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Introduction

No documento dans une Population de Nourrissons (páginas 101-104)

Chapitre 2. Asymétries des plissements du cortex

C. Etude 2 : Une asymétrie robuste du sillon temporal supérieur vers la droite

C.1 Introduction

Une particularité frappante du cerveau humain est l’asymétrie de son organisation. S’il a été pensé à une époque que cette caractéristique était propre à notre espèce, des asymétries à la fois fonctionnelles et structurales ont depuis été rapportées chez d’autres mammifères et chez les oiseaux [Cantalupo, 2001; Gannon, 1998; Gilissen, 2001]. Cependant, parmi les mammifères, et même dans la lignée des primates, les hommes possèdent le cerveau le plus asymétrique. Les asymétries principales observées dans le cerveau humain sont décrites par un phénomène de torque qui déplace la région frontale droite en avant tandis que la région occipitale gauche est repoussée en arrière (pétalias) [Yakovlev, 1962]. Ce mécanisme de torsion se combine avec un raccourcissement de la scissure de Sylvius à droite par rapport à la gauche [LeMay, 1984], en créant une différence morphologique marquée entre les régions temporales postérieures gauches et droites [Toga, 2003; Van Essen, 2005], notamment, par exemple, un planum temporale gauche plus étendu [Geschwind, 1968].

Comme le phénomène de torsion gauche-droite affecte la région temporale postérieure, qui est impliquée dans des traitements auditifs élaborés, parmi lesquels les représentations phonétiques, la relation entre cette caractéristique structurale majeure et l’émergence du langage est une question largement débattue. D’autres indices asymétriques ont été observés dans les régions linguistiques et auditives. Une région frontale inférieure (aire de Broca) plus importante à gauche a été décrite mais l’amplitude de cette asymétrie est discutée (revue par [Keller, 2009]). Le volume de substance blanche sous-jacent au gyrus de Heschl est plus important à gauche qu’à droite [Penhune, 1996]. A un niveau microscopique, des cellules pyramidales plus grosses ont été observées dans le cortex auditif gauche [Hutsler, 2003b], qui est également associé à des fibres myélinisées plus épaisses [Anderson, 1999]. Des asymétries favorisant le côté droit dans les régions périsylviennes ont été également rapportées mais ont suscité moins d’attention et de discussion. En particulier, quatre études [Barrick, 2005; Ochiai, 2004; Van Essen, 2005; Watkins, 2001] ont observé un STS plus important à droite qu’à gauche dans son segment postérieur.

Chez les grands singes, certaines de ces asymétries ont aussi été trouvées, bien que dans une moindre mesure que chez les hommes : la scissure de Sylvius plus longue à gauche [Yeni- Komshian, 1976], le planum temporale plus étendu à gauche [Cantalupo, 2001; Gannon, 1998;

Gilissen, 2001; Hopkins, 2008], ainsi qu’une asymétrie des régions frontales inférieures en

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faveur de la gauche [Cantalupo, 2001] ont été décrites. Par contraste, le phénomène de pétalia n’est pas observé chez les chimpanzés tandis que la pétalia occipitale gauche est clairement vue chez les gorilles [Gilissen, 2001]. Enfin, la différence de largeur des colonnes corticales élémentaires entre les plani temporale droite et gauche, décrites chez les hommes, n’a pas été observée chez les chimpanzés [Buxhoeveden, 2001].

A partir de cette anatomie comparée, il est difficile de conclure sur la nature des influences qui ont contribué à la mise en place des asymétries du cerveau humain, soit purement génétiques soit combinant des facteurs génétiques et environnementaux. Ces influences pourraient consister en une dérive génétique au sein de la famille des primates, ou une pression génétique sur les régions cérébrales impliquées dans les réseaux linguistiques et de communication, ou encore des changements environnementaux en raison de l’exposition massive à la parole chez l’homme. Il a été suggéré en effet que les transitions temporelles rapides du signal de parole ont pu favoriser le développement de réponses hémisphériques gauches plus importantes en raison d’un biais pour traiter les stimuli rapides dans cet hémisphère [Boemio, 2005; Zatorre, 2001]. L’observation du cerveau du nourrisson, c’est-à-dire bien avant que les expertises du langage et de la manualité ne se développent, devrait apporter des informations pertinentes dans ce débat. Si les asymétries sont présentes très tôt dans ces régions-là mêmes qui acquièrent, plus tard chez l’adulte, des compétences linguistiques et de communication, elles pourraient servir de repères génétiques du langage et nous donner ainsi un éclairage crucial sur les changements génétiques qui se sont produits entre les hommes et leurs proches cousins dans la lignée des primates. Autrement dit, ces asymétries précoces pourraient nous aider à comprendre comment la réorganisation cérébrale a joué un rôle critique dans l’émergence du langage dans notre espèce.

Les études de nourrissons sont encore rares. Les observations post-mortem ont rapporté que plusieurs sillons droits apparaissent une ou deux semaines plus tôt que les sillons controlatéraux [Chi, 1977a] L’élévation et le raccourcissement de la scissure de Sylvius à droite et le planum temporale plus important à gauche ont aussi été observés pendant la période fœtale [Chi, 1977b;

Cunningham, 1892; Wada, 1975; Witelson, 1973]. Des études non invasives de neuroimagerie chez des nourrissons en bonne santé ont confirmé une gyration plus précoce à droite chez les nouveau-nés prématurés [Dubois, 2008b], un planum temporale plus important à gauche et un STS plus profond à droite chez les nouveau-nés nés à terme [Hill, 2010]. A partir d’une large cohorte de nouveau-nés, Gilmore et coll. [2007] ont observé que, contrairement aux adultes,

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seule la pétalia occipitale est présente, et que l’hémisphère gauche est plus grand que le droit.

Ces études de neuroimagerie ont cependant été restreintes à des naissances prématurées et à la période néonatale parce que l’étude des asymétries cérébrales est difficile pendant les premières années de vie. Des problèmes d’imagerie spécifiques apparaissent pendant cette période en raison de la maturation rapide et hétérogène qui modifie le contraste entre les substances blanche et grise, et en raison d’un ruban cortical fin et déjà fortement plissé. Ces caractéristiques compliquent grandement la segmentation automatique des différents compartiments du cerveau, qui est une étape préalable majeure des analyses structurales [Leroy, 2011b]. Afin d’éviter des imprécisions, un tracé manuel est préférable mais limite en revanche la taille de la population et des structures étudiées.

Figure 31. Tracé des sillons et croissances sulcale et globale. A. Les principaux sillons périsylviens ont été tracés à la main, puis une forme 3D a été construite pour chaque structure. STS : sillon temporal supérieur, PT : Planum temporale, HG : gyrus de Heschl, SMG, gyrus supra-marginal, IFS : sillon frontal inférieur, Br : rameaux de Broca, CS : sillon central. B. Croissance linéaire attendue du volume cérébral et de la surface totale des sillons en fonction de l’âge. Une fois normalisée, la surface sulcale ne variait plus en fonction de l’âge. Dans notre jeu de données, aucune différence globale de croissance n’a été mesurée entre les garçons et les filles.

Dans cette étude, nous avons réalisé des IRM de quatorze nourrissons en bonne santé, âgés de un à quatre mois. Hervé Glasel a tracé manuellement les sillons qui délimitent les régions linguistiques, ainsi que le sillon central pris comme référence. Nous avons tout d’abord confirmé une croissance globale linéaire du cerveau et des sillons pendant cette période [Gilmore, 2007;

Huppi, 1998]. Nous avons ensuite observé une morphologie des régions propre au nourrisson.

Puis nous avons étudié les différences droites-gauches à la fois en position et en dimension dans l’espace natif et dans un référentiel normalisé. Une asymétrie générale a été mesurée dans le repère normalisé après un recalage non linéaire. Comme cette procédure ne permettait pas de

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séparer les effets respectifs de localisation, de forme et de dimension des asymétries, nous avons également analysé ces différences dans l’espace natif. Nous avons recherché des asymétries en mesurant la surface, la longueur et la profondeur de chacune des structures. En outre, pour les régions importantes, comme le STS, nous avons observé les variations de profondeur le long de ces structures.

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