• Nenhum resultado encontrado

Voyage pittoresque et historique au Brésil [...] (Volume 3)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Share "Voyage pittoresque et historique au Brésil [...] (Volume 3)"

Copied!
322
0
0

Texto

(1)

VOYAGE

PITTORESQUE ET HISTORIQUE

AU BRÉSIL,

ou v y j i x o ' ' *

q<m? b'tttt (g^rfbfc \^tancai$ an fg&résiC,

DEPUIS 1816 JUSQU'EN 1831 INCLUSIVEMENT.

OÀoaf/fi) ae C ty&veMemenf eâ ae £tS&ô(ucaùon ae &/. ±spé>. Ql). ^Cef/w • *J '7<on.aaéei/r ae / O m / u r e orejcuen.

Dfîrté à l'2lralïémtf &*« 6mujr-2lrt6 ï>f l'Jnetttut îre France,

PAR J.-B. DEBRET,

PREMIER PEINTRE ET PROFESSEUR DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE BRÉSILIENNE DES BEAUX-ARTS DE RIO-JANEIRO, PEINTRE PARTICULIER DE LA MAISON IMPÉRIALE, MEMBRE CORRESPONDANT DE LA CLASSE DES BEAUX-ARTS DE L'iNSTITUT DE FRANCE, ET CHEVALIER DE L'ORDRE DU CHRIST.

TOME TROISIÈME.

FIRMIN DIDOT FRÈRES, IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE,

LIBRAIRES, RUE JACOB, W° 5 6 .

(2)

VOYAGE

PITTORESQUE ET HISTORIQUE

AU BRÉSIL.

(3)

INTRODUCTION.

J\ PRÈS avoir décrit, dans mon premier volume, l'état sauvage du peuple brésilien, sujet dont l'invariable caractère primitif a déjà été traité, avec une irréprochable exactitude, par de savants voyageurs européens, j'ai r é u n i , dans la seconde partie du même ouvrage, les détails plus rares et presque ignorés de l'histoire de X1 industrie de ce peuple civilisé,

soumis au joug portugais; industrie q u i , dans son principe, bornée à suffire aux premiers besoins de la vie, ne différait de l'état sauvage que par les formules imposées dans l'échange commercial des produits indigènes contre des instruments aratoires et quelques étoffes grossièrement fabriquées par l'Angleterre et importées par le Portugal, mais q u i , plus t a r d , devait offrir un puissant intérêt dans son développement, hâté par l'active influence des étrangers.

Enfin, la troisième partie dont je m'occupe, Y histoire politique et religieuse, importante par sa spécialité, soumise elle-même au reflet des combinaisons diplomatiques de l'Europe, constamment agitée depuis 8 9 , prépare un cadre intéressant, riche d'épisodes recueillis sur les lieux, et dont l'enchaînement servira à rétablir pour toujours les traces déjà presque effacées des premiers pas vers la civilisation de ce peuple nouvellement régénéré.

Il faut ajouter, avec justice, que le Brésilien, orgueilleux de son premier clan, sut depuis en soutenir les heureuses conséquences, par une énergie sagement dirigée, gage irrécusable d'un glorieux avenir.

Je ne puis donc t r o p me hâter de décrire le Brésil de 1816; car, dans cette belle contrée, plus que partout ailleurs, les rapides progrès de la civilisation dénaturent chaque jour le caractère primitif et les habitudes nationales du Brésilien, humilié aujourd'hui d'avoir été si longtemps l'esclave du caprice et de l'oppression des gouverneurs portugais.

Mais, par un singulier contraste, ce fut la main d'un roi de Portugal qui réveilla le Brésilien, après trois siècles d'apathie, lorsque, fugitif de l'Europe, il vint établir son trône à l'ombre de ses paisibles palmiers, pour abandonner bientôt, il est vrai, cette œuvre de régénération inspirée par la nécessité. Mais la civilisation axait germé, et le Brésil, intelligent de son avenir, conserva le fils aîné de cet inconstant protecteur, et en fit un empereur indépendant, dont la souveraine puissance annula définitivement les pré-tentions du pouvoir portugais sur ses anciennes possessions d'Amérique. Ainsi émancipée, la terre d'Alvarez Cabrai se gouverne elle-même, et doit à ses propres lumières sa pros-périté toujours croissante.

Dans le récit des éAénements historiques accumulés en quinze années, et dont on peut cependant comparer le résultat à celui de plusieurs siècles chez tout autre peuple, il ne sera pas, sans d o u t e , indifférent de retrotner les noms des personnages portugais et brésiliens qui figurèrent en première ligne dans les révolutions qui substituèrent le pouvoir national au pouvoir étranger: renseignement oublié en partie, ou grièvement altéré déjà pat la mauvaise foi. Il m'était donc réservé, comme témoin étranger et peintre d'histoire au

(4)

11 I N T B O D U C T I O i N

Brésil, d'unir ma plume à mon pinceau pour recueillir des documents exacts et de première nécessité pour un art dignement consacré à sauver la vérité, du mensonge et de l'oubli.

En effet, la somptuosité des fêtes, la hiérarchie des dignitaires, les singularités de l'an-tique cérémonial religieux, grâce à l'aide de la lithographie, vont offrir, au premier coup d'œil, mille détails échappés à une description écrite, qui ne peut cesser d'être succincte sans devenir ennuyeuse.

On retrouvera enfin, dans la notice de Xétat des beaux-arts au Brésil, les documents relatifs à l'honorable mission qui nous fut confiée, et la preuve authentique des résultats dus a nos efforts, consacrés tout à la fois aux progrès des artistes brésiliens et à l'honneur des professeurs français, fondateurs de l'Académie impériale des beaux-arts de Bio-Janeiro

(5)

Hvvivéc î>c la Crntr te 3ean vi au firtetl; *a véaibmce

à Hio-Janeiro.

En vain le Portugal s'efforçait, en 1807, de rester neutre dans la grande lutte qui s'engageait entre la France et l'Angleterre, il répugnait secrètement à rompre ses rela-tions intimes avec le cabinet de Londres, et continuait à recueillir et à ravitailler, dans ses ports d'Europe et d'Amérique, les escadres anglaises destinées à agir contre la France et l'Espagne, son alliée. Dans cette circonstance, le gouvernement français exigea du régent portugais une explication nette et sans détours; mais toutes les réponses du régent étaient evasives, et ses promesses illusoires. Il continuait, en effet, sourdement, à prendre des enga-gements positifs avec l'Angleterre, dont il voulait se réserver le secours. La cour de Lisbonne s'embarrassa dans ses délais, et se vit subitement menacée d'une invasion française. L'am-bassadeur français demanda ses passe-ports et se retira ; le péril était véritablement immi-nent : d'un c ô t é , une armée française parut tout à coup sur les frontières du Portugal; de l'autre, le gouvernement alarmé vit l'escadre du commodore Sydney Smith établir l e b l o c u s le plus rigoureux à l'embouchure du Tage.

Lord Strangford, ambassadeur anglais, ne laissa plus au régent que l'alternative de remettre sa flotte à l'Angleterre, ou de l'employer tout de suite à transporter la famille de Braganceau Brésil, afin de la soustraire à l'influence du gomcrnemenl français. Le moment était décisif pour sauver la monarchie; il fallait opter entre le Portugal envahi et le Brésil intact. Une situation à peu près semblable avait suggéré le même moyen de salut au ministre

Pombal, lors de l'invasion des Espagnols dans le royaume de Portugal, sous le rè«nc de

Jean IV.

b

La force des circonstances vainquit le caractère ordinairement timide et circonspect du régent, et lui fit prendre la résolution décisive de promulguer, par un décret royal, son projet de départ pour Bio-Janeiro, jusqu'à la conclusion d'une paix générale. Il nomme ensuite une régence pour administrer les affaires pendant son absence, et ordonne l'embar-quement des archives, du trésor, ainsi que des effets les plus précieux de la couronne.

Enfin, au milieu des démonstrations de regrets et de fidélité de son peuple, qui se pressait en foule sur ses p a s , on vit le régent, accompagné de sa famille, quitter le sol natal, pour monter à bord de sa flotte : elle se composait de quatre grandes frégates, plusieurs bricks, sloops, corvettes et bâtiments du Brésil, formant ensemble trente-six voiles. Le 29 novembre 1807 au matin, la flotte royale passa à travers l'escadre anglaise, qu'elle salua de vingt et un coups de canon, salut qui lui fut r e n d u , et les deux escadres se réunirent : ensuite la flotte royale gagna la haute mer, escortée par l'escadre britannique du commodore Moore.

Après une heureuse navigation, elle aborda , le 19 janvier 1808, à Bahia. Le débarquement de la famille royale fut pour les habitants de cette ville une occasion mémorable de mani-fester leur joie et leur attachement, à la vue de leur souverain.

Les fêtes splendides qu'ils lui avaient préparées étalaient un luxe et une magnificence qui attestaient à la fois l'élévation de leur âme et la grandeur de leur fortune. Voulant donner une preuve plus ostensible et plus durable de leur dévouement au monarque, ils votèrent

(6)

i VOYAGE P I T T O R E S Q U E AU BRÉSIL.

unanimement une somme de douze millions de francs, destinée à l'édification d'un palais p o u r la famille royale, si le prince daignait résider parmi e u x ; mais des raisons politiques empêchèrent le régent d'accepter leur offre.

Le habitants de Rio-Janeiro furent plus heureux. Le 19 mars 1808, ils reçurent, au milieu de l'ivresse générale, le régent et sa famille, qui vint débarquer dans leur ville, pour y fixer sa résidence (*). La sûreté de sa superbe rade contribua sans doute beaucoup à la préférence qui lui fut accordée; car les titres politiques de Bahia à la préférence du souverain étaient é\idenls(**).

La présence de la cour nécessita de grandes améliorations dans les établissements publics. Le petit palais du vice-roi fut augmenté de tout le vaste bâtiment des Carmes (***), dont l'église conventuelle devint la chapelle royale, mise sous l'invocation de saint Sébastien(****);

{ * ) La famille royale se composait de onze personnes : La tante du r é g e n t , doua Maria Benedita, veuve du

prince don José.

Doua Maria 1"', reine de Portugal, q u i , par suite d'une aliénation mentale, avait concédé ses'droits à son fils,

don Joao \ I, q u i , p a r l e fait, devint régent.

Doua Carlotta, fille du roi d'Espagne, épouse du prince régent. .Morte depuis en Portugal. De cette union

naquirent sept enfants, deux garçons et cinq filles.

Don Pedro d'./lcanlara, prince. Reste au Brésil avec le titre de prince r é g e n t , lors du départ de la cour pour

le Portugal.

Don Miguel, infant. Retourné en Portugal avec le roi.

Dona Mur/a Tliercza, l'aînée des princesses; mariée à Rio-Janeiro avec un infant d'Espagne, venu avec la cour

du Portugal au Brésil, et qui y mourut après deux années de mariage. Il existe un fils de cette union. En 1821, après le retour de la famille royale en Portugal, la veuve et l'infant retournèrent en Espagne pour reprendre leurs droits.

Dona Maria d'Jssu/upçao passa en Espagne, en 1817, pour épouser le roi F e r d i n a n d ; elle y mourut peu

d'années après.

Dona Maria Isabel', retournée avec la cour à Lisbonne. Après la mort du r o i , elle fut nommée régente de ce

royaume par don P e d r o , son frère, alors premier empereur du Brésil, et qui avait abdiqué ses droits en faveur de sa fille aînée, dona Maria da Gloria If, qu'il nommait reine de Portugal. Peu d'années a p r è s , la

régente se retira à l'île Terceira, par suite des événements politiques survenus à Lisbonne. Doua Maria Francisca , retournée en Portugal, et restée auprès de sa m è r e , dona Carlotta.

Dona Isabel Maria, retournée en Portugal. Cette dernière épousa à Lisbonne le fils du marquis de YOlei, passa

en F r a n c e , et revint à Rio-Janeiro, en 1829, avec sa nièce dona Maria I I , à la suite de la princesse de Leucbtemberg, seconde impératrice du lirésil, qui y était attendue pour la célébration de ses noces. En I 8 3 I , ces trois personnes retournèrent en France avec don P e d r o , ex-empereur du Brésil, par suite de son abdication.

( ) La ville de Bahia, ou Baie de tous les Saints (primitivement San-Salvador ) , avait des d r o i t s , par son ancienneté et ses établissements publics, à devenir la résidence de la cour : elle avait possédé la présence du gouverneur général du Brésil, depuis iîîlJj jusqu'en 177!. Elle seule fut érigée en an lievèche.

( *) On se servit du couvent pour y installer le grand commun du palais. I n coriidor , qui était pratiqué au premier étage, fut conservé pour la communication du palais à la chapelle. 11 s'utilise encore aujourd'hui poul-ie passage de toute la c o u r , lorsque le souverain doit paraître dans sa tribune à la chapelle impériale, pour assister à l'office aux jours de fêtes religieuses.

( ***J Le décor intérieur de la chapelle royale est généralement riche d'ornements sculptés en bois dorés en plein. Mais a l'époque du couronnement de l'empereur, on a réservé les fonds blancs, et r e d o r e , b r u n i , tous les ornements. Voici en peu de mots la disposition intérieure de cet édifice : à droite dans le chœur, se trouve la grande tribune de la cour. A gauche cm voit le trône épiscopal , à coté duquel on y ('lève celui du souverain , lorsquil est nécessaire pour les grandes cérémonies nationales.

Le tableau du maître-autel était un ex-voto de la famille royale on y avait représenté la reine m è r e , doua

Maria F', et la princesse Carlotta, femme du régent, agenouillées sur des coussins de velours, e t , du côté oppose,

le regant et son lils don Pedro dans la même attitude, invoquant la vierge du mont Carniel, figurée dans le h a u t , posée debout sur un groupe de nuages, et étendant son manteau comme pour en couvrir et protégée la famille royale, dont les yeux sont élevés vers elle.

(7)

V O Y A G E P I T T O R E S Q U E AU B R É S I L . 5

immédiatement à côté, se trouve l'église métropolitaine des Carmes chaussés (*). La réunion de ces bâtiments compose la façade de la place du Palais, parallèle à la mer.

O n sentit la nécessité de créer, pour l'éducation des jeunes officiers, une école sous le titre d'Académie militaire; mais le manque d'un local disponible pour une organisation de ce genre força le gouvernement à s'emparer d'une belle église (**) commencée sur la place de Saint-François de Paule; cette grande construction appartenait à une confrérie de nègres qui en faisait les frais, à l'aide des aumônes qu'ils recevaient de leurs compatriotes africains. La totalité des gros murs était déjà élevée jusqu'à la hauteur de la toiture.

T o u t le chevet de l'église fut conservé pour l'établissement militaire. Mais la démolition d'une partie des divisions intérieures et d'un des côtés de la même église, fournit les maté-riaux nécessaires pour la construction du nouveau théâtre royal de Saint-Jean f***), qui existe encore sur la place de Bocio.

simple terrain , figurant la sommité du mont Carmel. Ce tableau fut peint et retouché depuis par le même artiste brésilien (José Léandre), auteur de plusieurs autres tableaux qui ornent la cliapelle.

La ville de Rio-Janeiro fut érigée en évêché l'an 166g. Son évèque a le titre de premier chapelain, et son chapitre se compose de vingt-huit chanoines, dont huit ont le titre de monseigneur.

Le corps de musique de la chapelle est composé de très-bons artistes en tous g e n r e s , virtuoses castrats, et autres chanteurs italiens. La partie instrumentale est très-forte : il y a deux maîtres de cliapelle. On évalue à trois cent mille francs les traitements réunis des artistes qui la composent.

(") La belle église des Carmes est sous l'invocation de Notre-Dame du mont Carmel. Son intérieur, et les

chapelles qui en d é p e n d e n t , sont extrêmement riches d'ornements sculptés. Tout est doré en plein. Les diverses constructions qui s'y rattachent sont d'une architecture italienne. On remarque son charnier ou Catacombes. Sa bibliothèque est composée, dit-on , de 80,000 volumes, et porte le nom de Bibliothèque impériale. Elle estasse/, spacieuse et bien entretenue; les deux salles principales, dont les plafonds sont richement décorés, ont été com-posées et exécutées en peinture par un artiste brésilien , n o m m é Francisco Pedro de Amaral, mort en i83o. On y voit un buste du roi Jean VI et une statue en marbre de don Pedro Ie r; sculpture assez médiocre laite en Italie.

La confrérie de Notre-Dame des Carmes est une des plus riches, et la mieux composée. Les reli<deux Ca chaussés qui la desservent, habitent le petit couvent de Notre-Dame de la Lapa, situé auprès du jardin public.

(**)En 1816, on voyait encore intact tout le coté gauche intérieur de cette église, contenant dans sa partie supérieure les corridors et leurs t r i b u n e s , dont on fit une galerie divisée en salles d'étude pour l'Académie militaire. La façade était conservée carrément jusqu'à la hauteur du couronnement de la grande porte du milieu. Au-dessus des deux portes latérales, un peu plus petites, on voyait des trophées africains, sculptés en bas-relief, qui attestaient déjà l'origine des fondateurs de ce monument religieux. En 1826, il fut mutilé et démoli en partie pour l'exécution définitive de l'établissement militaire, sur un nouveau projet de la composition de M. Pésérat, artiste français, élève de l'École royale d'architecture de Paris et de l'École polytechnique. Ce jeune artiste, plein d'intelligence, était à Rio-Janeiro architecte particulier de S. M. l'empereur. La façade, construite d'après ces nouveaux p l a n s , est déjà élevée; mais ces travaux furent interrompus en I 8 3 I par suite des événe-ments politiques.

(***) En 1808, il n'y avait en effet à Rio-Janeiro qu'un théâtre fort petit et fort mesquin. On dut alors penser à le remplacer par une belle salle de spectacle, digne de la présence de la cour , q u i , selon la coutume du Portugal devait venir assister en grand costume aux représentations extraordinaires données avec faste à différentes époques de l'année. Sur ces entrefaites, il se présenta un Portugais, nommé José Femandès de Almeida, qui n'était rien moins qu'entrepreneur et directeur de théâtre; mais véritable Figaro, ne possédant pas un écu , et capable de tirer parti de la circonstance par les seuls efforts de son génie. Il avait (bien entendu) l'avantage d'être venu du Portugal à la suite de la c o u r , comme attaché particulièrement au service de la maison du ministre de l'intérieur; en deux m o t s , valet de chambre de S. E x e , favori de la fortune, il se trouvait directement protège du ministre de l'intérieur, e t , de plus, filleul du ministre de la police, protecteur légal du nouvel établissement demandé. Devenu par son audace un personnage nécessaire, dont le zèle plaisait à la c o u r , il ne pouvait manquer de crédit à la ville; ce dont il profita avec adresse pour ouvrir une souscription par laquelle, moyennant une avance de fonds , chaque souscripteur devenait propriétaire d'une loge au théâtre. Pour favoriser sa spéculation chaque rang de loges avait, non-seulement son titre exclusif, mais encore des différences très-appréi lecs dans leurs subdivisions. Judicieux appréciateur du cu-ur humain, il sut par instinct mettre à contribution l'enthou-siasme du m o m e n t , l'amour-propre des riches, et la vanité des ambitieux; aussi tout lui réussit parfaitement et, peu de temps après, il eut la satisfaction d'ouvrir, comme directeur, le beau théâtre royal de Saint-Jean très-solidement construit, dont les pierres ne lui avaient rien coûté, ayant seulement payé les journées d'ouvriers • mais devant aux entrepreneurs les bois, la chaux, les tuiles, les lers , les vitres, les couleurs , les toiles les

(8)

G V O Y A G E P I T T O R E S Q U E AU B R E S I L .

Ou prépara pour la famille royale une résidence permanente appelée (Juinta de Boa

f'ista (*) ( maison de campagne de Bellevue), située près du petit village de Saint-Christophe,

à trois quarts de lieue de la ville;

cordages, etc., et s'étant réservé les fonds pour satisfaire aux engagements nécessaires à prendre avec l'architecte, peintre de décors, les compagnies de comédiens, de chanteurs italiens, de danseurs, les musiciens de l'orchestre, et tout ce qui était en activité sur le théâtre, et qui était payé dans le courant de l'année.

Protégé par le ministre de la police, il obtenait du roi des sommes annuelles assez considérables à titre d'indem-nités , pour les dépenses extraordinaires que nécessitait le luxe des grandes représentations données aux jours de (êtes, comme à la Saint-Jean (fête du roi), à la Saint-Pierre, et ainsi successivement pour les autres personnes marquantes de la famille royale. Cet avantage ne I empêcha pas de faire peu à peu des emprunts réitérés aux actionnaires de la banque , en leur donnant hypothèque sur la totalité du bâtiment.

Le théâtre fut incendié en i 8 a 5 . Mais, toujours moins malheureux qu'un autre, il sauva la façade entière et tous les gros murs de l'édifice. Dans cette circonstance il o b t i n t , avec la permission de l'empereur, le tirage de quatre loteries annuelles au profit de son établissement, e t , à l'aide de ses ressources inépuisables, il put le rouvrir au bout d'un an.

Ciiblé de d e t t e s , il avait encore su prendre des engagements à Lisbonne avec des comédiens portugais, quelques chanteurs italiens, et un corps de ballet, qui arrivèrent à Rio-Janeiro au moment où il venait de m o u r i r , en 1828. Barbier dans sa jeunesse, il ne mourut pas Figaro, mais chevalier de l'ordre du Cruzeiro et commandeur de l'ordre du Christ.

f*) L'enthousiasme et l'orgueil de posséder la résidence du souverain portugais, donnaient lieu tous les jours à

de nouvelles preuves de la générosité des habitants de Rio-Janeiro ; chaque matin il n'avait qu'à choisir parmi les nombreuses invitations qui lui étaient offertes pour varier se»promenades aux environs de la baie, tant par mer que par terre. Les points de repos étaient indiqués dans les habitations, où les rafraîchissements se trouvaient préparés avec luxe et profusion. Ce fut de cette manière que don Jean VI commmença à connaître les beaux sites qui environnent la capitale du Brésil. Lorsqu'une propriété par sa situation paraissait convenir a la cour, le lendemain elle était mise à sa disposition sans demande d'indemnité. Ainsi furent acquises plusieurs maisons royales, que le souverain paya avec des honneurs accordés, en échangé à leurs propriétaires.

La Quinta de Boa Fista, ou palais de Saint-Christophe , était une des plus belles maisons de plaisance qui

existaient alors aux environs île Rio-Janeiro : elle appartenait à un négociant fort riche, qui m fit présent au roi; p o u r récompense de sa générosité , il fut décoré du titre de commandeur de l'ordre du Christ.

Le b â t i m e n t , qui forme un r.irié long, a sa façade sur un de ses grands côtés. Il est consttuit sur un plateau isole , auquel on arrive par un jardin dans lequel on a ménagé une pente douce. La gauche du palais est dominée par une agréable colline, et la droite surmonte une très-grande étendue de jardins, plantés sur un terrain bas et plat, dans lequel circule une petite rivière dont les eaux pures descendent rapidement des montagnes de

Tyiuka que l'on aperçoit dans le lointain. La principale porte de la grille du jardin fut exécutée en 1808, par M.José Domingos Monteiro, architecte-ingénieur portugais. A la même époque, M. Manuel d'Jcosta, Portugais,

architecte et peintre de décors , fut chargé de faire à ce nouveau palais des distributions convenables : il y décora les salles du conseil et du t r ô n e , ainsi que l'intérieur de la galerie ouverte qui tient toute la façade.

En 1816, il existait déjà une façade latérale, décorée en style gothique par un architecte anglais accrédité à la cour. 11 venait aussi d'y préparer un logement pour le prince royal, dont le mariage devait avoir heu inces-samment. 11 fit aussi d'autres travaux accessoires pour le petit commun du palais; et, immédiatement après les fêtes , qui eurent lieu en 1817 à l'occasion du mariage, il c o n t i n u a , par suite du plan adopté, la construction d'un des quatre pavillons gothiques carrés qui devaient être ajoutés aux angles extérieurs du bâtiment principal. En 1822, la toiture du nouveau pavillon éprouva un tassement considérable, par suite de la mauvaise construction de sa charpente. Mais, comme l'architecte anglais avait quitté le Brésil, l'empereur rappela à son ser-vice Manuel d'Jcosta, et le nomma son architecte particulier, le chargeant des restaurations et des nouvelles distributions que nécessitait l'accroissement de la jeune famille impériale. Manuel d'Jcosta supprima le style gothique de la décoration extérieure, pour y substituer des détails d'un style plus moderne, mais encore bizarre, et tenant du goût portugais, lourdement moresque. L'escalier extérieur, par lequel on arrive à la galerie, fut reconstruit sur un plan demi-circulaire à double rampe. Le décor intérieur fut entièrement changé; enfin on venait d'achever les fondations du second pavillon sur la face principale , lorsque Manuel d'Aeosta m o u r u t , laissant ses projets inachevés.

En 1826 , S. M. I. prit à son service le jeune lY7.er.1t, altiste français , en remplacement de Manuel d'Jcosta. Celui-ci restaura vraiment le palais de Saint-Christophe. Eu 1829, le nouveau pavillon parallèle à l'ancien fut achevé, et le bon goût de son architecture fit présumer l'heureux résultat de la restauration complète de ce nouveau palais impérial. La même amélioi.ition régnait dans tons les travaux exécutés depuis, dans les jardins du pair. Tout enfin prenait un caractère de perfection réelle, lorsque l'empereur quitta le Brésil, en i 8 3 i . Le jeune architecte suivit Leurs Majestés en exil, et rentra en France avec elles, abandonnant ainsi à un successeur incertain le soin de continuer ses travaux régénérateurs.

(9)

V O Y A G E P I T T O R E S Q U E AU B R E S I L , 7

Un petit pied-à-terre à file du Gouverneur (*), que l'on peut appeler un beau jardin

anglais, situé à quelque distance de Saint-Christophe;

Une autre résidence à Santa-Crux ( Sainte-Croix )(**), ancien couvent et métairie des

(*) L'ilhia do Goiwernador (l'île du G o u v e r n e u r ) e s t une des principales îles de la b a i e : son territoire est très-fertile; elle possédait une habitation avec de grandes dépendances, et dont on fit tout de suite une petite maison de plaisance pour la cour. La famille royale y allait passer une partie du carême, et le roi en partait pour passer la semaine sainte en retraite dans un couvent de franciscains , situé dans une autre petite île voisine : les bois et les prairies dont elle est couverte en font un rendez-vous de chasse; assez spacieuse, elle est divisée en plusieurs propriétés, dont la plus belle appartient au baron de Rio Secco.

En 1809 , le roi y fit établir une plantation de t h é , cultivée par des Chinois qu'il fit venir dans celte intention. En 1826, S. M. l'impératrice Caroline Léopoldine y avait une petite ménagerie d'animaux venus de diverses parties du monde.

(**) Le couvent de Santa-Crux (Sainte-Croix), ancienne propriété des jésuites, était renommé à juste titre par l'étendue immense des riches dépendances de sa belle ferme. Cette résidence royale est située sur un plateau qui domine de vastes plaines fertiles, bornées dans le lointain par des forêts vierges, au-dessus desquelles on voit s'élever, à travers la v a p e u r , la chaîne de montagnes appelée Cerra de Paraty.

Le couvent et les bâtiments qui en dépendent furent préparés à la h â t e , pour servir de maison de campagne à la famille royale.

M a i s , en 1817, époque du mariage du prince royal don Pedro avec l'archiduchesse d'Autriche Caroline Léopoldine, le roi don Joao VI ordonna au vicomte de Rio Secco, intendant général des bâtiments d e l à c o u r o n n e , de faire distribuer et orner convenablement le palais de Santa-Crux, qui jusqu'à ce moment ne se composait que des anciennes cellules dont se contentaient les goûts simples et religieux du lèvent. Depuis celle époque, toute la cour y faisait chaque année un voyage de six semaines au m o i n s ; le roi en revenait pour la Saint-Jean. Cette habitation était devenue un lieu de délices pour les jeunes princes et princesses, à cause de l'étendue et de la beauté du site qui favorisait les promenades champêtres qu'ils pouvaient faire en pleine liberté. Du r e s t e , les abus tolérés à la cour par Jean V I , et par munificence et par faiblesse de caractère, rendaient ce voyage très-dispendieux pour le gouvernement, et personnellement pour les ministres , qui étaient obligés de louer à leurs frais des petites maisons aux environs, afin de rester près du r o i , et former son conseil d'Etat. Les fournisseurs seuls y gagnaient des sommes considérables, partagées ensuite avec les intendants des différentes attributions du palais.

Sous le règne de l'empereur, qui commença avec toute l'économie possible, les voyages de la cour devinrent beaucoup plus fréquents, et par suite bien moins c o û t e u x , en ce que les spéculateurs formèrent sur la route des établissements commodes pour les voyageurs , qui jusquelà avaient été forcés d'emmener à leur suite des p r o

-visions de tous <?enres. o

En 1825, l'empereur, désirant organiser la ferme et utiliser ses vastes dépendances, voulut qu'on levât un plan général de la propriété : il fut confié à la direction de l'ingénieur en chef; mais les opérations préparatoires étaient fatigantes : aussi eut-on soin de faire naître des difficultés pour en reculer l'exécution, et avec elle les précieux résultats.

Mais , en 1826, l'ingénieur français Pézérat, admis au service particulier de l'empereur en qualité d'architecte , en fut spécialement chargé, et en moins de trois semaines il satisfit les désirs du souverain , au grand étonnement des vieux ingénieurs de la cour. Ce premier succès lui attira la confiance intime de l'empereur, qui lui abandonn le soin de toute espèce d'amélioration. Pézérat aussitôt employa des moyens ingénieux et prompts pour 1; fabrication des tuiles et des briques, et procura ensuite une grande économie clans les constructions supprimant tous les entrepreneurs, maîtres et contre-maîtres, et faisant, à l'aide d'un seul inspecteur français lui-même constructeur, exécuter toute la main-d'œuvre par les nègres esclaves appartenant à l'établissement. L'empereur satisfait prit un goût plus décidé à la gestion de ce bien, y établit un haras, remplit ses immenses plaines de bestiaux, et fit des élèves en tous genres.

On exécuta une restauration intérieure de la chapelle, et on ajouta une aile au château; on projetait même l'ouverture d'un canal de navigation, lorsque l'empereur quitta le Brésil.

Toutefois, ces améliorations entraînèrent quelques abus. Des courtisans attachés au pouvoir, jaloux de plaire à l'empereur, exigèrent à son insu des concessions injustes et préjudiciables à beaucoup de propriétaires. Ces familles, réduites au désespoir, profitèrent du moment favorable d'un changement de ministère pour faire des réclamations régulières : tout s'éelaircit, et S. M. t. ordonna la restitution des propriétés usurpées contre sa volonté.

Don Pedro, devenu empereur, donna la liberté à un grand nombre des anciens esclaves qui lui appartenaient

lorsqu'il n'était que prince royal; de p l u s , il fit don a chacun d u n e petite portion de terrain autour du palais

de Santa-Crux, pour y construire des habitations qui devinssent le séjour de leurs familles. C'est de la réunion

de ces différentes concessions que se forma le point central du village que l'on voit aujourd'hui .>u bas du plateau. Deux grandes rues le traversent on y remarque quelques maisons assez lu.MI bâties, et des boutiques dartisans; il sert de point de icpos et de secours aux vovagcurs qui viennent de Saint-Paul a Bio-Janeiro.

a

1

(10)

3 VOYAGE P I T T O R E S Q U E AU B R É S I L .

jésuites, situé sur un plateau, au milieu d'une immense plaine, à douze lieues de Rio-Janeiro sur la route de Saint-Paul.

Un riche propriétaire de Prahia-Grande lui fit encore présent de la plus belle maison

du village de San-Domingo (*).

Les habitants de Rio-Janeiro montrèrent la même générosité à l'égard des personnes attachées au régent, ainsi qu'à ses ministres; mais leurs demeures ne furent acceptées qu'au titre de location : à la vérité, pendant les premières années elles ne furent pas toutes exac-tement payées, parce que les grands de la cour, en venant au Brésil, se trouvaient momenta-nément frustrés de leurs revenus, ayant abandonné précipitamment leurs propriétés d'Europe. Les principales familles et les plus remarquables étaient celles des ducs de Cadaval, cousins du régent, des comtes d'A ponte, de Belmonte, du vicomte d'Assecca, du marquis

d'An-genja, des Lobats, etc. Une des familles brésiliennes dont la générosité se distingua le plus

fut celle des Carneiros (**); elle en fut récompensée par des honneurs, qui s'accrurent encore sous le règne de l'empereur.

Les propriétés du Portugal souffrirent beaucoup pendant le temps que dura la guerre de la Péninsule, parce que la présence des troupes anglaises, qui y restèrent comme alliées, fut plus onéreuse que ne l'avait été celle des Français, qui l'évacuaient alors; e t , pour réparer ces malheurs, le gouvernement du Brésil fit à ces familles nobles des concessions de terrains sur différents points qui environnaient la ville : le vicomte d'Assecca eut en partage une grande partie des montagnes de Tyjuka et des collines qui descendent jusqu'à la ville. Ces familles avaient, en i 8 i G , déjà utilisé leurs nouvelles possessions.

L'arrivée successive d'un grand nombre de Portugais, qui ne savaient où trouver un asile, obligea le gouvernement à mettre en vigueur la loi despotique de 1 Aposentadoria real(***) (droit royal de pourvoir aux logements). Elle forçait le propriétaire à louer sa maison à la personne protégée du gouvernement, qui lui était adressée.

En 181G, cette loi oppressive pesait encore sur les propriétaires, qui n'osaient plus mettre d é s i g n e s extérieurs aux logements vacants, afin d'éviter de les louer, malgré e u x , à des employés du gouvernement. Mais cette finesse ne trompait pas la vigilance de la police; et

(*) Le village de Saint-Domingo était formé d'un petit nombre de maisons réunies autour de la petite église de ce nom , bâtie presque au bord d'une agréable baie assez étendue; une de ses extrémités touche à la forteresse de Grai'ata, et l'autre vient joindre l'Jrmae.ao , bâtiment construit au bord de la mer pour y dépecer les baleines et en extraire l'huile.

La maison donnée au régent don Joao VI, possédant un premier étage, était par conséquent la plus belle; elle est située sur une petite place derrière l'église.

L'empereur y fit ajouter quelques dépendances détachées du bâtiment; elles servent à loger les domestiques et à former les écuries.

En i 8 3 o , on avait combiné de nouvelles distributions et refait en entier la décoration intérieure de cette maison de campagne, destinée spécialement aux petites princesses, filles de l'empereur.

Cet ancien village, agrandi avec le t e m p s , fut élevé en 1819 à la catégorie de ville royale de Prahia-Grande, e t , en i 8 3 i , à celle de capitale de la province de Rio-Janeiro , titre dont réflectivité est reportée à l'année i 8 3 5 . (Voir la dernière note du deuxième volume). Elle est aujourd'hui très-bien peuplée, et fort recherchée des habitants de Bio-Janeiro pour y aller passer les grandes chaleurs de l'été.

( *) Carneiro (Léon), riche propriétaire, était colonel de cavalerie de milice et chambellan de l'empereur. Les Carneiro (de Campos) furent ministres ; un d'eux fut ministre des relations étrangères , et l'autre fut deux fois ministre de 1 intérieur, et, de plus, un des trois membres de la régence provisoire après l'abdication de l'empereur don Pedro l".

( ¥ ¥) Pour l'application de cette loi, il suffisait, en cas de refus sur une demande de gré à g r é , que le ministre

de la police fît par un de ses agents tracer avec de la craie un grand P. 11. (prince régent) sur la porte extérieure de la maison désignée comme vacante : par cette formalité le propriétaire était légalement forcé d'en céder la jouissance; alors le nouveau locataire protégé s'installait, et le gouvernement était supposé responsable du payement, garantie illusoire, parce que provisoirement il était impossible d'attaquer en justice un employé du gouvernement ou un officier supérieur d'un corps militaire, sans se faire à «et effet délivrer par la cour de justice royale une autorisation du prince régent.

(11)

VOYAGE PITTORESQUE AU BRESIL. Q

ce fut à la laveur de cette loi que nous pûmes être logés tout de suite, lors de notre débar-quement. Quelques mois après, notre traitement annuel ayant été réglé, chacun de nous changea de logement, et s'arrangea de gré à gré avec son propriétaire.

La crainte que cette loi inspirait était telle, que nous avons vu dans les beaux faubourgs, et même dans le centre de la ville, plusieurs grandes maisons inachevées, que les proprié-taires laissaient exprès dans cet état pour s'en réserver l'entière jouissance, espérant la prochaine réforme de cette loi despotique, importée du Portugal. Elle ne fut cependant supprimée que sous l'empire.

En 1817, pour pallier dans les rues les distances inhabitées par suite du prolongement des murs des j a r d i n s , on porta une loi qui enjoignait aux propriétaires qui possédaient des murs de clôture donnant sur la r u e , de faire construire au rez-de-chaussée, ne fût-ce qu'en bois, des baies de portes et fenêtres, dont ils faisaient ensuite remplir les ouver-tures, leur laissant indéterminément le temps d'utiliser ce commencement de construction.

De plus, en cas de réparation urgente du mur de face d'un rez-de-chaussée, on était obligé d'élever un premier étage, n'eût-il qu'une grande lucarne.

En 181 y, il n'y avait déjà plus de rues, dans l'intérieur de la ville, où l'on vît des murs de clôture, et il existait beaucoup de maisons à trois étages; ce qui donnait à la ville le véritable aspect d'une capitale.

instruction publique.

La ville de Bio-Janeiro, devenue la métropole du Brésil vers la moitié du dix-huitième siècle, obtint dès lors les secours nécessaires pour soutenir la gloire de son titre. Aussi vit-on, à cette époque, l'évèque Guadeloupe fonder les séminaires de José et de

San-Joaquim, autant pour contribuer à l'éducation des jeunes Brésiliens en général, que pour

former les jeunes ecclésiastiques dont l'indigence entravait les études.

Le séminaire de San-José est situé vers l'extrémité de la rue àAjuda, au pied de la montagne des Signaux (ou du Castel), sur laquelle est construite l'antique cathédrale de

Saint-Sebastien, patron de la ville.

Cet établissement est sous la protection de l'évèque de Rio-Janeiro; ses revenus sont fondés sur des dotations.

Le cours complet des études se compose aujourd'hui des connaissances suivantes : gram-maire latine, logique, métaphysique et morale, rhétorique, français, anglais et " r e c , géométrie (*).

Les professeurs sont ecclésiastiques. Un certain nombre de jeunes pensionnaires se des-tinent à l'état ecclésiastique ; les uns payent leur pension, les autres sont entretenus aux frais du gouvernement : on y reçoit aussi des élèves externes.

Les ressources de cet établissement sont telles, que, lorsqu'il se trouve, dans les différentes provinces du Brésil, des jeunes gens p a u u e s qui désirent se dévouer à l'état ecclésiastique, il leur suffit de se présenter à l'évèque de Rio-Janeiro pour obtenir gratis, par sa protection, tous les avantages que l'établissement procure aux plus riches internes.

(*) De plus, il y avait autrefois le cours de dessin dans les deux séminaires ; mais il fut supprimé lors de la création de l'Académie des beaux-arts.

T . ut 3

(12)

i o VOYAGE P I T T O R E S Q U E AU B R É S I L .

La règle de la maison prescrit aux élèves de partager, à tour de rôle et par humilité, tout le service intérieur du pensionnat.

Les jeunes ecclésiastiques pensionnaires portent une s o u t a n e , un manteau long et un bonnet carré violets. Dans les grandes fonctions religieuses de la chapelle impériale, ils sont employés au chœur.

La distribution des prix se fait à l'établissement, en présence de l'évèque, qui y officie pontificalement ce jour-là. Le public est admis à le visiter le jour de Saint-Joseph.

Le séminaire de San-Joaquim, attenant à une belle église qui porte son n o m , est situé sur une petite place formée par l'embouchure de trois rues, celle du Val-Longo, celle de San-Domingo, et la troisième portant le nom de San-Joaquim, large et droite, qui conduit au Campo de Santa-x\nna (*).

Cet établissement est spécialement destiné à l'éducation gratuite des orphelins. Par cette raison , ceux de l'hospice des enfants trouvés y sont admis de droit ; avantage que les enfants de militaires sont admis à partager, moyennant une rétribution très-modique.

Le cours se compose de l'enseignement des premières lettres, selon la méthode de Lan-castre, de la grammaire latine, de la logique, métaphysique, morale, de l'anglais et du français.

L'intérieur de l'établissement avait été envahi, pendant quelque temps, par le ministre de la guerre, pour y former une caserne ; mais il fut rendu à sa première destination sous le règne de l'empereur.

Le monarque assista solennellement à sa réinstallation; et, depuis, il honora de sa pré-sence toutes les distributions de prix qui se firent pendant son règne (**).

Ce séminaire est sous la protection immédiate du gouvernement, et est soutenu par des dotations.

EDUCATION DES FEMMES.

Depuis l'arrivée de la cour au Brésil, on avait tout p r é p a r é , mais rien fait de positif pour l'éducation des jeunes demoiselles brésiliennes; car, en 181 5 , elle se bornait, comme an-ciennement, à savoir réciter des prières par cœur, et à calculer de mémoire, ne sachant ni chiiirer, ni écrire. Le travail de l'aiguille occupait seul leurs loisirs, parce qne toute espèce de soins relatifs à l'intérieur du ménage se confie toujours aux femmes esclaves.

Les pères et les maris favorisaient cette ignorance, pour d é t r u i r e , dès le principe, les moyens de correspondances amoureuses. Cette précaution, qui nuisait t a n t , d'ailleurs, au développement des connaissances, fit inventer aux Brésiliennes la combinaison ingénieuse des interprétations symboliques appliquées aux différentes fleurs (***), dont elles se formèrent un langage; de manière qu'une seule fleur, offerte ou envoyée, était l'expression d'une pensée

(*) Cette place a pris le nom de Champ de l'Jcclamation, depuis le gouvernement de 1 empereur, qui y fut acclamé, et actuellement celui du Champ d'Honneur, depuis l'abdication de l'empereur, parce qu'elle a servi de campement aux citoyens armés pendant cette crise politique.

(**) On retrouvera ici le nom du frère Joaquim comme fondateur d'un collège à Sainte-Catherine, auquel il consacra tout son patrimoine; il en établit un autre à Bahia , et un troisième à l'Ile-Grande. Il y a, de plus , un séminaire et un collège à Pernambuco.

(*¥¥) Je rapporte ici quelques fragments de ce dictionnaire erotique: r o s e , a m o u r ; p e n s é e , amour parfait;

pied-d'alouette, chagrins en général, par suite de sa forme, qui présente à son extrémité inférieure une espèce de pointe recourbée, que l'on compare à la forme d'un p i q u a n t ; aussi son nom brésilien est-il espora (éperon ). La scabieuse exprime les tendres souvenirs; la lavande fraîche, la tendresse, et la lavande séchée, la h a i n e ; un certain fruit, dont le nom est eaja (en le divisant il donne ca (ici), ja (déjà, tout de suite), et par la réunion des deux syllabes, il donne littéralement, ici tout de suite), ordre de venir promptement, etc.

(13)

VOYAGE P I T T O R E S Q U E \U BRÉSIL. l r

ou d'un ordre transmis, auquel on pouvait ajouter des conséquences variées par l'addition de plusieurs autres fleurs ou d'une simple feuille de certaines herbes convenues à l'avance. Douces pensées, colère, heure du jour, lieu du rendez-vous, tout s'y trouve exprimé de la manière la plus simple.

Mais, comme la clef de cette correspondance était donnée au jeune homme qui devait y r é p o n d r e , cette science, répandue ainsi de génération en génération, devint un objet de dérision aussitôt que les progrès dans l'éducation des femmes y substituèrent l'écriture.

Le culte religieux, considéré au Brésil comme un sujet de réunions publiques dans les-quelles l'amour-propre rivalise avec la piété, donne lieu, d'abord, à faire apprendre à lire aux jeunes demoiselles dans des recueils de prières, afin d'utiliser un petit livre de dévotion q u i , enrichi d'une superbe reliure, deviendrait, dans ces pieuses réunions, un nouvel accessoire ajouté à leur parure. En effet, aujourd'hui une jeune personne bien élevée a grand soin de laisser voir son livre de messe pendant le trajet qu'elle est obligée de faire pour se rendre à l'église. Ainsi devenue plus orgueilleusement pieuse, elle dédaigne le chapelet, relégué désormais dans les mains des plus vieilles dévotes.

En 181G, on comptait à peine deux pensions particulières; peu de temps après, on com-mença cependant à trouver quelques dames portugaises et françaises q u i , aidées d'un professeur, s'engagèrent à recevoir chez elles, à titre de pensionnaires, de jeunes demoiselles qui y apprendraient les principes de la langue nationale, de l'arithmétique, et les éléments de la religion, se réservant la direction du travail de broderie et de couture.

Déjà aussi plusieurs Français, réduits à tirer parti de leur éducation, s'étaient mis à aller donner des leçons de langue française et de géographie chez les personnes riches.

Depuis 1820, 1 éducation commença à prendre une véritable extension, et les'moyens d'enseignement se multiplièrent tellement d'année en année, que maintenant il n'est pas rare de trouver une femme capable d'entretenir une correspondance en plusieurs langues, s'occupant de lecture, comme en Europe.

La librairie française n'y a pas peu contribué, en fournissant un agréable choix de nos ouvrages moraux, traduits en langue portugaise; ces livres, devenus classiques, intéressent par leur nouveauté, ornent l'esprit et forment le cœur des jeunes élèves brésiliennes.

Les progrès à cet égard sont tels, qu'il y a seize ans un Brésilien avait une certaine honte d'envoyer son enfant à une école publique, et que maintenant, au contraire, un père ne se fait pas scrupule, en allant à son bureau le matin, de conduire sa fille p a r l a main jusqu'à la porte de la maison d'éducation oit elle est admise en qualité d'externe.

D'autres riches négociants ou jurisconsultes, habitant les beaux quartiers de Catète, Botafogo, assez éloignés du centre de la ville, le matin, amènent leurs enfants dans leurs voitures jusqu'à la porte de leurs collèges; et, le soir, la voiture va les rechercher, sous la surveillance d'un domestique de confiance. Aujourd'hui, comme en E u r o p e , on trouve dans ces collèges tous les maîtres d'agrément. Les talents que l'on recherche le plus ordinairement dans la société sont la danse et le c h a n t , parce qu'ils y brillent davantage dans les réunions du soir. Dans la haute société, on exige de plus la musique appliquée au piano, la connais-sance des langues française, anglaise, et le dessin. Les jeunes demoiselles apprennent assez facilement à traduire et à écrire la langue française; mais elles ont généralement beaucoup de timidité pour la parler dans le monde.

Depuis 1829, époque du second mariage de l'empereur avec la princesse Amélie de Leuehtemberg, fille du prince Beauharnais, il était reçu de ne parler que français à la cour, et surtout près de l'impératrice; l'empereur en donnait l'exemple : nouveauté pénible poul-ies courtisans, peuple singe du maître, qui s'efforçaient sans cesse de retrouver dans leur mémoire des mots français é p a r s , pour en construire à la hâte des phrases souvent très-peu françaises. Mais l'indulgente affabilité de la nouvelle impératrice, et ses rapides progrès dans la langue portugaise, offrirent bientôt un puissant palliatif à cette gène instantanée.

(14)

'2 VtOAGE PITTORESQUE AU BRÉSIL.

Néanmoins, le mobile le plus puissant de la réorganisation de l'instruction publique fut la déclaration de l'indépendance brésilienne, q u i , nationalisant les Brésiliens, les rendit jaloux d'illustrer leur patrie, affranchie légalement, en 1822, de la domination portu-gaise (*).

Jusqu'à cette époque, en effet, les premiers emplois dans toutes les administrations étaient confiés à des Portugais, dont l'éducation européenne servait de prétexte pour jus-tifier le choix fait par le gomernement. Cet abus prolongé entraînait avec lui le funeste résultat d'arrêter les progrès de la civilisation des Brésiliens. Ce Rio-Janeiro, capitale d'un royaume, et résidence de la cour du Portugal, ne voyait s'accroître que du luxe, sans pro-duire de ^éritables richesses; je veux dire les connaissances intellectuelles, précieux encou-ragements nécessaires aux naturels du pays.

Les jeunes gens n'avaient donc précédemment pour se distinguer que les cours institués dans les écoles militaires, et dont les pr i x, plus ou moins mérités, s'accordaient encore par faveur. Il ne leur restait plus alors à cultiver que des dispositions naturelles, les plus heureuses, il est vrai, pour la poésie, la musique, et les exercices du c o r p s , tels que la danse et l'équitation. Mais cette application frivole de leurs moyens, qui les faisait briller dans la société comme poètes improvisateurs, chanteurs agréables, bons musiciens, danseurs élégants, ou cavaliers intrépides, occupait ainsi tous leurs loisirs, et leur éducation, fausse-ment dirigée dès son principe, les exposait à ignorer toute leur vie le bonheur auquel ils avaient d r o i t , lorsque, citoyens vertueux et éclairés, ils seraient appelés à consacrer leurs lumières à la prospérité du sol natal, sur lequel reflète toujours la gloire des noms qu'il a produits.

Le système libéral de la constitution donnée par l'empereur aux Brésiliens, et jurée solennellement par lui, le 25 mars 1824, à Rio-Janeiro, avait donné une vive et profonde impulsion au désir, si louable, de se distinguer dans la carrière politique. Aussi, dès ce m o m e n t , tous les hommes pensèrent à puiser des lumières dans les annales européennes et surtout françaises, et l'avantage, reconnu, de les consulter dans leur langue originale créa la nécessité d'en apprendre désormais l'idiome ; ce qui fait qu'à présent on exi"e la connaissance de la langue française dans les établissements d'instruction publique.

Déjà les deux écoles du génie militaire et de la marine et l'école chirurgico-médicale prirent un nouvel essor dans leur mode d'enseignement, par l'admission de nomeaux pro-fesseurs nationaux (**) récemment venus d ' E u r o p e , dont le patriotisme et l'enthousiasme exploitent, au profit de leurs élèves, les heureuses améliorations qu'ils ont recueillies avec tant de fruit dans les auteurs modernes, transplantés par eux au sein de leur jeune patrie. Dans les classes de chirurgie, de médecine, de géométrie, de physique, etc., on voit journellement ces généreux professeurs, identifiés avec les beautés d'un précieux ouvrage français qu'ils tiennent à la m a i n , en improviser la traduction d'une manière claire et précise tout à la fois, pour en faire le sujet de la leçon du jour. Déjà plusieurs d'entre eux ont commencé des traductions destinées à l'impression comme ouvrages classiques.

De même, aujourd'hui, l'on rencontre les élèves se rendant à leurs cours, munis des édi-tions françaises des Lacroix, des Legendre, des T h é n a r d , et de tant d'autres illustres professeurs français.

O Le 9 janvier 1822, le prince régent don Pedro prit la résolution de rester au Brésil. Le 13 déniai de la même a n n é e , il fut déclaré défenseur perpétuel du Brésil. Le 12 octobre suivant, il fut proclamé e m p e r e u r , et le ic r décembre suivant, il fut couronne dans la chapelle impériale. Il fut reconnu par son père et les autres

puissances européennes , le 29 août l 8 a 5 . Il avait nommé des ambassadeurs qui se rendirent en Italie , en France, en Angleterre, en Allemagne, et aux États-Unis de l'Amérique du N o r d , etc.

(**) En effet, depuis 1816 les jeunes Brésiliens, s'etant répandus en Europe, s'y distinguèrent par la rapidité

de leurs progrès dans les diverses branches des connaissances humaines, auxquelles ils continuent de s'appliquer dans leur patrie'

(15)

VOYAGE PITTORESQUE Al! IÎRESIL. ,3 On réunit, en iS'ii, l'Académie de la marine à I' Wadémie militaire, située sur la place

de Saint-François de Paule. L'enseignement de l'école de la marine se compose de l'arith-métique, de la géométrie, de l'algèbre, de la navigation, de l'astronomie, de la construction na\ale, du dessin du paysage et des armes; et dans l'école militaire, on enseigne les sciences naturelles, les sciences physiques, les mathématiques, le dessin, les armes, l'histoire mili-taire, les différentes divisions de l'art du génie, et son application spéciale à l'artillerie et à la fortification. Cette école fournit des officiers à l'infanterie et à la cavalerie. L'établissement possède un observatoire commun aux deux Académies. f,e cours complet de chacune d'elles est de trois années.

Il n'était pas moins important de ranimer l'existence presque anéantie de l'ancienne Aca-démie médico-chirurgicale, et q u i , en effet, fut réorganisée, en i8a<>, par un décret impé-r i a l , sous le ministèimpé-re de José-Feticiano, vicomte de San-Lcopoldo (*). Cette Académie a le

privilège exclusif de concéder le grade de docteur aux Brésiliens qui se dévouent à l'exer-cice de la médecine. Elle possède un président, six professeurs et un secrétaire.

Cours d'hygiène : MM l'icente ^avarro, baron dïlnhomcrinho, président. — d'accouchement : Silveira.

— d'anatomie : Joaquim-José Marquez. — de matière médicale : Marianno de Amoral.

— de physiologie : Domingos dos Guimaraens Pcixoto. — de clinique chirurgicale : José-Maria Gambuci do Vallc. — de pathologie : Antonio America do Hrzcdo.

Répétitions : Mottra.

En 1821, et sous le ministère de Thomas-Antonio, l'Académie royale des beaux-arts fut instituée par un décret du roi don JeanVI. Cet établissement, devenu impérial, fut mis en acti-vité sous don Pedro, premier empereur, qui assista à son inauguration , le r> novembre 1826.

Le même jour une médaille d'or, frappée à ce sujet, fut présentée à l'empereur par le ministre de l'intérieur (**). Dès l o r s , les arts commencèrent à s'y cultiver régulièrement, et les progrès rapides des élèves s'y manifestèrent dans les expositions publiques de i83o et 1 <Sl 1 (***).

Il existait cependant des écoles préparatoires de dessin au Brésil; j'en connais une à

Bahia, à Pernambuco, au Para, à Minas, et à San-Paul. En 182G, il en fut fondé une

à Porto-Allegro; mais elle ne fut mise en activité qu'en I 8 ' 3 I . C'est encore au vicomte de San-Leopoldo que la province de Rio-Grande doit cette création.

En i8'->.3, le gouvernement établit, à Bio-Janeiro, une école normale pour l'enseignement mutuel. Le ministre de la guerre protégea particulièrement cette entreprise, en concédant un local dans le bâtiment de l'Académie militaire. Le premier professeur fut un Français nommé Renaud. Peu de temps après, un jeune militaire brésilien, son élève, lui

succéda-il professait encore lors de mon d é p a r t , et déjà son zèle et son intelligence avaient formé un certain nombre de professeurs enseignant eux-mêmes dans les écoles des différentes provinces.

SOCIETE D'ENCOUR \ G E M E N T .

Très-peu de temps après l'arrivée du roi au Brésil, M. le comte d'Abarca, ministre des relations extérieures, organisa une société d'encouragement pour l'industrie et la mécanique. Dans cette occasion, le zèle pour le bien du pays, plutôt, peut-être, le désir de complaire

(*) Le même ministre réorganisa, à la même é p o q u e , l'Académie médico-chirurgicale de Bahia.

(**) Ce fut un artiste français, pensionné du roi Jean VI, M. Zéphyrin Ferrez, sculpteur et graveur de médailles,

qui en grava les coins, et qui la frappa lui-même sous un des balanciers de la Monnaie. ("*) Nous reviendrons snr l'histoire particulière de l'Académie des beaux-arts.

(16)

!', V i m r . K P I T T O R E S Q I E AU BRESIL.

à la cour, rassembla facilement , pour la société d'encouragement , un nombre suffisant d'hommes jouissant de crédit soit dans le commerce, soit dans quelque autre classe dis-tinguée de l'Etat. Mais, comme rien ne se fait gratis chez un peuple commerçant, on eul soin d'établir des émoluments pour le petit nombre d'individus qui en composait la direction, et l'on \ ajouta une somme annuelle destinée aux récompenses.

La société, qui se réduisait par le fait à une commission, resta ainsi dans une apathie complète plus de douze ans, n'étant connue que du payeur de la trésorerie royale, qui four-nissait des fonds anéantis chaque année sans autre résultat que de soutenir l'apparence d'une société d'encouragement.

Mais, en I 8 M 2 , le départ de la cour laissa le gouvernement du Brésil dans l'état le plus déplorable; car il ne restait dans le trésor public ni diamants, ni or, ni espèces monnayées. Les caisses de secours des Orphelins, de la Miséricorde, tout a\ait été vidé; et le nouveau trésor, formé à la hâte, accompagna le roi en Portugal. Cette gêne nécessita un système de réforme générale auquel la société d'encouragement ne pouvait pas échapper. Et, dans cette circonstance, quelques-uns de ses m e m b r e s , pour conserver leurs traitements," s'empressèrent de chercher les moyens d'en améliorer l'organisation ; ils se procurèrent donc des notions exactes sur l'établissement de la société d'encouragement de l'industrie française, pour reformer un nouveau projet d'organisation, plus favorable au Brésil. En effet, il fut présenté par M. Jodo Rodrigues (président de la commission). Mais la société, composée en grande partie de négociants portugais, rejeta au premier abord un plan qui non-seulement ordonnait un rassemblement gratuit des sociétaires, mais plus encore des cotisations personnelles de leur part pour former une caisse de secours. Enfin on transigea, en laissant aux frais du gouvernement la somme annuelle destinée aux encouragements. Cette concession patriotique, faite par le gouvernement dans un moment difficile, ne fut pas récompensée par de plus heureux résultats ; car il y eut en effet infiniment peu de récompenses accordées. Néanmoins, comme on devait s'\ attendre, le système libéral, qui paraissait accrédité par la forme du gouvernement , avait encouragé beaucoup d'étrangers à présenter des mo\ens utiles, applicables à l'industrie brésilienne, et lorsqu ils consultaient chaque membre en particulier, ils en recevaient presque toujours l'assurance d'une future adhésion u n a n i m e ; mais la réponse définitive de l'assemblée générale était constamment en sens inverse; et la formule usitée était qu'ut/ des membres avait observé (pie l'invention

présentée if était pas nouvelle, o u , dans le cas contraire, que les avantages annoncés deviendraient douteux dans leur application , attendu la maladresse des nègres destinés à

mettre en mouvement la machine proposée.

De cette manière, la somme donnée par le gouvernement restait presque toujours intacte à la fin de l'année, et s'absorbait dans les frais d'administration, etc.

Tout marcha donc ainsi jusqu'au retour de M. José-Silvcstre Rebello, ancien directeur de la bibliothèque impériale, qui fut nommé, en iH'22, ministre chargé d'affaires du Brésil aux Etats-Unis de l'Amérique septentrionale, et qui re\int à Rio-Janeiro en icS3o, rapportant avec lui une intéressante et nombreuse collection de modèles faits d'après les différents systèmes de mécanique, réduits sur une petite échelle, de plus, une réunion variée d'ins-truments aratoires, coulés en fer fondu, la plupart relatifs au labourage; acquisition que ce zélé patriote avait eu la générosité de faire à ses frais.

Le crédit, justement acquis, de ce précieux sociétaire ranima l'espérance du gouvernement, qui concéda une salle intérieure du Muséum pour être spécialement destinée non-seulement à la conservation et exposition des modèles de mécaniques , mais encore pour rester cons-tamment à la disposition de la société, afin d'y tenir ses assemblées particulières, et ouvrir publiquement des cours gratuits professés par des membres de rétablissement.

Le sentiment national (jiii provoqua le résultat des é\énements du 7 mars 18I1, a\ant constitué le Brésilien exclusivement responsable de la prospérité de l'empire, lui fit sentir la nécessite indispensable d'y multiplier les lumières autant que possible; aussi, à la lin cl 11

(17)

VOYAGE PITTORESQUE AU RRESIL. i5 mois d août suivant, la société d'encouragement de l'industrie nationale, présidée par

M. José-Stlvestrc Rcbello, comptait-elle dans son sein la presque totalité des Brésiliens qui s'étaient le plus distingués par leurs lumières et leur civisme.

S O C I E T E DE MÉDECINE DE R IO-J v IN E IRO.

L'établissement de cette société est dû au dévouement philanthropique et au patriotisme de six ou sept médecins recommandables par leurs lumières, qui se réunirent pour en rédiger les statuts (*).

Son institution fut approuvée et autorisée par un décret impérial, signé de don Pedro Ier,

à Rio-Janeiro, le i5 janvier i 8 3 o , et son installation publique eut lieu le a4 avril de la même année, sous la présidence du ministre de l'intérieur, le marquis de Caravellas, et la séance publique de l'anniversaire de son installation fut présidée, en (S3i , par les membres de la régence provisoire.

La société se divise en quatre commissions : la première est celle de la vaccine ; la deuxième, des consultations gratuites; la troisième, des maladies régnantes; et la quatrième, de la salu-brité générale de la ville de Rio-Janeiro.

Elle a des correspondances établies avec les sociétés savantes de l'Europe.

Les assemblées particulières ont lieu une fois par semaine; deux jours, en outre, sont consacrés pour les consultations gratuites données dans son local aux indigents qui s'y présentent, et les médicaments sont délivrés gratis par un pharmacien, membre honoraire de la société.

Elle s'occupe avec persévérance de l'analyse raisonnée des propriétés particulières d'une infinité de plantes indigènes, pour en faire la base d'une médecine curative.

De p l u s , la société a fondé des médailles d'encouragement, ainsi que des récompenses pécuniaires qui doivent être distribuées dans les séances publiques aux nationaux qui auraient fait quelque nouvelle découverte dans l'art si utile de g u é r i r ; e t , pour les provoquer, la société publie, à la fin de chaque année, le programme du concours d'émulation ouvert pour l'année suivante.

Sur la liste des membres honoraires de la société, on voit figurer aussi les noms des Bré-siliens les plus distingués et par le rang qu'ils tiennent dans la société et par leurs connais-sances dans les sciences physiques.

Le programme distribué à la fin de la séance publique de i <S31 offrait [tour encouragements

trois médailles d'or. graduées de valeur, destinées aux auteurs des meilleurs mémoires sur les mesures sanitaires en général.

Une somme de cinq mille francs était en outre promise au mémoire qui déterminerait, par des observations cliniques générales, appuyées par des faits particuliers, et surtout par des autopsies, la nature, les causes et le traitement de quelque maladie endémique du Brésil.

NOMS DES FONDATEURS DE LA SOCIETE.

Ce fut chez M. Sigaux que se réunirent MM. Mérelles , Faivre , Jobim et Simoni. Dans cette première séance, M. Simoni rédigea, comme secrétaire provisoire, l'acte qui constatait la résolution de former une société de médecine à Rio-Janeiro, et M. Siyaux fut chargé de la

(*) On comptait dans la réunion des fondateurs trois médecins étrangers, deux Elançais (dont l'un , M. Sigaux, est rédacteur du Journal des travaux de la société), et le troisième Italien ( n o m m é Louis-Vincent de Simoni ) , qui en était encore secrétaire en I 8 3 I , et continué pour iS3'..

(18)

iti VOYvGE PITTORESQUE AU BRÉSIL.

rédaction des statuts de cette même société. A la seconde réunion, augmentée de deux nou-veaux membres, MM. José-Marianno da Silva et R u i , l'ouvrage de M. Sigaux fut soumis à la

discussion.

Cette première épreuve, infiniment satisfaisante, et bientôt appréciée, donna naissance à une association beaucoup plus nombreuse, composée deMM. Joaquim-José da Silva, Antonio-Americo d'Urzedo, José-Maria Cambuci do Valle, Octaviano-Maria da Rosa, José Augusto

César Mineres, Christovâo-José dos Santos ( g r a n d o p é r a t e u r ) , Fidelis-Martins Bastos, Antonio-Joaquim da Costa-Sampaio, et Antonio Martins-Pinheiro, tous jouissant d'une réputation distinguée comme médecins et chirurgiens, et à laquelle ils ajoutèrent le titre honorable de fondateurs de la société de médecine de Rio-Janeiro , modèle de générosité , de désintéressement et de patriotisme.

©rfrr* jutiictatre au &vi&H.

TRIBUNAUX O R D 1 N U R E S .

Les juises ordinarios, juges ordinaires, choisis (comme ceux de nos tribunaux de commerce) par les habitants du pays parmi les citoyens les plus recommandables, et les juises de fora, juges du d e h o r s , nommés par l'empereur, prononcent en première instance sur les affaires civiles.

On appelle de leurs décisions aux ouvidores (auditeurs), magistrats nommés et payés par le gouvernement, et résidant au chef-lieu de la comarca (subdivision d'une province); à chaque ouvidor est attaché un greffier particulier, désigné sous le nom d'escrivdo da ouvidoria. Il existe encore dans les grandes villes telles que Bahia , Pemambuco, des cours de justice nommées relacdo. On se pourvoit ensuite, contre les arrêts de ces juridictions, à la cour suprême de Rio-Janeiro, nommée caza de supplicacdo, connaissant en dernier ressort de toutes les affaires civiles et militaires. Elle est composée d'un président, regedor dusjustiças, d'un chancelier, et de dix-huit magistrats désignés sous le titre général de desembargadores. Huit d'entre eux sont nommés aggravistas , et les autres extravagantes.

Tel est le cours de justice ordinaire, assez semblable à l'organisation judiciaire française. : les

tribunaux rie première instance, cours d'appel ( royales), cour de cassation (mais pour en juger

en fait). A côté de cette cour souveraine, nous devons placer la mcza do desembargo dopaço, cour souveraine et spéciale, qui connaît en dernier ressort des affaires judiciaires et de tous les procès des citoyens, tant au civil qu'au criminel. Elle est chargée de l'expédition des grâces et des privilèges, d'accorder la révision des jugements, d'émanciper les mineurs, de faire rendre les biens à ceux qui en ont été dépouillés.

TRIBUNAUX A D M I N I S T R v T I F S ET MIXTES.

A la fois chef militaire et civil, on trouve dans chaque village un eupitab-môr remplissant des fonctions analogues à celles de nos maires, et un corregedor, espèce de bailli chargé d'inspecter les bourgades soumises à sa juridiction et de veiller à l'expédition iVune bonne justice. Ces deux magistrats jugent isolément.

(19)

VOYAGE P I T T O R E S Q U E VI BRESIL. 17 Je place ensuite, jugeant en c o r p s , le senado da camara (sénat de la chambre), que je

ne-puis mieux comparer qu'à nos municipalités : les membres (camaristas) sont élus par les citoyens : le trésorier prend le titre deprocurador, trois camaristas ont celui de ve'réadores (gouverneurs). Leurs fonctions sont de recueillir et faire élever les enfants abandonnés, de veiller à l'entretien des chemins, à la construction des ponts sur les grandes routes; dépenses auxquelles la camara subvient au moyen de certains droits que lui abandonne le gouverne-ment. Leurs décisions sont rendues exécutoires par les juises de fora.

R E G I S T R E S DE L'ETAT CIVIL.

Ils étaient naguère confiés au pouvoir ecclésiastique; mais ils ont été depuis remis entre les mains du pouvoir civil.

Les tribunaux dont les rapports se rattachent le plus à l'administration sont Verario regio

(trésor royal); le conseilla da fazenda (conseil des finances), chargé spécialement de l'admi-nistration des biens de la couronne, ainsi que de l'apurement des dettes passives et actives;

l'AJunta do commercio, agricultura, fabricas e navegaeao (direction générale du commerce,

de l'agriculture, des fabriques et de la navigation), qui réunit en même temps toutes les attributions du tribunal de commerce, et dont les membres sont choisis parmi les magistrats et les notables négociants.

T R I B U N A U X M I L I T A I R E S .

Il y a beaucoup d'analogie entre le code militaire brésilien et le n ô t r e , avec cet accroisse-ment toutefois, qu il est indispensable, en cas de contestations civiles survenues entre un simple citoyen et un officier de la milice bourgeoise , d'obtenir préalablement une permission formelle du conseil militaire pour attaquer, en cas d'urgence, cet officier devant les tribunaux ordinaires. En général, tout ce qui est relatif aux armées de terre et de mer est porté devant le conselho supremo militai', tribunal installé en leSuS, et qui connaît en même temps des

prises. Souvent, pour juger, il s'adjoint des magistrats civils d'un ordre supérieur.

TRIBUNAUX ECCLESIASTIQUES.

Au premier rang se place la junta da bail a da cruzada ( junte de la bulle et de la croisade), qui perçoit le prix des dispenses ecclésiastiques, ensuite la meza da consciencia

et ordens ( bureau des affaires ecclésiastiques et ordres militaires ). Ce tribunal possède une

juridiction civile confiée au clergé en la personne d'un prêtre qui a le titre de vigario de

vara. On peut appeler de ses décisions au vicaire général du diocèse ( vigario gérai).

Lorsque, dans un procès entre un prêtre et un laïque, le laïque est demandeur, la cause se plaide devant le juge ecclésiastique que nous venons de nommer. Le vigario de vara est en outre juiz dos casamentos (juge des mariages). On ne peut pas contracter d'union sans son consentement. Quoique les parties soient parfaitement d'accord, dit M. A. de Saint-Hilaire, à qui nous empruntons ce curieux document, il faut nécessairement qu'il se forme un procès devant le vigario de vara, et le résultat de ce procès bizarre est une provision que l'on paye dix à douze mille reis environ (soixante à soixante-quinze francs), ou davantage, et qui autorise le curé à marier les deux parties (*) ; quelquefois ces frais montent jusqu'à cinquante

(') Voyage au Brésil de M. A. de Saint-Hilaire.

Referências

Documentos relacionados

As opções de escolha, segundo o Quadro 6 elaborado por especialistas na área de marketing e gestão ambiental com base no préteste realizado, eram: Quadro 6 – Opções de escolha

RESUMO - Durante os anos de 1974175, 1975176, 1976177 e 1977178, foram realizados tris ciclos de seleção entre e dentro de famílias de meios-irmãos com a população de milho (Zea mays

1879: um ano e um paradigma fundacional para a Psicologia Científica Critérios de institucionalização da Psicologia em Wundt. Questionar: Pode a psicologia ser uma «ciência

Uma boa gestão de stock é imprescindível para o bom funcionamento da farmácia, desta forma, é necessário que qualquer artigo esteja sempre disponível para o utente

Iniciei a pesquisa em Metodologia de Resolução de Problemas como uma maneira de abordar o conteúdo programático da disciplina de Matemática I, para o 1º período do curso

Escrevi Luzes e Razão em maiúsculas, para realçar que a idéia remonta pelo menos à época do Iluminismo e toda a sua crença na Razão como metro para as relações humanas,

Neste sentido, é importante seleccionar os diferentes livros da sala segundo o género (livros de histórias.. 80 e de informação) e catalogar com imagens, como está

Mediante tais considerações, acreditamos que as Instituições de Ensino Superior (IES) não podem se furtar de incluir essa problemática em seus permanentes debates, vez que, lhe é