quêt e de la Vérit é Absolue d’ Allah, de la voie init iat ique, le néophyt e doit se dépouiller de ses habit udes, de ses a priori, de ses archét ypes ment aux, de ses exigences t errest res, de ses désirs dévast at eurs, en somme de son Ego dest ruct eur, ent amant ainsi un vérit able Dj ihad cont re les passions pernicieuses, voire sa culpabilisat ion ; d’ où le problème de l’ incompréhension dans la t ransmission de cet hérit age myst ique.

4 - Patrimoine lénifiant :

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sans manquer de provoquer des réact ions absolut ist es.

Du coup, les Réf ormist es Modernes s’ acharnèrent à met t re en relief l’ aspect négat if de ces conf réries f ondées sur le Cult e des Saint s cont rairement à l’ Islam ort hodoxe qui rej et t e la vénérat ion de la Saint et é qui s’ exprime par la sollicit at ion des Marabout s dans l’ int ercession ent re l’ homme et Allah ; t out en dénonçant , leur quiét isme et leur résignat ion qui, f ace au dest in t emporel, se sont t raduit s par des pact es avec les puissances coloniales.

Au vu de t out cela, de par sa sit uat ion géographique et de son hist oire, le Maghreb, s’ est vu dét enir une cult ure à t riple expression : arabe populaire, berbère, f rançais qui allait provoquer une vérit able lut t e polit ique pour le droit à la dif f érence et à la reconnaissance sans condit ions. Dans ce sillage, la colonisat ion f rançaise de l’ Algérie, en 1830, marqua la collision ent re deux cult ures. La richesse de l’ une nourrie de philosophie, de science et d’ hist oire, se heurt ait inexorablement à la pauvret é de l’ aut re af f aiblie par le négat ivisme des Deys t urcs, nourrie de f ables et endiguée par les croyances populaires, exprimées par une t radit ion orale se cant onnant perpét uellement dans le mimét isme et reprenant , sans cesse, le même modèle d’ expression et de comport ement , allant ainsi j usqu'à la sacralisat ion.

Not ons qu’ à l’ apogée de la colonisat ion f rançaise, l’ at t it ude de quelques Oulémas du Maghreb ét ait des plus cont radict oires. D’ un côt é, ils s’ ét aient présent és comme les vérit ables déf enseurs de l’ Islam, enseignant uniquement la Sharia, la loi coranique et la t radit ion musulmane comme principes irrévocables de f iert é nat ionale. De l’ aut re, ils se ralliaient aveuglément au régime du Colonat et du Prot ect orat . Chef s de f ile des manif est at ions religieuses. . .

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puis son successeur le Cheikh al-Bachir al Ibrahimi s’ y rat t achait f idèlement en prônant les mêmes principes, au sens où le proclame l’ organe of f iciel du Part i, Al Chihab, dans son premier numéro, en 1930 : "L’ Algérie, en t ant que part ie du domaine f rançais, est un pays à vocat ion cult urelle arabo-f rançaise. L’ enseignement public y ét ant essent iellement un enseignement f rançais, la communaut é musulmane se doit d’ organiser elle-même un enseignement arabe moderne (dans les madrasas), pour lut t er concurremment avec l’ école f rançaise cont re l’ ignorance, et pour hât er la renaissance de la cult ure arabo-islamique en Algérie".

En somme l’ impact de la Nahda (Renaissance), issue des universit és d’ El-Azhar (le Caire) de la Zit ouna (Tunis) et de la Karaouyine (Fès) qui n’ enseignaient pas l’ est hét ique lit t éraire mais la manipulat ion du langage polit ico-religieux, ét ait visible sur les Tolbas des méderssas et se développa en échos, en Algérie. Bien qu’ en ret ard, les Oulémas se regroupèrent en associat ions à part ir de 1931. C’ est alors que prolif érèrent les écoles coraniques et les j ournaux arabophones, souvent polémist es envers la cult ure occident ale, qui af f irmaient leur at t achement à la seule cult ure arabo-musulmane.

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préconisait un ret our aux prat iques religieuses souvent négligées par les Maghrébins qui n’ observaient pas leurs recommandat ions et leurs enseignement s.

L’ écho de ce raisonnement conçu sur les sent iment s f ut t rès amplif ié, en ce sens qu’ il ét ait véhiculé par les inst it ut ions d’ enseignement religieux t elles que la Karaouiyine au Maroc et la Zit ouna en Tunisie. Cependant , la complicit é des chef s religieux avec les aut orit és coloniales mont rait à quel point les Oulémas manœuvraient les campagnards et le menu peuple des villes en prét ext ant l’ académisme et l’ int ellect ualisme. "Une brisure commencera à s’ opérer ent re la vie de ces élit es int ellect uelles et la vie des couches sociales plus humbles, not e Louis Gardet … L’ est hét ique des cours ref lue sur les recherches et ét udes du monde des t olba (ét udiant s), et bien des discussions j uridico-dogmat iques ou lit t éraires, commencées à la madrasa et poursuivies au souk des libraires, se prolongent à t ravers les souk des corporat ions marchandes ou art isanales".

Au point culminant de l’ hist oire de l’ Algérie et avec la naissance du Nat ionalisme vers les années t rent e, les int ellect uels arabophones se mirent à la mode des Salaf iya en s’ inspirant des grands Cheikhs du Proche-Orient , t els que : Jamal ed Dine al Af ghani, Mohamed Abdou et Rachid Réda. Cet t e nouvelle générat ion qui se voulait réf ormist e n’ avait proposé aucun renouveau, ni aucune découvert e. Pour elle, il s’ agissait seulement de reprendre indéf iniment le modèle des anciens, Salaf , par un ret our incondit ionnel aux sources de l’ Islam primit if .

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Prophèt e) demeurent t rès inf luent es et quasi-incont ournables. Indubit ablement , le Réf ormisme rest e basé sur la soumission t ot ale et absolue à la Religion, sans possibilit é d’ ouvert ure sur une évent uelle évolut ion du devoir social, sans clart é d’ idées, sans regard int elligent vers l’ avenir pour f ranchir les obst acles qui éloignent incommensurablement la sociét é maghrébine de la Modernit é, même si celle-ci ét ait port ée par une colonisat ion on ne peut plus négat rice. En somme, en dépit de ces réf ormist es, le Maghreb périclit ait davant age sous le poids des dogmes, f igés et anachroniques, sans pouvoir à j amais s’ en af f ranchir.

En f ait , le Salaf iya ét ait un mouvement réf ormist e ort hodoxe, f ondé par Jamal ed Dine al Af ghani dont le seul écrit en persan, La Réf ut at ion des mat érialist es, a ét é t raduit en arabe par Mohamed Abdou, considéré comme le Réf ormat eur moderne par excellence. En ef f et , Mohamed Abdou, aut eur d’ Al Khilaf a wal Imama al udhma (1923 - 1925), prévoyait par l’ ent remise de la t echnique occident ale une évent uelle rest aurat ion des principes de l’ Islam.

Cependant , sous la direct ion de Rachid Réda qui lui succéda j usqu’ à sa mort survenue en 1935, le mouvement salaf ist e t ombe par des voies parallèles dans le néo-wahhabisme du Hidj az et at t eignit une sort e d’ universalit é musulmane t ouchant du même coup les int ellect uels occident alisés, les élit es t radit ionnelles, les sphères sociales, du Levant au Couchant . "Le "plan de réf orme" qu’ élabore Rachid Rida, souligne Louis Gardet , ent end remont er aux origines même de l’ Islam, et accuse la communaut é d’ avoir dévié depuis Muâwiya, c’ est -à-dire depuis 37 de l’ hégire. C’ est au nom de ce "ret our aux sources" qu’ il f ait une si large part aux principes de la consult at ion de l’ ij ma, considérés comme principes démocrat iques de la part icipat ion du peuple au pouvoir".

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demi-let t ré, avec une maj eure proport ion ef f rayant e d’ illet t rés mont re une irréduct ible prédilect ion pour le syncrét isme ambiant de l’ Ext rême Orient à l’ Af rique du Nord ? Il est vrai poursuit Gardet , que souvent : "L’ af f ect ivit é religieuse du peuple céda à maint es superst it ions, s’ at t acha à une f orme, parf ois à peine islamisée, d’ anciens cult es païens locaux. C’ est ainsi qu’ en Af rique du Nord la piét é envers les sant ons, les "marabout s" et leurs légendes dorées, et cet t e descendance dégradée du Souf isme des grands âges que sont devenues les séances populaires des conf réries religieuses, l’ emport èrent sans grande peine".

Les Salaf iya ne prônaient que l’ Ort hodoxie et ne s’ adressaient qu’ à la classe int ellect uelle, rappelant par-là les t roubles religieux du Xe siècle, en s’ insurgeant cont re le Marabout isme : source d’ inspirat ion de la basse classe sociale, le Cult e des Saint s locaux, les Légendes, les Miracles.

Pour l’ Ort hodoxie des Salaf iya, il s’ agissait de déviat ions superst it ieuses que l’ on ret rouve en général dans les religions à caract ère païen ; ce qui leur valut l’ inimit ié de la populace qui ne voyait dans ces at t it udes qu’ un comport ement snobe et bourgeois, qui, au lieu de la libérer de sa condit ion de classe inf érieure, la condamnait à la sobriét é et au renoncement des j ouissances de la vie quot idienne qui adoucissaient sa misère.

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exerça sur la f ormat ion même de cet humanisme, sur cert ains de ses aspect s du moins, une réelle inf luence... Moins raf f inée que les œuvres des poèt es de cour, d’ une morale aussi libre parf ois, mais t out compt e f ait plus saine, elle f it largement appel, sur f onds bien dét erminé de légendes anciennes ou ét rangères, à cet ensemble de sent iment s humains, d’ aspirat ion et de passions humaines, qui sont de t ous les t emps et de t ous les lieux. L’ at mosphère générale rest e musulmane, les valeurs musulmanes viennent se gref f er à l’ occasion sur les vieux f olklores ant é ou ext ra islamiques, mais les réact ions à l’ égard des valeurs religieuses sont commandées plus d’ une f ois par une at t it ude de f rondeuse libert é".

Par ailleurs, le Cult e des Saint s, t rès répandu dans les milieux ruraux, t rouva un t errain f avorable dans le Souf isme qui accordait un int érêt part iculier à l’ élément humain dans la procession religieuse, et prit en charge la représent at ion d’ une f orme de vénérat ion, inspirée par le désir de sollicit er l’ int ercession d’ hommes, et plus part iculièrement , les Imams décédés et les chef s de f ile érigés en Walis (Maît res) vénérés de leur vivant comme dans leur mort .

Cet t e at t it ude inhérent e aux milieux populaires déf avorisés s’ accent ue davant age au moment où les Oulémas et les Cheikhs af f ichaient leur mépris à l’ égard des ruraux, du menu peuple des villes, en consolidant leur st at ut de bourgeois conf ormist es, at t achés au pouvoir ; d’ où t out es les cont radict ions exist ent ielles illust rées par cet t e reprise int errogat ive à l’ endroit de l’ humanisme musulman par Louis Gardet : "N’ est -ce point d’ avoir t rop ignoré cet acquis pat ient des humbles, et de s’ êt re t rop peu soucié de la dure condit ion sociale du peuple, besogneux, qui laissa souvent le grand et brillant aîné, l’ humanist e let t ré, en proie aux f luct uat ions et crises int érieures ?".

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ne se j ust if ient qu’ à l’ égard des déviat ions et non des f ondement s du souf isme. L’ at t achement à la f erveur f rat ernelle dans les zaouïas est l’ une des principales f ormes de la spirit ualit é du souf isme et se réalise surt out à un niveau populaire dans une sort e d’ humanisme populaire, comme se plait à le souligner Gardet , bât i sur : "Fonds de f olklore, t ableaux de mœurs cont emporaines, redit s dans le souk ou veillées, accessibles au peuple des campagnes lui-même. Car ruraux et nomades ou semi-nomades pauvres, peu t ouchés par les œuvres lit t éraires raf f inées, part iciperont à leur t our à une f orme spont anée et rudiment aire d’ humanisme. Ni par la langue, ni par les t hèmes, elle ne sera exact ement celle du peuple des villes ; f ace au f olklore des villes, elle saura garder son originalit é d’ inspirat ion et d’ expression".

Il ét ait du devoir des zaouïas, en dehors de la vie spirit uelle, de s’ int éresser à la vie mat érielle du monde ext érieur en s’ int errogeant sur son insert ion, en t ant que spécif icit é, au sein de la sociét é en gest at ion à laquelle elle appart ient et qui est en but t e aux dif f icult és engendrées par la Modernit é, puisqu’ à la f in de l’ it inéraire colonial, aux problèmes d’ adapt at ion aux cont raint es du monde moderne, va s’ aj out er le problème de la récupérat ion de l’ ident it é cult urelle et hist orique baf ouée par plusieurs siècles d’ occupat ion ; d’ où la rébellion qui s’ organisa aut our de la réf orme de l’ hérit age et de la modernit é.

5 - Modernité dévoyée :

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économiques auxquels f ait f ace la sociét é musulmane.

Il f allait pour t out e rupt ure garder l’ essent iel, s’ inspirer de l’ Ecole f rançaise, d’ assimiler ses idées principales issues de la Révolut ion de 1789, de Rousseau, de Mont esquieu, de Volt aire, des Romant iques, de découvrir le Marxisme, le Dadaïsme, le Surréalisme, le Freudisme, le Personnalisme, l’ Exist ent ialisme, l’ Absurde, le Réalisme socialist e, le St ruct uralisme, la Psychanalyse ; pour pouvoir prét endre à une sociét é int ellect uelle, capable de dépasser ses propres cont radict ions.

On ne pouvait parvenir à une plénit ude de soi, à dépasser son propre enf ermement qu’ en lut t ant d’ abord cont re soi-même, en proposant une vérit able rupt ure dans le sens révolut ionnaire du t erme. Il incombait donc aux écrivains de créer leur propre modèle par le raf f inage de la cult ure de l’ Aut re et de rej et er t out ce qui const it ue une f ausse reproduct ion non conf orme aux condit ions de la lut t e maghrébine.

La spécif icit é maghrébine qui n’ a subi aucune grande inf luence depuis les Phéniciens en passant par les Romains, les Vandales, les Byzant ins, les Arabes, les Port ugais, les Espagnols, les Ot t omans et les Français devait chercher la solut ion au sein d’ elle-même et ret rouver l’ élément négat if qui s’ ét ait incrust é en elle.

En ce sens, le XXe siècle de la décadence coloniale, pouvait -il êt re ce XIIIe siècle de l’ épopée myst ique du grand souf i de t ous les t emps : Jalal ud Dine ar Roumi (1207 - 1273) ? Le nouvel "homme de laine", sous la dominat ion coloniale du Maghreb par la France, ét ait -il capable de l’ appel spirit uel d’ Allah, de sa reconnaissance par l’ irrat ionalisme et l’ int uit ionnisme ? La cont emplat ion est rude et les Tarîqa (Dikr - Sama’ - Raqs - Sukr - Al-Ghalaba) pour y accéder sont rares et non conf ormes. L’ expérience spirit uelle ét ait souvent ent achée de manquer d’ aut hent icit é et de myst icisme.

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s’ exprimant par l’ ascét isme t out en demeurant cloît rée ; l’ aut re agissant selon l’ archét ype d’ un Saint f ondat eur ou disciple d’ une doct rine. Ecole d’ enseignement coranique et t héologique, cet t e t endance a dévié de ses principes f ondament aux par le recours aux prat iques superst it ieuses déj à encouragées par le colonialisme ; d’ où la st agnat ion et la régression sociale.

En ef f et , le M’ Kadem ou Cheikh, personnage religieux, choisi pour ses liens généalogiques f ict if s avec le Maît re ent erré à l’ endroit de la zaouïa ou du Marabout , qui gère les biens locaux, accueille les f idèles et organise des f êt es cycliques ayant pour but de rappeler la piét é du Saint f ondat eur. Il prodigue des conseils et des enseignement s aux hommes et aux f emmes venus conf esser leurs soucis et leurs espoirs. C’ est le part age qui rappelle à t out élément maghrébin le sens de son ident it é collect ive et prof onde de croyant , membre d’ une immense communaut é. Cependant , il serait syncrét ique de penser qu’ il s’ agit , pour eux, de sacraliser la réalit é au lieu de la f uir selon le précept e du Prophèt e : "La t erre t out ent ière est une mosquée".

Ef f ect ivement , on a souvent oublié, dans les zaouïas, que la t radit ion ésot érique souf ie s’ enveloppe habit uellement du Voile de la Mosquée pour préserver l’ inaccessible et divin secret aux néophyt es, dans un langage hyper recherché dans la rhét orique arabe (Allégorie - Ellipse - Hyperbole - Mét aphore) pour réaliser la symbiose ent re Al Bat ine (ésot érique) et Al -Dhahir (exot érique) ; ce que l’ esprit de la masse incult e, limit ée dans sa conscience imaginat ive, ne peut at t eindre. C’ est alors que le "Souf isme (apparaît comme) la volont é de Dieu (agissant ) dans l’ homme, sans l’ int ermédiaire de l’ homme. Le Souf isme (serait ) l’ abandon du superf lu. Il n’ y a rien de plus superf lu que (le) moi, car en (s’ ) occupant de (son) moi, (l’ on) s’ éloigne de Dieu".

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f ondament aux des Myst iques souf ies à savoir : l’ abandon des at t ribut s import uns d’ Al-Naf s, le Moi, l’ Ego humain. Ce qui t émoigne de l’ import ance du Souf isme dans la myst ique des Tarîqa, f ondée sur le renoncement du bien êt re t errest re, où l’ unique et ult ime quêt e spirit uelle du Arif , le gnost ique, s’ anime d’ amour par la f usion du Microcosme dans le Macrocosme, c’ est -à-dire le Divin.

Dans t out es ces at t it udes pervert ies, les précept es islamiques sont loin d’ êt re appliqués et représent és conf ormément à l’ ét hique coranique. Rappelons que le Coran met t ous les act eurs sociaux en présence d’ un univers de valeurs dont la procession progresse du physique dans le mét aphysique, c’ est -à-dire la t ransf ormat ion des inst inct s par le moyen de son ét hique morale : en évit ant le Mal et en adopt ant le Bien qui rest e un secret inaccessible.

Le Coran évoque, à t ravers, les mot s du langage, l’ Univers comme subst ance de l’ Unique (macrocosme) dans lequel doit se f ondre l’ Homme (microcosme), c’ est -à-dire qu’ il dépend de l’ Idée f ormulée dans l’ Eloquence du Verbe par l’ int ermédiaire de la Connaissance d’ une seule et unique personne, en l’ occurrence le Prophèt e et non le M’ Kadem.

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maît re véridique".

Par conséquent , endiguée par le malheur colonial et les mensonges du siècle, la sociét é maghrébine, déçue par sa quot idiennet é misérable, se j et ait , corps et âme, dans l’ illusion et les chimères ent ret enues par le Marabout isme qui se nourrissait de cet t e résignat ion négat ive au sens ou le souligne la sagesse moyen-orient ale : "A ceux qui se nourrissent d’ illusions et de rêves, on ne peut donner comme nourrit ure que l’ illusoire et l’ imaginaire".

En ef f et , le Prophèt e dét ient les secret s cachés du Coran dont il int erprèt e les verset s puisque le langage y est un I’ aj az absolu (langage ext ensif et inimit able) immédiat dans lequel le Bayane (expressivit é) procède du Amr (ordre secret ) qu’ Allah a scellé dans son Livre ; d’ où l’ impossibilit é de créer des néologismes. Le Prophèt e est le seul à en connaît re le vérit able sens par la récept ion direct e des récit s coraniques au moyen de la Révélat ion. "C’ est ainsi que nous t e racont ons les hist oires d’ aut ref ois ; en out re, nous t ’ avons envoyé de not re part une admonit ion". (Ta Ha, sourat e XX/ 99).

Il en ressort que, seul, le Prophèt e laisse derrière lui l’ Idée permanent e, voire le récit des rit es aut hent iques, t ransmis de générat ion en générat ion, qui const it ue une source de vie pour la Umma musulmane. Et il n’ y aurait que la Foi pour at t eindre la Vérit é, c’ est -à-dire le Secret au sens ou le proclame le Coran : "L’ hist oire des prophèt es est remplie d’ exemples inst ruct if s pour les hommes doués de sens. Le livre n’ est point un récit invent é à plaisir : il corrobore les Ecrit ures révélées avant lui, il donne l’ explicat ion de t out e chose, il est la direct ion de t out e chose, il est la direct ion et une preuve de la grâce divine pour les croyant s". (Yusuf , sourat e XII/ 111).

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t emps mésopot amiens d’ Ibrahim Al-Khalil ; et t ransmet aux Arabes l’ ensemble du message sémit ique.

"Il t ’ a envoyé le livre cont enant la vérit é et qui conf irme les Ecrit ures qui l’ ont précédé. Avant lui il f it descendre le Pent at euque et l’ Evangile pour servir de direct ion aux hommes. Il a f ait descendre le livre de la Dist inct ion". (Al - Imran, sourat e XVIII/ 12).

Parole t ransmise puis écrit e, le Coran ne t end ni vers la recherche de la perf ect ion f ormelle des aut eurs lit t éraires classiques, ni vers la perf ect ion dynamique à t ravers un langage qui se résorbe à l’ usure du t emps. Le st yle du Coran const it ue l’ espace script uraire où s’ opère l’ humain et le divin au moyen la Lougha (rhét orique classique), élément f ondat eur, incont ournable dans la cult ure arabo-musulmane ; et où t out e parole émise / écrit e est un af f ront ement ent re Dahir et Al-Bat in. En conséquence, la Lougha s’ avère êt re non seulement un out il linguist ique de communicat ion mais aussi un message ont ologique ; d’ où l’ originalit é de la Parole. C’ est alors que le Coran est supposé comport er, dans la vision musulmane, sept sens ésot ériques correspondant aux Lat aîf , les sept "cent res subt ils" de l’ êt re, selon un Hadit h du Prophèt e qui dit : "Le Coran a un sens exot érique et un sens ésot érique. Ce sens ésot érique a lui-même un sens ésot érique, ainsi de suit e j usqu’ à sept sens ésot ériques".

Si la Tradit ion ét ait l’ ensemble des t ext es les plus anciens, une concept ion t out e lit t éraire, religieuse et philosophique, le Secret ne serait pas une f able, une Hist oire ou un j eu rit uel f ait d’ act es pervert is mais un ensemble de codes pour conquérir les puissances int ellect uelles cont enues dans l’ homme.

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d’ où la nécessit é du Secret qui repose sur la Prudence, le Langage et le Symbole puisque le Secret du Coran est le symbole de l’ essence divine non manif est ée, c’ est - à - dire celui du pouvoir et de la manif est at ion universelle ; ce qui f ait du t ext e sacré le Secret de la Connaissance et de la Spirit ualit é qui ébranle les ent it és psychiques du souf i qui risque d’ en êt re la vict ime, en met t ant le Symbolisme du Secret au compt e du Voyage, voire l’ Errance par la quêt e de la Vérit é, de la Paix et de l’ Immort alit é dans sa recherche de l’ Ident it é originelle et du cent re spirit uel.

C’ est d’ ailleurs cet t e l’ Errance conçue comme une sort e de voyage que Sohrawardi d’ Alep déf init t elle la "Pat rie Originelle" (Le Prophèt e Mohammed f ut port é au ciel dans son "Mîradj "). D’ un aut re point de vue, Shabest ari nomme les êt res errant s du t erme "Es Salikun", pluriel de "Es Salik", les voyageurs qui ont perdu t out e orient at ion et qui t ournent le visage vers "Ed Dal", le guide illuminé qu’ est : le Prophèt e. Et c’ est ainsi que le Néophyt e deviendrait Ascèt e puis Gnost ique en int erprét ant le modèle at emporel à t ravers le Coran, dans une sort e de Voyage "in illo t empore" conf ormément à son processus ident it aire.

Nous concluons à l’ issue de cet exposé, et au vu de ces alt ernances cult urelles et hist oriques ent re l’ aut hent icit é et la perversion des rit es qui inf luèrent considérablement sur la valeur symbolique des rit uels et de la pensée souf is en général, que cert ains créat eurs de f ict ions, dans la lit t érat ure maghrébine, s’ at t achent à met t re en scène des act es prof anes qui se chargeraient au moyen de la répét it ion quot idienne d’ une valeur sacrée par l’ imit at ion rassurant e d’ un archét ype f ondat eur.

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pensée maghrébine est souvent archét ypale et paradigmat ique dans la mesure où elle ne se reconnaît elle-même (advient ), qu’ au moment où elle cesse d’ êt re moderne.

Si les écrivains délèguent le pouvoir perf ormat if du langage à leurs prot agonist es, c’ est pour mieux permet t re des ancrages spat io-t emporels qui impliqueraient un const ant embrayage hors de l’ espace-t emps romanesque sur l’ Hist oire événement ielle du Maghreb qui const it ue, à not re sens, le seul crit ère d’ int erprét at ion du champ sémant ique d’ une lit t érat ure souvent t ravaillée par une int ert ext ualit é renf ermant une mult it ude de t ext es, écrit s / oraux, superposés, calqués, sur le Coran et la Tradit ion Orale qui s’ inspire perpét uellement du Sacré, dans un mouvement syncrét ique, au sens de la sublimat ion et du merveilleux.

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et Document s, Alger 1973.

14 - Megherbi, Abdelghani : Le Monde musulman, Edit ions du Part i, Alger 1977. 15 - Meyerovit ch, Eva de Mit ray : Ant hologie du Soufisme, Sindbad, Coll. Islam, Paris 1978.

16 - Meyerovit ch, Eva de Mit ray : La prière en Islam, Albin Michel, Paris 1997. 17 - Random, Michel : La Connaissance et le Secret , Dervy-Livres, Paris 1992. 18 - Rumi, Jalal ud Dine : Rubaiyat , Albin Michel, Paris 1987.

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© Université de Mostaganem, Algérie 2005

Le paradoxe

Haf sa Bekhelouf Universit é de Lyon 3, France

Résumé :

Pourquoi s’ int éresser à la lit t érat ure maghrébine d’ expression f rançaise auj ourd’ hui ? Peut -on dire que cet t e lit t érat ure est à cheval ent re la cult ure orient ale et la cult ure occident ale ? Not re connaissance des pays du Maghreb est auj ourd'hui souvent t ribut aire de ce qui est véhiculé par les médias qui, t out en prét endant dif f user des inf ormat ions, ne manquent pas de f aire circuler des clichés réduct eurs sur les "pays arabes". Cela dit en passant , il est bon de souligner que l’ un des clichés les plus récurrent s est celui qui t rait e de la condit ion f éminine au Maghreb.

Mots-clés :

lit t érat ure, f rancophonie, érot isme, f emme, Islam.

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La lit t érat ure maghrébine de langue f rançaise pose une quest ion nat ionale : qui sommes-nous? "Le premier récit érot ique écrit par une f emme arabe", t elle est la phrase d’ accroche que nous lisons act uellement sur le bandeau du roman de Nedj ma, qui s’ int it ule L’ amande(1). Ce livre est écrit en f rançais. Il est t rès médiat isé. Pour quelles raisons ? Est -ce parce qu’ il est lit t érairement except ionnel ? Ou plut ôt parce que la combinaison "f emme arabe" et "sexualit é" est t rès à la mode auj ourd’ hui ?

La crit ique f rançaise l’ érige en un livre qui révolut ionne l’ érot isme f éminin pour la sociét é arabo-musulmane. Paradoxalement , cet t e révolut ion ne se f ait pas dans la langue de ces sociét és arabo-musulmanes mais dans une langue ét rangère. Ce livre est publié en France, pas en Algérie, ni au Maroc, ni en Tunisie. Qui vit vraiment la révolut ion, si vraiment révolut ion il y a ?

Cet exemple est un exemple parmi t ant d’ aut res de livres écrit s par des aut eurs maghrébins en langue f rançaise et qui ne connaissent de succès qu’ en France ou en Europe.

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d’ expression f rançaise auj ourd’ hui ? Peut -on dire que cet t e lit t érat ure est à cheval ent re la cult ure orient ale et la cult ure occident ale ? Not re connaissance des pays du Maghreb est auj ourd'hui souvent t ribut aire de ce qui est véhiculé par les médias qui, t out en prét endant dif f user des inf ormat ions, ne manquent pas de f aire circuler des clichés réduct eurs sur les "pays arabes". Cela dit en passant , il est bon de souligner que l’ un des clichés les plus récurrent s est celui qui t rait e de la condit ion f éminine au Maghreb. A l’ origine de cet t e volont é de t rait er du st at ut de la f emme "arabe", une dif f icult é bien évident e à comprendre le phénomène dans sa spécif icit é aut ant que dans sa diversit é. Finalement , dans le f ond voir la f emme "arabe" désabusée de l’ aut re cot é de la Médit erranée rassure les médias occident aux et les conf ort ent dans leurs posit ions de garant des droit s de l’ homme. Les nuances se perdent .

Cela n’ est qu’ un exemple parmi t ant d’ aut res de t hèmes banalisés et t rait és sans le moindre souci d’ aut hent icit é. Dans ce cont ext e, il est ut ile de s'int éresser à la lit t érat ure maghrébine de langue f rançaise qui peut t émoigner de la richesse (ou bien des lacunes) et du dynamisme (ou bien de la sclérose) d'une cult ure ancienne, ainsi que d'une rencont re des cult ures qui, auj ourd'hui encore, soulève les passions et de mult iples quest ionnement s. On racont e que cet t e lit t érat ure s'est appropriée "la langue de l'Aut re" pour exprimer les mult iples f acet t es de son imaginaire propre. Il nous est peut -êt re t ous arrivé de rêver en langue ét rangère.

Avant de vérif ier ce présupposé et d’ analyser une t elle expérience, il s’ agira de déf inir ce que nous ent endons de f açon générale par l’ expression de lit t érat ure maghrébine f rancophone. Ef f ect ivement on peut se demander de f açon légit ime quelles sont les product ions lit t éraires qui ent rent sous la cat égorie de "lit t érat ure maghrébine d’ expression f rançaise".

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d’ expression f rançaise remont erait et serait cit ée, selon Khat ibi, dans un ouvrage de 1911 de Robert Rondau "Les Algérianist es" qui aurait donc f ait émerger la spécif icit é d’ une lit t érat ure romanesque nord-af ricaine d’ expression f rançaise. Un ou le premier roman serait de Hadj Hammou Abdelkader qui s’ int it ule "Zohra, la f emme du mineur" (1926).

Au départ , cet t e lit t érat ure se présent ait comme un événement f ormidable pour les pays du Maghreb. Khat ibi(2) explique l’ élan prononcé par la France devant la lit t érat ure maghrébine de langue f rançaise par une t ent at ive de déculpabilisat ion. Il f allait mont rer que les peuples colonisés "ne sort aient pas du néant , qu’ elles (sociét és) ét aient dot ées de valeurs aut hent iques et d’ une vérit able cult ure"(3). En revanche, du point de vue de cert ains aut eurs maghrébins, il eut un sent iment d’ avoir servi des int érêt s ét rangers, qui masqua leurs int ent ions propres nées de l’ ent housiasme premier des édit ions f rançaises qui elles, se ruaient sur son "arabe de service". Aussit ôt né, aussit ôt envolé. L’ ent housiasme s’ évanouit aussi vit e qu’ il apparut . Khat ibi af f irme que ces aut eurs se sent irent blessés : "Ils ont le sent iment hont eux d’ avoir ét é ut ilisés"(4).

On assigna à cet t e première générat ion la mission de dire le drame de la sociét é en crise. Et paradoxalement , auj ourd’ hui on a également le sent iment que cert ains se f ont le port e parole des misères des sociét és maghrébines. Que nous dit cet t e lit t érat ure ? Les mouvement s des part is polit iques de la droit e f rançaise s’ indignaient devant le f ait que ces aut eurs port aient une f ort e crit ique voir des insult es sur la France dans leur "propre langue". On se demandait de quels droit s un ét ranger se permet t ait -il de les insult er dans leur propre langue.

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départ , cet t e lit t érat ure est int erpellée comme une lit t éraire "miroir", une lit t érat ure du ref let des sociét és et des sit uat ions plurielles du Maghreb.

1 - Qu’ est ce qui fait la conscience nationale ?

Est -ce l’ origine de l’ aut eur qui const it ue le crit ère ? Ou alors les t hèmes abordés dans l’ œuvre ? Est -ce le lieu de naissance, ou le nom aux consonances arabes de l’ aut eur qui dét erminent l’ appellat ion "lit t érat ure maghrébine d’ expression f rançaise ?"

En ef f et , nous pouvons prendre comme exemple l’ écrivain Nina Bouraoui. Cet t e f emme qui est née en 1967 a reçu le prix Goncourt en 1991 pour son roman La voyeuse int erdit e. Cet t e f emme est née à Rennes et est issue d’ une f amille bicult urelle dont le père est algérien. Née en France, vivant en France, de langue mat ernelle f rançaise, Nina Bouraoui est néanmoins rat t achée à la lit t érat ure maghrébine de langue f rançaise. Vous pourrez t rouvez son roman classé dans les librairies au rayon "lit t érat ure du Maghreb". Elle n’ est donc pas considérée comme un écrivain f rançais mais un écrivain maghrébin.

Ces pet it s problèmes que pose l’ at t ribut ion du st at ut nat ional de l’ écrivain soulèvent la quest ion d’ ident it é nat ionale. Qui est quoi ? Qui est f rançais ? Qui est maghrébin ? En France, on n’ assume pas cert aines ident it és. D’ un cot é, on n’ arrive pas à classer ces aut eurs dans la lit t érat ure f rançaise, puisque la cult ure arabe demeure dans les esprit s une cult ure ét rangère. Du cot é des aut eurs, ne sachant pas qui on est vraiment , on accept e d’ êt re placé dans cet t e lit t érat ure spécif ique.

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rappeler qu’ elle a ét é dominat rice inj ust ement d’ un ensemble de peuples.

Inconsciemment la présence des "Arabes" en France, rappelle const amment à la France qu’ elle a f aut é dans son hist oire. Elle n’ est pas l’ image qu’ elle se renvoie en t ant que parf ait e garant e des droit s de l’ Homme, que sa const it ut ion port e en préambule. Et sous cet aspect du problème, on peut se demander si l’ écrivain maghrébin exist e vraiment . Quels sont les crit ères qui dét erminent l’ écrivain nat ional ?

Khat ibi répond à cet t e quest ion en considérant que l’ écrivain nat ional est celui qui "se considère comme t el et qui assume ce choix". On peut se demander si un écrivain nord-af ricain qui s’ exile plus de dix ans en France ou ailleurs f ait encore part ie de la lit t érat ure maghrébine. Cela nous amène à examiner ce que révèle en réalit é le concept de "lit t érat ure maghrébine d’ expression f rançaise". Que veut -il vraiment dire ?

En ef f et , cet t e expression veut dire que d’ une part que cet t e lit t érat ure n’ appart ient pas au pat rimoine lit t éraire, voir cult urel, f rançais. D’ aut re part , elle souligne que cet t e lit t érat ure n’ est pas de France mais qu’ elle s’ exprime dans la langue f rançaise. On peut dire, d’ un cert ain point de vue que cet t e lit t érat ure est le t errain d’ expression de deux cult ures.

2 - Question d’ identité ?

La langue est un accès direct à la cult ure. Parler le f rançais, dans une démarche art ist ique, c’ est d’ un cert ain point de vue revendiquer cet t e cult ure. C’ est également employer les cat égories de pensée d’ une cult ure pour s’ exprimer. En ef f et , user d’ une langue présuppose pour celui qui en use de dominer les concept s, les élément s cult urels présent s dans les usages que la communaut é f ait des mot s.

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d’ écrire d’ un maghrébin en une langue qui n’ est pas "la sienne". Glissement f acile. On peut se demander s’ il est pert inent de dire qu’ une langue appart ient à une cert aine cat égorie de personne. Y a-t -il une propriét é de la langue ? Si oui, qui peut revendiquer cet t e propriét é et au nom de quoi ? Si on prend la peine de s’ int éresser à cet t e quest ion, on remarquera que beaucoup d’ ouvrages qui abordent la lit t érat ure maghrébine d’ expression f rançaise vont avoir recours au concept de "la langue de l’ Aut re", dans une démarche qui t ent e de j ust if ier la raison d’ êt re de cet t e lit t érat ure. Tout cela va se t raduire par l’ idée communément part agée que les écrivains maghrébins usent de "la langue de l’ Aut re" pour la ret ourner cont re lui, pour crit iquer, pour se libérer, pour exprimer des choses qu’ ils ne peuvent pas dans "leur langue" et c.

Or l’ idée que la langue est à "l’ Aut re" signif ierait que l’ Aut re en est maît re et possesseur. Et implicit ement , "moi", écrivain maghrébin, issu de cet t e cult ure colonisée, j ’ use d’ une langue dont j e ne suis pas maît re et donc n’ en suis pas possesseur. Par conséquent , j e demeure encore t ribut aire de ce rapport du dominant (colon) et du dominé (colonisé). Et c’ est cet aut re, qui prét end en êt re le maît re exclusif et qui par un processus polit ique et psychologique, qui me laisse croire que j e ne suis pas maît re de la langue f rançaise.

Jacques Derrida exprime ce sent iment dans son ouvrage Le monolinguisme de l’ aut re : "Parce que la langue n’ est pas son bien nat urel, par cela même il peut hist oriquement à t ravers le viol d’ une usurpat ion cult urelle, c’ est -à-dire t ouj ours d’ essence coloniale, f eindre de se l’ approprier pour l’ imposer comme la (sienne)"(5).

Referências

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