1.4 Classifications et graphes
2.1.3 Chemins essentiels sur un graphe
Consid´erons un graphe G `a r vertex, et l’espace vectoriel des chemins ´el´ementaires de longueur deux : P ath(2). Un ´el´ement ξ(2) de cet espace sera aussi not´eξ⊗η, o`uξ et η sont des chemins de longueur un (ce sont des arcs). L’op´erateur d’annihilation d’OcneanuC1 est d´efini par :
C1 : P ath(2) 7−→ P ath(0) ξ(2)=ξ⊗η 7−→ δξ,η−1
sµ(r(ξ))
µ(s(ξ))s(ξ) (2.4)
3La d´efinition ici adopt´ee des mots “sous-groupe” et “module” diff`ere de l’acceptation usuelle de ces termes : nous pr´ecisons dans l’AnnexeBce que nous entendons par l`a.
L’op´erateur C1 donne un r´esultat non-nul si et seulement si le chemin de longueur deux sur lequel il agit est un aller-retour : C1[P(vivjvk)]∼ δi,kvi. L’op´erateur de cr´eation d’Ocneanu C1† est d´efini par :
C1†: P ath(0) 7−→ P ath(2)
v 7−→ X
ξ,s(ξ)=v
s
µ(r(ξ))
µ(s(ξ))ξ⊗ξ−1 (2.5) En d’autres termes, l’op´erateurC1† cr´ee des allers-retours avec tous les vertex adjacents `a v.
Th´eor`eme 5 La composition de ces deux op´erateurs C1C1† est un scalaire ´egal `a β, la plus grande valeur propre de la matrice d’adjacence du graphe.
d´em.: L’´equation GP =βP, o`uPi =µ(vi), implique : X
j
(G)ijµ(vj) =β µ(vi) =⇒ X
vjvoisin devi
µ(vj) =β µ(vi) =⇒β = X
ξ,s(ξ)=vi
µ(r(ξ)) µ(s(ξ)). En composant (2.5) et (2.4), la d´emonstration est alors imm´ediate.
D´efinition 9 Le projecteur de Jones e1 est l’op´erateur de projection d´efini par : e1 = 1
βC1†C1. (2.6)
Il est imm´ediat de v´erifier que c’est bien un op´erateur de projection :e†1 =e1,e21=e1. Exemple : diagramme A3 Le diagramme A3 poss`ede 3 vertex not´es τ0, τ1 et τ2, et est repr´esent´e `a la Fig.2.1. Nous donnons entre crochets la valeur de la composante du vecteur de Perron-Frobenius (dimension quantique) de chaque vertex.
t t t
τ0 τ1 τ2 [1] [√
2] [1]
Fig. 2.1 – DiagrammeA3 et dimension quantique de ses vertex
Les chemins ´el´ementaires de longueur deux sur le diagrammeA3 sont au nombre de 6 : P(τ0τ1τ0) =01~ ⊗10~ P(τ1τ2τ1) =12~ ⊗21~
P(τ0τ1τ2) =01~ ⊗12~ P(τ2τ1τ2) =21~ ⊗12~ P(τ1τ0τ1) =10~ ⊗01~ P(τ2τ1τ0) =21~ ⊗10~
L’action de l’op´erateur de cr´eation C1† sur les vertex est donn´ee par : C1†(τ0) = 21/4(01~ ⊗10)~
C1†(τ1) = 2−1/4(10~ ⊗01 +~ 12~ ⊗21 )~ C1†(τ2) = 21/4(21~ ⊗12)~
L’action de l’op´erateur d’annihilationC1 sur les chemins ´el´ementaires de longueur deux est donn´ee par :
C1(01~ ⊗10) = 2~ 1/4(τ0) C1(21~ ⊗12) = 2~ 1/4(τ2) C1(10~ ⊗01) =~ C1(12~ ⊗21) = 2~ −1/4(τ1) C1(01~ ⊗12) =~ C1(21~ ⊗10) = 0~
Nous pouvons v´erifier que la composition des deux op´erateursC1C1†est bien un scalaire ´egal
`
a la plus grande valeur propre de la matrice d’adjacence (β =√ 2) : C1C1†(τ0) =√
2(τ0) C1C1†(τ1) =√
2(τ1) C1C1†(τ2) =√ 2(τ2)
Nous pouvons maintenant ´etendre la d´efinition de ces op´erateurs `a des chemins
´el´ementaires de longueur quelconque.
D´efinition 10 Pour tout entier n >1, l’op´erateur d’annihilation Cn, agissant sur des che- mins ´el´ementaires de longueur p, est d´efini par :
si p≤n: Cn(ξ1. . . ξp) = 0, si p > n: Cn(ξ1ξ2. . . ξnξn+1. . . ξp) =
s
µ(r(ξ)) µ(s(ξ))δξ
n,ξ−1n+1(ξ1ξ2. . .ξbnξbn+1. . . ξp), o`u le symbole ξbsignifie que l’on ´elimine l’arc ξ du chemin.
L’op´erateur Cn agissant sur des chemins ´el´ementaires de longueur p donne donc comme r´esultat soit 0, soit un chemin ´el´ementaire de longueur p−2.
D´efinition 11 Pour tout entier n >1, l’op´erateur de cr´eationCn†, agissant sur des chemins
´el´ementaires de longueur p, est d´efini par : si p < n+ 1 : Cn†(ξ1. . . ξp) = 0, si p≥n−1 : Cn†(ξ1. . . ξn−1ξn. . . ξp) = X
η,s(η)=r(ξn−1)
s
µ(r(ξ))
µ(s(ξ))(ξ1. . . ξn−1η η−1ξn. . . ξp). L’op´erateur Cn† agissant sur des chemins ´el´ementaires de longueur p donne donc comme r´esultat soit 0, soit une combinaison lin´eaire de chemins ´el´ementaires de longueur p+ 2.
Les projecteurs de Jonesek sont d´efinis par : ek .
= 1
βCk†Ck, (2.7)
et v´erifient les relations d´efinissant une alg`ebre de Temperley-Lieb (voir Annexe C).
D´efinition 12 L’espace des chemins essentiels de longueur n est d´efini par : Ess(n)=EssP ath(n)(G) = n
ξ ∈P ath(n)|Ckξ = 0 ∀k= (1,2,· · ·, n)o
= n
ξ ∈P ath(n)|ekξ = 0 ∀k∈(1,2,· · ·, n)o
Un chemin est donc essentiel s’il appartient `a l’intersection du noyau de tous les op´erateurs d’annihilation Ck ( ou de tous les projecteurs de Jones ek). Tout chemin ´el´ementaire de longueur 0 et de longueur 1 est aussi un chemin essentiel, car il appartient au noyau des op´erateurs d’annihilations. Notons qu’un ´el´ement de Ess(n) n’est pas toujours un chemin
´el´ementaire de longueurn, mais possiblement une combinaison lin´eaire de tels ´el´ements.
Exemple : diagramme A3 Nous avons vu que C1(01~ ⊗12) =~ C1(21~ ⊗10) = 0, donc ces~ deux chemins sont des chemins essentiels. Nous avons vu aussi queC1(10~ ⊗01) =~ C1(12~ ⊗21).~ Soit le chemin γ = 10~ ⊗01~ −12~ ⊗21, nous avons alors~ C1(γ) = 0. γ est donc aussi un chemin essentiel, bien qu’il ne soit pas ´el´ementaire mais une combinaison lin´eaire de chemins
´el´ementaires.
Soit Ess(i)a,b l’espace des chemins essentiels de longueuri partant du vertex va et arrivant au vertex vb. Alors :
Ess(i)= X
va,vb∈V
Ess(i)a,b. (2.8)
Th´eor`eme 6 (Ocneanu[67]) La dimension de l’espace des chemins essentiels Ess(i)a,b est donn´ee par la formule de r´ecurrence suivante (loi mod´er´ee de Pascal) :
dim(Ess(i+1)a,b ) = X
ξ,r(ξ)=vb
dim(Ess(i)a,s(ξ))−dim(Ess(ia,b−1)). (2.9)
Les chemins essentiels de longueur 0 et 1 sont des chemins ´el´ementaires (vertex et arcs).
La loi (2.9) nous permet alors de calculer la dimension des chemins essentiels de longueur donn´ee. Ces r´esultats sont plus facilement cod´es dans des matrices.
Matrices Fi D´efinissons les matrices carr´eesr×r Fi telles que la composante (a, b) de Fi
soit ´egale au nombre de chemins essentiels de longueurireliant le vertexvaau vertexvb (donc
´egale `a la dimension de Ess(i)a,b). La loi mod´er´ee de Pascal (2.9) nous permet d’obtenir une r´ecurrence simple pour calculer ces matricesFi :
F0 = l1r×r F1 = G
Fi+1 = GFi−Fi−1
La dimension de l’espace vectoriel des chemins essentiels de longueur iest donc donn´ee par : dim(Ess(i)) =X
a,b
(Fi)ab (2.10)
Rappel : `A chaque diagramme de type ADE est associ´e un nombre κ (nombre dual de Coxeter), d´efini `a partir de la norme β de la matrice d’adjacence du graphe par la relation β = 2 cos πκ
.
Th´eor`eme 7 (Ocneanu[67]) Pour les diagrammes de typeADE, il n’existe pas de chemins essentiels de longueur plus grande que κ−2.
Au niveau matriciel, ceci se traduit par le fait que la matrice Fκ−1 est nulle. Au vue de la correspondance de Mc-Kay, nous verrons au chapitre 3 que les matrices Fi codent la d´ecomposition du produit tensoriel τi⊗σa en irreps σb, o`u les irreps σa et σb sont associ´ees aux vertexva etvb du graphe Gde nombre de Coxeter κ, et l’irrep τi est associ´ee au vertex vi du graphe Aκ−1 Les graphes An correspondent `a un quotient H du groupe quantique Uq(sl(2)), tandis que les graphes Gsont associ´es `a des “sous-groupes” ou “modules” deH. Matrices essentielles Ea Il existe une autre mani`ere de coder ces r´esultats. D´efinissonsr matrices Ea associ´ees `a chaque vertex va de Get appel´eesmatrices essentielles, par :
Ea[i+ 1, b] .
=Fi[a, b] (2.11)
Alors la composante (i+1, b) de la matriceEaest le nombre de chemins essentiels de longueur ireliant le vertexvaau vertexvb. Pour le cas de graphesADE, nous obtenons doncrmatrices Ea, de κ−1 lignes et r colonnes.