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Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, Algérie, N° 11, 2011

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Université de Mostaganem

             

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Revue académique de l'université de Mostaganem

Algérie

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ISSN 1112 - 5020

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Revue académique consacrée aux domaines du patrimoine Editée par l'université de Mostaganem

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Revue Annales du Patrimoine

Directeur de la revue

Mohammed Abbassa

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Responsable de la rédact ion)

Comité consultatif

Larbi Dj eradi (Algérie) Slimane Achrat i (Algérie) Abdelkader Henni (Algérie) Edgard Weber (France) Zacharias Siaflékis (Grèce)

Mohamed Kada (Algérie) Mohamed Tehrichi (Algérie) Abdelkader Fidouh (Bahreïn) Hadj Dahmane (France) Amal Tahar Nusair (Jordanie)

Correspondance

Pr Mohammed Abbassa

Direct eur de la revue Annales du pat rimoine Facult é des Let t res et des Art s Universit é de Most aganem - Algérie

Email

annales@mail.com

Site web

http://annales.univ-mosta.dz

ISSN 1112 - 5020

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Recommandations aux auteurs

Les aut eurs doivent suivre les recommandat ions suivant es : 1) Tit re de l'art icle.

2) Nom de l'aut eur (prénom et nom).

3) Présent at ion de l'aut eur (son t it re, son aff iliat ion et l'universit é de provenance).

4) Résumé de l'art icle (15 lignes maximum). 5) Art icle (15 pages maximum, format A4).

6) Not es de f in de document (Nom de l'aut eur : Tit re, édit ion, lieu et dat e, t ome, page).

7) Adresse de l'aut eur (l'adresse devra comprendre les coordonnées post ales et l'adresse élect ronique).

8) Le corps du t ext e doit êt re en Times 12, j ust if ié et à simple int erligne et des marges de 2.5 cm, document (doc ou rt f).

9) Les paragraphes doivent début er par un alinéa de 1 cm.

10) Le t ext e ne doit comport er aucun caract ère souligné, en gras ou en it alique à l'except ion des t it res qui peuvent êt re en gras.

Ces condit ions peuvent f aire l'obj et d'amendement s sans préavis de la part de la rédact ion.

Pour acheminer vot re art icle, envoyez un message par email, avec le document en pièce j oint e, au courriel de la revue.

La rédact ion se réserve le droit de supprimer ou de reformuler des expressions ou des phrases qui ne conviennent pas au st yle de publicat ion de la revue. Il est à not er, que les art icles sont classés simplement par ordre alphabét ique des noms d'aut eurs.

La revue paraît au mois de sept embre de chaque année. Les opinions exprimées n’ engagent que leurs aut eurs

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Sommaire

Brecht dans le t héât re algérien

Dr Hadj Dahmane

7

La concept ion de l'immort alit é ent re At t ar et Gide

Peyvand Goharpey

19 L’ image du Hammam dans la lit t érat ure algérienne

Dr Leila Mimouni-Meslem

33 La percept ion de Hayy ben Yaqdhan en Occident lat in

Dr Chokri Mimouni

47 La science de l’ amour dans les poèmes soufis

Dr Natália Nunes

63

Démèt re Cant emir et la civilisat ion musulmane

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© Université de Mostaganem, Algérie 2011

Brecht dans le théâtre algérien

Dr Hadj Dahmane Universit é de Mulhouse, France

Résumé :

L’ inf luence occident ale sur le t héât re algérien ne se résume pas à Molière seulement . D’ aut res dramat urges ont inspiré les hommes de t héât re algériens qui ont t raduit et adapt é un cert ain nombre de pièces. Brecht , quant à lui, n’ a f ait son ent rée sur la scène algérienne qu’ une f ois l’ indépendance acquise. En réalit é, pour les Algériens le t héât re brecht ien correspondait bien à leurs int errogat ions, non seulement sur la mission du t héât re, mais surt out sur la prat ique t héât rale. Des t roupes de t héât re amat eur ou encore des écrivains de t héât re prof essionnel ont bel et bien ét é inf luencés par Brecht . Mots-clés :

lit t érat ure algérienne, Brecht , t héât re, inf luence, Dj eha.

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représent at ions t héât rales ont eu lieu sur le sol algérien et l’ école f rançaise a ouvert ses port es aux Algériens dès les années vingt . L’ inf luence de Molière et du t héât re f rançais sur le t héât re algérien est indiscut able(6).

Mais l’ inf luence occident ale sur le t héât re algérien ne se résume pas à Molière seulement . D’ aut res dramat urges ont inspiré les hommes de t héât re algériens qui ont t raduit et adapt é un cert ain nombre de pièces.

Brecht , quant à lui, n’ a f ait son ent rée sur la scène algérienne qu’ une f ois l’ indépendance acquise. En ef f et , c’ est vers les années soixant e et soixant e-dix que ses pièces ont ét é adapt ées ou t raduit es au public algérien. En réalit é, pour les Algériens le t héât re brecht ien correspondait bien à leurs int errogat ions, non seulement sur la mission du t héât re, mais surt out sur la prat ique t héât rale. Des t roupes de t héât re amat eur ou encore des écrivains de t héât re prof essionnel ont bel et bien ét é inf luencés par Brecht . Dans ce cadre-là on peut cit er Abdelkader Alloula(7), aut eur engagé dont les pièces à port ée idéologique ont marqué la scène algérienne durant les années soixant e-dix : "El Khobza", "El Meida", "El Ment ouj "(8), (pièces réalisées collect ivement ) et c. Ce sont des pièces qui abordent direct ement le discours qui appelle à bât ir une Algérie socialist e.

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lors la présent at ion de "L’ Avare".

Ce qui permet de dire que l’ adapt at ion "dévie" parf ois le discours originel et l’ éloigne de sa t echnique que ça soit celle du récit ou celle de l’ est hét ique et poét ique. Ainsi, on peut se poser la quest ion : est -ce qu’ une œuvre t héât rale peut êt re f ragment ée, sans que son message init ial ne soit alt éré ? Peut -on, en se basant sur t elle ou t elle part ie d’ une œuvre, en modif iant t el ou t el de ses procédés, dire que l’ on applique encore sa t echnique, par exemple la dist anciat ion et la port ée idéologique dans le cas de Brecht , sachant pert inemment qu’ une œuvre d’ aut eur f onct ionne généralement comme un t out ?

Kaki, quant à lui, f in connaisseur du t héât re occident al, f éru de t héât re et séduit par la cult ure populaire qui a t ouj ours caract érisé ses œuvres, puisque lui-même né à Tigdit t , ce quart ier populaire qui a t ouj ours su rassembler les f oules aut our de cont eurs et de poèt es, a bien adapt é le répert oire du t héât re occident al à la scène algérienne.

Comment f onct ionne l’ adapt at ion du t héât re de Brecht à la scène algérienne ? Le cas de "La Bonne âme de Se-Tchouan" et "El Guerrab oua es salhine"(9).

1 - "La Bonne âme de Se-Tchouan" de Brecht :

"La Bonne âme de Se-Tchouan", pièce écrit e dans les années 1938-1941 et présent ée pour la première f ois sur scène en 1943 à Zurich, f ait part ie des pièces brecht iennes nommées "épiques" ou "didact iques".

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dont elle t ombe éperdument amoureuse ne va pas simplif ier sa vie et la propulse vers d’ insurmont ables cont radict ions. Au bord de la f aillit e, elle a recours à un st rat agème : elle se t ravest it en un cousin imaginaire Shui-Ta qui, lui, va gérer sans ét at d’ âme. A part ir de ce moment , la bonne âme oscille au gré des évènement s, t ant ôt Shen-Té la généreuse t ant ôt Shui-Ta le capit alist e ef f icient . Combien de t emps cet équilibre f aux t iendra-t -il ?".

Les dieux immort els, après une longue période d’ absence, décident de visit er le monde, pour vérif ier de visu la vie que mènent les mort els et pour cont rôler surt out s’ il exist e encore des gens j ust es sur t erre. Ils choisissent la capit ale du Se-Tchouan, ville qui est à demi européanisée, perdue dans l’ immense espace du t errit oire chinois. Travest is, et guidés par Wang, le marchand d’ eau, ils inf ilt rent la vie quot idienne des hommes, et cherchent à vérif ier la moralit é des êt res humains. Ils découvrent une réalit é qui leur paraît pénible et décevant e. Sur t erre règne inj ust ice et méchancet é. Les valeurs morales sont presque inexist ant es et le goût et l’ int érêt pour la mat ière est sans appel.

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s’ occupent que de leurs int érêt s. Parmi eux f igure l’ aviat eur sans emploi (Yang-Sun) qu’ elle a prof ondément aimé.

Devant cet t e sit uat ion, elle décide d’ invent er une sort e d’ "alt er ego" masculin (Shui-Ta), cependant animé d’ un caract ère t ot alement dif f érent du sien. Shui-Ta, appelé d’ ailleurs "cousin", est sévère, t rès sévère, cruel envers les aut res, indif f érent à leurs besoins. Il est agressif , impit oyable envers les hôt es, qu’ il oblige à quit t er le f oyer of f ert par Shen-Té. Vivant péniblement cet t e cont radict ion ent re deux caract ères, deux personnages dramat iques dif f iciles à f aire coexist er sur scène, elle disparait pour longt emps prét ext ant un long et loint ain voyage à la campagne. Ainsi commencent des int errogat ions au suj et de son absence. Cert ains de ses voisins (parmi lesquels le barbier Shu Fu) soupçonnent et accusent Shui-Ta de l’ avoir assassinée. Un procès a lieu (qui correspond à la f in de la pièce). Les t rois dieux sont inst allés à la place des j uges et reconnaissent l’ innocence de l’ héroïne après avoir écout é les explicat ions avancées par cet t e dernière. Ils l’ aut orisent à se présent er t ravest ie en Shui-Ta "une f ois par mois", sans pourt ant cesser d’ êt re t ouj ours "la bonne âme" de Se-Tchouan.

2 - "El Guerrab oua es salhine" de Kaki :

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Kaki créera sa propre t roupe dès 1950 et mont era sa première pièce "Dam el-houb" (le sang de l’ amour). Il se révélera plus t ard, après Kat eb Yacine, comme le premier j eune aut eur dramat ique à f aire connaît re le renouveau du t héât re algérien, not amment à t ravers ses t ournées en France et en Europe. Au sein du t héât re nat ional d’ Alger, Kaki t ravaillera avec Must apha Kat eb et Mohamed Boudia. L’ enf ant t errible des planches, comme on l’ appelle, brillera avec sa pièce, vérit able chef -d’ œuvre, int it ulée : 132 ans. Dans le même ordre d’ idée, on peut cit er encore la pièce "Af rique avant "(10).

Durant sa carrière, Kaki, aut eur et met t eur en scène, sera récompensé lors des f est ivals de Tunis, de Damas et du Caire où il obt int la plus haut e dist inct ion du t héât re arabe. Il dirigera en 1968 le Théât re Nat ional de l’ Ouest Algérien (TNOA) avant d’ occuper le post e de direct eur du Théât re Régional d’ Oran (TRO) à part ir 1977, post e qu’ il quit t era en 1985 suit e à un accident de la rout e. Kaki est l’ aut eur d’ un riche répert oire de pièces et de t ext es.

Grand connaisseur du t héât re occident al, il a adapt é à la scène algérienne Samuel Becket , Carlo Gozzi, Plaut e et Ionesco, St anislavski, Meyerhold, Craig, Piscat or et Brecht .

Kaki s’ est inspiré largement du pat rimoine algérien sans renier une cert aine inf luence venant du t héât re occident al et not amment du t héât re de Brecht amplement présent dans le t héât re algérien d’ une manière générale. Ce qui revient à dire que le t héât re de Kaki s’ inscrit dans la logique moderne et populaire à la f ois. À t ravers son t héât re, on remarque un t ravail minut ieux et f ort int éressant sur le t ext e t héât ral, son cont enu et son cont enant . Ainsi, on peut parler, chez Kaki, de recherches et d’ expériences sur l’ est hét ique, la langue, le décor, et c.

Le t ext e t héât ral de Kaki est sans cont est e ancré dans la t radit ion cult urelle algérienne et maghrébine.

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et les saint s) en est le meilleur exemple. Dans cet t e pièce, Kaki ressuscit e la "halqa" : le rôle du cont eur et s’ inspire des légendes populaires. Ainsi, dans "El-guerrab oua el-salihin" (le port eur d'eau et les saint s)(11), par exemple, Kaki s'at t aque à un côt é de la sociét é algérienne qui ne f ait que f reiner le développement et le progrès. Il s'agit , bien sûr, du phénomène du marabout isme et des croyances populaires. Déj à, le mouvement réf ormist e des Ulémas Algériens avait inlassablement appelé au rej et et à la réf ut at ion de ces croyances superst it ieuses. Il n'ét ait que normal, dans l'Algérie indépendant e, que Kaki appelât au dépassement des ment alit és rét rogrades, misonéist es et st at ionnaires.

Résumé de la pièce El-guerrab oua el-salihin :

Dans un village ravagé par la sécheresse, un cert ain meddah (le cont eur) annonce aux habit ant s l'arrivée imminent e de t rois des plus illust res saint s(12) : Sidi Abd el Kader al Dj ilani, Sidi Boumediene et Sidi Abderrahamane. A leur arrivée, les villageois, indigent s et miséreux, ref usent de les accueillir. Slimane le Guerrab consent , f inalement , à les conduire chez Halima, une f emme aveugle mais t rès pieuse, qui ne possède qu'une chèvre. Elle les accueille j oyeusement et leur sacrif ie son unique chèvre. En guise de récompense, ses hôt es lui rendent la vue, puis ils const ruisent une coupole af in que les villageois viennent s'y recueillir et y f aire leur pèlerinage en l'honneur des saint s, lesquels, sat isf ait s des of f randes, irrigueraient les t erres sèches et rendraient arable le sol incult e.

Mais un parent de la vieille Halima s'oppose à ces adorat ions païennes et dét ruit la coupole. Une f ois son gest e accompli, il exhort e les villageois au t ravail, seuls suscept ibles de f ert iliser le t erroir et de ramener l'opulence au village. Il va, même, j usqu'à qualif ier cet t e coupole de supercherie.

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pour les gens des villages"(13).

Dét ruire la coupole prend donc une valeur symbolique, le but principal de Kaki ét ant la lut t e cont re le marabout isme et l'insist ance sur la valeur créat ive du t ravail, sachant que l'Algérie de son époque ét ait à reconst ruire et que sa prospérit é reposait , principalement , sur le t ravail des cit oyens. Mais allons plus loin, l'aut eur cherche à souligner l'idée selon laquelle l'Islam aut hent ique est une religion de t ravail et ne repose, donc, ni sur la dévot ion absurde, ni sur la superst it ion. Par cet t e pièce, Kaki, le dramat urge, remet en cause une réalit é séculaire, des croyances prof ondément incrust ées et un ét at de choses incompat ibles avec les idéaux du modernisme.

"Remarquons au passage que (. . . ) cet t e pièce j ouée sur un mode sat irique, const it uerait une crit ique virulent e de la sociét é"(14).

3 - Analyse comparative des deux pièces :

A part ir des deux pièces, d’ un point de vue comparat if , on peut dist inguer les élément s suivant s :

1. Personnages principaux :

Chez Brecht , il s’ agit de t rois dieux, un port eur d’ eau et une f ille de j oie.

Chez Kaki, il s’ agit de t rois saint s, un port eur d’ eau et une vieille dame aveugle.

Si le st at ut du port eur d’ eau rest e inchangé, les aut res st at ut s ont ét é modif iés pour êt re conf ormes aux exigences de la sociét é algérienne.

2. Représent at ion de Dieu :

En ef f et , il est dif f icile dans une sociét é musulmane, où la religion monot héist e occupe une place cent rale, de représent er Dieu, et de surcroît plusieurs dieux, sinon ceci s’ apparent erait au blasphème. La pièce ne serait accept ée ni par le public, ni par les crit iques.

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Bien que ce st at ut exist e bel et bien au sein des sociét és arabes, et est considéré parf ois comme prof ession (maisons closes), il rest e néanmoins un suj et t abou, aucun ne l’ admet et personne n’ en parle d’ ailleurs. Si Brecht a évoqué une f ille de j oie pour mont rer l’ exploit at ion mat érielle et corporelle à cause de la pauvret é, Kaki a mis en scène une personne âgée inf irme puisque aveugle. Dans les deux pièces le personnage est caract érisé, cependant , par la bont é.

4. Principaux t hèmes :

Dans les deux pièces, il est quest ion de visit es, d’ indif f érence des habit ant s vis-à-vis des demandeurs de l’ hospit alit é et de générosit é (accueil) exercée par des personnages ayant plus ou moins un st at ut social peu enviable :

Chez Brecht : Une f ille de j oie, pauvre mais généreuse. Suit e à son gest e de bont é, elle est récompensée, reçoit de l’ argent , crée un commerce (bureau t abac) et cont inue à propager la bont é. Cependant , elle est rapidement conf ront ée au comport ement malsain des cit oyens prof it eurs.

Chez Kaki : Une f emme aveugle, pauvre et accueillant e. Suit e à son gest e d’ hospit alit é, elle est récompensée et reçoit la baraka des saint s.

5. L'espace :

Dans la pièce de Brecht , la scène se déroule en Chine. Dans la pièce de Kaki, la scène a lieu en Algérie.

6. La port ée :

La visée didact ique caract érise les deux pièces mais dif f éremment .

Alors quel lien avec la pièce de Brecht ? Beaucoup de similit udes cert es mais beaucoup de dif f érences aussi. Il apparaît clairement que lors de l’ adapt at ion l’ aut eur manipule le t ext e original selon les at t ent es de la sociét é d’ accueil.

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dans la sociét é, le rapport à l’ aut re. Avec cet t e pièce les int errogat ions concernent aussi le rapport de pouvoir, de combat dans la cont radict ion du f éminin et du masculin, non seulement dans la const ruct ion de nos sociét és mais aussi plus int imement dans la const ruct ion de chaque êt re (la part du f éminin / masculin).

Ces quest ions sont reprises dans la pièce de Kaki. Le rapport à l’ aut re, le rapport au pouvoir, même s’ il s’ agit du pouvoir de la superst it ion, la générosit é, l’ indif f érence des individus, et c.

Le t héât re de Brecht , et not amment la Bonne âme, aspire à la sensibilisat ion sociale et polit ique du spect at eur, en cherchant à le dot er de clef s et d’ out ils de prise de conscience en lui exposant le f onct ionnement de la sociét é. Ce n’ est pas le plaisir est hét ique qui compt e mais celui de la prise de conscience et la volont é de changement escompt ée.

"La Bonne âme de Se-Tchouan" permet à son aut eur d’ exposer deux not ions : d’ un côt é, l’ ét hique chrét ienne et la concept ion moralist e et mét aphysique du monde, et de l’ aut re côt é, le syst ème capit alist e et l’ exploit at ion de l’ homme.

Le comport ement de l’ héroïne brecht ienne, à t ravers la générosit é qu’ elle of f re aux dieux ou encore à son prochain qui sollicit e son aide, prouve qu’ elle est vraiment une "bonne âme", au sens moralist e et religieux.

L’ adapt at ion de Kaki combine en f ait deux élément s essent iels : la t hémat ique brecht ienne et la lit t érat ure populaire si chère au cœur de l’ aut eur. Kaki, comme on l’ a signalé, est un connaisseur de l’ art dramat ique et donc du t héât re de Brecht et , avec sa maît rise des t radit ions populaires, il réussit à f aire cohabit er deux univers t héât raux.

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mère Lalla Kheira oum el Dj ilali, Sidi Abderrahmane - Saint pat ron d’ Alger, et enf in Sidi Boumediene - le myst ique disciple d’ Ibn Arabi. Quant à Halima, c’ est l’ homonyme de la nourrice du prophèt e Mohamed prière et paix sur lui.

L’ espace, quant à lui se t rouve t ransf ormé à son t our. L’ évènement dramat ique est présent é dans un cont ext e spat iot emporel myt hique.

Le t hème cependant , est quasiment le même : la bont é et la générosit é. Par cont re la visée semble dif f érent e. Si Brecht s’ int erroge sur le rapport du conf lit int ime, Kaki s’ at t aque comme on l’ a signalé à la superst it ion populaire.

Kaki a réussi, à part ir d’ un t ext e original, à créer une nouvelle œuvre compat ible avec les exigences cult urelles de son cont ext e, conf orme aux at t ent es de son public.

D’ aut res écrivains algériens se sont inspirés de Brecht , cependant nous avons limit é not re art icle à l’ expérience de Kaki.

Mais il f aut savoir que le grand dramat urge Kat eb Yacine a mont ré de l’ int érêt à l’ expérience de Brecht , surt out que les deux aut eurs ont voulu que leurs t héât res soient un t héât re de combat .

Abdelkader Alloula aussi à t ravers sa recherche d’ un t héât re spécif iquement algérien, celui qui réserve une place au cont eur, à la créat ion collect ive et à la dist anciat ion, a subi incont est ablement l’ inf luence de Brecht .

Les t roupes du t héât re amat eur aussi, n’ ont pas caché leur émerveillement devant l’ expérience brecht ienne.

Notes :

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comme ce dernier, il représent e une sort e de Tiers Et at , comprenant le pet it peuple déshérit é et opprimé. Dj eha incarne la subt ilit é du peuple et son art d’ ut iliser la circonlocut ion dans la cont est at ion.

2 - Dramat urge libano-égypt ien et milit ant panarabe, il ef f ect ua, en 1921, une t ournée dans t out e l'Af rique du Nord.

3 - Echif a baad el mana (La guérison après l’ épreuve) mont ée en 1921 et écrit e par Ali Cherif Tahar, et du même aut eur Khadiât el gharam (la Duperie de l’ amour), 1923.

4 -Théât re de Mahieddine Bachet arzi, Rachid Ksent ini.

5 - Cf . Landau Jacob : Et udes sur le t héât re et le cinéma arabes, Maisonneuve et Larose, Paris 1965.

6- Voir not re art icle : Molière dans le t héât re algérien.

7 - Né en 1939 à Ghazaouat , il a commencé sa carrière t héât rale en 1955, avec la t roupe des j eunes amat eurs, alors qu’ il ét ait élève à l’ école El Falah, à Oran. Il a part icipé au t héât re prof essionnel dès ses début s, en 1963. Aut eur, comédien, met t eur en scène, il mena un t ravail sur la t héât ralit é, la langue t héât rale, la créat ion collect ive et la représent at ion du t ype el halqa. Assassiné en 1994.

8 - Cf . not re t hèse : Les t hèmes de l’ engagement dans le t héât re algérien 1926-1977, St rasbourg 1988.

9 - Cf . not re art icle : Tradit ion populaire et cult ure ancest rales dans le t héât re algérien : le cas de Kaki et de Alloula.

10 - Pour l’ ensemble des pièces de Kaki, cf . not re t hèse : Engagement et cont est at ion dans le t héât re algérien, Mulhouse 2009.

11 - Lit t éralement l'homme à l'out re d'eau ; guirba ou guerba signifie : out re d'eau.

12 - Il semble, a priori, que la pièce ait un rapport avec "La Bonne Ame du Se-Tchouan", de B. Brecht écrit e en 1938, commencée au Danemark et achevée en 1940 en Suède, mais l'aut eur nous a déclaré, lors d'une ent revue, que sa pièce est purement algérienne, inspirée de la vie de t ous les j ours, et sans rapport aucun avec celle de Brecht .

13 - Nasreddine Sebiane, It t ij ahat el Masrah al-Arabi f i-l-Dj azair (1945 - 1980) : Les t endances du t héât re arabe en Algérie, t hèse de magist er, Facult é des Let t res, Universit é de Damas 1985, p. 325.

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© Université de Mostaganem, Algérie 2011

La conception de l'immortalité

entre Attar et André Gide

Peyvand Goharpey Universit é de Téhéran, Iran

Résumé :

Dans son œuvre "La port e ét roit e" André Gide aborde l’ immort alit é à l’ aide des aspect s myst iques et spirit uels. "Le langage des oiseaux" d’ At t ar, un des meilleurs exemples du myst icisme orient al, met t ant en scène le même suj et , à savoir comment arriver à l’ immort alit é et à la perf ect ion. Pourt ant , il ne f aut pas penser que ces deux écrivains, issus des mondes dif férent s et séparés par un grand décalage de t emps ont procédé de la même manière. Cert es, ils ont choisi, chacun à sa manière une hist oire symbolique faisant allusion à l’ immort alit é, mais l’ hist oire de chacune de ces œuvres est passée dans un univers lit t éraire dif f érent .

Mots-clés :

immort alit é, Gide, At t ar, lit t érat ure persane, myst icisme.

***

La lit t érat ure est depuis t ouj ours le ref let des idées idéologiques et pensées diverses et c’ est ce côt é même de la lit t érat ure qui la met en relat ion avec beaucoup d’ aut res not ions t elles que polit ique, sociologie, art , psychologie, myst icisme et c. Tout es ces not ions ont , cert es, inf luencé la lit t érat ure comme la lit t érat ure les a t out es inf luencées. Pour en donner un exemple, nous pouvons parler des relat ions f ort es qui rapprochent la lit t érat ure au myst icisme. Des rapport s qui peuvent même créer des point s de convergence assez visibles ; nombreux sont des écrivains, poèt es et romanciers qui se sont inspirés du myst icisme et il est bien présent dans de nombreuses œuvres lit t éraires.

La list e des écrivains inspirés du myst icisme semble êt re assez grande, nous nous cont ent erons donc de quelques noms, peut -êt re ceux qui sont plus connus que d’ aut res : Haf ez, Sohrab Sepehri, Louis Aragon, René Guénon, André Gide et At t ar.

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t ous une place primordiale dans la lit t érat ure mondiale ; parmi ces écrivains et poèt es, nous pouvons cit er Farid al-Din At t ar Neichabouri, poèt e du XIIe Siècle et André Gide, écrivain f rançais du XXe Siècle.

Ça serait j ust e de dire que dans quelques cas, les cult ures iranienne et f rançaise sont t rès proches. Gide écrit : "j ’ ai choisi ce pays pour pouvoir m’ inspirer parce que j ’ aime beaucoup cet t e inspirat ion"(1).

Dans ce rapprochement ent re le myst icisme et la lit t érat ure, la quest ion essent ielle qui se pose est la suivant e : de quelle manière le myst icisme f ait surf ace dans le monde lit t éraire. Il f aut dire que le côt é "narrat if " de la plupart des œuvres lit t éraires, romans ou poèmes, permet aux écrivains et aux poèt es de met t re en scène l’ it inéraire ou le chemin parcouru pour arriver au myst icisme ou à un but myst ique.

C’ est ce dont nous sommes t émoins dans "La port e ét roit e" d’ André Gide et dans "Le langage des oiseaux" d’ At t ar.

Ces deux œuvres, l’ une en prose, l’ aut re en vers, cont ent des hist oires : d’ un côt é une f emme qui oublie l’ amour t errest re pour at t eindre l’ amour célest e et de l’ aut re, des oiseaux qui se décident à f aire un long et dif f icile voyage vers le mont symbolique Ghâaf pour voir de près la beaut é divine de Sîmorgh.

Ainsi, nous pouvons remarquer les t endances myst iques dans les deux œuvres : une volont é d’ at t eindre cet t e exist ence Suprême.

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Nous évoquerons le souhait de chaque personnage pour arriver à la perf ect ion. Nous allons décrire l’ it inéraire t rès dur et des obst acles qu’ il f aut surmont er pour arriver à l’ ét ernit é. Nous allons également savoir s’ il y a un désir chez les personnages pour t raverser cet it inéraire et si cela est possible sans amour ? Est -ce que les oiseaux d’ At t ar et Alissa de Gide ont une âme impat ient e ? Les âmes que Plat on considère comme sacrées, car, elles veulent arriver à l’ ét ernit é et à la perf ect ion.

Nous ét udierons les personnages de chaque écrivain pour voir s’ ils sont préparés pour voir Dieu et oublier le "Moi". Si oui quel it inéraire leur sera-t -il proposé ?

Ainsi, dans la première part ie, nous allons f aire une ét ude comparat ive ent re "La port e ét roit e" et "Le langage desoiseaux". Nous allons essayer de mont rer comment la not ion de l’ immort alit é exist e dans ces deux œuvres et comment même dès le début , les écrivains mont rent cet t e not ion myst ique. En ef f et , nous sommes t émoins des symboles qui illust rent l’ immort alit é : les oiseaux, la Huppe (Hodhod), l’ Alcyon (Simorgh) et le mont Ghâaf dans le "Langage des Oiseaux", puis la port e dans "La port e ét roit e". Dans les deux œuvres, l’ amour a un rôle remarquable. Chez Gide, l’ amour relie Jérôme à Alissa. Chez At t ar, l’ amour est présent dans l’ hist oire de "Sheikh Sanan et Dokht ar Tarsa". Ce qui rapproche ces deux œuvres, mis à part l’ amour t errest re, c’ est la t ransf ormat ion de cet amour en un amour plus grand. En ef f et , nous voyons que l’ amour t errest re est la première ét ape pour arriver à l’ amour ét ernel de Dieu, c’ est ce que nous allons ét udier t out au long de la deuxième part ie.

Comme nous l’ avons déj à dit , sent ir l’ amour t errest re est essent iel pour arriver à l’ amour ét ernel, mais cela est un long et dif f icile chemin à parcourir. Pour at t eindre cet amour, il f aut commencer un voyage pour se purif ier et abandonner les at t achement s af in de pouvoir arriver au but c’ est -à-dire la mort .

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immort el, il f aut passer par la mort . Ainsi, la mort c’ est le début de l’ amour ét ernel, c’ est ce que nous allons évoquer dans la t roisième part ie de not re modest e mémoire.

1 - Porte étroite / Langage des oiseaux :

Le t hème du voyage est un des point s qui rapproche "La port e ét roit e" de Gide au "Langage des oiseaux" d’ At t ar. Chez At t ar, les oiseaux sont le symbole de l’ âme humaine. Ces oiseaux commencent leur voyage spirit uel grâce à la Huppe. "Lorsque t ous les oiseaux eurent ent endu le discours de la Huppe, ils se décidèrent à se met t re en rout e"(2).

Et chez Gide, Alissa en se présent ant à l’ église, se décide à f aire ce voyage Spirit uel.

"Essayez d’ ent rer par la port e ét roit e"(3).

Dans les deux œuvres, ce voyage n’ est pas considéré comme chose f acile; quand la Huppe parle des dif f icult és de ce voyage j usqu’ à leur arrivée au Simorgh, les oiseaux deviennent un peu incert ains: "Ils comprirent t ous que cet arc dif f icile à t endre ne convenait pas à un poignet impuissant . Ils f urent donc en grand émoi à cause du discours de la Huppe"(4).

Le Past eur Vaut ier a aussi parlé de la dif f icult é de t raverser la port e ét roit e.

"L’ ét roit e est port e… il en est peu qui la t rouvent "(5).

En ef f et , le message de la Huppe et les mot s du Past eur se convergent ; le chemin est dif f icile et ses obst acles nombreux, mais pour at t eindre l’ ét ernit é, cela en vaut la peine. Il n’ y a qu’ un pet it nombre qui arrive à la dest inat ion et cela signif ie que ce chemin n’ est pas ouvert à t ous.

"30 oiseaux part ant à la recherche de leur roi"(6). "Ma pensée se f ait voyageuse"(7).

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monde célest e rapproche ses mouvement s à l’ act ion de voler. Le but dans "Le Langage des oiseaux" est l’ Alcyon qui est le symbole de la perf ect ion; pour le rencont rer, les oiseaux doivent t raverser sept vallées (Recherche, Amour, Connaissance, Indépendance, Pant héisme, St upeur et Annihilat ion)(8). Dans la "Port e Et roit e", le but d’ Alissa est "La port e ét roit e" qui est l’ ét ernit é et pour y ent rer, Alissa cherche sa f oi en abandonnant les at t achement s t errest res. Les ef f ort s d’ Alissa rappellent "les milles places" du Khaj e Abdollahe Ansari(9) par lesquelles on arrive à Dieu dans le myst icisme orient al. (Expérience, Guerre, Aust érit é, Cert it ude, Demande, Croix, Sacrif ice...)(10).

Les âmes de t ous les prot agonist es de ces deux œuvres cherchent leur pays nat al.

L’ amour chez eux les préparent et les f ort if ient pour ce voyage. Ils t rouveront la valeur de leur amour chez Dieu.

"C’ est où t out es les choses sont renoncés et unif iés"(11). "Je songe à d’ aut res pays plus vast es et radieux"(12).

Dans les deux œuvres, on comprend bien que les voyageurs sont impat ient s de voir leur Dieu, donc, ils t raversent t ous les obst acles présent és sur leur chemin. En quit t ant leur maison, ils choisissent l’ ét ernit é et la perf ect ion.

"Nous sommes venus ici, rencont rer le Simorgh, l’ amour que nous ressent ons pour lui a t roublé not re raison. Pour lui, nous avons perdu not re esprit et not re repos. Nous sommes venus de bien loin, espérant pénét rer auprès de cet t e maj est é Suprême"(13).

"Ent rez dans mon âme pour y port er mes souf f rances et pour cont inuer d’ endurer en moi ce qui vous rest e à souf f rir de vot re passion. Seigneur ! Ent rouvrez un inst ant devant moi les larges vant aux du Bonheur. Je ne veux plus vous marchander mon cœur"(14).

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obst acle et f inalement ils at t eignent l’ ét ernit é dans la mort .

2 - Amour :

Le but essent iel chez les myst iques c’ est de s’ approcher de Dieu grâce à l’ amour(15). C’ est pourquoi l’ amour semble êt re un des piliers du myst icisme en général et du myst icisme chrét ien en part iculier. L’ âme qui j oue le rôle d’ oiseaux du j ardin célest e, sent la nost algie de ret ourner au pays nat al. Ce qui est clair est que, ce ret our n’ est possible que par l’ amour; et la perf ect ion ne sera acquise que par cet amour : l’ at t irance de cet amour a f ait que chaque subordonné se relie à son origine, et obt ient ainsi sa perf ect ion(16).

Pourt ant , le soleil de l’ amour ne brille pas dans le ciel mais dans l’ esprit de l’ amant , avec beaucoup de chaleur. En d’ aut res t ermes, l’ amant ne se t rouve pas sur la t erre mais dans l’ esprit(17).

En ce qui concerne At t ar, ces symboles sont bien évident s et ét udiés dans les chapit res. Les oiseaux et Alissa sont décidés à voler pour arriver à la perf ect ion; pour cela, ils ont besoin des ef f ort s sérieux et de la persévérance. En même t emps, c’ est nécessaire de quit t er les at t achement s t errest res. Chez At t ar cet t e at t it ude cause l’ unit é ; c’ est -à-dire les t rent e oiseaux deviennent Simorgh (les t rent e oiseaux) et après ils peuvent at t eindre Dieu après êt re mort s.

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la mort , et c’ est cet t e mort qui est le début de l’ ét ernit é. "Si une chose pure t ombe dans cet océan, elle perdra son exist ence part iculière, elle part icipera à l’ agit at ion des f lot s de cet océan cosmique, en cessant d’ exist er isolément , elle sera belle désormais. L’ Et re disparaît au sein de l’ océan qui est de pure divinit é"(18). "De lui seul on peut impunément se rapprocher"(19).

En plus, l’ amour ici est t rès f ort parce qu’ il f ort if ie "Alissa" pour abandonner les at t achement s t errest res et aussi f ort if ie "Dokht ar Tarsa" pour se convert ir à l’ Islam. Cependant , pour cet t e dernière c’ ét ait dif f icile de t olérer ce changement radical, alors, elle meurt t rès t ôt et elle rej oint la vérit é(20).

"Oui, n’ est -ce pas, ce qu’ il f aut chercher c’ est une exalt at ion et non point une émancipat ion de la pensée. Met t re son ambit ion non à se révolt er, mais à servir."(21).

On voit que dans les deux livres ce qui t ouche, peut -êt re même le plus les lect eurs c’ est le f ait que Dokht ar Tarsa et Alissa ne commet t ent pas de f aut es exagérées ; et cela met en scène le rôle maj eur de l’ amour dans le parcours myst ique des souf is. Le choix d’ Alissa est dû à l’ expérience amoureuse de sa mère, donc, elle ne l’ aime pas et elle essaie de ne pas répét er la même erreur alors que dans "Le langage des oiseaux" on ne peut j amais imaginer que le personnage principal f asse une erreur et qu’ il abandonne ses cinquant e ans de prière à cause d’ une chrét ienne.

À côt é de ces convergences claires, il f aut aussi parler d’ un point de divergence, et cela mont re un impact part iculier de l’ amour sur des personnages. Chez Gide, Jérôme est t ouj ours soumis à Alissa quoiqu’ il n’ obt ienne j amais aucun changement divin et célest e et qu’ il n’ arrive au ciel.

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m’ eût coût é quelque ef f ort "(22).

Voici la réponse de Jérôme à la quest ion d’ Alissa qui lui demande : "Est -ce que t u ne comprends pas ce que peut êt re la communion en Dieu ? "

"Je la comprends de t out mon cœur: c’ est se t rouver éperdument dans une même chose adorée. Il me semble que c’ est précisément pour t e ret rouver mais si j e ne devais pas t ’ y ret rouver j e f erais f i du ciel"(23).

Cependant chez At t ar, le bouleversement de la f emme chrét ienne pour le Sheikh cause un changement divin et célest e pour les deux personnages et les deux voyagent au ciel.

"Le parcours du Sheikh Sanân, dont l’ une des ét apes le conduit à la déchéance mat érielle et spirit uelle, est paradoxalement ce qui lui permet t ra d’ at t eindre la vraie perf ect ion myst ique : à la f in du récit , lorsque le prophèt e Mohammad lui-même vient annoncer en songe au disciple le plus dévoué du Sheikh que ce dernier a ét é sauvé, il aj out e : Ent re le Cheikh et Dieu (Haqq : la vérit é) il y avait depuis longt emps un grain de poussière noire

.

J’ ai enlevé auj ourd’ hui cet t e poussière de sa rout e, et j e ne l’ ai pas laissée plus longt emps au milieu des t énèbres. Cet t e épreuve ult ime permet ainsi au Cheikh d’ abandonner t out e égoïsme et d’ accéder à un degré de perf ect ion et d’ union au Principe que des années d’ ascèse ne lui avaient pas permis d’ at t eindre"(24).

"La j eune f ille chrét ienne vit alors un grand soleil lui apparaît re en songe l’ invit ant à rej oindre le Cheikh. Lors de son réveil, le cœur enf lammé, elle se lança à la poursuit e de son amant , et t omba en syncope en l’ apercevant . Enf in, renonçant à la vie, "sa douce âme f ut séparée, elle ét ait une gout t e d’ eau dans cet océan illusoire, et elle ret ourna dans l’ océan vérit able"(25).

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Chez les myst iques, l’ act ion est la base comme la connaissance est le résult at . Pour arriver à cet t e connaissance c’ est -à-dire au résult at , on doit f ranchir quelques ét apes et on doit prat iquer la t héosophie(26). En d’ aut res t ermes, le myst icisme consist e à passer dif f érent s niveaux pour arriver à la dignit é, c’ est ce que l’ on appellera l’ it inéraire myst ique(27).

Passer par les sept vallées et les obst acles durs est nécessaire pour arriver à l’ immort alit é et à la perf ect ion. Le t raj et à parcourir commence par la t erre et va j usqu’ au ciel. Pour êt re en mesure de f aire un t el chemin, la mort if icat ion et la découvert e de la connaissance semblent êt re irréf ut ables(28).

Le voyage des oiseaux vers le Simorgh est un voyage int érieur. Ce voyage, appelé l’ it inéraire(29) par les myst iques dispose d’ une clé qui permet d’ y accéder. Cet t e clé est la vérit é(30).

Dans "La port e ét roit e" le but d’ Alissa est "La port e ét roit e" qui est l’ ét ernit é et pour y accéder, Alissa cherche sa f oi en se libérant des at t achement s t errest res. Les ef f ort s d’ Alissa rappellent , à coup sûr, ce voyage des oiseaux. Alissa aussi, t out comme les oiseaux d’ At t ar t raverse les mêmes ét apes.

Ainsi, l’ ardeur de l’ Homme pour arriver à la perf ect ion est virt uelle dans l’ âme. L’ ent housiasme d’ Alissa pour arriver à la port e ét roit e rappelle le même ent housiasme que chez les oiseaux d’ At t ar.

4 - La Mort :

Pour arriver à la perf ect ion le disciple passe par dif f érent es ét apes ; la dernière est celle de la mort où selon les myst iques est l’ annihilat ion du "Moi" (Naf s). La mort .

Dans l’ hist oire du Sheikh Sanan, At t ar présent e bien la mort dans le sens myst ique du t erme. Là, on voit le changement spirit uel du Sheikh et sa et sa mort int érieure.

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arriver à la perf ect ion et aussi pour t ransf ormer cet amour en un amour célest e. Sur ce chemin, Alissa, t ent e beaucoup le chemin de la vert u. D’ ailleurs, elle t âche de se ref user à son inst inct . Pourt ant , elle ne voit qu’ une seule solut ion pour at t eindre la perf ect ion: la mort . Elle abandonne l’ amour et la vie t errest re et choisit la mort pour arriver à la perf ect ion(31).

"Et ant seule chez elle, elle parle avec Dieu ! Ô Seigneur! Puissé-j e at t eindre j usqu’ au bout ... j e voudrais mourir à présent vit e, avant d’ avoir à nouveau compris que j e suis seule"(32).

"Ah! Pourt ant vous le promet t iez, seigneur, à l’ âme renonciat rice et pure. Heureux dès à présent ceux qui meurent dans le seigneur"(33).

Bref , la not ion de la mort dans les deux œuvres, c’ est la mort de l’ âme pour arriver à Dieu et à l’ ét ernit é.

Pour arriver à la perf ect ion, on a besoin d’ une connaissance myst ique qui ne sera possible que par la découvert e f ait e par le cœur et non pas par les voies scient if iques. "Le langage des oiseaux" parle de cet t e connaissance.

"C’ est une connaissance par laquelle l’ âme est en conf lit avec son mauvais côt é"(34).

Chez At t ar, ce conf lit a ét é bien présent é. Selon lui, ce conf lit passe dans l’ âme humaine et pour pouvoir le présent er, il se sert d’ une allégorie int éressant e dans "Le langage des oiseaux" : êt re avec le chien. Le chien est la concupiscence qui agit comme le Sat an(35).

"My passion is my enemy. This dog of passion never cares f or my inclinat ions and inst ruct ions. So long as t he dog of passion runs inf ront of you, your own desires are your sat an"(36).

Ce conf lit est aussi présent chez les européens. André Gide se sert de son art pour concilier ces deux côt és.

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combat t re, ou t out au moins à dialoguer en moi"(37).

Dans "La port e ét roit e", ce conf lit est bien mont ré ent re Alissa et sa mère, l’ une est l’ Ange, le bien et l’ aut re le Démon, le mal.

"Alissa ét ait pareille à cet t e perle de grand prix dont m’ avait parlé l’ Evangile ; j ’ ét ais celui qui rend t out ce qu’ il a pour l’ avoir"(38).

"J’ éprouvais un singulier malaise auprès de ma t ant e, un sent iment f ait de t rouble, d’ une sort e d’ admirat ion et d’ ef f roi. Peut - êt re un obscur inst inct me prévenait -il cont re elle"(39).

5 - Conclusion :

La corrélat ion ent re la lit t érat ure et le myst icisme est un des suj et s qui a donné naissance à beaucoup d’ ouvrages car elle permet de répondre aux quest ions posées depuis t ouj ours par les humains, des quest ions qui sont en relat ion direct e avec la nat ure humaine.

Un des aspect s de la nat ure humaine s’ avère dans le désir pour arriver à l’ origine. Il est bien présent dans "La port e ét roit e" et "Le langage des oiseaux". Pour les oiseaux d’ At t ar, l’ origine est "Le Mont Ghâaf ". et pour Alissa d’ André Gide l’ origine est "La port e ét roit e". Comme leur but est clair, ils commencent un voyage dur et dif f icile pour y arriver. En arrivant à leur origine, ils abordent la perf ect ion et l’ ét ernit é. A la f in de l’ hist oire, les deux personnages meurent , cet t e mort est une mort int ent ionnelle et une annihilat ion myst ique qui s’ appelle la nouvelle renaissance, celle qui guide les disciples j usqu’ à la perf ect ion. Ainsi, les disciples du cœur deviennent les héros t riomphant dans chacune des hist oires.

Nous pouvons dire que le désir de la perf ect ion, le f ait d’ obt enir une expérience spirit uelle, la t ransf ormat ion de l’ amour t errest re en l’ amour célest e, l’ annihilat ion et l’ ét ernit é sont présent s dans chacune de ces deux hist oires.

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d’ At t ar qui vivait au XIIe siècle et le regard de Gide vivant au XXe siècle. At t ar, poèt e not able iranien, considère la vie humaine sous un conf lit int érieur et il la guide j usqu’ au ciel. À ce moment -là, l’ êt re humain mérit e Dieu mais il semble que Gide, enf ant élevé par le christ ianisme, a un regard de f ront sur Alissa, t andis que dans ses aut res œuvres il insist e sur la vie et la présence de Dieu. En d’ aut res t ermes, nous disons qu’ At t ar encourage les gens à voyager dans le monde spirit uel mais Gide les encourage à f aire un voyage en dehors de ce monde(40).

Donc, le regard de chaque aut eur sur la vie et la perf ect ion est bien sûr aut ant en cont rast e que leur ressemblance est épat ant e. Selon Hassan Honnarmandi : "Les hommes et leurs expériences de la vie annoncent cet t e vérit é, que nous sommes comme une f amille avec dif f érent es cult ures et religions qui nous ont séparés pendant la vie"(41).

Nous pouvons dire que Gide est un écrivain qui insist e sur la recherche et la connaissance pendant la vie pour arriver à la perf ect ion et l’ ét ernit é. "Il semblait que t out mon êt re eût comme un immense besoin de se ret remper dans le neuf "(42).

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Notes :

1 - Hassan Honarmandi : André Gide et la lit t érat ure persane, la let t re chez la revue Pars, Téhéran, Kavian, 1349, pp. 230 - 231.

2 - Farid al-Din At t ar : Le langage des oiseaux, p. 289. 3 - André Gide : La port e ét roit e, Folio, Paris, p. 27. 4 – At t ar : op. cit ., p. 289.

5 - André Gide : op. cit ., p. 27. 6 - At t ar : Mant iq al-Teir, le résumé. 7 - Ibid., p. 101.

8 - Ghader Fazeli : La crit ique de Mant iq al-Teir, Téhéran, Faj r Islam, 1374, p. 11.

9 - Le poèt e persan du quat rième siècle.

10 - Thomas Campus : Imit er le Christ , Téhéran, Tarhe no, 1382, p. 23. 11 - Mant iq al-Teir, La vallée de pant héisme.

12 - André Gide : op. cit ., p. 100.

13 - At t ar : Le langage des oiseaux, p. 291. 14 - André Gide : op. cit ., p. 177.

15 - Jalal Sat t ari : L’ amour myst ique, Téhéran, Markaz, 1374, p. 371. 16 - Ibid., p. 388.

17 - Jalal Sat t ari : L’ hist oire du Sheikh Sanan et Dokht ar Tarsa, Téhéran, Markaz, 1374, p. 38 et 51.

18 - Le langage des oiseaux, la vallée d’ annihilat ion. 19 - André Gide : op. cit ., p. 120.

20 - Jalal Sat t ari : op. cit ., p. 5. 21 - André Gide : op. cit ., p. 101. 22 - Ibid., p. 32.

23 - Ibid., p. 36.

24 - L’ hist oire du Sheikh Sanan et Dokht ar Tarsa, in la Revue de Téhéran, n° 53, avril 2010.

25 - Ibid.

26 - Yahya Yasrebi : La philosophie du myst icisme, Ghom, Daf t ar Tablighat Eslami, 1372, p. 33.

27 - Ibid., p. 33.

28 - Taghi Pournamdarian : L’ énigme et les hist oires énigmat iques, Téhéran, Markaz, 1364, p. 13.

29 - Tarighat .

30 - L’ énigme et les hist oires énigmat iques, op. cit ., p. 15.

31 - Hassan Honarmandi : André Gide et la lit t érat ure persane, Téhéran, Zavar, 1348, p. 36.

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33 - André Gide : La port e ét roit e, p. 180.

34 - Hossein Elahi Ghomshei : Shahnameye Ferdowsi, Téhéran, Mohammad, 1382, int roduct ion.

35 - Jalal Sat t ari : L’ hist oire du Sheikh Sanan et Dokht ar Tarsa, p. 190. 36 - At t ar : Le langage des oiseaux, p. 20.

37 - André Gide : Si le grain ne meurt , Gallimard, Paris 1972, p. 15. 38 - Ibid., p. 18.

39 - Ibid., p. 37. 40 - Ibid., p. 231.

41 - Hassan Honarmandi : Un voyage sur la pensée, Téhéran, Got henburg, 1351, p. 286.

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© Université de Mostaganem, Algérie 2011

L’ image du Hammam dans la littérature

algérienne

Dr Leila Dounia Mimouni-Meslem Universit é d’ Oran, Algérie

Résumé :

Le Hammam f ait part ie int égrant e de la cult ure maghrébine et algérienne car c’ est un lieu où les individus se ret rouvent cert es pour se laver mais aussi pour se voir, discut er et racont er les événement s heureux ou malheureux qui j alonnent leurs vies. Nous nous sommes donc int éressés, dans le cadre de cet art icle, à l’ image du hammam dans deux œuvres lit t éraires : "Les alouet t es naïves" d’ Assia Dj ebar et "Une f emme pour mon f ils" de Ali Ghalem. Dans ces deux œuvres, l’ image du hammam varie ent re rit e et espace de libert é pour les personnages f éminins, le bain maure j oue sur ces deux symboliques et dévoile ainsi son import ance dans cet t e cult ure.

Mots-clés :

lit t érat ure algérienne, hammam, bain maure, Maghreb, rit es.

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En Algérie, quasiment chaque quart ier a son bain. A la créat ion d’ un nouveau quart ier, les habit ant s déplorent avant t out l’ absence de bain, et ensuit e la viabilisat ion des rout es et aut res. Bien que la salle de bain soit disponible dans la plupart des appart ement s en milieu urbain, les f emmes, en part iculier, et ce même quand elles prennent des douches régulières préf èrent le bain hebdomadaire qui "net t oie en prof ondeur", a "un ef f et de massage" et de "dét ent e" physique et psychologique.

Le Hammam revêt ainsi une grande import ance dans la vie de la cit é et f ait l’ obj et d’ écrit s, de descript ions, de discussions qui ont mis en exergue ses dif f érent es f onct ions.

Ce sont ces f onct ions que nous allons donc aborder dans ce t ravail à t ravers deux œuvres lit t éraires : "Les alouet t es naïves" de Assia Dj ebar et "Une f emme pour mon f ils" de Ali Ghalem. Comment le Hammam est présent é dans ces deux ouvrages ? Comment s’ expriment ces aut eurs qui sont des deux sexes ?

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premier t emps les dif f érent es déf init ions du Hammam. Nous passerons ensuit e dans un deuxième t emps à la représent at ion qui est f ait e du bain maure dans des ext rait s de ces deux œuvres en commençant par la vision d’ Assia Dj ebar avant de passer à celle de Ali Ghalem.

1 - Définition du Hammam :

Le Hammam, ou bain maure, est un bain de vapeur, t el que le sauna, t rès humide où les gens peuvent se laver. La chaleur alliée à l’ humidit é permet de net t oyer la peau en prof ondeur grâce à la dilat at ion des pores. Il exist e depuis l’ ant iquit é :

A l’ origine, dans l’ ant iquit é, les premiers bains à vapeur f urent créés en j et ant des pierres chauf f ées dans l’ eau f roide. C’ est en Inde que f urent découvert s sur des sit es archéologiques, des syst èmes d’ évacuat ion des eaux usagées avec les premières canalisat ions f ait es de t erre cuit e, deux mille ans avant l’ arrivée des Romains. Avec la civilisat ion pharaonique, les anciens Egypt iens perf ect ionnèrent les premiers hammams. Plut ôt qu’ une grande salle, ils préf érèrent créer des pet it es pièces ét anches, const ruit es en pierres. Les Grecs suivirent cet t e t radit ion de bains de vapeur qui convenait à leurs gymnases(1).

L’ empire romain a ensuit e, de par son ext ension, permis l’ apparit ion du bain maure dans t out e la Médit erranée et de ce f ait au Maghreb. Or, le Hammam est loin de se cant onner au Maghreb à une simple f onct ion d’ hygiène : sa f onct ion n’ est pas uniquement physique mais aussi et peut êt re surt out morale. Il a une f onct ion sociale et psychologique : le Hammam "solut ionnait en plus les problèmes de sant é morale et physique grâce à la chaleur et l’ usage de l’ eau, source de vie et de j oie ainsi qu’ un lieu de célébrat ions f amiliales"(2). C’ est un f ait cult urel, une t radit ion basée sur des rit uels qui marquent les ét apes de la vie : le premier bain du bébé, le bain après la circoncision du garçon, le bain pré et post nupt ial, le bain de l’ accouchée, et c.

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dans cert ains écrit s lit t éraires maghrébins. C’ est le cas dans les deux œuvres sur lesquelles nous nous penchons dans cet art icle : "Les alouet t es naïves" (1997) de Assia Dj ebar et "Une f emme pour mon f ils" (1979) de Ali Ghalem. Ainsi ces deux aut eurs, un homme et une f emme, abordent dans une œuvre lit t éraire le bain maure : t ous les deux le t rait ent suivant le point de vue d’ un personnage f éminin, y a-t -il néanmoins des dif f érences ent re les deux approches ?

Le roman de A. Dj ebar t rait e de la part icipat ion de la j eunesse algérienne à l’ indépendance de l’ Algérie mais aussi de la décept ion ressent ie après l’ indépendance quant à leurs vies, leurs rapport s de couples et cert ains de leurs rêves. Le roman t rait e aussi de la cohabit at ion ent re t radit ions et modernit é dont le bain est une des manif est at ions : cela apparaît lorsque le personnage "indépendant et moderne" de Nf issa, héroïne du roman, en donne une vision posit ive car c’ est un aspect de sa cult ure auquel elle est rest ée t rès at t achée.

Quant au roman de Ali Ghalem, il t rait e d’ un mariage arrangé ent re la j eune Fat iha et Hocine qui t ravaille en France. Ce mariage qui f init par un divorce mont re l’ impossibilit é de l’ at t eint e du bonheur quand la f emme se t rouve opprimée par des t radit ions séculaires (le f ait de ne sort ir de la maison de sa belle-f amille qu’ accompagnée alors que ce n’ ét ait pas le cas quand elle vivait chez ses parent s, d’ êt re t ouj ours surveillée, d’ êt re obligée d’ avoir plusieurs enf ant s(3), de ne pas avoir le

sout ien d’ un mari absent et n’ obéir qu’ aux ordres de la belle mère, de ne pas pouvoir t ravailler…) qui l’ empêchent de se réaliser.

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du couple et de leur évolut ion dans une sociét é algérienne encore ancrée dans les t radit ions sur une période sit uée avant et après l’ indépendance ; dans le roman de Ali Ghalem il en va de même car c’ est la sit uat ion de la f emme dans une sociét é encore at t achée à des t radit ions qui ne sont pas en adéquat ion avec la modernit é et le désir de libert é, d’ indépendance de la f emme algérienne. Néanmoins, la vision des f emmes dans le roman d’ Ali Ghalem est marquée par le f ait qu’ il soit un homme et les hommes, de par l’ aspect t rès pudique qu’ ils ent ret iennent les uns avec les aut res, n’ ont pas de ce f ait le même rapport que les f emmes avec le hammam.

Commençons par l’ ext rait du roman "Les alouet t es naïves"(4). Dans cet ext rait deux des personnages f éminins se ret rouvent au bain : Nf issa et Nadj ia qui sont sœurs. Nf issa se remémore son enf ance quand elle part ait avec sa sœur et sa mère Lalla Aicha au hammam. Le premier point que nous relevons c’ est l’ aspect nost algique qui prime dans la descript ion qu’ elle f ait du bain : "Tu t e souviens, demande Nf issa à Nadj ia qui sourit à peine de cet at t endrissement , la caissière nous of f rait une orange, une mandarine" (A. Dj ebar, p. 145) : la not ion de souvenir est t rès présent e ét ant donnée que Nf issa se remémore son enf ance au bain maure. Un souvenir qui est posit if comme l’ indique l’ at t endrissement que remarque Nadj ia dans le discours de Nf issa.

On poussait la port e de la salle chaude - auj ourd’ hui, Nf issa redécouvre cet t e port e : un bois ancien et noir, au-dessus une roue sur laquelle j oue une corde, au bout de celle-ci une énorme pierre bat cont re la port e et la ref erme.

- Tu t e souviens ? dit Nf issa à Nadj ia qui f init de se laver pour sort ir.

- Oui ? demande la sœur avec pat ience.

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ici ?

Nadj ia sourit , mut ine en vérit é, presque at t endrie (Les souvenirs t e t ouchent enf in, pense Nf issa). "Nous disions, évoque Nadj ia, c’ est la port e de l’ enf er". (A. Dj ebar, p. 146).

On en revient à la mémoire, au souvenir at t endrissant qui apparaît à t ravers le sourire de Nadj ia s’ amusant de l’ imaginat ion de deux f illet t es qui, pour décrire cet t e chaleur qui émane du bain, comparaient la salle chaude à un enf er. Ef f et dramat ique accent ué par l’ imaginat ion des f illet t es pour lesquelles le hammam renvoie à un lieu magique, f ascinant et ef f rayant . Or, en Algérie, cet t e port e est l’ une des choses les plus marquant es au sein du bain, t out Algérien ayant grandi en f réquent ant un hammam ne pouvait l’ ignorer car, en plus d’ êt re l’ ent rée de la pièce chaude ou inf ernale, elle ét ait assez lourde pour que les enf ant s ne puissent l’ ouvrir par eux-mêmes ou du moins t rès dif f icilement , et le bat t ant de la port e qui la f aisait revenir à sa place représent ait le risque perpét uel de se f aire pincer par cet t e port e cont re l’ embrasure, l’ enf ant se voyant déj à coincé et ne pouvant accéder à la salle chaude. Les enf ant s at t endent alors sagement le passage d’ un adult e pour qu’ ils puissent , garçons ou f illes, se f auf iler rapidement , n’ ét ant j amais coincés et t ouj ours f iers d’ avoir bat t u "la port e de l’ enf er". De ce f ait , Assia Dj ebar en f aisant réf érence à cet t e port e réveille les souvenirs des lect rices qui se ret rouvent dans cet t e enf ance parf ois oubliée et dans une douce nost algie.

2 - Rituels du bain :

Le Hammam apparaît , t el qu’ indiqué dans l’ œuvre de A. Dj ebar, comme un f ait cult urel qui a une consonance posit ive.

Elle décrit le bain comme ét ant une série de rit uels et de codes. La not ion de rit uel est donc vit e rat t achée à celle du bain maure, de ce f ait il nous semble pert inent de nous pencher sur la déf init ion de ce t erme.

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"a rapport aux rit es (…) Réglé comme par un rit e, habit uel et précis"(5). Int éressons nous donc d’ abord à la not ion de rit e.

Les rit es peuvent êt re déf inis comme ét ant des : "Comport ement s codif iés et imposés par le groupe social, se répét ant selon un schéma f ixé chaque f ois que se produisent les circonst ances auxquelles ils sont rat t achés. Les gest es, paroles, post ures et obj et s qui les composent n’ ont pas de j ust if icat ion ut ilit aire mais une port ée symbolique orient ée vers la communicat ion avec les puissances surnat urelles"(6).

C’ est le cas par exemple avec le rit uel de la "t esmia" qui à la naissance d’ un enf ant permet de lui donner un nom et de le placer de plain pied dans sa f amille et dans cet t e sociét é maghrébine à laquelle désormais il appart ient :

Ainsi, les prat iques sociales auprès du berceau du nouveau-né ont plusieurs f onct ions qui peuvent êt re résumées comme suit :

1 - f onct ion de reconnaissance de cet êt re.

2 - de prot ect ion cont re les esprit s malf aisant s et d’ at t irer les bonnes grâces des bons et mauvais esprit s par les dons, sacrif ices, sent eurs (encens, cumin, f liou, harmel,) et c.

3 - lancement du processus de socialisat ion et renf orcement des liens af f ect if s car en valorisant l’ enf ant , ses parent s, sa f amille, on conf irme leur st at ut de parent s, on renf orce leur sent iment de responsabilit é, on nourrit leur désir d’ êt re de bons parent s et on renf orce leur at t achement à leur enf ant .

4 - de communicat ion comme le souligne j ust ement Pascal Lardelier (2003) le rit uel est une occasion de communicat ion et de communion ent re les membres du groupe. Les liens sont renf orcés par le part age du sel, du copieux repas, de l’ af f ect ion, des cadeaux et des inf ormat ions sur les présent s et les absent s, les mort s et les vivant s"(7).

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garder un lien avec sa religion, ses cout umes ou t radit ions, de mieux appréhender les choses qui l’ ent ourent et surt out d’ organiser sa vie à la f ois sociale et spirit uelle. Le rit e a donc un sens, une f onct ion t rès souvent dict ée par une inst ance religieuse. Le bain est ainsi le lieu où on lave la j eune mariée avant et après le mariage. Il obéit aussi à une série de rit uels bien déf inis lors du t out premier bain d’ un bébé où par exemple on allume une bougie, on dit la "besmallah" ou aut re sourat e prot ect rice, on pousse des youyous pour marquer la f êt e, à l’ ent rée avec le bébé dans la salle chaude. C’ est une f orme d’ init iat ion et de célébrat ion indiquant que l’ enf ant est assez grand pour sort ir et af f ront er l’ ext érieur.

Pour Marc Augé : "L’ act ivit é rit uelle conj ugue les deux not ions essent ielles en ant hropologie : l’ alt érit é et l’ ident it é"(8). Ainsi, aller au bain permet cert es de se laver, de se purif ier (grandes ablut ions pour la prière), mais aussi de s’ af f irmer et de s’ inscrire de plain pied dans son groupe social car il permet de rencont rer des personnes, c’ est un loisir pour les f emmes qui ne sort ent pas, il permet de vibrer avec l’ ambiance, de part ager des prat iques qui rendent compt e d’ une ident it é d’ espace, de lieu, de sent iment s, et c.

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met t aient des robes de bain pour cacher leur nudit é, par pudeur au moment d’ ent rer dans la salle chaude. Le panier en osier, dans lequel sa mère rangeait ses af f aires de bain, f aisait aussi part ie de ce rit e, un panier qui f ascinait les villageoises peu habit uées à ce genre de luxe cont rairement aux f emmes des villes qui en possédaient t out es. Un panier en osier qui n’ exist e plus désormais remplacé par des valises cert es mais qui rest ent t ouj ours une part ie import ant e du t rousseau de la j eune mariée qu’ on reconnaît immédiat ement grâce à son t rousseau de bain voyant rose/ doré. Le hammam t émoigne donc des dif f érent s st at ut s sociaux, les t rousseaux les plus luxueux sont une preuve de richesse mais aussi de coquet t erie. La descript ion de Dj ebar t émoigne de l’ époque, du cont ext e sociohist orique et ant hropologique.

Le hammam peut êt re donc considéré comme un rit e const it ué d’ un ensemble de rit uels car il rent re parf ait ement dans le cadre délimit é par la cit at ion suivant e : "On peut donc penser comme religieuse ou sacrée t out e prat ique rit uelle du moment où s'y rencont rent et s'y combinent (la durée individuelle et le t emps collect if , l'hist oire individuelle et l'hist oire des aut res). La quest ion du rit e permet donc de met t re en scène les propriét és générales du social en plaçant au cœur de la réf lexion les relat ions qui président à la product ion du sens : (le rapport de soi à soi et le rapport de soi à aut rui)(9) M. Augé"(10).

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3 - Le corps et l’ esprit obj ets de tous les soins :

Le hammam est un lieu d’ échange humain impliquant ce rapport à soi et à aut rui dont parle M. Augé. Les codes sociaux sont reproduit s au sein de ce lieu clos, on parle des mariages, des naissances, des décès, de ses problèmes personnels… La chaleur bienf aisant e du bain devient cat hart ique et permet à l’ âme d’ évacuer les maux qui la rongent comme le f ait le corps avec la crasse qui le couvre. Les f emmes en sort ent presque épurées car débarrassées du poids de leurs pensées ne serait -ce qu’ un court inst ant . Leurs corps et leurs esprit s se dét endent : "Nf issa se sent ait (maint enant elle t rouve le mot et s’ ét onne elle-même comme si la pruderie bourgeoise de Lalla Aicha s’ ét ait t ransf ormée chez elle en ef f arouchement int ellect uel) se sent ait volupt ueuse". (A. Dj ebar, p. 145).

A la lect ure de cet ext rait , le corps f éminin n’ est pas t abou chez Assia Dj ebar car dans le hammam la f emme se libère de cet int erdit qu’ elle doit support er à l’ ext érieur et ce à cause du regard que port e l’ homme sur elle. Dans le hammam l’ homme est exclu, les f emmes peuvent se libérer j usqu’ à un cert ain point car une cert aine pudeur rest e ("j usqu’ à cet t e vieille laveuse qui, un mince chif f on ent re les j ambes" A. Dj ebar, p. 146). Les f emmes au bain se sent ent ainsi libres de se dét endre et de s’ exposer à une chaleur bienf aisant e, purif iant e et surt out prot ect rice car elle les prot ège du regard masculin représent é comme une menace à l’ ext érieur par une cult ure t rop prot ect rice par craint e du déshonneur. Cela explique donc la gêne ressent ie par Nf issa lorsqu’ elle évoque le t erme "volupt ueuse" car les plaisirs du corps pour la f emme sont t rès souvent t abous :

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préserver son corps, à "prot éger ses part ies génit ales plus que ses yeux", et on la met en garde cont re l’ homme(11).

Le bain maure est pour Dj ebar un lieu sacré où le corps n’ est plus t abou mais commun en quelque sort e incluant une série de rit uels que les f emmes, en maj orit é, suivent presque religieusement , sans vraiment penser à y déroger. Cela renvoie t rès bien à la déf init ion qu’ en donne le Robert : "Ensemble d’ habit udes, de règles immuables... Prat ique réglée, invariable"(12).

Mais le rit uel est aussi aut re chose dans le sens où il est t rès f ort ement ancré dans la cult ure qui l’ a vu naît re et qui le nourrit , le t ransf orme pour le plier à ses besoins : le rit uel est donc "ce dont on hérit e cult urellement et que l’ on veut t ransmet t re ident ique (…) Il est répét it if , analogique, t héât ral, émot if , inf ant ile"(13). Cet aspect t héât ral, répét it if Assia Dj ebar l’ a aussi t raduit dans son livre car t out dans le bain décrit par Nf issa devenait un rit uel répét it if et immuable auquel elle ét ait conf ront ée lors de chaque bain : Ainsi l’ aspect t héât ral apparait lorsque Nf issa enf ant f ait semblant d’ êt re gênée (Ext rait 1) ou quand la caissière f aisait semblant de se vexer (Ext rait 2) :

1 - "Nf issa prenait l’ air f aussement gêné quand l’ une des laveuses se penchait pour l’ embrasser en disant :

- Comment va not re pet it e f ille ? " (A. Dj ebar, p. 144).

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ancré dans le religieux et dans les règles de polit esse qui veulent qu’ on ne ref use pas un cadeau surt out s’ il vient du j ardin d’ un époux décédé.

- L’ aspect répét it if est présent t out le long du passage où Dj ebar décrit le bain mais il y a un ext rait qui le souligne t rès bien :

Un rit e présidait au bain hebdomadaire. Encore à présent , il demeure puisque Nf issa a accept é de se voiler pour y accompagner sa mère : "après une heure de salle chaude (…) Nf issa et Nadj ia sort aient se reposer avec Lalla Aicha dans une chambre à la t empérat ure plus douce (…) comme aut ref ois elle t ient dans sa main le même bol de cuivre, elle s’ asperge d’ eau glacée les pieds et les mains (…) comme aut ref ois menus pot ins, chaînes monot ones des récent s mariages, ou circoncisions, ou ent errement …" (A. Dj ebar, p. 143).

4 - Le Hammam espace de liberté :

Ali Ghalem quant à lui ne décrit pas le bain avec aut ant de soin et ne le compare pas à un ensemble de rit uels. Cela est peut êt re dû au f ait qu’ il soit un homme qui, de par son ignorance de ces rit uels, n’ ose pas vraiment s’ approf ondir dans un suj et qu’ il ne connaît pas vraiment . Un aut re élément peut expliquer ce manque de descript ion : la pudeur masculine. Le hammam pour les hommes n’ a pas la même symbolique, pour eux c’ est principalement l’ endroit où l’ on se lave, ce n’ est pas le lieu des bavardages (comme c’ est le cas dans les caf és, lieu masculin par excellence au Maghreb). Les f emmes au bain se sent ent en sécurit é ent re-elles, alors que les hommes se sent ent t rès mal à l’ aise craignant le gest e ou le regard qui pourrait êt re impudique, un manque de pudeur soulignant un t ot al manque de respect . Ceci expliquerait donc le f ait que l’ aut eur ne se soit pas t rop at t ardé sur la descript ion du bain maure là où A. Dj ebar ut ilise plusieurs pages.

Referências

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