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Respect des droits et considération de la personne au Brésil

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Academic year: 2021

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RESPECT DES DROITS ET CONSIDÉRATION DE LA PERSONNE AU

BRÉSIL

Luís R. Cardoso de Oliveira

Presses Universitaires de France | « Cahiers internationaux de sociologie » 2008/1 n° 124 | pages 173 à 177

ISSN 0008-0276 ISBN 9782130569206

Article disponible en ligne à l'adresse :

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https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2008-1-page-173.htm

---Pour citer cet article :

---Luís R. Cardoso de Oliveira, « Respect des droits et considération de la personne au Brésil », Cahiers internationaux de sociologie 2008/1 (n° 124), p. 173-177.

DOI 10.3917/cis.124.0173

---Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays.

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RESPECT DES DROITS

ET CONSIDÉRATION

DE LA PERSONNE AU BRÉSIL

par Luís R. C

ARDOSO

de O

LIVEIRA

Droits et personne au Brésil

Luís R. Cardoso de Oliveira

Depuis les années 1950, la sociologie critique l’idéologie de la démocratie raciale au Brésil, attirant l’attention sur la persistance de la discrimination dans le pays, exposant ses spécificités nationales. Le style indirect de discrimination1

, la honte du préjugé et les ambiguïtés de la classification raciale ont fait l’objet de diverses comparaisons avec la violence ouverte de la discrimination raciale aux États-Unis, les formes de l’apartheid maintenues jusque dans les années 1960, la color line définissant la classification raciale. Les contributions de cette période sur le Brésil soulignent la force des discriminations tant à l’en-contre de la race que de la classe sociale2

. L’ascension sociale n’élimine pas la discrimination raciale, bien qu’elle puisse la réduire ou l’assouplir ; les pauvres sont, davantage que les citoyens de la classe moyenne, soumis à des actes de dis-crimination civique, en particulier de la part de la police (Kant de Lima, 1995), même si, d’après leur couleur de peau, ils sont classés comme blancs3

.

DISCRIMINATION À LA BRÉSILIENNE

L’une des caractéristiques de la discrimination indirecte au Brésil tient au fait qu’elle se manifeste de manière dissimulée, et qu’elle est parfois difficile-ment identifiée y compris par ceux qui en subissent les effets. Outre le fait que la discrimination est illégale, elle est également réprouvée par la morale

collec-Cahiers internationaux de Sociologie, Vol. CXXIV [173-177], 2008

1. La publication du travail, devenu classique, d’Oracy Nogueira – Preconceito racial de marca e preconceito racial de origem [Préjugé racial « de marque » et préjugé racial d’origine] (1954/1985) – reste une référence obligatoire pour toute discussion sur le thème.

2. Cf. Edward Telles, 2003.

3. Bien que le phénotype de la personne ait préséance sur le sang, dans le racisme à la brésilienne, la classification effective des acteurs varie en fonction du contexte et de toute une série de facteurs, où les idées de couleur et de statut s’asso-cient pour marquer l’interdépendance entre le contexte et la classification raciale.

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tive. Au Brésil, faire preuve de préjugés n’est pas de bon ton. Lors de l’ouver-ture de la préconférence sur le racisme et la discrimination tenue en jan-vier 2001 à Porto Alegre, un représentant de la Fondation Palmares citait un reportage paru dans le quotidien Folha de São Paulo (édition du 14 jan-vier 2001) : le sujet portait sur une annonce publiée par une femme issue de la bourgeoisie à la recherche d’une bonne à tout faire. Elle y signalait qu’elle n’accepterait que des candidates « blanches ». Interrogée par la journaliste qui lui demandait si les termes de l’annonce n’étaient pas significatifs de racisme, la femme expliqua qu’il n’en était rien. Dans sa famille, argumentait-elle, il n’existait ni préjugé, ni discrimination ; elle en prenait pour preuve le fait que son mari – chef d’entreprise – ait employé jusqu’à récemment au moins cinq Noirs, lesquels n’auraient été renvoyés qu’en raison de la crise économique. Comme l’indiquait le conférencier, il est symptomatique qu’au moment où survient une crise économique, les premiers employés renvoyés soient précisé-ment les Noirs. Les exemples de préjugé conjugué aux pratiques discriminatoi-res, comme celle-ci, sont courants au Brésil.

Même lorsque la discrimination est sciemment affirmée par les personnes impliquées, sa forme brésilienne reste singulière. Personne n’est surpris lorsque la couleur et la classe sociale interviennent dans des manifestations de préjugé ou de discrimination. Ainsi des femmes noires se voient empêchées d’utiliser l’entrée principale des immeubles résidentiels de certains quartiers de Rio de Janeiro au motif que les domestiques doivent utiliser l’entrée de service des bâtiments – réaction qui assimile toute femme noire à l’état de domestique.

RACISME ET SENTIMENTS

Dans certaines interactions raciales, le racisme peut être relativisé, voire annulé, alors même qu’il implique des personnes ayant des convictions racistes assumées, comme l’illustre l’histoire d’une militante du mouvement noir que j’ai connue à l’occasion de l’événement de Porto Alegre. Fille de mère blanche et de père noir, actuellement séparés, elle évoquait l’incompréhensible racisme de sa mère, ce qui ne l’empêchait pas d’aimer sa fille ou sa petite-fille, dont le phénotype révélait pourtant l’ascendance africaine. Selon la militante, la mère ne cachait pas ses convictions racistes, qu’elle manifestait au quotidien. Inter-rogée par sa fille sur son mariage avec un homme noir, la mère aurait répondu : « Ah ! ton père est spécial, c’est un homme intelligent, beau, élégant, char-mant, etc. » La mère ne tarissait pas d’éloges quand elle parlait du père, à qui elle n’attribuait aucune des caractéristiques indésirables dont elle stigmatisait habituellement les Noirs. Pour la mère raciste de la militante noire, l’ex-mari représentait une version incarnée de l’image du Noir à l’âme blanche, si com-mune au Brésil. Les préjugés peuvent ainsi être relativisés au point de transfor-mer une relation initialement marquée par l’antagonisme en une relation d’amour assumée. Une telle situation n’a pas d’équivalent aux États-Unis où, bien que le préjugé et la discrimination ne rendent pas impossibles des relations sexuelles interraciales entre des personnes racistes, il serait impensable qu’elles soient pérennisées en une relation assumée.

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BRÉSIL VERSUS ÉTATS-UNIS

Les conditions d’exercice de la citoyenneté au Brésil et aux États-Unis dif-fèrent en effet. Les Américains soulignent l’importance du respect des droits universels du citoyen, et orientent leurs actions en ce sens. Aux États-Unis, les demandes de reconnaissance de la culture ou de l’identité afro-américaine cor-respondent à la nécessité que ce groupe ou d’autres groupes minoritaires soient valorisés, afin que leurs membres puissent s’intégrer à la société. Le manque de reconnaissance de la valeur ou du mérite d’un groupe peut constituer une agression ; il serait assimilé à un acte de déconsidération par lequel l’identité du groupe serait niée ou rejetée. C’est pour cette raison que le respect des droits civiques des Noirs, au moins partiellement conquis aux États-Unis, n’y est plus perçu comme une condition suffisante à l’exercice de la citoyenneté, et que des revendications centrées exclusivement sur les droits civiques ont perdu de l’au-dience. Dans ce pays, l’étendard du multiculturalisme ne garantit pas le respect des droits du citoyen pour les Afro-Américains, pas plus que l’intégrité morale des personnes. Pour s’assurer de celle-ci, il faut ajouter la dimension de l’hon-neur et de la dignité, celle de la reconnaissance et de la réciprocité, et celle des sentiments.

Au Brésil, c’est la classification de l’interlocuteur, sur le plan moral, qui prévaut. Le respect des droits reste, dans une large mesure, conditionné à des manifestations de considération et de déférence. Autrement dit, seules les person-nes dont on arrive à identifier la bonne tenue morale mériteraient une recon-naissance pleine et (presque) automatique des droits de citoyenneté. Dans l’exercice de la citoyenneté, les valeurs de respect des droits et de considération de la personne correspondraient aux principes de justice et de solidarité, et tout déséquilibre dans la balance provoquerait des déficits de citoyenneté. Ainsi, dans certaines circonstances, manquer de déférence ou de considération à son interlocuteur peut être perçu comme une agression ou une insulte.

La préséance de la notion de considération sur celle de respect des droits de l’individu, ainsi que le caractère conjoncturel de la considération vis-à-vis d’au-trui, sont les principaux paramètres de la discrimination civique (Cardoso de Oliveira, 2005). Le préjugé et la discrimination sont souvent associés et peu-vent être perçus comme formes jumelles du racisme. S’il est possible de contrô-ler le préjugé pour éviter des actes de discrimination, la pratique de la discrimi-nation indirecte au Brésil révèle d’une part l’association entre ces deux dimensions du racisme, mais aussi la façon dont l’une peut cacher l’autre, en particulier lorsque le préjugé déguisé ou irréfléchi conduit à la négation de droits.

SPHÈRE PUBLIQUE ET ESPACE PUBLIC

Ce panorama amène à identifier un hiatus entre sphère publique et espace public au Brésil, qu’on peut repérer comme principal responsable de la discri-mination civique entre Brésiliens (Cardoso de Oliveira, 2005, p. 7 et 99-135). Au sein de la sphère publique – entendue comme « univers discursif où les nor-mes, les projets et les conceptions du monde sont rendus publics et soumis à l’examen ou au débat public », comme l’évoque Habermas – il existe

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aujour-d’hui une forte hégémonie du principe d’égalité comme valeur. Au plan de l’espace public – considéré comme « le champ des relations situées à l’extérieur du contexte domestique ou de l’intimité et où les interactions sociales ont effectivement lieu » (Cardoso de Oliveira, 2005, p. 7) –, le filtre de la considé-ration opère encore systématiquement comme un facteur discriminant.

Dans un pays qui, après l’abolition de l’esclavage, n’a jamais discriminé for-mellement les Noirs, qui a établi des lois antiracistes depuis plus de cinquante ans, où l’État a joué un rôle important dans la diffusion de l’idéologie de la démocratie raciale1

, et où il existe une grande interaction sans tension entre Noirs et Blancs dans la vie privée, la dimension publique de la vie sociale peut être identifiée comme le locus privilégié où le racisme au Brésil se manifeste et se cache tout à la fois. Ce n’est pas sans raison qu’Hélio Santos, un leader important du mouvement noir, signale que « l’on doit considérer le quotidien des relations sociales pour avancer significativement sur ce thème » (Santos, 1997, p. 214). Cette discordance ou duplicité entre intégration pleine et discri-mination raciale dans la vie quotidienne est le produit de ce désemboîtement entre sphère publique et espace public au Brésil, qui, pour être surmonté, demanderait des efforts de réarticulation de ces deux dimensions de la vie sociale*.

Président de l’Association des anthropologues brésiliens (ABA) Université de Brasilia

Département d’anthropologie

BIBLIOGRAPHIE

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Québec et aux États-Unis, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2005.

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Nogueira O., Preconceito racial de marca e preconceito racial de origem, Em Tanto preto

quanto branco : estudos de relações raciais, São Paulo, T. A. Queiroz, 1954-1985.

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Luís R. Cardoso de Oliveira

1. C’est seulement dans les années 1990, lors du premier mandat de Fernando Henrique Cardoso, qu’un président de la République a admis l’existence de racisme au Brésil.

* Traduit par Elizabeth Maria Speller-Trajano, édité par Anne Raulin et Dorothée Dussy.

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Referências

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