• Nenhum resultado encontrado

Chapitre 2. Asymétries des plissements du cortex

C. Etude 2 : Une asymétrie robuste du sillon temporal supérieur vers la droite

C.4 Discussion

105

106

à 28 semaines de gestation) [Dubois, 2008b]. Ainsi, la sulcation gauche, qui est initialement en retard, semble rattraper le développement controlatéral en seulement quelques semaines. Si le STS suivait le même développement, son asymétrie ne serait plus visible dans notre population.

En étudiant le développement des plissements cérébraux dans un espace normalisé chez des nouveau-nés à terme, Hill et coll. [2010] ont mesuré que le STS était plus profond à droite d’environ 1,7mm. Dans notre population dont la moyenne d’âge était de 3mois, la différence de profondeur était de 4mm et la profondeur du STS droit était la seule caractéristique sulcale dont la vitesse de croissance dépassait le développement général du cerveau.

D’autre part, l’asymétrie du STS a également été rapportée chez l’adulte. Le tracé de ce sillon chez 24 adultes par Ochiai et al. [2004] a montré une position en avant ainsi qu’une plus grande profondeur de son segment postérieur en faveur de la droite. A l’aide d’analyses basées sur la surface, Van Essen [2005] a également observé des différences gauches-droites de la profondeur sulcale dans deux groupes de 12 adultes : 3 à 9mm plus profond à droite pour le STS et 4 à 7mm plus profond à gauche pour le planum temporale. A partir d’un recalage entre un atlas adulte (PALS-B12) et un nouvel atlas du nourrisson, Hill et coll. [2010] ont montré une correspondance entre les asymétries des régions du STS proches du planum temporale chez l’adulte et le nouveau-né. En outre, Watkins et al. [2001] ont étudié les asymétries structurales chez 142 jeunes adultes à l’aide d’une méthode morphométrique basée sur les voxels. Ils ont observé deux groupes de substance grise dans la profondeur du STS, qui étaient plus importants à droite, le premier situé approximativement à la base du gyrus de Heschl et le second sous le planum temporale (x=40, y=−29, z=−3 dans les coordonnées de Talairach). Un groupe de voxels proche du précédent (x=49, y=−36, z=7) a également été trouvé par Barrick et al. [Barrick, 2005] chez 30 jeunes adultes. Ces observations confirment que l’asymétrie du STS n’est pas seulement une caractéristique du cerveau immature.

La différence de profondeur du STS n’a pas été rapportée aussi fréquemment que l’asymétrie bien connue du planum temporale pour au moins deux raisons. En premier lieu, elle a pu être manquée dans les études post-mortem car il s’agit d’une caractéristique enfouie, qui est difficile à mesurer et ne peut s’observer qu’en dépliant la surface corticale. Deuxièmement, cette asymétrie peut s’estomper dans les études globales de neuro-imagerie. Chez les nouveau-nés, l’asymétrie du STS n’a pas été détectée en comparant les surfaces cérébrales globales des deux hémisphères mais seulement à la suite d’un tracé minutieux de la structure [Hill, 2010]. Chez les adultes, Im

107

et al. [2010] ont rapporté une grande variabilité spatiale des repères anatomiques dans la région postérieure droite du STS. En outre, les asymétries opposées dans la région temporale postérieure, à savoir un plus grand planum gauche combiné à une scissure de Sylvius droite plus haute et un STS droit plus profond, peuvent produire des imprécisions importantes dans les comparaisons des régions temporales droites et gauches.

Par conséquent, l’asymétrie du STS semble une caractéristique importante de cerveau humain au cours de la vie. Il paraît cependant nécessaire de mener des études supplémentaires pour caractériser sa trajectoire développementale pendant l’enfance et l’adolescence.

A notre connaissance, l’asymétrie de profondeur du STS n’a pas été rapportée chez les primates non humains. Hopkins et al. [2000] ont étudié la scissure de Sylvius et le STS dans plusieurs familles de singes, notamment les chimpanzés. Ils ont observé un STS plus long à droite dans une famille mais pas chez les chimpanzés. Bien que la longueur du STS ait été mesurée à une profondeur sulcale différente, il n’est pas possible de comparer leurs mesures aux nôtres. Dans étude récente voxel-à-voxel du cerveau du chimpanzé, Hopkins et al. [Hopkins, 2008] ont rapporté plusieurs régions asymétriques mais aucune dans le STS. Cependant, comme il a été mentionné ci-dessus, cette asymétrie est difficile à observer à partir de méthode globale voxel-à-voxel, et requiert une analyse sulcale appropriée comme celle proposée par le logiciel Brainvisa [Mangin, 2004b].

Caractérisation supplémentaire de l’asymétrie dans la région temporale postérieure

Outre l’asymétrie du STS, nous avons caractérisé l’asymétrie bien connue de la région temporale postérieure. Tandis que les extrémités du gyrus de Heschl sont à égale distance du repère du sillon central à droite et à gauche, les repères postérieurs à celles-ci sont plus éloignés du sillon central à gauche qu’à droite (Figure 35). Cette asymétrie pourrait s’expliquer par un déplacement vers le haut et en avant de la scissure de Sylvius à droite (Figure 34) ou par un accroissement de la surface corticale gauche en arrière du gyrus de Heschl.

Comme l’extrémité postérieure de la scissure de Sylvius est moins fortement courbée dans le cerveau du nourrisson, nous avons tracé le planum temporale en arrière jusqu’à rencontrer une paroi de substance grise, en incluant de la sorte les segments horizontaux et verticaux de la scissure de Sylvius. Nous avons observé que sa surface et sa longueur tendait à être plus grandes

108

à gauche. Chez les nouveau-nés, Hill et al. [2010] ont aussi rapporté que cette structure était plus profonde de 3mm à gauche. Cette asymétrie structurale soutient des asymétries fonctionnelles.

Dans une étude récente, nous avons montré que les stimuli de parole activaient des réponses plus fortes que la musique dans la région gauche du planum temporale chez des nourrissons âgés de deux mois [Dehaene-Lambertz, 2010] tandis que Perani et al. [2010] ont observé de meilleures capacités de discrimination des stimuli musicaux dans la région controlatérale chez des nouveau- nés.

Autres observations structurales

D’autres asymétries du réseau linguistique ont été décrites dans le cerveau adulte, comme un gyrus de Heschl et une aire de Broca plus grands à gauche. Chez nos nourrissons, le gyrus gauche de Heschl était plus épais et occupait un plus grand volume qu’à droite. Un plus grand gyrus s’accorde avec des observations antérieures sur un plus grand nombre de fibres de substance blanche du côté gauche [Penhune, 1996]. En revanche, nous n’avons pas mesuré d’asymétries dans la région frontale inférieure. Notre méthode, qui s’intéresse aux sillons délimitant l’aire de Broca, ne permet qu’une caractérisation partielle de cette région car les parties gyrales sont vraisemblablement aussi à prendre en compte. Nous avons néanmoins observé une tendance à un sillon plus profond à gauche à la jonction entre le sillon frontal inférieur et le sillon précentral inférieur, mais notre mesure corrigée n’a pas atteint le seuil de significativité. Il serait intéressant à l’avenir d’étudier cette asymétrie chez des nourrissons plus âgés afin de détecter un éventuel approfondissement à gauche en fonction de l’âge et de l’acquisition en production du langage.

Asymétries : une cible pour des études génétiques

Le développement asymétrique du cerveau humain dans les régions périsylviennes peut être caractérisé par quatre attributs aussi robustes chez le nourrisson que chez l’adulte : le déplacement vers le haut et en avant de la région postérieure de la scissure de Sylvius à droite, l’agrandissement du planum temporale gauche, l’épaississement du gyrus gauche de Heschl et l’approfondissement du STS droit. Ces caractéristiques peuvent être la conséquence d’interactions complexes entre des expressions asymétriques de facteurs morphogénétiques et de contraintes sur la connectivité des fibres.

109

D’une part, les expressions asymétriques de plusieurs gènes ont été décrites dans le cerveau humain. Par exemple, LMO4 est exprimé de préférence dans l’hémisphère droit entre la 12ème et la 14ème semaine de gestation [Sun, 2005]. Bien que d’autres expressions génétiques soient symétriques à l’échelle du groupe de sujets [Johnson, 2009], 76% du génome humain est exprimé dans le cerveau fœtal entre 18 et 23 semaines de gestation, et 44% de ces gènes ont des systèmes de régulation différents. Une telle situation produit une mosaïque de régions cérébrales imbriquées dont les interactions complexes et les éventuelles asymétries des profils d’expression peuvent influencer les sites de production et de migration neuronales, notamment dans la zone sous-ventriculaire [Kriegstein, 2006]. L’absence de corrélation entre les asymétries du planum temporale, du gyrus de Heschl et du STS, tout comme la forte variabilité spatiale des motifs de plissements dans les régions temporales postérieures chez les nouveau-nés [Hill, 2010]

pourraient s’expliquer par des expressions génétiques distinctes dans ces régions. En particulier, l’asymétrie circonscrite et robuste de la profondeur du STS, à la base du gyrus de Heschl, pourrait être une caractéristique précieuse pour mieux comprendre les processus morphogénétiques et les mécanismes de régulation des gènes dans le cerveau humain.

D’autre part, les interactions entre les fibres courtes et longues de la substance blanche produisent des contraintes mécaniques supplémentaires [Van Essen, 1997], susceptibles de modifier la profondeur du STS. Au cours de la période fœtale, les fibres de projection s’accumulent dans la sous-plaque corticale qui est développée dans les gyri mais réduite dans le fond des sulci [Vasung, 2010]. A l’aide de l’imagerie du tenseur de diffusion dans une étude antérieure [Dubois, 2009], nous avons pu reconstruire le faisceau arqué, qui est un faisceau de substance blanche reliant les régions temporales et frontales. Nous avons mesuré un plus grand volume de fibres à gauche dans la région temporale. Une telle asymétrie de substance blanche pourrait contribuer à la différence sulcale rapportée dans cette étude.

No documento dans une Population de Nourrissons (páginas 118-122)