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Invariance modulaire, conditions aux bord et lignes de d´efaut

Nous avons jusqu’`a pr´esent utilis´e implicitement le d´ecouplage de la th´eorie en partie holomorphe et anti-holomorphe. Les donn´ees n´ecesaires pour totalement sp´ecifier une th´eorie conforme rationelle sont : l’alg`ebreA, ses repr´esentations de plus haut poidsVi en nombre fini (ce qui fixe la charge centrale c et les dimensions conformes des champs primaires φhi), ses caract`eresχi et la matriceSij des transformations modulaires des caract`eres – ou de mani`ere

´equivalente les coefficients de fusionNijk des repr´esentations, obtenus `a travers la formule de Verlinde. L’espace de Hilbert du syst`eme s’´ecrit :

H=M

i,j

Mij Vi⊗ Vj, Mij ∈N, (1.77)

o`u la sommation s’´etend a priori sur toutes les dimensions conformes hi, hj du syst`eme.

Cependant, toute combinaison gauche/droite de repr´esentations Vi n’est pas n´ecessairement physiquement r´ealiste. Il s’av`ere que l’´etude des th´eories conformes sur des vari´et´es de genre plus ´elev´e (comme le tore) nous fournit de pr´ecieux renseignements [13, 49].

1.3.1 Mod`eles d´efinis sur le tore

Un tore est obtenu en sp´ecifiant deux vecteurs sur le plan – ou deux nombres complexes w1, w2 (p´eriodes) sur le plan complexe – d´efinissant ainsi un r´eseau, et en identifiant les points qui diff`erent par une combinaison lin´eaire enti`ere de ces vecteurs. Une th´eorie conforme d´efinie sur le tore ne doit pas d´ependre de la base choisie sur le r´eseau pour d´efinir le tore : elle ne d´ependra que du param`etre τ = w2/w1, appel´e param`etre modulaire, et nous pouvons toujours choisir comme p´eriodes 1 etτ.

Une th´eorie `a 2dest d´efinie sur un cylindre de diam`etre a, o`u le temps court selon l’axe du cylindre et l’espace est compactifi´e :x=x+a, l’application du cylindre (param´etrise par ξ) vers le plan ´etant z= exp(2iπξa ). L’hamiltonien correspond `a la translation temporelle sur le cylindre, et est donc proportionnel au g´en´erateur de translation (L1+L1). Par la loi de transformation (1.38) du tenseur ´energie-impulsion, l’op´erateur de translation (L1) devient un op´erateur de dilatation (L0) sur le plan :

Lcyl1 =−2iπ a

L0− c 24

, (1.78)

o`u le coefficient c/24 provient de la d´eriv´ee Schwartzienne de l’exponentielle. L’op´erateur d’´evolution du syst`eme (l’exponentielle de l’hamiltonien) est alors donn´e par :

T .

=eHa =e2iπ(τ(L024c)τ(L024c)). (1.79) La fonction de partition est donn´ee par la trace de l’op´erateur d’´evolution T :

Z(τ) = TrHT = TrH q(L024c)q(L024c), q .

=e2iπτ. (1.80)

En utilisant la d´ecomposition (1.77) de l’espace de Hilbert et l’expression (1.70) des caract`eres χi de Vi, nous obtenons alors :

Z(τ) =X

i,j

Mij χi(τ)χj(τ) (1.81)

1.3.2 Fonctions de partition invariante modulaire

Physiquement, la fonction de partition d’une th´eorie conforme d´efinie sur le tore ne peut d´ependre que du param`etre modulaireτ =w2/w1, mais il reste toutefois une redondance. En effet, consid´erons des p´eriodesw1, w2 qui soient des combinaisons lin´eaires enti`eres de w1 et w2 (et donc appartenant au mˆeme r´eseau) :

w1 w2

!

= a b

c d

! w1

w2

!

, a, b, c, d∈Z, ad−bc= 1. (1.82) Par invariance conforme, ces nouvelles p´eriodes d´efinissent le mˆeme r´eseau, et la fonction de partition doit donc ˆetre invariante sous ces transformations. Le groupe engendr´e par les transformations (1.82) est le groupeSL(2,Z), et sous (1.82) le param`etre modulaire devient :

τ 7→ aτ+b

cτ +d. (1.83)

Ce groupe est engendr´e par les deux transformations S et T, la fonction de partition doit donc satisfaire6 :

T :Z(τ + 1) =Z(τ), S:Z

−1 τ

=Z(τ). (1.84)

Utilisant l’expression (1.81) de Z, les propri´et´es de transformations (1.74) des caract`eres χi et l’unitarit´e des matrices S et T, le probl`eme de classification des fonctions de partition invariantes modulaires se r´eduit donc `a la :

Classification 1 Trouver toutes les n×n matrices M, telles que :

• Mij ∈N

• M11= 1

• M commute avecS et T : SM=MS,TM=MT

La deuxi`eme condition impose l’unicit´e du vide (V1est la repr´esentation identit´e) ; la troisi`eme condition exprime sous forme matricielle l’invariance modulaire (1.84) de Z. Une telle ma- trice Mest appel´ee l’invariant modulaire, et la fonction de partition invariante modulaire

6τ n’est pas affect´e par un changement de signe global des param`etresa, b, c, d dans (1.83) : la sym´etrie r´eelle de la fonction de partition est doncP SL(2,Z) =SL(2,Z)/Z2.

s’obtient par (1.81). Notons que des solutions ´evidentes de ce probl`eme sont donn´ees par les matrices M= l1n×n. Ce sont les th´eories appel´ees diagonales.

La classification des fonctions de partition invariantes modulaires a ´et´e obtenue pour les mod`eles minimaux et les mod`eles su(2) dans [10, 11], celle des mod`elesc su(3) dans [44].c Nous verrons qu’`a ces classifications sont naturellement associ´es des graphes (diagrammes de Dynkin de typeADE pourcsu(2), diagrammes de Di Francesco - Zuber poursu(3)). Ces liensc avec des graphes deviennent plus explicites lorsque nous consid´erons des th´eories conformes avec conditions au bord (BCFT).

1.3.3 Conditions au bord

Une th´eorie conforme d´efinie sur une vari´et´e sans bord poss`ede comme sym´etrie deux alg`ebres A et A, agissant respectivement (et s´eparemment) sur la d´ependence holomorphe (z) et anti-holomorphe (z) des champs de la th´eorie. Il s’av`ere toutefois n´ecessaire en physique d’´etudier des th´eories d´efinies sur des vari´et´es `a bord et ses possibles conditions au bord (r´eseau fini en physique statistique, th´eorie des cordes, . . .). L’´etude des syst`emes conformes d´efinis sur une vari´et´e `a bord a ´et´e initi´ee par J. Cardy [12, 14], dont l’exemple type est le semi-plan infini Im(z) > 0, `a partir duquel par application conforme nous pouvons obtenir d’autres exemples de g´eom´etries. Des conditions sur le bord form´e par l’axe r´eel sont impos´ees, que nous labellons de mani`ere g´en´erale par a etb sur les domaines Re(z) >0 etRe(z) <0. Sur une bande infinie de largeurL, cel`a correspond `a des conditions sur les bordsx= 0 etx=L.

Les transformations conformes doivent pr´eserver les conditions aux bords, les g´en´erateurs de ces transformations ne sont donc plus ind´ependants sur le bord :

T(z) =T(z)|axe r´eel, (1.85)

qui exprime l’absence de flux d’´energie `a travers le bord. Par cons´equent, il n’y a plus deux alg`ebres mais une seule copiede l’alg`ebre agissant sur les champs, et l’espace de Hilbert se d´ecompose comme :

Hab =M

i

Fabi Vi. (1.86)

o`u les coefficients Fabi sont des nombres entiers non-n´egatifs d´ecrivant la multiplicit´e de la repr´esentation Vi pour un syst`eme avec des conditions aux bords labell´ees par a et b. Ces conditions aux bords sont r´ealis´ees par des op´erateurs de bordφa, φb, ou par des ´etats de bord

|ai,|bi, dont une base compl`ete est donn´ee par les r ´etats de Ishibashi |jii. Les coefficients Fabi doivent satisfaire des conditions de compatibilit´e `a travers l’´equation de Cardy [15], qui impliquent que lesr×r matricesFi ((Fi)ab=Fabi ) doivent satisfaire l’alg`ebre de fusion [4] :

Fi Fj =X

k

Nijk Fk. (1.87)

L’unicit´e du vide impose F1 = l1r×r, et de mani`ere g´en´erale il est seulement n´ecessaire de sp´ecifier un sous-ensemble de ces matrices qui engendre les autres par fusion, `a travers (1.87).

Classification 2 La classification des conditions aux bords (a, b) compatibles avec l’inva- riance conforme se ram`ene donc `a la classification des matrices Fi de dimension r `a entr´ees dans N satisfaisant l’alg`ebre de fusion (1.87).

Or, comme les matrices `a entr´ees dansNsont associ´ees `a des matrices d’adjacence de graphes, nous voyons que les graphes aparaissent naturellement dans l’´etude des syst`emes conformes avec conditions au bord ! Nous verrons que pour les th´eories csu(2), les graphes associ´es sont les diagrammes de Dynkin du typeADE.

1.3.4 Lignes de d´efauts et fonctions de partition g´en´eralis´ees

La fonction de partition d’une th´eorie conforme d´efinie sur le tore s’obtient par la trace de l’op´erateur d’´evolutionT d´efini en (1.79). Dans [77], une situation plus g´en´erale est consid´er´ee o`u est ins´er´ee l’action d’un op´erateur X dans la trace de T. Ceci est interpr´et´e comme l’introduction d’une ligne de d´efautx dans le syst`eme, le long d’un contour non-contractible du cylindre, avant de le fermer en un tore, et dont l’effet est de twister les conditions aux bords. L’op´erateur X (appel´e op´erateur de twist), n’est pas arbitraire : il doit ˆetre invariant sous une distorsion de la ligne `a laquelle il est attach´e, et par cons´equent doit commuter avec les g´en´erateurs de Virasoro :

[Ln, X] = [Ln, X] = 0. (1.88)

Deux classes d’op´erateursX etY peuvent ˆetre consid´er´ees (correspondant aux deux contours non-contractibles du tore), et les fonctions de partition du mod`ele – appel´ees g´en´eralis´ees ou twist´ees – sont donn´ees par TrHX Y T :

Zx|y(τ) =X

i,j

χi(τ)Wxyij χj(τ) (1.89)

o`u les coefficients Wxyij sont des entiers non-n´egatifs d´ecrivant la multiplicit´e de la repr´esentationVi⊗ Vj dans l’espace de Hilbert avec deux lignes de d´efauts (“seams”)x ety.

Le cas sans lignes de d´efauts (x=y= 0) implique que l’on retrouve l’invariant modulaire :

W00ij =Mij. (1.90)

Les coefficients Wxyij peuvent ˆetre cod´es dans des matrices Wfij ou dans des matrices Wxy : (Wfij)xy = (Wxy)ij =Wxyij. (1.91) Des conditions de compatibilit´e [77, 78] imposent que les matrices Wfij doivent former une repr´esentation de l’alg`ebre carr´ee de fusion :

fWij Wfij = X

i′′,j′′

Niii′′ Njjj′′ Wfi′′j′′, (1.92)

o`u Niii′′ sont les coefficients de structure de l’alg`ebre de fusion. L’´equation (1.92) pour j = j = 1 (resp.i=i= 1) implique (N11j′′j′′1) :

Wfi1 fWi1 =X

i′′

Niii′′ Wfi′′1, fW1j fW1j =X

j′′

Njjj′′ Wf1j′′. (1.93)

Les matrices Wfi1 etWf1j forment donc une repr´esentation de l’alg`ebre de fusion. Leurs coef- ficients sont des entiers non-n´egatifs, et `a leurs matrices correspondantes sont donc naturel- lement associ´es des graphes. Il est seulement n´ecessaire de sp´ecifier un sous-ensemble de ces matrices qui engendre les autres par fusion, `a travers (1.93). Dans le cas des mod`elescsu(2), les matrices Wf21et fW12 sont appel´ees fondamentales, car elles engendrent les autres par fusion.

Elles correspondent chacune `a la matrice d’adjacence d’un graphe : les graphes d’Ocneanu sont la superposition sur un mˆeme graphe de ces deux graphes. Les graphes d’Ocneanu de apparaissent donc naturellement dans la classification des fonctions de partitiontwist´ees des mod`eles csu(2).

Matrices toriques D´efinissons les matrices Wx .

= Wx0 (telles que (Wx)ij = Wx0ij), alors combinant (1.90) et (1.92) prise pour x=y= 0, nous obtenons :

X

x

(Wx)ij (Wx)ij = X

i′′,j′′

Niii′′ Njjj′′ Mi′′j′′ (1.94) Les matrices Wx sont appel´ees matrices toriqueset sont associ´ees aux vertexx du graphe d’Ocneanu. Elles ont premi`erement ´et´e obtenues par Ocneanu [66]7 pour le mod`ele su(2),c explicitement calcul´ees en r´esolvant l’´equation (1.94). Sa m´ethode d’obtention des matrices toriquesWx`a partir de la connaissance de l’invariant modulaireMet par la formule (1.94) est appel´ee “modular splitting method”. Ces matrices toriques d´efinissent les fonctions de partition g´en´eralis´ees `a une ligne de d´efaut. Les matrices toriques g´en´eralis´ees Wxy (d´efinissant les fonctions de partition `a deux lignes de d´efaut) s’obtiennent alors `a partir de la connaissance des matrices toriquesWxet des coefficients de structureOxyz (entiers non-n´egatifs) de l’alg`ebre d’Ocneanu :

Wxy =X

z

Oxyz Wz (1.95)

L’alg`ebre d’Ocneanu est aussi appel´ee alg`ebre des sym´etries quantiques, dont une repr´esentation matricielle est donn´ee par les matrices Ox telles que (Ox)yz =Ozxy :

OxOy =X

z

Oxyz Oz (1.96)

Conclusion 2 Ces d´efinitions et relations sont a priori suffisantes pour calculer tous les coefficients Wxyij et ainsi obtenir toutes les fonctions de partition (invariante modulaire et

7Les premi`eres matrices toriques ont ´et´e publi´ees dans [23] pour le mod`eleE6 desu(2).

g´en´eralis´ees) du mod`ele conforme consid´er´e. Les donn´ees initiales indispensables sont les ma- tricesWf21etfW12, ou de mani`ere ´equivalente le graphe d’Ocneanu lui-mˆeme, et les coefficients de structure de l’alg`ebre d’Ocneanu.

Cependant, ces graphes ne sont connus (publi´es) que pour le cas csu(2). Le travail central de cette th`ese est de pr´esenter une r´ealisation de l’alg`ebre des sym´etries quantiques Oc(G). Ceci nous permet d’une part d’obtenir les coefficients Wxyij sans faire appel `a la donn´ee explicite des coefficients de structure de l’alg`ebreOc(G), obtenant des expressions compactes pour les fonctions de partition du mod`ele su(2). D’autre part, notre m´ethode permet de g´en´eraliserc cette construction pour les mod`eles csu(n), sans faire appel `a la donn´ee des graphes d’Oc- neanu correspondants. L’unique donn´ee initiale se r´eduit `a la connaissance des diagrammes de Coxeter-Dynkin associ´es.

Conditions au bord et lignes de d´efaut

Une situation encore plus g´en´erale consiste `a combiner une ligne de d´efautxet des condi- tions au bord labell´ees paraetb[79]. `A nouveau, une seule copie de l’alg`ebre intervient dans la th´eorie, et l’espace de Hilbert se d´ecompose comme :

Hx;ab=M

i

(FiSx)ab Vi, (1.97)

o`u lesSx sont des matrices de mˆeme dimension que les matricesFi, et dont les ´el´ements sont des entiers non-n´egatifs. Des conditions de compatibilit´e [79] impliquent qu’elles forment une repr´esentation de l’alg`ebre Oc(G) (g´en´eralement de dimension diff´erente) :

Sx Sy =X

z

Oxyz Sz, (1.98)

o`u lesOzxy sont les coefficients de structure de l’alg`ebre Oc(G).