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Chapitre 5 Caractérisation cinématique de surface (déplacement, déformation) des glissements-coulées par LiDAR

5.3 Analyse de la cinématique du glissement de Super-Sauze

5.3.2 Analyse de la cinématique de la zone de transit

5.3.2.2 Suivi des déplacements par scanner laser terrestre

Les déplacements de la coulée dans la zone de transit ont été suivis par scanner laser lors d’une expérimentation de pluie du 13 au 20 juillet 2007 (§ 4.2.5, Figure 5.15 A). Les nuages de points ont été acquis quotidiennement du 10 au 14 juillet 2007 à partir de deux positions localisées à une dizaine de mètres de la zone d’expérimentation (Figure 5.15 A, B). La moyenne et l’écart-type de la densité de points au sol sont de 3280 pt.m-2 et de 7395 pt.m-2 respectivement. La forte hétérogénéité spatiale de la distribution des points est liée à la vue oblique des acquisitions (densité maximale sur les surfaces perpendiculaires à la ligne de vue et présence de zones d’ombre sur les faces opposées). La pluie a été interrompue à chaque levé. Cette étude a fait l’objet d’un acte de colloque pour le 21ème congrès de la société internationale de photogrammétrie et de télédétection (ISPRS) tenu à Pékin le 7 au 10 juillet 2008 (Annexe 3). Les résultats sont présentés ci-après.

Figure 5.15 - Configuration d’acquisition au scanner laser lors de l’expérimentation de pluie artificielle de juillet 2007. A) localisation de la zone suivie par scanner laser terrestre dans la partie amont de la zone de transit à proximité de la crête stable in situ, B) carte de densité de points avec les positions des piézomètres dans la zone d’expérimentation et des stations TLS.

Caractérisation des déplacements :

L’analyse des déplacements dans la zone d’expérimentation est fondée sur trois techniques présentées au chapitre § 5.2 : détermination de points homologues, recherche automatique des points les plus proches et corrélation de MNTs. L’erreur moyenne est l’écart-type de l’alignement des nuages de points déterminée sur la partie stable d’une crête in-situ est de 0.8 cm et 0.9 cm (Figure 5.15 B). Le géoréférencement des acquisitions a été effectué à l’aide de six points de contrôle disposés autour de la zone de pluie dont la position a été mesurée au GPS différentiel. L’erreur moyenne du géoréférencement est de 2 cm avec un écart-type de 3 cm.

Comme les acquisitions sont comparées à une référence (10 juillet 2007), l’erreur de géoréférencement n’affecte pas la magnitude des déplacements obtenus, seule la direction des vecteurs de déplacement est affectée.

• Détermination manuelle de points homologues par reconstruction d’objet :

La reconstruction de 31 piézomètres à partir des semis de points a permis de déterminer le champ de déplacement à l’intérieur de la zone d’expérimentation. La qualité d’ajustement des cylindres reflète la bonne précision de l’alignement des nuages de points (Figure 5.16 A). L’erreur moyenne (0.01 cm) et l’écart-type (1.1 cm) de l’ajustement des primitives cylindriques sont établis en comparant le diamètre de la primitive avec le diamètre réel.

Figure 5.16 - Ajustement de cylindres sur les semis de points de piézomètres par la méthode des moindres carrés, A) semi de points d’un piézomètre constitué de deux prises de vue opposées à partir des stations d’acquisition A et B (Figure 5.15 B), B) représentation 3D de piézomètres reconstitués.

Figure 5.17– Déplacements obtenus par la technique de reconstruction d’objet par ajustement de primitives cylindriques, A) déplacements cumulés et directions de déplacement, B) distribution spatiale des déplacements dans la zone d’expérimentation pour la période du 10 au 14 juillet 2007.

La direction d’écoulement est identifiée vers 027°/30° (± 1σ de 6.0°) (Figure 5.17 A). Des vitesses moyennes de 3.2 et 2.7 cm.jour-1 entre le 10 et 11 juillet et entre le 11 et 13 juillet 2007 respectivement sont déterminées.

Une légère accélération à 3.9 cm.jour-1 est détectée entre le 13 et 14 juillet 2007. La distribution spatiale des déplacements au sein de la zone d’expérimentation est hétérogène (Figure 5.17 B). Les déplacements les plus importants sont observés dans la partie Est de la zone d’expérimentation là où la densité de fissures en surface est la plus forte (Debieche et al., 2011). Cette fracturation est notamment responsable des infiltrations préférentielles identifiées pendant l’expérimentation de pluie par suivi des résistivités électriques (profil électrique T2 dans la Figure 4.9). L’inclinaison des vecteurs de déplacement permet d’estimer une inclinaison moyenne de la surface de glissement à environ 30° dans la zone d’expérimentation en accord avec le modèle géométrique 3D de la coulée (§ 3.3). Son inclinaison supérieure à celle de la pente topographique explique en partie les déplacements importants observés dans la zone, soulignant ainsi l’influence de la géométrie de la surface de glissement sur la cinématique de la coulée.

• Recherche automatique des points les plus proches :

Afin d’exploiter de manière plus exhaustive l’information contenue dans les nuages de points, l’algorithme de recherche du point le plus proche implémenté dans le logiciel Polyworks 11 a été utilisé en contraignant l’algorithme de recherche dans la direction 027°/30° avec une tolérance directionnelle de 18° (3σ) (Figure 5.18). La recherche de points le long du vecteur de déplacement fournit des déplacements légèrement sous- estimés par rapport à ceux déterminés par ajustement de primitives cylindriques. L’interprétation des résultats reste délicate car les déplacements calculés sont fortement dépendant de la configuration topographique du site et de la direction de propagation de la coulée. En effet, un relief marqué est nécessaire pour obtenir des déplacements interprétables. Les surfaces du terrain perpendiculaires aux vecteurs de déplacement montre les contrastes de déplacements les plus importants. A l’inverse, aucun déplacement interprétable ne peut être déterminé pour des terrains dont la surface est parallèle aux vecteurs de déplacement. Cette technique reste donc finalement qualitative et ne permet pas d’analyser de manière fine la cinématique de la zone d’étude.

Figure 5.18 - Résultats des déplacements obtenus par l’algorithme de recherche de points le plus proche le long de la direction d’écoulement de la coulée de 027°/30°.

• Corrélation de MNTs :

Une troisième technique permettant d’exploiter de manière plus exhaustive et plus quantitative l’information géométrique contenue dans les levés TLS consiste à corréler des MNTs interpolés dans le plan horizontal (Schwalbe et al. 2008). Les MNTs ont été interpolés par triangulation linéaire avec une maille de 5 cm. Le corrélateur subpixel Médicis développé par le CNES a été utilisé (Chanie, 2001). Comme la fonction de corrélation est optimale sur des données variant rapidement dans l’espace, les valeurs de relief ombré calculées avec l’algorithme de Burrough & McDonnell (1988) et codées en 8 bits ont été corrélées ; les paramètres (hauteurs et azimut de la source lumineuse) ont été choisis de manière experte pour maximiser les contrastes (Duffy et al., 2004). Une taille de fenêtre de corrélation de 32 pixels correspondant à une surface horizontale de 2.56 m2 a été sélectionnée. L’acquisition du 10 juillet 2007 est prise comme référence. Afin d’augmenter le rapport signal sur bruit, une procédure de filtrage similaire à celle présentée dans Travelletti et al. (soumis b) a été utilisée.

Les résultats sont présentés dans la Figure 5.19. L’erreur moyenne µ et l’écart-type σ sont estimés à partir des valeurs de déplacements observés sur la crête stable in situ. Les erreurs moyennes µ correspondent respectivement à 2.3 cm (σ = 1.8 cm), 2.5 cm (σ = 1.1 cm) et 3.0 cm (σ = 1.4 cm) pour les périodes 10 - 11 juillet, 10 - 13 juillet et 10 - 14 juillet 2007 respectivement. Le contournement de la crête stable in situ par la coulée est particulièrement mis en évidence par les vecteurs de déplacement.

Figure 5.19 – Cartes de déplacement (amplitude et direction) obtenus par corrélation de MNTs pour les périodes 10 – 11 juillet, 10 – 13 juillet et 10 – 14 juillet 2007.

Les cartes de déplacement obtenues permettent d’analyser la cinématique à l’intérieur et à l’extérieur de la zone d’expérimentation. Les résultats confirment le champ de déplacement hétérogène observés précédemment à l’intérieur de la zone d’expérimentation par la technique de recontruction d’objet. Les plus importants déplacements sont concentrés entre la zone d’expérimentation et la crête stable in-situ où la fracturation de surface est très importante. Pendant la période du 10 au 14 juillet, les déplacements à l’extérieure de la zone d’expérimentation (0.14 m) sont 66% supérieurs à ceux observés à l’intérieur de la zone d’expérimentation (0.09 m). L’amplitude des déplacements est plus faible en amont de la zone d’expérimentation (0.06 m).

Les résultats de la corrélation des MNTs sont validés par comparaison avec les déplacements obtenus par la technique de reconstruction d’objet (Figure 5.20). L’erreur moyenne et l’écart-type sont de 0.1 cm et 2.2 cm respectivement.

Figure 5.20 - Comparaison des déplacements des 31 piézomètres obtenus par reconstruction d’objets (ajustement de cylindres sur les semis de points de piézomètres) et par corrélation de MNTs.

Discussion :

L’accélération identifiée par suivi au scanner laser (Figure 5.17 A) est validée par les données de déplacements d’un extensomètre localisé à proximité de la zone d’expérimentation (Figure 5.19; Figure 5.21). La période de faible activité précédant le début de l’expérimentation et l’accélération de la zone 24 heures plus tard laissent fortement supposer un lien de causalité entre les volumes d’eau infiltrés et la cinématique locale de la zone.

Une accélération globale de la coulée est toutefois peu envisageable car aucune augmentation de pression interstitielle significative n’a été observée dans les piézomètres AV1, CV10, BV16 et EV2 (dont les positions sont indiquées dans la Figure 5.15) avant et pendant l’expérimentation de pluie. De même, aucune augmentation de pression interstitielle généralisée et synchronisée dans la zone d’expérimentation n’a été observée (seul trois piézomètres dans la partie aval de la zone d’expérimentation ont enregistré une montée significative en pressions interstitielles de 5 à 10 kPa , Debieche et al., 2011). Il est donc possible que l’accélération locale soit principalement due à une diminution de la viscosité intrinsèque du matériau dans un périmètre supérieur à celui de la zone d’expérimentation (modification de la consistance du matériau et augmentation de la vitesse de fluage; Ledesma et al, 2009). Deux explications sont possibles :

• Les fuites accidentelles des réservoirs d’eau situés en amont de la zone d’expérimentation auraient permis à l’eau d’infiltrer un périmètre plus important que celui de la zone d’expérimentation ;

• L’eau de ruissellement pendant l’expérimentation (représentant 84% de l’eau de pluie artificielle; Debieche et al., 2011) se serait réinfiltrée provoquant l’accélération des terrains en aval. Par perte de butée, la zone en amont aurait été affectée.

Figure 5.21 - Déplacements cumulés obtenus par suivi extensométrique localisé à proximité de la zone d’expérimentation (photographie juillet 2007).

Conclusion :

La technique du scanner laser est bien adaptée au suivi cinématique de glissements-coulées caractérisés par des vitesses journalières centimétriques. L’absence de végétation sur le site facilite grandement le traitement des données car aucun filtrage n’est nécessaire. Par conséquent, la qualité des nuages de points acquis à courte portée dépend principalement de la qualité métrologique du scanner laser, de l’alignement des acquisitions et de l’état de surface.

La détermination de points homologues par ajustement de primitives sur des objets à géométrie simple est une méthode précise (erreur centimétrique) pour identifier la direction et l’amplitude du champ de déplacement.

L’incidence du rayon laser quasi perpendiculaire à l’axe des piézomètres, la faible distance de parcours du laser (< 50 m) et la résolution importante d’acquisition expliquent la bonne qualité d’ajustement des primitives cylindres sur les semis de points. La technique de recherche de points le plus proche demeure une rapide approximation des déplacements à condition que le terrain soit perpendiculaire à la direction principale du glissement. Elle est toutefois très limitée pour une analyse détaillée et quantitative de la cinématique de glissements-coulées. La détermination des déplacements par corrélation de MNTs est une alternative intéressante à développer. Toutefois l’erreur centimétrique de la méthode établie dans la Figure 5.20 est sûrement sous-estimée car elle est déterminée aux endroits où la densité de points est maximale (sur les semis de points des piézomètres). Elle est probablement plus importante aux endroits où l’interpolation des MNTs est très peu contrainte par les données, typiquement dans les zones d’ombre. Trois aspects majeurs affectent la précision de la méthode et méritent d’être améliorés:

• La dégradation de l’information géométrique originelle contenue dans les nuages de points due à l’interpolation en maille régulière de points 3D distribués de manière hétérogène dans le plan horizontal (e.g. zones d’ombres importantes caractéristiques des levés au scanner laser terrestre) ;

• L’algorithme d’interpolation et le choix du maillage du MNT ;

• La sensibilité du champ de déplacement aux paramètres utilisés dans le calcul du relief ombré (hauteurs et azimut de la source lumineuse artificielle) (Duffy & Hughes-Clarke, 2005).

Suite à ces premiers essais de corrélation effectués sur des données de scanner laser, la phase de prétraitement a été significativement améliorée pour limiter l’influence de ces aspects dans la phase de corrélation. La méthode est présentée dans le chapitre suivant abordant l’analyse des déplacements de la zone d’accumulation.