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L’identité africaine dans L’appel des arènes et Le vent du sud

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Academic year: 2017

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L’ identité africaine dans L’ appel des arènes

et

Le vent du sud

Dr Johnson Dj oa Manda

INPHB de Yamoussoukro, Côt e d’ Ivoire Résumé :

Cet art icle ent end met t re au goût du j our les valeurs qui unissent les peuples af ricains. Car l’ Af rique, berceau de l’ humanit é, est f rappée par une grande division ent re peuples de même origine. Sur la base de deux œuvres romanesques issues de deux sphères dif f érent es (l’ Af rique noire et le Maghreb) il a ét é démont ré, à la lumière des mécanismes sémiot iques et réf érent iels qu’ il exist e vérit ablement une ident it é af ricaine. Les t ext es, en ef f et , sont prégnant s de const ruct ions ident it aires véhiculées par l’ hist oire, la t radit ion orale des griot s et port eurs de parole et par l’ expression pict urale et graphique. Par ailleurs, l’ act e de réf érence considère que les espaces scéniques, le t emps de l’ hist oire et les act ant s f ont l’ obj et d’ une aut hent icit é. Ce passé douloureux, t out es ces int ervent ions art iculées sur le verbe et l’ écrit ure sont des valeurs ident it aires propres à l’ Af rique. Elles unissent les peuples du cont inent noir et posent le post ulat d’ une seule Af rique.

Mots-clés :

roman af ricain, ident it é, sémiot ique, aut hent icit é, Maghreb.

***

L’ Af rique, en plus du sous-développement économique dont elle souf f re, est f rappée par une grande division ent re peuples de même origine, comme c’ est le cas de cet t e quasi rupt ure ent re les pays du nord (le Maghreb et l’ Égypt e) et les pays du sud au point où nombre de chercheurs pensent qu’ il exist e plusieurs Af riques. Part ant de là, l’ idée d’ une ident it é af ricaine f ait régulièrement débat . Il devient donc primordial, vu le cont ext e mondial act uel, de reconsidérer et de réaf f irmer les f act eurs de cohésion ent re les peuples af ricains. Cet t e préoccupat ion const it ue l’ obj et de cet t e ét ude.

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manif est e l’ af ricanit é dans le roman af ricain d’ expression f rançaise ? Par quels mécanismes les valeurs ident it aires propres à l’ Af rique sont -elles mises en œuvre ?

Pour en proposer une démonst rat ion, il convient de s’ appuyer sur "L’ appel des arènes"(1) d’ Aminat a Sow Fall et "Le vent du sud"(2) d’ Abdelhamid Benhedouga. Ces œuvres issues de deux sphères dif f érent es (l’ Af rique noire et le Maghreb) sont prégnant es de const ruct ions ident it aires. En t émoignent les not es de Monsieur Niang, un personnage de Sow Fall : "Le désordre qui bouleverse le monde a pour cause l’ aliénat ion collect ive... Chacun ref use d’ êt re soi-même et se perd dans l’ illusion qu’ il peut se t ailler un mant eau selon sa propre f ant aisie... Un homme qui a perdu son ident it é est un homme mort ... Le ref us de Diat t ou et de Ndiogou, leur obst inat ion à vouloir dét ourner Nalla des t am-t ams, c’ est le rej et d’ une part ie de leurs racines"(3).

Cet t e occurrence, à l’ image d’ aut res du corpus, met à nu un cert ain nombre de signes qui mérit ent d’ êt re ét udiés et int erprét és dans une perspect ive sémiot ique. On peut dès lors reprendre la t hèse saussurienne selon laquelle la sémiot ique est "la science qui ét udie la vie des signes au sein de la vie sociale" (2002 : 26). Il s’ agit bien de signes linguist iques, mais aussi des rit es, des codes et des symboles qui gouvernent la sociét é sénégalaise et algérienne, et déclamés dans le récit dans une sort e de t héât ralit é. La lect ure et la compréhension de ce t ype de t ext e exigent , d’ après Louis Panier (2009 : 2), un cert ain nombre de précaut ions : "Un t ext e n'est pas seulement le support , le médium de la communicat ion d'un message ou d'une inf ormat ion, il est la manif est at ion d'une signif icat ion immanent e et art iculée. Ainsi conçu, le t ext e correspond à une globalit é de sens, à un t out de signif icat ion, dont il convient de décrire les art iculat ions. L’ obj ect if de la lect ure sémiot ique est j ust ement de rendre compt e de cet t e globalit é, d’ en développer la cohérence".

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considérés comme syst ème signif iant dans la perspect ive benvenist ienne (1974 : 33), un passage du roman algérien renchérit : "La vieille (sourde-muet t e) demanda ce que désirait Naf issa. Rabah mont ra la j eune f ille avec les mains, neuf doigt s repliés. La mère à son t our s’ expliqua : "Des j ours de j oie et d’ amit ié, un rayon de soleil dans sa longue solit ude". Rabah t raduisit , mais Naf issa avait appris le langage des signes et comprenait une part ie de la conversat ion. Elle parla et f it des signes t out à la f ois"(4).

Ainsi la sémiot ique permet t ra une meilleure int erprét at ion de l’ hist oire, des codes et symboles. D’ ailleurs Gilles Siouf f i et Dan. V. Raemdonck qui cit ent Charles Morris observent "qu’ une chose n’ est un signe que parce qu’ elle est int erprét ée comme le signe de quelque chose par un int erprèt e" (2012 : 73). Il est clair que la sémiot ique est en grande part ie une science de l’ int erprét at ion. Mais chemin f aisant , un recours à l’ act e de réf érence sera aussi nécessaire pour apprécier si "les ent it és appréhendées appart iennent à un univers f ict if ou réel" (Mart in Riegel 2009 : 959). Le repérage des opérat eurs sémiot iques et des grandeurs f igurat ives, leur descript ion et leur int erprét at ion invit ent à déf inir deux niveaux d’ art iculat ion :

- l’ ident it é af ricaine ent re signes, codes et symboles ; - l’ ident it é af ricaine par les grandeurs f igurat ives.

1 - L’ identité africaine entre signes, codes et symboles :

Trois opérat eurs sémiot iques int éressent cet t e ét ape : l’ hist oire, l’ oralit é et l’ écrit ure.

1. L’ hist oire.

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appart enait "(5). La colonisat ion a f ait du t ort aux Af ricains à plusieurs niveaux. Au Sénégal, Monsieur Niang qualif ie la sit uat ion de "Déséquilibre physique... Déséquilibre spirit uel... Déséquilibre ment al" (L’ appel des arènes : 89). Il s’ agit bien ici d’ un problème d’ accult urat ion consécut if à la présence des valeurs occident ales en Af rique. Les principales vict imes sont de sexe f éminin : Naf issa, la j eune lycéenne dans "Le vent du sud" et Diat t ou, la sage-f emme dans "L’ appel des arènes"

.

La t ragédie des deux

personnages consist e en ce manque ou en cet t e perversion des valeurs af ricaines, mais également en un ref us du soi et de sa cult ure : "A son ret our d’ Occident , lorsque Diat t ou ét ait part ie

pour récupérer Nalla, elle avait débarqué en mini-j upe. Son

accout rement et ses cheveux coupés ras avaient scandalisé les villageois. La st upeur n’ ét ait pas encore passée qu’ elle osa se prononcer dehors en pant alon, cigaret t e aux coins des lèvres. Les villageois, en observant ses f esses en f orme de calebasses moulées dans le pant alon et en les voyant rebondir lorsqu’ elle marchait , avaient pensé que Diat t ou leur j ouait une scène de dérision. Mais ils n’ en avaient pas ri. Une prof onde secousse les avait ébranlés et en premier lieu, Mame Fari"(6).

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Deux champs lexicaux se part agent cet t e descript ion du rapport de f orce hist orique ent re les puissances coloniales et les Af ricains :

- l’ annexion : dominat ion, aliénat ion, soumission, envahissement , humiliat ion : "Mes ancêt res... Oui... lorsqu’ ils f urent envahis, la discorde s’ inst alla dans le village, et aussi la hont e. Cert ains accept èrent la dominat ion, mais mon arrière-grand-père ref usa l’ humiliat ion"(8).

- la révolt e : guerre, guerre de libérat ion, révolut ion, révolut ion

armée, indépendance : "Malek, alors dans sa première j eunesse

avait pris les armes sans la moindre hésit at ion. Dès le début , il avait rej oint le rang des moudj ahidine. Lucide, il avait compris le sens d’ une Révolut ion dirigée cont re un colonialisme qui exerçait depuis longt emps sa dominat ion sur la t erre algérienne"(9).

Aussi le langage est -il une preuve dans l’ expression de l’ ident it é af ricaine. Seydou Badian Kouyat é le conf irme dans un ent ret ien lors du colloque int ernat ional d’ Alger : "Par la langue, nous avons ce que le passé nous a laissé comme message et ce que le présent compose pour nous. C’ est la langue qui nous lie, et c’ est elle qui f onde not re ident it é. Elle est un élément essent iel et sans la langue, il n’ y a pas de cult ure. La langue nous aide à t out int erprét er"(10).

2. L’ oralit é.

La parole af ricaine et les marques de l’ oralit é sont présent es dans le t issu narrat if par le canal de plusieurs genres oraux. Cert ains ont un caract ère prof ane, d’ aut res ont une dimension religieuse :

- les genres prof anes sont const it ués de proverbes, de cont es, de discours de marabout s, d’ éloges de griot s, de comment aires de j eu, d’ épopées de grands guerriers, de chant s, de f ables, de médisances et de commérages ;

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ét é dit s lors des obsèques de la vieille Rahma(11).

Dans le Maghreb, les cont es ont du prix aux yeux des populat ions du bled à t elle enseigne qu’ elles leur accordent plus d’ int érêt que les inf ormat ions délivrées par les livres. Une discussion ent re Naf issa et la vieille Rahma, au suj et de l’ hist oire du caf é, conduit le narrat eur à f aire cet t e révélat ion : "Naf issa allait -elle cont redire la vieille, lui racont er ce qu’ elle savait sur le caf é et son hist oire ? Elle aurait perdu son t emps, car t ous les villageois ne j uraient que par la Chadiliyya. Personne n’ aurait aj out é f oi aux dires de Naf issa. L’ aut orit é des cont es et légendes dont se nourrit la f oi des gens simples ne souf f re aucune discussion"(12).

Les récit s de guerres de libérat ion, les épopées relat ives aux exploit s de chasse et de lut t e dans les arènes, l’ hist oire du pact e ent re les Sénégalais et le serpent , l’ hist oire de l’ inf irmit é de la mère de Rabah et celle d’ Al Hadj Hamouda qui a mis sa t êt e à prix pour sauver le village, sont aut ant de cont es qui aliment ent la t rame des récit s. Dans une ét ude t axinomique sur les genres oraux en Af rique, Amadou Koné (1993 : 38) bapt ise le cont e de genre narrat if car les subst rat s du cont e sont récupérés et coulés dans les canons du récit romanesque occident al. C’ est pourquoi, ces marques de l’ oralit é revêt ent d’ aut res f ormes dans les t ext es cont emporains ; lesquelles f ormes sont qualif iées, par Alioune Tine, "d’ oralit é f eint e". Jacques Chevrier (1999 : 97), qui cit e Alioune Tine, observe que "l’ oralit é f eint e s’ art icule aut our d’ une série de st rat égies narrat ives qui, à la cit at ion pure et simple, préf èrent dif f érent es procédures comme l’ int erf érence linguist ique, le calque st ruct ural, la surcharge burlesque, la t héât ralisat ion, le recours au code de l’ énigme et du merveilleux, la charge sémant ique des pat ronymes af ricains".

La présence des cont es dans le t issu narrat if est signalée par ces indices linguist iques :

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- l’ ouvert ure des guillemet s ou l’ usage du t iret (Le vent du sud : 97 ; 99) ;

- un synt agme nominal ou une phrase impersonnelle avec la duplicat ion de l’ adverbe : "un j our", "Il y a longt emps, t rès longt emps" (L’ appel des arènes : 57 et 98) ;

- le ret our à la réalit é marqué par la f ermet ure des guillemet s ; - le passage direct à l’ applicat ion du message du cont e : "La j oie dilat ait les cœurs, mais les gens songeaient avec t rist esse à la mort d’ Al Hadj Hamouda qui avait sacrif ié sa vie pour ses f rères. Hélas ! Mon f ils ! Un homme qui sort ait de l’ ordinaire" (Le vent du sud : 101).

La séquence sémiot ique "Un homme qui sort ait de l’ ordinaire" t raduit non seulement la nost algie des valeurs ancest rales t ombées en désuét ude, mais aussi une invit e de Rahma à ses cont emporains à prendre modèle sur Al Hadj Hamouda.

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renchérir dans son Avant -propos "qu’ en Af rique, dans cert aines régions, les proverbes revêt ent un cert ain caract ère sacré. Ils sont un excellent moyen d’ éducat ion qui a servi les hommes depuis la nuit des t emps" (2010 : 13). Plus f acilement ident if iable dans le discours romanesque, le discours proverbial, qu’ Amadou Koné qualif ie de "f ormes non narrat ives", se laisse déf inir comme "t out f ait de st yle perçu également comme caract érist ique d’ une t radit ion ou d’ une doct rine est hét ique ou d’ une langue spéciale" (1993 : 38). On le sait , la parole se déroule dans le t emps et disparaît , l’ écrit ure a pour support l’ espace qui la conserve. Analysons-la.

3. L’ écrit ure.

L’ écrit ure est également un élément ident it aire car l’ hist oire ret ient que les premières écrit ures f urent découvert es en Égypt e. Jean Dubois et ses collaborat eurs (2012 : 169) expliquent que ce code ét ait pour les anciens égypt iens, d’ origine divine invent ée par le dieu Thot . L’ écrit ure est donc d’ abord un obj et divinisé, le mét ier sacré d’ une cast e privilégiée de scribes. Puis elle se répand largement , d’ abord à cause de son usage ornement al, ensuit e grâce à la f abricat ion du papier avec le papyrus. Selon les mêmes aut eurs (2012 : 168), on dist ingue t rois t ypes d’ écrit ure égypt ienne :

- l’ écrit ure hiéroglyphique proprement dit e, la plus ancienne, découvert e sur les monument s ;

- l’ écrit ure cursive, dont la plus ancienne est l’ écrit ure hiérat ique (les scribes t ransposant sur le papier l’ écrit ure des monument s, schémat isent et allègent les signes, ut ilisent des ligat ures en un t racé presque inint errompu, de droit e à gauche) ; - l’ écrit ure démot ique, variant e de l’ écrit ure cursive, plus simplif iée que l’ écrit ure hiérat ique ; ut ilisée par l’ administ rat ion, elle devient d’ un usage courant et populaire.

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végét aux, des obj et s, et c. sont peu schémat isés. Les signes pouvaient aussi représent er des act ions ou des sent iment s : le dessin d’ un homme port ant la main à la bouche signif iait "manger" ou "avoir f aim".

Narrat eur et personnages soulignent également la présence de ces f ormes graphiques dans le parcours hist orique sénégalais et algérien. Une causerie ent re la vieille Rahma et Rabah f ait la lumière sur le sens des f igures dessinées sur deux pot eries cont enant des plat s :

- "Regarde bien ce dessin ; c’ est l’ année t errible. Vois-t u ? Un champ de blé sans épis. Cet t e f igure, c’ est le t yphus : ce soleil obscurci, avec des grif f es, c’ est la maladie, la mort qui a dépeuplé nos maisons.

Les lignes du dessin, t rès signif icat ives, ét aient sombres... Rabah remarqua une f igure qui f aisait penser à un t amis ou un t ambourin en t ravers duquel ét ait j et ée une f aucille ; il la mont ra du doigt :

- Et ça, t ant e ?

La vieille se pencha at t ent ivement sur le dessin et soupira.

- Ça mon f ils, c’ est l’ année où Al Hadj , homme pieux, a mis sa t êt e à prix pour sauver le village"(16).

Chez Aminat a S. Fall, ces at t ribut s revêt ent plut ôt un caract ère républicain car ils sont ut ilisés pour représent er un Ét at : le Sénégal. Tel est le sens des symboles ident it aires ut ilisés pour magnif ier les exploit s d’ un grand chasseur après son combat cont re une lionne : "Mon père connut des moment s t erribles de souf f rance, puis il se releva avec une f igure ef f royablement mut ilée, amput ée d’ une oreille... Son inf irmit é ét ait comme le drapeau de t out un peuple debout pour exprimer le désir ardent de sauvegarder coût e que coût e la dignit é. Mon père ét ait le socle du drapeau... Il ét ait le drapeau même... Il port ait , incrust é sur son visage, l’ emblème de Diaminar"(17).

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le narrat eur d’ A. Benhedouga. Ils t raduisent non seulement les "années t erribles" qu’ ont t raversées le Sénégal et l’ Algérie, mais aussi la vict oire. On le sait , les t ermes "drapeau" et "emblème" sont des symboles de ralliement des peuples à une cause, à des Ét at s indépendant s. Analysant la port ée sémiot ique des deux symboles ét at iques, Michel Past oureau (2011 : 12 et 18) f ait la remarque suivant e : "Le drapeau pourrait const it uer un riche document d’ hist oire ant hropologique. A la f ois image emblémat ique et obj et symbolique, il est soumis à des règles

d’ encodage cont raignant es et à des rit uels spéci

fi

ques qui,

auj ourd’ hui, se sit uent au cœur de la lit urgie de l’ Ét at et / ou de la Nat ion... En f ait , il n’ y a j amais d’ emblème ou de couleur isolée, mais, à une époque donnée, dans un milieu ou une région donnée, un syst ème collect if d’ images et de couleurs emblémat iques qui s’ int erpellent et se répondent , posant par là même à l’ hist orien des problèmes qui sont d’ abord d’ ordre sémiologique".

Des f ormules t elles que "des arabesques et des f igures dont la valeur symbolique échappait aux gens, des cercles de couleurs, une f ormule abracadabrant e(18), l’ ext ase de couleurs, le pagne "cawali", une camisole "f aj aama" où mille ét oiles blanches scint illent "(19) f oisonnent dans les œuvres et at t est ent de l’ aut hent icit é de l’ écrit ure comme une marque ident it aire propre à l’ Af rique.

Les t ext es convoquent , à part ir de conf igurat ions discursives disponibles, des élément s f igurat if s (des act eurs dans des espaces et dans des t emps), pour reprendre Louis Panier (2009 : 3) et les dispose de f açon part iculière pour les met t re en scène. Ces élément s f igurat if s sont là pour représent er un monde réel par l’ ent remise de l’ act e de réf érence.

2 - L’ identité africaine par les grandeurs figuratives :

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auquel renvoie le t ext e, soit dans d'aut res t ext es. Pour Denis Bert rand(20) "Le concept sémiot ique de f igurat ivit é a ét é ét endu à t ous les langages, verbaux comme non verbaux, pour désigner cet t e propriét é qu'ils ont en commun de produire et de rest it uer part iellement des signif icat ions analogues à celles de nos expériences percept ives les plus concrèt es. La f igurat ivit é permet ainsi de localiser dans le discours cet ef f et de sens part iculier qui consist e à rendre sensible la réalit é sensible".

Le corpus présent e des "récit s f act uels" selon la

t erminologie d’ Umbert o Eco (1996 : 130) car ils t rait ent de

"séquences d’ événement s réellement arrivés, dont le locut eur croit qu’ ils se sont produit s ou veut f aire croire qu’ ils se sont réellement produit s". On s’ at t achera plus précisément aux disposit if s spat iaux, t emporels et act oriels.

1. Les disposit if s spat iaux.

Ils sont const it ués de noms propres de lieux connus de l’ aut eur et des lect eurs. L’ hist oire se déroule sur deux espaces géographiques bien dist inct s : en ville (Louga) dans le roman sénégalais et au village (le Bled) chez A. Benhedouga. Capit ale régionale, Louga est sit uée dans le Nord-Ouest du Sénégal. Le mot Bled, lui, a une connot at ion arabe : il est lié à l’ Af rique du nord. "C’ est un lieu, un village éloigné, isolé, of f rant peu de ressources", not e "Le Pet it Robert " (2015 : 265). Les propos de Naf issa et ceux du narrat eur au suj et de cet espace en sont une parf ait e illust rat ion : "Me marier au bled, y consumer mon exist ence !" Et le narrat eur poursuit plus loin : "Cet t e vision obsédant e revenait chaque f ois qu’ il ét ait quest ion d’ arracher Naf issa à ses ét udes, de la f orcer à vivre dans ce village perdu"(21). Le narrat eur oppose ces espaces af ricains à des lieux ét rangers, l’ Europe et la France, pour mieux marquer le colonialisme et l’ aliénat ion cult urelle. Ainsi dans "L’ appel des arènes"

,

le lect eur rencont re des sit es géographiques comme

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bled, d’ Alger, de Const ant ine, de Mazit a, de l’ Algerie et de la France. Deux procédés st ylist iques sont mis en œuvre pour at t est er l’ aut hent icit é des lieux cit és :

- l’ accumulat ion doublée d’ une gradat ion ascendant e : "Elle regret t ait Alger, la capit ale" (Le vent du sud : 9), "L’ Ile bleue, c’ est la t erre de la Teranga, c’ est Saint Louis du Sénégal, c’ est N’ dar Géép drapé dans son pagne bleu", "Louga, immense ville de sable" (L’ appel des arènes : 125 et 134). Dans une ét ude t axinomique sur les modes de donat ion du réf érent , M. Riegel et ses collaborat eurs (2009 : 966) at t ribuent le t erme de "réf érence descript ive" au t ype de réf érence qui vient d’ êt re ident if ié car ce mécanisme int erprét at if ut ilise un groupe nominal qui évoque des caract érist iques du réf érent visé. Les descript ions déf inies assurent l’ ident if icat ion univoque de leur réf érent qui est présent é comme ét ant le seul à sat isf aire la descript ion dans l’ univers de discours. Dans "L’ Ile bleue, c’ est la t erre de la Teranga, c’ est Saint -Louis du Sénégal, c’ est N’ dar Géép drapé dans son pagne bleu", les expressions possessives, démonst rat ives et emphat iques assurent l’ unicit é des réf érent s au moyen d’ un t rait descript if relat ionnel.

- le recours aux not es inf rapaginales pour expliquer des t ermes comme "Zit ouna", "Walo", "Get Ndar" qui signif ient respect ivement Universit é islamique de Tunis (Le vent du sud : 54), région du Sénégal et quart ier des pêcheurs à Saint -Louis (L’ appel des arènes : 12 et 178). Le recours à cet art if ice pour expliquer cert ains noms de lieux et t ermes du t ext e principal semble t raduire chez les aut eurs le souci de légit imit é et d’ aut hent icit é des lieux convoqués. Edmond Biloa (2007 : 115) explique également ce choix par le sent iment d’ insécurit é linguist ique qui anime le romancier af ricain qui "se dit sans dout e que ses écrit s ét ant lus en priorit é par un public non af ricain, il f audrait explicit er t out f ait linguist ique suscept ible de le

désorient er. La peur de ne pas êt re compris par le lect eur crée

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Le t emps de l’ hist oire f ait également part ie des grandeurs f igurat ives. Son int erprét at ion permet t ra sans dout e d’ apprécier la légit imit é des f ait s convoqués.

2. Les disposit if s t emporels.

Mis à part cert ains événement s hist oriques et les myt hes f ondat eurs f aisant allusion à la période précoloniale rapport és dans "L’ appel des arènes", le t emps de l’ hist oire dans les récit s est f ourni par deux repères obj ect if s, pour parler comme Michèle

Perret (1994 : 27) : soit des dat es complèt es suivies

d’ événement s, soit des événement s sans repères t emporels, mais qui appart iennent à l’ hist oire et au vécu. Relat if au premier cas, les t ext es f ont apparaît re des dat es précises enracinant l’ hist oire ent re le début du XXe siècle et j ust e après l’ avènement des indépendances, comme on le lit dans le roman maghrébin : "Depuis l’ ouvert ure de son ét ablissement au milieu de l’ année 1920, il ét ait le kahouadj i, le caf et ier. Vinrent la Seconde Guerre mondiale, la Guerre de Libérat ion et enf in l’ indépendance". Chez Aminat a Sow Fall, on lit également aux pages 185 et 189 des passages comport ant des indicat ions de t emps ; elles rappellent les exploit s de Fili, un grand but t eur it alien des années 30 : "Je me sent ais pousser des ailes quand Fili inscrivait un but . Fili ét ait le plus grand f oot balleur des années 30... Le revendeur éclat e de rire et aj out e : Les billet s sont épuisés depuis 1912".

Une let t re de Naf issa dest inée à sa t ant e, à la page 71, en dit plus : "Village de... le... août 196..." Ces repères sit uent l’ hist oire après 1962, c’ est -à-dire après l’ accession de l’ Algérie à la souverainet é nat ionale. On le sait , l’ année 1957 a ét é pénible pour le peuple algérien dans les lut t es émancipat rices : la bat aille d’ Alger (j anvier-sept embre 1957), les évènement s de Melouza (mai 1957), et c. Ce chif f re a subi le mécanisme linguist ique de la t roncat ion et il est devenu 57. C’ est ainsi que l’ on rencont re des repères comme "l’ ét é 57" et "le t rain 57"(22)

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d’ événement s". Il s’ agit selon l’ aut eur de "f ormules t rès synt hét iques capables de désigner ost ensiblement l’ événement ". Af f ichés de f açon privilégiée dans l’ œuvre, ils const it uent la f orme linguist ique qui f açonne la percept ion sociale d’ une af f aire.

D’ aut res f ait s, ne comport ant pas d’ indicat ion t emporelle, not amment les épidémies du t yphus et de la variole, qui ont décimé l’ Algérie et le Sénégal semblent aut hent iques. Expliquant l’ origine de l’ inf irmit é de la mère de Rabah, la vieille Rahma f ait la lumière sur le t yphus en Algérie : "Ta mère n’ est pas née muet t e, elle l’ est devenue à cause du t yphus. Cet t e maladie s’ est abat t ue sur le village au cours d’ une année de misère ; peu de gens en ont échappé. Pendant près de t rois mois, nous n’ avons connu que deuils et lament at ions"(23). Le bilan de l’ épidémie pour l’ année 1921 dressé par le Service de Sant é milit aire d’ Algérie conf irme les propos de Rahma : "1921- 6841 cas : 1529 décès. Les t errit oires du sud accusent 1912 cas dont 469 décès. Enf in les départ ement s d’ Alger et de Const ant ine sont t ouchés à leur t our. Ce dernier qui avait présent é 649 cas en 1920, f ournit 2548 cas dont 752 décès en 1921"(24).

Dans la même logique, Mame Fari racont e à Nalla les ef f et s t ragiques de la variole qui avait ravagé sa f amille : "Mon pet it Séga, si beau, si généreux... Il ét ait à la f leur de l’ âge et devait t erminer son service milit aire avant de s’ engager dans la carrière de médecin qu’ il avait choisie... Une épidémie de variole me l’ a emport é en même t emps que mon mari, à deux j ours d’ int ervalle... Cela f ait auj ourd’ hui vingt -deux ans qu’ ils sont part is avec t ous mes espoirs"(25).

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vaincue. Alors que la sit uat ion est assez sat isf aisant e au Sénégal et surt out en Maurit anie où l’ incidence est f aible avec seulement quelques pet it es poussées épidémiques, il n’ en va pas de même dans les aut res t errit oires".

J.-P. Delville nous f ournit non seulement des indicat ions de t emps (1935-1944), mais ne manque pas d’ évoquer le cas sénégalais. En s’ appuyant sur les expressions réf érent ielles (le t yphus et la variole) et sur l’ hist oire des pest es qui ont décimé l’ Af rique depuis l’ époque coloniale j usqu’ à la f in des années 1950, on s’ aperçoit que le t yphus et la variole décrit s dans les ét udes ci-dessus const it uent les réf érences act uelles des épidémies dont parlent les personnages. Ces désignat ions ont ét é rendues possibles par l’ ent remise de données concrèt es. C’ est ce que Jean-Claude Milner (1982 : 10) appelle leur réf érence virt uelle : "à chaque unit é lexicale individuelle est at t aché un ensemble de condit ions que doit sat isf aire un segment de la réalit é pour pouvoir êt re la réf érence d’ une séquence où int erviendrait crucialement l’ unit é lexicale en quest ion... L’ ensemble de condit ions caract érisant une unit é lexicale est sa réf érence virt uelle". En d’ aut res t ermes, connaît re le sens ou la réf érence virt uelle d’ un mot donné, c’ est savoir quelles sont les caract érist iques qu’ une ent it é doit sat isf aire pour êt re désignée par ce signe. Ce pot ent iel désignat if , ce sont les expressions décès, vaccinat ions, chif f res, années, et c. qui permet t ent d’ avancer qu’ il s’ agit ef f ect ivement d’ épidémie de t yphus et de variole. Mais de quels agent s est -il quest ion dans le noyau narrat if ? Sont -ils présent és comme déf inis ?

3. Les act ant s.

(16)

qu’ elles sont rat t achées à l’ hist oire de leur pays. Examinons ces t rois énoncés sémiot iques chargés de signif icat ion :

(1) - Malek criait à ses compagnons moudj ahidine de prendre garde (Le vent du sud : 116).

(2) - Ammi al Hadj , depuis son ret our de la première guerre mondiale, ét ait f idèle à son post e (Le vent du sud : 122).

(3) - Malek et Taha l’ inst it ut eur avaient pris part à la guerre de libérat ion (Le vent du sud : 171).

L’ analyse des énoncés permet d’ avancer que :

- les act ant s sont associés à des événement s hist oriques, par exemple la première guerre mondiale en (2) et la guerre de libérat ion algérienne en (3) ;

- les synt agmes verbaux cont iennent des verbes d’ act ion, sous une f orme act ive : criait , prendre garde en (1) et avait pris part en (3) ; ces unit és linguist iques engagent les agent s dans des act ions concrèt es.

Par ailleurs en (2), le t erme "moudj ahidine" apparaît comme un modif ieur dét erminat if car sa suppression, d’ après Riegel et ses collaborat eurs (2009 : 343), "modif ie la valeur réf érent ielle du groupe nominal (compagnons moudj ahidine)" : Malek criait à

ses compagnons moudj ahidine de prendre garde

/

Malek criait à

ses compagnons de prendre garde = t ous les compagnons.

Ent re aut res choses, l’ hist oire enseigne qu’ en Algérie, est considérée comme moudj ahid t out e personne ayant part icipé à la révolut ion de libérat ion nat ionale durant la période allant du 1re novembre 1954 au 19 mars 1962. M. Perret (1994 : 28-29) parle dans ce cas de "récit vrai" car "il pose des individus indent if iables" et invit e à les classer dans l’ ensemble des individus ayant part icipé aux mouvement s de libérat ion nat ionale, ce qui permet de mieux les imaginer. Il f aut aussi prendre en compt e la t héât ralisat ion de la lut t e dans les arènes dans le t ext e sénégalais. Ce sport t radit ionnel est l’ act ivit é sport ive la plus f avorit e du pays. En de t els cont ext es, t ous les lut t eurs comme

(17)

plus grand lut t eur des t emps présent s" (L’ appel des arènes : 57) qui lui sont associés posent des individus ident if iables. D’ ailleurs le synt agme nominal "des t emps présent s" conf irme l’ act ualit é de l’ événement et son caract ère cont emporain.

3 - Conclusion :

Au t ot al, les œuvres examinées apport ent une lumière sur le passé commun et le subst rat cult urel des peuples sénégalais et algérien. Ces signes ont ét é analysés et int erprét és dans une visée sémiot ique et réf érent ielle. Ils mont rent que le Sénégal et l’ Algérie part agent les mêmes valeurs : l’ hist oire, l’ oralit é et l’ écrit ure qui sont des valeurs propres à l’ Af rique. Ent re aut res choses, les noms des lieux, le t emps de l’ hist oire et les act ant s sont t irés des expériences personnelles et appart iennent au vécu. On peut donc parler avec Michèle Perret (op. cit . ) de "récit vrai". Les mécanismes sémiot iques et réf érent iels posent donc l’ exist ence d’ une seule Af rique. Part ant de là, l’ idée d’ une ident it é af ricaine est un f ait réel. Tel est le sens du message d’ espoir et de réconciliat ion de Monsieur Niang à l’ endroit des Af ricains : "Le cordon ombilical coupé avec la mère, mais renoué avec la grand-mère. Un des signes de not re t emps. Signe encourageant , d’ ailleurs meilleur que le vide. Peut -êt re même le salut ... La grand-mère, c’ est encore la t erre... Le lien avec la t erre..."(26). La "grand-mère" et la "t erre" désignent l’ Af rique dont les peuples sont "liés" par des f act eurs de cohésion spécif iques au cont inent noir.

Notes :

1 - Aminat a Fall Sow : L’ appel des arènes, Les Nouvelles Edit ions Af ricaines, Dakar 2006.

2 - Abdelhamid Benhedouga : Le vent du sud, ENAG Edit ions, Alger 2002. 3 - Aminat a Fall Sow : op. cit ., p. 88.

4 - Abdelhamid Benhedouga : op. cit . , p. 195. 5 - Ibid., p. 24.

(18)

8 - Aminat a Fall Sow : op. cit ., p. 93. 9 - Abdelhamid Benhedouga : op. cit ., p. 37.

10 - Seydou Badian : C’ est la langue qui f onde not re ident it é, Colloque int ernat ional d’ Alger, Langues, cult ure et t raduct ion, organisé par la f acult é des Let t res et des Langues d’ Alger, avril 2002.

11 - Abdelhamid Benhedouga : op. cit ., pp. 134 - 136. 12 - Ibid., p. 16.

13 - Aminat a Fall Sow : op. cit . , p. 77. 14 - Abdelhamid Benhedouga : op. cit ., p. 14. 15 - Ibid., p. 23.

16 - Ibid., p. 99.

17 - Aminat a Fall Sow : op. cit ., p. 123.

18 - Abdelhamid Benhedouga : op. cit ., pp. 115 ss. 19 - Aminat a Fall Sow : op. cit . , pp. 163 et 170.

20 - Cf . Louis Panier : La sémiot ique discursive. Une analyse de la significat ion et de ses fonct ionnement s. Une prat ique de la lect ure des t ext es, 2009, ht t p:/ / bible-lect ure.org.

21 - Abdelhamid Benhedouga : op. cit ., pp. 27 et 65. 22 - Ibid., pp. 40 et 42.

23 - Ibid., 98.

24 - ht t p:/ / alger-roi.f r

25 - Aminat a Fall Sow : op. cit . , p. 73. 26 - Ibid., p. 114.

Pour citer l'article :

 Dr Johnson Dj oa Manda : L’ ident it é af ricaine dans L’ appel des arènes et Le vent du sud, Revue Annales du pat rimoine, Universit é de Most aganem, N° 16, 2016, pp. 75 - 92.

Referências

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