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Le rôle de l’espace dans le diagnostic et le traitement des “malaises sociaux”. Sur quelques implicites de la politique de la ville en France

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17 | 2007

Envelhecimento activo. Um novo paradigma

Le rôle de l’espace dans le diagnostic et le

traitement des “malaises sociaux”. Sur quelques

implicites de la politique de la ville en France

Gérard Baudin

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/sociologico/1666 DOI : 10.4000/sociologico.1666 ISSN : 2182-7427 Éditeur

CICS.NOVA - Centro Interdisciplinar de Ciências Sociais da Universidade Nova de Lisboa Édition imprimée

Date de publication : 1 janvier 2007 Pagination : 91-101

ISSN : 0872-8380 Référence électronique

Gérard Baudin, « Le rôle de l’espace dans le diagnostic et le traitement des “malaises sociaux”. Sur quelques implicites de la politique de la ville en France », Forum Sociológico [En ligne], 17 | 2007, mis en ligne le 01 janvier 2007, consulté le 21 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/

sociologico/1666 ; DOI : 10.4000/sociologico.1666

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LE RÔLE DE L’ESPACE DANS LE DI AGNOSTI C ET LE TRAI TEMENT

DES “ MALAI SES SOCI AUX”. SUR QUELQUES I MPLI CI TES DE LA POLI TI QUE

DE LA VI LLE EN FRANCE

*

Gérard Baudin

Ecole d’Ar chit ect ur e de Mar ne la Vallée et I nst it ut Français d’ur banism e, Laborat oir e Théor ie des m ut at ions ur baines, UMR AUS- CNRS ( França) ( Gerar d.Baudin@univ- par is8.fr )

Résumé

En France, l’act ion ur banist ique qui vise cer t ains quar t ier s de banlieues cont ient de nom br eux pr ésupposés qu’on r et r ouve dans des cat égor ies, des classifi cat ions, des not ions voir e des slogans cont r ibuant à la const r uct ion de la r hét or ique d’am énagem ent de ces sect eur s d’habit at social. Par l’exam en cr it ique de l’im pérat if de m ixit é sociale, du m ode de caract ér isat ion de t er r it oir es et leur s populat ions, de not ions pr opr es à soulever l’ém ot ion ou encor e de nor m es im plicit es de sociabilit é, cet ar t icle t ent e de dégager quelques soubassem ent s de l’int er vent ion ét at ique. Ainsi, les discour s j ust ifi ant des int ervent ions dans ces sect eurs ent ret iennent une confusion ent re les caract érist iques de l’espace et celles des gr oupes sociaux qui l’occupent et r eposent sur un post ulat spat ialist e selon lequel on pourrait résoudre les problèm es sociaux par une int ervent ion spat iale. Plus généralem ent , c’est aussi de la concept ion du polit ique et de son act ion dont il est quest ion.

M ot s clé s: const r uct ion sociale, m ixit é, polit iques publiques, r epr ésent at ions, ur banism e

Abstract

I n France, som e of t he subur b ur ban int er vent ion r elies on num er ous assum pt ions t hat could be found in t he cat egor ies, classifi cat ions, not ions or even in t he slogans t hat cont r ibut e t o t he or ga-nizat ional r het or ic const r uct ion of t hese social housing sect or s. This paper t r ies t o r eveal som e of t he public int er vent ion assum pt ions, by per for m ing a cr it ical analysis of t he social m ix im perat ive, t he way in w hich t he t er r it or ies and it s populat ions ar e charact er ized, t he not ions used t o lift em ot ions and t he im plicit nor m s of sociabilit y. I n fact , t he discour se t hat j ust ify t he int er vent ion in t hese sect or s confuses t he physical space charact er ist ics w it h t he charact er ist ics of t he social gr oups t hat live in and r elies on a physical space post ulat ion by w hich t he social pr oblem s can be w or ked out t hr ough a space int er vent ion. On a br oader view, t his is t oo t he per spect ive of t he polit icians and of t heir act ion.

Ke y w or ds: Social const r uct ion; Mix; Public Policy; Repr esent at ion; Ur banism

Resumo

Em França, a acção ur baníst ica em pr eendida em alguns bair r os subur banos assent a em inúm er os pr essupost os que podem os encont rar em cat egor ias, classifi cações, noções, ou at é m esm o slogans que cont r ibuem para a const r ução da r et ór ica de or ganização desses sect or es de habit ação social. A análise cr ít ica do im perat ivo de m ist ura social, da for m a com o são caract er izados os t er r it ór ios e as suas populações, de noções dest inadas a suscit ar em oção ou ainda das nor m as im plícit as de sociabilidade, est e ar t igo t ent a pôr a descober t o algum as bases da int er venção est at al. Dest a for m a, os discur sos que j ust ifi cam as int er venções nesses sect or es levam a um a confusão ent r e

* Cet ar t icle r epr end des élém ent s de cont r ibut ions plus anciennes: “ Lim it es spat iales, lim it es sociales, à pr opos de lim it es adm inist rat ives et opérat ionnelles”, Cahier s du CREHU, 1996; “ La m ixit é sociale: une ut opie ur baine et ur banist ique”, in Les ut opies de la ville, Pr esses univer sit air es de Franche- Com t é, 2001; G. Baudin et P. Genest ier ( eds) , Banlieues à

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Sociológico

as caract er íst icas do espaço e as dos gr upos sociais que o ocupam e assent am num post ulado espacialist a segundo o qual os pr oblem as sociais poder iam ser r esolvidos at ravés da int er venção sobr e o espaço. De for m a m ais geral, t rat a- se t am bém da concepção do polít ico e da sua acção.

Pa la v r a s- ch a v e : Const r ução social; m ist ura; polít icas públicas, r epr esent ações; ur banism o

Aver t issem ent

Com m e on le lira, l’analyse développée dans cet ar t icle1 s’appuie sur des expr essions, vocables

ou not ions qui peuvent s’avér er inint elligibles ou incongr us pour un lect eur non infor m é des disposi-t ifs édisposi-t adisposi-t iques français concer nandisposi-t la banlieue edisposi-t du vocabulaire qui, dans le m êm e t em ps non seulem ent les expr im ent m ais visent aussi à les j ust ifi er. Pour év it er que des élém ent s de cet t e r hét or ique ne soient incom pr is et au r isque d’alour dir ce t ext e, nous avons livré quelques inform at ions suscept ibles de facilit er la saisie de ses enj eux et des quest ions qu’elle pose. I l nous a aussi sem blé indispensable de lever ce possible écueil afi n de ne pas l’aj out er à la diffi cult é r elat ive à l’écr it ur e sociologique.

Depuis plus d’une vingt aine d’années, de nom -br eux t ravaux de sociologie visent , plus ou m oins dir ect em ent , ce qu’il est conv enu d’appeler les “ banlieues”2. Plus r écem m ent , ces ét udes se sont

m ult ipliées — ét udes ne concer nant d’ailleur s que t r ès peu la pér iphér ie ur baine en général et bien plus les quar t ier s d’habit at social qui en out r e ne sont pas t ous localisés dans des com m unes subur-baines des grandes agglom érat ions - , cert ainem ent st im ulées par les évènem ent s dont ces lieux ont ét é le t héât r e au m ois de novem br e 2005. Cet t e t hém at ique paraît loin d’êt r e épuisée puisque de nouveaux incident s, cer t es sans com m une m esur e avec les précédent s, se sont produit s dans plusieurs com m unes de la pér iphér ie par isienne à la fi n du m ois de novem br e 2007. Ces évènem ent s ont ét é qualifi és de “ violences ur baines”, “ d’ém eut es” ou de “ cr ise”, aut ant d’expr essions qui peuvent êt r e par t iellem ent considér ées com m e r évélat r ices des post ur es adopt ées3. Que ce soit en m at ièr e de

poli-t ique publique com m e dans d’aupoli-t res acpoli-t ivipoli-t és m oins offi cielles et quot idiennes, les m ot s ont un poids. Et ils pèsent différ em m ent en raison de leur choix, en raison aussi de la signifi cat ion accordée par celui qui les énonce, en raison enfi n de la for ce d’im posit ion qu’ils enferm ent , elle- m êm e en relat ion ét roit e avec les propriét és sociales de leur aut eur et de l’univers auquel il appar t ient . Com m e souvent et appliquant en cela le précept e de “ rupt ure épist ém ologique”, la sociologie prat ique une déconst ruct ion d’expressions

et ce qu’elles visent pour faire apparaît re ce que ces der nièr es engagent à com m encer par leur s pr ésu-pposés am nésiés et leur s condit ions de possibilit é d’ém er gence.

A l’inst ar d’aut r es act ions de pouvoir, la poli-t ique ur baine m obilise un vocabulair e qui désigne, com m ent e et légit im e des act ions. Const at appa-r em m ent paappa-radox al: si, du fait de leuappa-r appa-r elat iv e inv isibilit é, de nom br euses act ions ét at iques ou plus généralem ent publiques sem blent nécessit er inform at ions et j ust ifi cat ifs largem ent développés par les élus et les haut s fonct ionnair es, l’am énagem ent ur bain volont ar ist e pour rait a pr ior i êt r e lar gem ent exem pt é de ces discour s car il pr oduit des obj et s t r ès concr et s ( const r uct ion de logem ent s, de r ou-t es ou d’équipem enou-t s) pouvanou-t suffi r e à m onou-t r er l’exist ence et le résult at de la polit ique m enée. Or, il n’en est rien. De surcroît , ce qui est , depuis quelques décennies, appelé la Polit ique de la Ville — bien m al nom m ée puisqu’elle int ér esse quasi exclusivem ent la “ banlieue”4 - a ét é l’occasion d’une pr oliférat ion

de déclarat ions, de cr éat ion de lieux de débat s et d’élaborat ion de rapport s et d’ét udes, pour invent er et j ust ifi er ses disposit ifs d’act ion. Dans une m oindre m esure et peut- êt re plus banalem ent , on pourrait en dir e aut ant concer nant la polit ique ur baine m enée au niveau nat ional ou local. Viendrait alors à l’esprit une pr em ièr e explicat ion du paradoxe évoqué plus haut : l’enj eu de ces polit iques dépasse le sim ple am énagem ent de l’espace ou la sim ple const ruct ion de bât im ent s. Dès lors, il conviendrait de s’int erroger sur les raisons d’une t elle infl at ion discur sive, de la rappor t er à une évent uelle spécifi cit é de cet t e int er vent ion ou au cont rair e à une caract ér ist ique com m une à t out e act ion publique, la rapport er aussi au cont ext e sociét al et à une analyse générale qui per m et t rait de l’élucider.

Malgr é l’int ér êt d’une t elle inv est igat ion et sur t out en raison de son am pleur, nous pr éfér ons dans le cadr e d’un ar t icle n’abor der cet t e quest ion qu’au t raver s de l’analyse de sa m anifest at ion ver-bale. Ainsi, à part ir de quelques slogans ou vocables r écur r ent s dans les discour s polit iques et annexe-m ent ur banist iques, nous essaier ons d’ident ifi er les pr ésupposés qui sont à l’œuvr e dans une act ion visant essent iellem ent l’espace physique et le rai-sonnem ent qui est censé la fonder. Aut r em ent dit , en prenant du recul par rapport à un ét at de fait et à des évènem ent s qui ont conduit les gouvernem ent s

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de différent es obédiences polit iques, les t echniciens et les m édias à considér er en France la “ banlieue” com m e un “ pr oblèm e social” ou un lieu d’où ém er-geraient des “ m alaises sociaux”, cet t e cont r ibut ion cherchera à exam iner les principaux fondem ent s de l’argum ent aire concourant à préconst ruire la Polit ique de la Ville, ar gum ent air e à m et t r e en r elat ion avec la m anière - peut- êt re spécifi quem ent française - de considér er l’ar t iculat ion ent r e l’espace physique et l’espace social.

L’ut opique m ixit é sociale

Com m e dans les aut r es discour s polit iques, la plupar t des discour s offi ciels sur la v ille - qu’il s’agisse de déclarat ions, de rappor t s de com m issions ou de t ex t es législat ifs m obilisent év idem -m ent un v ocabulair e e-m ployant des not ions géné-ralisat r ices v oir e m ogéné-ralisat r ices affi r m ant l’int ér êt com m un ou des ver t us, not ions pr opices à appor t er un accent v olont ar ist e sinon incant at oir e. Mais, à ce r éper t oir e discur sif t radit ionnel, s’aj out ent des ex pr essions qui, par leur déplacem ent du cham p dans lequel elles ont ét é pr oduit es et abondam m ent usit ées ( l’ur banism e, les sciences sociales) t endent sim ult aném ent à ét endr e leur sens j usqu’à le br ou-iller et dont l’usage espèr e y puiser une légit im it é t echnique ou scient ifi que. C’est le cas des not ions de “ pr oj et ”, de “ r énovat ion” et “ d’enclav em ent ” ou encor e de “ lien social”, de “ dév iance” et de “ m ar -ginalit é”. C’est aussi le cas de la “ m ix it é sociale” ou plus sim plem ent de la “ m ix it é”.

Qu’elle soit em ployée sous la form e de slogan, de not ion ou d’indicat eur, ceux qui en usent présen-t enprésen-t la m ixiprésen-t é com m e un r em ède aux m aux qu’ils im put ent à la ville cont em poraine. Une t elle t hérapie m ér it e un exam en non seulem ent en raison des dout es qu’on peut ém et t r e quant à la possibilit é de son applicat ion m ais plus encor e par ce qu’elle nous apparaît signifi cat ive de post ulat s qui fonderaient un raisonnem ent selon lequel on pourrait int ervenir sur l’espace physique pour r ésoudr e ce qui est qualifi é de “ m alaises sociaux”.

La m ixit é sociale serait l’enver s de la ségr éga-t ion. Mais l’usage qui en eséga-t faiéga-t par exem ple dans les der nièr es lois5 visant in fi ne la r ésolut ion du

“ pr oblèm e de la banlieue”6 m ont r e assez que cet t e

accept ion posit ive possède une connot at ion plus consensuelle que des disposit ions qui lut t eraient

cont r e la ségr égat ion, lut t e qui r enver rait in fi ne à

un “ égalit ar ism e” socio- spat ial inconcevable pour cer t ains. De la sor t e, les gr oupes sociaux favor isés peuvent aisém ent prôner la lut t e cont re les “ ghet t os”7

sans qu’ils ne soient pour aut ant disposés à cohabi-t er avec des couches sociales qu’ils j ugencohabi-t com m e ét ant infér ieur es.

Selon ces discour s, la m ixit é aurait de nom -br euses ver t us et d’abor d celle d’assur er un -

bras-sage de t out es les couches sociales, brasbras-sage qui serait garant de la cohésion sociale laquelle se t raduirait par des rappor t s sociaux où les confl it s seraient absent s. Cet t e cohésion t ranscenderait les différ ences, dépasserait d’un côt é l’égoïsm e ( faut e de r em et t r e en cause un individualism e sinon sou-hait able du m oins assum é) et , de l’aut r e, la guer r e de t ous cont r e t ous. L’idée n’est pas nouvelle et la plupar t des ut opies m et t ent en scène cet t e coexis-t ence har m onieuse8 adhérant par là- m êm e à une

concept ion or ganicist e de la sociét é en ce que le “ corps social” ret rouverait ainsi une unit é perdue et la com plém ent arit é désorm ais concrèt em ent vérifi ée de chacun des m em bres qui le com pose. C’est cet t e capacit é de brassage que les urbanophiles at t ribuent à la ville, vue com m e concrét isat ion d’un creuset , un parangon social et polit ique - peut- êt re en allusion à la t héor ie de Max Weber et cer t ainem ent rappor t é au m odèle de la ville eur opéenne9 - , en r éfér ence à

un âge d’or qui n’a j am ais hist oriquem ent exist é. De la sort e, le côt oiem ent et les int eract ions rapprochées provoqueraient m obilit é physique et m obilit é sociale, la seconde ét ant la conséquence quasi- m écanique de la prem ière, com m e le résult at d’une loi de physique sociale. L’obj ect if est de balayer les “ enclaves”, les zones qualifi ées de “ non- droit ”, les secteurs trop socia-lem ent “ m arqués”10, t rop visiblem ent différenciés, y

com pris fonct ionnellem ent11, sans que cet t e guerre

cont re le com m unaut arism e et la prévent ion cont re la sécession - grande peur j am ais t ot alem ent ét eint e de nos sociét és occident ales et surt out du républi-canism e français - ne soit vue com m e cont radict oire avec l’avènem ent d’un sent im ent d’appart enance à la ville et à son quart ier, bien au cont raire.

Cer t es, la confr ont at ion de cet im pérat if de m ixit é avec la r éalit é du m onde social m ont r e déj à les lim it es de sa m ise en prat ique. I l en est ainsi de l’échelle à par t ir de laquelle pour rait s’appliquer cet t e m ixit é: quel serait le niveau t er r it or ial per-t inenper-t ( l’agglom éraper-t ion, la com m une, le quar per-t ier voir e l’im m euble…) pour qu’il soit suscept ible de r épondr e à cet t e volont é d’har m onie sociale? I l en est de m êm e pour sa m esure: la sit uat ion de m ixit é peut r envoyer à un m om ent d’équilibr e inst able d’un pr ocessus de pr olét ar isat ion d’un quar t ier ou de son em bour geoisem ent . Enfi n, c’est aussi ne pas considér er la r ésist ance des cat égor ies favor i-sées à devoir côt oyer des cat égor ies plus m odes-t es ( Pinçon eodes-t Pinçon- Char loodes-t , 2007) , r ésisodes-t ance s’expr im ant par diver s m oyens dont l’accept at ion des com m unes aisées de payer une t axe pour évit er ce côt oiem ent const it ue un des plus explicit es12.

I l faudrait aussi rappeler les nom br euses ét udes sociologiques qui m ont r ent qu’il ne suffi t pas de se côt oyer — à condit ion qu’on le veuille — pour avoir des relat ions sociales int enses et que la “ pédagogie de la pr oxim it é” a m aint es fois pr ouvé ses lim it es ( Cham bor edon et Lem air e, 1970)13.

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Sociológico

Mais out re les obj ect ions soulevées qui obèrent la r éalisat ion d’un t el obj ect if, ce sont sur t out ses im plicit es qui int ér essent not r e pr opos.

Car plut ôt de m ixit é sociale, c’est sur t out de m ixit é socio- spat iale dont il s’agit . Aut r em ent dit , c’est la coexist ence physique rappr ochée, la copr é-sence de différ ent es cat égor ies sociales qui sont r echer chées. L’obj ect if visé est l’hom ogénéisat ion de l’occupat ion sociale de l’espace physique, int er-vent ion uniform isat rice et unifi cat rice qui apaiserait les m alaises sociaux im put és à la ville ou au quart ier lequel serait un pharm akoï, c’est- à- dire à la fois le m al et le rem ède. Finalem ent , en spat ialisant la quest ion sociale, on post ule que les caract ér ist iques de l’un ( l’espace) auraient des effet s sur le fonct ionnem ent de l’aut r e ( la sociét é) . Expr im é en t er m es d’act ion, cela signifi e qu’on peut r ésoudr e des pr oblèm es sociaux en int er venant sur l’espace. A cet égar d, il est int ér essant de not er que, pour r ésoudr e la quest ion des pauvres et de leur logem ent et suivant une double euphém isat ion — en m asquant à la fois la quest ion du logem ent des cat égor ies les plus m odest es et l’aspect socialem ent or ganisat ionnel de la m ixit é —, les derniers t ext es législat ifs parlent davant age de “ diver sit é ur baine”.

De nom br euses cr it iques peuvent êt r e fait es à ce post ulat qui ser t de base à un t el raisonnem ent et d’abor d les échecs r épét és de la Polit ique de la Ville: la réhabilit at ion des logem ent s sociaux n’a pas at t eint , loin s’en faut , ses obj ect ifs de paix sociale et les “ ém eut es” concer nent aussi les quar t ier s où les disposit ifs de la Polit ique de la Ville ( r éhabilit at ion des bât im ent s, rest ruct urat ion des espaces publics…) ont ét é appliqués à plusieur s r epr ises. L’espace physique n’est pas m écaniquem ent un induct eur des rappor t s sociaux, il en est évent uellem ent un indicat eur. Com m e le précisait H. Lefèbvre: “ le m ode de pr oduct ion or ganise - pr oduit - en m êm e t em ps que cer t ains rappor t s sociaux - son espace ( et son t em ps) ” ( Lefèbvr e, 1986: I X) . Mais, franchissant le pas, élus et t echniciens pensent qu’en appr éhen-dant l’espace, il est possible de lir e, com m e à livr e ouver t et sans dist or sion, les rappor t s sociaux et ce qui les fonde, négligeant en cela la pr ofondeur et la com plexit é sociét ales. Le passage de la spat ialit é - le déploiem ent des gr oupes et de leur s act ivit és dans un espace - au spat ialism e per m et de développer un argum ent sim ple, presque d’évidence et t rouvant écho dans la doxa. I l s’agirait peut- êt re d’une résur-gence de la t héor ie des clim at s j ust em ent cr it iquée ( Bour dieu, 1980) , qui indexait les caract ér ist iques sociales et psychologiques des populat ions à celles, géographiques, du lieu où elles r ésidaient14.

Mais, plus fondam ent alem ent , en passant de la descr ipt ion à l’explicat ion, et de l’explicat ion au r em ède, ce raisonnem ent considèr e l’espace r es-pect ivem ent com m e r év élat eur, cadr e et m oyen d’act ion. Aussi, out r e les m odalit és et le cont enu

des act ions, c’est égalem ent le r epérage des lieux où elles vont se déployer qui se t r ouve de la sor t e pr é- const r uit .

I dent ifi er les lieux “ à pr oblèm es”

Opér er une descr ipt ion suppose de not er cer-t aines caraccer-t ériscer-t iques spécifi ques à l’obj ecer-t visé par celle- ci et , concer nant not r e pr opos, une par t ie de l’espace physique et de ses com posant es. Ce qui appelle une double r em ar que, d’une par t concer-nant les caract ér ist iques pr opr es à cet obj et et , d’aut r e par t , concer nant la r éalit é et la per t inence de celles- ci. Pour ce der nier point , on sait que l’on peut ident ifi er un obj et de m ult iples m anièr es, suivant l’act ion ou la r éfl exion qui est visée et qui guide par conséquent cet t e ident ifi cat ion15. Quant

aux caract ér ist iques spécifi ques de cet obj et , elles sont en par t ie dépendant es des r epr ésent at ions que l’on peut appliquer à la classe ou la sér ie - pour r epr endr e un vocabulair e t axinom ique - dans laquelle on peut l’inclure. Pour not re propos, il s’agit de représent at ions de ce qui est souhait able ou non, nor m al ou anor m al, beau ou laid ou aut r es qualifi -cat ions discrim inant es qui résult ent d’un classem ent r elat ionnel et d’un syst èm e de valeur s fonct ionnant aussi par opposit ions. Dans un aut r e r egist r e, une for m ule bour dieusienne peut r ésum er ce m ode de classem ent : “ le goût des uns est le dégoût des aut res”. De la m êm e m anière que ces prérequis sont am nésiés dans nos act ivit és quot idiennes, la sélec-t ion ou la conssélec-t rucsélec-t ion d’inform asélec-t ions, d’indicasélec-t eurs perm et t ant d’isoler et de délim it er physiquem ent et socialem ent une part ie d’espace sont des processus oubliés. L’act ion sur l’espace - m oyen pour at t eindre l’obj ect if social visé - est , elle aussi occult ée en t ant que pr incipe concour rant à cet t e const r uct ion sociale. Ce t r i m obilise un r éper t oir e de cat égor ies, de t hém at iques qui sont souvent im pensées et des expr essions déj à socialisées, alor s m êm e qu’elles se pr ésent ent com m e obj ect ives et dépour vues de dét erm inat ions sociales. La délim it at ion en t errit oires qui sont inst it ut ionnellem ent ou opérat ionnellem ent pr éconst r uit s ( les quar t ier s, les com m unes, les villes) ou l’usage de st at ist iques nat ionales sont à cet égar d exem plair es. De cet t e m anièr e, sont fabr iquées des zones d’int er vent ion qui se pr ésen-t enésen-t com m e hom ogènes eésen-t per ésen-t inenésen-t es, zones donésen-t il suffi sait d’agr éger les différ ent es com posant es pour les ident ifi er16.

Mais il est un aut r e m ode d’appr oche com plé-m ent aire liant espace physique et espace social: celui qui consist e à repérer des lieux dont il faudrait saisir le “ génie” ( genius loci) , sa personnalit é, sa nat ure ou r et r ouver son ident it é. En ce sens et à la différ ence d’une zone qui serait occupée ( en ce sens, l’espace ne serait qu’un r écept acle) , le lieu serait un espace habit é et appr opr ié qu’il conviendrait de découvr ir :

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les ur banist es par lent quelquefois de la “ vocat ion” d’un lieu, par per sonnifi cat ion et com m e s’il en ét ait nat ur ellem ent por t eur. Une t elle opérat ion de “ découvert e” part icipe d’une pensée subst ant ialist e ( Bourdieu et alii, 1993)17, faisant prévaloir une t ot

a-lit é déj à pr ésent e, exist ant en soi, m élangeant de m anière indissociable populat ion, act ivit és hum aines et envir onnem ent physique.

Ces quelques r em ar ques cont r ibuent à m ieux appr éhender une pr opr iét é du raisonnem ent : sa cir cular it é. Plus pr écisém ent , c’est l’int ent ion d’agir qui or ient e la saisie de l’espace sur lequel on veut int er v enir et les caract ér ist iques pr éfér ent ielles qu’on lui assigne, lesquelles seraient la cause de dysfonct ionnem ent s sociaux, lesquels à leur t our, j ust ifi eraient l’int ervent ion sur l’espace ainsi repéré, délim it é et caract ér isé.

Par ailleur s, si la “ découver t e” du lieu com m e la const r uct ion de zones opérat ionnelles r elèvent fi nalem ent du m êm e am algam e associant espace physique et espace social, la dém ar che de zonage est illust rat ive d’une pr opension à l’ar it hm ét ique sociale. On a vu que l’im pérat if de m ixit é, bien que se heurt ant à la m esure de la not ion et à ses m oda-lit és d’applicat ion, im plique un calcul. On pour rait aussi évoquer les données chiffr ées ( pour cent age de chôm eur s, de fam illes d’or igine ét rangèr e ou m onopar ent ales, le t aux de scolar isat ion…) qui abondent dans la descr ipt ion de ces zones, t endant à les hom ogénéiser et à j ust ifi er une int er vent ion publique spécifi que. Or, non seulem ent ces quart iers d’habit at social ont souvent des caract érist iques fort différent es ( Cham pion et Marpsat , 1996) , m ais t out se passe com m e si cer t ains indicat eur s — com m e celui de “ seuil de t olérance”18 ou des indices de

pauvr et é ou de pr écar it é - pouvaient quant ifi er les m alaises sociaux , ex pr ession d’un fant asm e des chiffr es19 pr opr es à une gest ion t echnocrat ique et

économ icist e de la sociét é et r épondant en écho au raisonnem ent spat ialist e. Com m e on l’a déj à not é, ces chiffr es t endent à asseoir “ scient ifi quem ent ” un diagnost ic et une ident ifi cat ion et sont censés leur appor t er un gage de cer t it ude, pr éj ugeant de la sor t e de l’effi cacit é des solut ions, voir e de la pr évent ion de r isques sociaux ( Bonelli, 2001)20.

Mais il convient égalem ent de r em ar quer que si ces indicat eur s cont r ibuent à la const r uct ion sociale de ces quar t ier s en t ant que ceux- ci doivent bénéfi cier d’une act ion publique, ils sont eux- m êm es l’obj et d’une const ruct ion j am ais t ot alem ent achevée puis-que suj et t e à débat et polém ipuis-que ( Tissot , 2004) . D’ailleur s, c’est aussi par ce qu’ils sont j ust iciables d’une act ion publique qui nécessit e une évaluat ion, qu’au- delà du repérage- const ruct ion de ces quart iers, ont ét é m is en place des obser vat oir es pr oduisant et ét udiant des st at ist iques. Ce qui est une nouvelle pr euve de la cir cular it é du raisonnem ent spat ialist e et une pr écision sur les opérat ions par lesquelles

elle se développe. I l faut cependant aj out er que cet appar eil st at ist ique peut paraît r e secondair e, bien que sym boliquem ent im por t ant dans son effet de légit im at ion, puisque ce sont les élus locaux qui, en der nier r essor t , décident si t el sect eur est éligible ou non aux aides et pr océdur es pr év ues par la Polit ique de la Ville.

Dans ce raisonnem ent , le r ecour s à des infor-m at ions quant ifi ées ne s’oppose pas v raiinfor-m ent à une connaissance in vivo du t er rain qui, com m e le r evendiquent les m édiat eur s sociaux ou cer t ains bailleur s, pour rait apparaît r e m oins fr oide et m oins désincarnée. En effet , cet t e seconde approche, pré-t endue “ plus sociale”, upré-t ilise de nom breuses nopré-t ions qui, pour êt r e de nat ur e qualit at ive et appliquées au lieu qu’elles doivent décr ir e et dont elles doivent ex pliquer et com bat t r e les dy sfonct ionnem ent s, cont r ibuent elles aussi à nour r ir voir e à r enfor cer les pr éj ugés spat ialist es.

Em ot ions, nor m es et m anques

Des m ot s com m e “ apar t heid” ou “ ghet t os” se r et r ouvent fr équem m ent dans les discour s des élus et des pr ofessionnels. C’est en effet en j ouant sur le r egist r e ém ot ionnel, qu’il soit d’or dr e com -passionnel ou d’or dr e belliqueux ( “ guer r e cont r e la délinquance” ou “ cont r e l’inj ust ice” que subissent les populat ions de ces quar t ier s) , que le polit ique ent end m obiliser les m oyens m ais aussi les ( bonnes) consciences ( Chevalier, 2004)21. Mêm e s’il sem ble

bien que depuis quelques années, l’ém ot ion à carac-t èr e char icarac-t able ecarac-t r eligieux aicarac-t davancarac-t age laissé la place à une at t it ude plus guer r ièr e et r épr essive, la confusion- r ecouvr em ent ent r e espace physique et espace social se r et r ouve dans les m ot s ponc-t uanponc-t l’analyse de la siponc-t uaponc-t ion de cer ponc-t ains secponc-t eur s de banlieue22 et dans les déclarat ions polit iques et

ar t icles de j our naux.

Or et en pr em ier lieu, rappor t és au cont ext e français, ces m ot s n’ont aucune per t inence, si ce n’est par rappor t aux sent im ent s qu’ils sont censés pr ovoquer, à com m encer peut - êt r e par le r ej et de sit uat ions exist ant ou ayant exist é dans cer t ains pays com m e l’Afr ique du Sud ou les Et at s- Unis. Cependant , m algr é les nom br euses cr it iques dont sur t out l’usage du m ot ghet t o a fait l’obj et ( Mau-r in, 2004; VieillaMau-r d- BaMau-r on, 1996; Wacquant , 2006) il cont inue d’êt r e em ployé sans hésit at ion par les j our nalist es, les r esponsables polit iques23 et m êm e

de m anière euphém isée par cert ains chercheurs qui, plus pr udent s, évoquent plut ôt la “ ghet t oïsat ion”. Car il faut le r épét er, si l’on défi nit le ghet t o com m e un sect eur ur bain r elevant d’une volont é clair e et per m anent e de m et t r e à l’écar t un gr oupe qu’on j uge “ souillé et souillant ” et ayant des inst it ut ions spécifi ques, on ne peut par ler de ghet t o français ( Wacquant , 1992 et 2005)24. I l suffi t aussi de com

(7)

-Sociológico

parer quelques chiffres com m e ceux de la crim inalit é, des ressources des fam illes ou de m ort alit é infant ile ou encor e les polit iques publiques des deux pays25.

I l suffi t égalem ent de se rappeler que les grands ensem bles d’habit at ion, auj our d’hui si dét est és et st igm at isés, ont accueilli dans les pr em ier s t em ps ( à la fi n des années 1950) une populat ion d’or igine sociale t r ès div er se. Le côt oiem en t d’ou v r ier s, d’em ployés et de cadres ét ait alors le résult at d’une polit ique de peuplem ent décidée et appliquée par les or ganism es de logem ent s sociaux et ce sont les incit at ions fi nancièr es pr om ouvant l’accession à la pr opr iét é, le j eu des t raj ect oir es r ésident ielles différ ent ielles, la fi n du for dism e et la m ont ée du chôm age qui ont fait que ces grands ensem bles sont habit és auj our d’hui par une populat ion appauvr ie et généralem ent capt ive26.

Au- delà du sensat ionnalism e pr oduit par ces m ot s const am m ent ut ilisés, de leur associat ion avec d’au t r es ( délin qu an ce, im m igr at ion , islam ism e, bét on, com m unaut arism e…) , de leur effet de hant ise at t achée aux im ages qu’ils évoquent - les m édias m ais aussi les polit iques com par ent ces quar t ier s à Har lem ou au Br onx - et de l’incongr uit é de la com paraison ent re la sit uat ion française et celle des Et at s- Unis, il im port e ici d’analyser les présupposés cognit ifs qu’ils véhiculent . En effet , le m ot ghet t o t out par t iculièr em ent r elève d’une confusion ent r e l’envir onnem ent dans lequel une populat ion vit et les caract ér ist iques de cet t e populat ion. Cer t aines t hèses d’écologie urbaine et des t ravaux am éricains plus récent s suggèrent qu’un m ilieu spécifi que crée-rait une cult ur e spécifi que et , pour not r e pr opos, une cult ure de la déviance et de la pauvret é ( Wirt h, 1980; Wilson, 1987)27. Nat uralisant une sit uat ion

hist orique et de la m êm e m anière qu’il exist erait une relat ion de cause à effet ent re et hnicit é et pauvret é, ce serait les at t r ibut s du m ilieu de r ésidence qui pr oduiraient des disposit ions par t iculièr es de ses habit ant s. Bien qu’en France on ne puisse om et t r e l’usage fréquent de l’argum ent , fut- il euphém isé, de l’or igine et hnique voir e celui du com m unaut ar ism e

28 pour r endr e com pt e de com por t em ent s “ m

ar-ginaux”, la Polit ique de la Ville m ent ionne plus ou m oins im plicit em ent l’infl uence du m ilieu physique ( archit ect ure, urbanism e, localisat ion…) sur les rap-port s sociaux, bien que le vocabulaire offi ciel préfère ut iliser le t er m e plus neut r e de “ r elat ions sociales”. Conj oint em ent à ce qui est considér é com m e des dysfonct ionnem ent s pr ovoqués par un envir onne-m ent spécifi que, le j ugeonne-m ent por t é de l’ext ér ieur sur ce m êm e envir onnem ent et ses habit ant s, qui se t raduit par ce que l’on nom m e “ l’effet d’adresse”, ne fait que l’am plifi er sur le m ode péj orat if en les st igm at isant ainsi une deuxièm e fois. Pourt ant , t ous les logem ent s pr ésent s dans ces quar t ier s ne sont pas dégradés, la qualit é de leur const ruct ion n’est pas m oindr e que des m aisons individuelles const r uit es

à la m êm e époque et dont les pouvoir s publics en avaient alor s favor isé voir e vant é l’édifi cat ion. Les argum ent s t echniques qui j ust ifi eraient la dém olit ion des grands ensem bles ( Baudin et Genest ier, 2006)29

ne sont que la par t ie visible et défor m ée de raisons plus pr ofondes et bien plus signifi cat ives qui sont ancr ées dans le raisonnem ent que nous essayons ici de m et t r e à j our et d’analyser. La dém olit ion de ces grands ensem bles serait le degr é zér o de cet t e post ur e spat ialist e ou son expr ession la plus par-fait e. En t out cas, c’est bien de la disper sion et de l’invisibilisat ion des pauvr es dont il est quest ion.

La qualifi cat ion pr ocède égalem ent par cat é-gor isat ion sociale ou t ypes sociaux. Ces cat éé-gor ies sont cr éées pour les besoins de la cause à l’inst ar de celle des “ exclus” ( qui r im e avec exclusion du t ravail ou de la ville ent endue dans sa ver t u int é-grat r ice) , cat égor ie qui agr ège des individus ayant des sit uat ions et des t raj ect oir es différ ent es sans d’ailleurs et paradoxalem ent qu’on puisse la référer à des t er r it oir es par t iculier s, si ce ne sont ceux sit ués hor s des quar t ier s r iches.

De la m êm e m anièr e, l’édict ion et l’applicat ion de nor m es cont r ibuent à caract ér iser des lieux et leur s habit ant s et à j ust ifi er l’int er vent ion spat iale. Ces norm es présupposent l’exist ence d’une sit uat ion confor m e, dont la rat ionalit é ne r envoie qu’à celle de leurs créat eurs, éloignée et réduct rice de t out ce qui concourt réellem ent à produire du social. Cert es, ces nor m es, com m e les cat égor ies dont elles sont aussi au principe, dans le m êm e t em ps qu’elles sont const r uit es, const r uisent aussi ceux qui en ser ont bénéfi ciair es ou qui y ser ont assuj et t is. Ainsi, dans le cas de la Polit ique de la Ville, les diagnost ics des t er r it oir es font souvent ét at de “ m anques”, qu’ils soient considér és com m e consubst ant iels à l’édifi cat ion de ces quar t ier s ou qu’ils soient appa-r us post éappa-r ieuappa-r em ent - la seconde occuappa-r appa-r ence ét ant souvent considér ée com m e la conséquence de la prem ière. Dans les années 1980 et 1990, des procé-dures port aient le nom de Développem ent Social des Quart iers ( DSQ) ou de Développem ent Social Urbain ( DSU) , pr éj ugeant du sous- développem ent ou d’un développem ent anor m al de ces zones30. Si cer t ains

de ces m anques peuvent se t raduir e concr èt em ent ( m anque de t ransport s collect ifs, m anque d’espaces ver t s…) , d’aut r es font r éfér ence à des not ions qui sont suj et t es à débat com m e le m anque “ d’urbanit é”. I l s’agit ici d’une aut r e m anifest at ion de la pensée spat ialist e: com m e on s’en dout e, les m anques sollicit ent sim ult aném ent un regist re physique et un r egist r e social et les font j ouer dans une r elat ion de cause à effet . Par exem ple, le m anque de t ransport s collect ifs pr ésuppose que ce serait “ l’enclavem ent ” ou l’isolem ent d’un quar t ier par rappor t au r est e de l’agglom érat ion qui serait à l’or igine de m alaises sociaux, faisant pr évaloir, in fi ne, la ver t u pr êt ée à la m obilit é. Par exem ple, le m anque d’espaces vert s

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pr ésuppose que les pelouses ou les ar br es cont r i-bueraient à la paix sociale31! Quant à “ l’ur banit é”,

sa défi nit ion – “ Polit esse fait e de court oisie nat urelle

et d’un gr and usage du m onde” - rappelle

parado-xalem ent la négat ion des processus de socialisat ion et , dans le m êm e t em ps, les ver t us de la m ixit é sociale dont celle du côt oiem ent . Ce qui conduit à des int ervent ions publiques en “ re” ( requalifi cat ion, r éhabilit at ion…) r épondant à un diagnost ic en “ de” au sens privat if ( déqualifi cat ion, dést ruct urat ion…)32,

sans que l’on sache à quel t ype concr et de for m e sociale ou spat iale on se r éfèr e. En effet , que serait ce “ plein” r épondant à ce “ m anque” ? Ce qui est pr obable, c’est que la m aison ( individuelle) , la pr o-pr iét é et les st ér éot ypes qui s’y rat t achent doivent y t enir une place im por t ant e.

Polit ique, lieu et ident it é

La r ésolut ion des dysfonct ionnem ent s sociaux par une act ion sur le cadr e physique auquel ils sont rappor t és et par lequel ils sont expliqués suppose d’adhér er plus ou m oins im plicit em ent à un rai-sonnem ent et au post ulat pr incipal qui le fonde. Pour t ant , dans les années 1970, ce raisonnem ent a fait l’obj et de nom br euses cr it iques qui dénon-çaient alor s “ l’idéologie ur baine” ( Cast ells, 1972; Dagnaud, 1978)33. Mais L’usage int ensif du post ulat

spat ialist e par la Polit ique de la Ville t ém oigne de sa r ésist ance et en illust r e les t er m es: l’espace physique serait un m oyen et un r évélat eur pour lir e le social, en m êm e t em ps qu’il pour rait êt r e ut ilisé pour r ésoudr e ces dysfonct ionnem ent s. Pr océdant par subst ant ialisat ion et nat uralisat ion, ce raisonne-m ent cir culair e, voir e t aut ologique et guidé par un im pérat if d’act ion soulève de nom breuses quest ions de différent s ordres. Par exem ple, cert aines d’ent re elles concernent l’explicat ion de la sit uat ion act uelle de cer t aines banlieues et des r em èdes suscept ibles d’y r épondr e. De nom br eux t ravaux sur la polit ique du logem ent — t ant dans ses principes ou son fi nan-cem ent que concernant plus précisém ent la gest ion du peuplem ent des grands ensem bles - qu’ils soient de nat ur e générale ou plus m onographiques, sur la longue dur ée ou sur ces der nièr es années, ont livr é des élém ent s de r éponses ( Bour geois, 1996; Lelévr ier, 2006; Tant er et Toubon, 1995) . I l en est de m êm e pour l’évaluat ion de la Polit ique de la Ville d’un point de vue t héorique et / ou plus circonst ancié ( Behar, 1997)34. D’aut r es r echer ches ét udient ces

m ouvem ent s de révolt e ou de désespoir ( c’est selon la lect ure) insist ant sur les aspect s sécurit aires ( Roché, 2006) , cult ur els ( Kokor eff, 2003) ou st r uct ur els ( Beaud et Pialoux, 2003; Gar nier, 2007)35.

En guise de conclusion et sans prét endre épuiser l’analyse du raisonnem ent spat ialist e, les réfl exions qu’il nous a suggér ées nous conduisent à évoquer deux sér ies de r em ar ques.

La prem ière d’ent re elles concerne le rapport au polit ique. Si l’act ion sur l’espace pour r ésoudr e des problèm es sociaux ne sem ble pas obt enir les résult at s prévus, au m oins pour ces quart iers, com m ent alors, en l’expr im ant pr esque naïvem ent , expliquer que cet t e m anièr e de penser et d’agir puisse per dur er ? Au- delà des quest ions posées par l’évaluat ion des r ésult at s de la Polit ique de la ville ( Epst ein, 2000) , diver ses r éponses sont envisageables faisant valoir différent es post ures et regist res. Parm i celles- ci, des t ravaux m ont rent en creux les lim it es d’une analyse globalisant e resit uant ces quart iers dans un processus associant fragm ent at ion ur baine et fragm ent at ion sociale ( Donzelot , 2003) . D’aut res ét udes privilégient des explicat ions prenant en com pt e la recom posit ion sociologique de la populat ion française, le rappor t au t ravail ou les pr ocessus de dom inat ion voir e d’ex ploit at ion ( Beaud et Pialoux , 2002; Gar nier, 2007) . I l nous sem ble que cet t e quest ion doit aussi êt r e posée en r éfér ence à la nat ur e du polit ique au m oins dans le cas français. En effet , le polit ique a besoin d’une assise t errit oriale et c’est sur cet t e base socio- spat iale qu’il ent end agir et , pour que cela soit possible, lire et com prendre ce qui s’y passe afi n d’y appor t er r em ède. Et puisque c’est localem ent et en fonct ion des r éponses concr èt es et visibles que la légit im it é du polit ique s’évalue, l’espace en t ant que r évélat eur et m oyen d’act ion j oue par conséquent un r ôle pr épondérant . Dès lor s, il ne sem ble pas ét onnant que l’illusion procurée par le raisonnem ent spat ialist e et qui lui est aussi consubst ant ielle d’une part et d’aut re part l’illusio polit ique ( Le Bart , 1998) fait e de pr ophét ism e et de m aît r ise - voir e, dans la sit uat ion française, de capacit é d’inst it uer et de façonner le social - puissent se répondre et m ut uel-lem ent se nour r ir. De plus, cet effet de cr oyance et de légit im it é se r et r ouve dans un univer s auquel le polit ique a souvent r ecour s: celui des ur banist es qui puisent dans le raisonnem ent spat ialist e un code im plicit e d’appar t enance pr ofessionnelle et le bien- fondé de leur s int er vent ions.

Ces quelques élém ent s de réponse qui devraient êt r e appr ofondis et vér ifi és, sollicit ent un second t hèm e, com plém ent air e à celui du polit ique, qui concer ne l’ident ifi cat ion par le lieu. L’am algam e lieu / individus ou gr oupes ne r elève pas que du raisonnem ent spat ialist e, au m oins dans l’accept ion selon laquelle nous l’avons analysé. En effet , not r e ident it é est pour par t ie rappor t ée à un espace : le pays où nous som m es nés, le quar t ier que l’on habit e, les ser vices adm inist rat ifs où nous som m es r éper t or iés sont aut ant de signes ident ifi cat oir es voir e de classem ent s qui r elèvent d’act es d’Et at et de représent at ions qui, pour cert aines d’ent re elles, sont int im em ent liées à ces act es. Sans ent rer dans le débat sur la not ion d’ident it é ( Brubaker, 2001)36, il

est cert ain que les lieux ne sont pas sans rapport avec celle- ci m ais ce rappor t n’est pas de m êm e nat ur e

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Sociológico

que celui énoncé dans le raisonnem ent spat ialist e. Si P. Bourdieu parle de pouvoir de l’espace ( Bourdieu et alii, 1993) , ce n’est pas en t ant que t el m ais parce qu’il est l’expr ession de l’espace social et par ce que l’inert ie du prem ier, en crist allisant les propriét és du second, lui confère une puissance et la possibilit é d’y exer cer des “ pr ofi t s”37, t ranscr ipt ions par t iellem ent

brouillées de la hiérarchie sociale. Ce qui am ène deux ult im es r éfl exions d’or dr e plus général.

L’am algam e lieu / individu fait valoir une con-cept ion subst ant ialist e de la sociét é liée sem ble- t - il davant age à une concept ion par t iculièr e de l’Et at suivant laquelle ce der nier devrait m et t r e en or dr e et m et t re en form e la sociét é relat ivem ent ( sym boli-quem ent voire physiboli-quem ent ) à un foyer - virt uel et r éel - de valeur s. Or, suivant d’aut r es concept ions, c’est la capacit é de m obilit é qui est valor isée et qui m esur e l’int égrat ion de l’individu38. La r éfér ence

ext erne s’opposerait à une dét erm inat ion int erne et le posit ionnem ent au m ouvem ent . Au- delà, cert ains pensent que la m obilit é des individus et des groupes invaliderait cet t e associat ion de l’ident it é au lieu, voire l’ident it é elle- m êm e. Mais alors, com m ent expliquer à la fois la valor isat ion de cer t aines m anifest at ions ( fêt es, pat rim oine…) d’une sociét é locale supposées ( re) créer ou ent ret enir un sent im ent d’appart enance et l’ident ifi cat ion d’un individu à un gr oupe dont les m em br es sont géographiquem ent disper sés?

Not as

1 Cet ar t icle r epr end des élém ent s de cont r ibut ions plus anciennes : « Lim it es spat iales, lim it es sociales, à propos de lim it es adm inist rat ives et opérat ionnelles, Cahiers du

CREHU, 1996 ; « La m ixit é sociale : une ut opie ur baine

et ur banist ique », in Les ut opies de la ville, Pr esses univer sit air es de Franche- Com t é, 2001 ; G. Baudin et P. Genest ier ( eds) , Banlieues à pr oblèm es. Const r uct ion

d’un pr oblèm e social et d’une act ion publique, La

docu-m ent at ion française, 2002.

2 Les guillem et s sont ut ilisés pour pr éciser que nous con-sidér ons le m ot dans son accept ion com m une sans pour aut ant adhérer à celle- ci. Précisons aussi que ce qui sera nom m é “ grand ensem ble” est la form e urbaine générale-m ent associée à ces quart iers et const it uée de logegénérale-m ent s r egr oupés dans des t our s et des bar r es, m or phologie représent at ive de l’urbanism e et de l’archit ect ure du Mou-vem ent m oderne. Ces grands ensem bles, dont la plupart ont ét é édifi és du m ilieu des années 1950 au début des années 1970, peuvent com port er plus de 4000 logem ent s. Ces quar t ier s ont fait l’obj et de m ult iples appellat ions adm inist rat ives com m e “ quar t ier s pr ior it air es”, “ quar-t ier s en convenquar-t ion” ou “ zones ur baines sensibles”. I ci, nous em ploier ons l’ex pr ession “ quar t ier s d’habit at social” et plu s r ar em en t l’ex pr ession “ gr an ds en sem -bles”.

3 Voir les nom br euses cont r ibut ions qui t rait ent des im pli-cit es sous- t endant chacune de ces occur r ences. D’une m anièr e plus générale et selon une lect ur e spont anée, la m ult iplicat ion de ces t ravaux ne r elèverait que d’un banal oppor t unism e. Mais on occult erait de la sor t e une

m ise à l’épr euve à la fois des r éfér ences t héor iques de la sociologie et du m ét ier de sociologue. Mise à l’épreuve en ce que la saisie et l’int er pr ét at ion de ces événem ent s pourraient ou non s’int égrer dans des schém as explicat ifs généraux déj à const it ués, voir e les infl échir ; m ise à l’épr euve aussi de dilem m es r écur r ent s dans l’exer cice de la sociologie t els ceux r elat ifs à l’oppor t unit é de livr er une réponse quasi im m édiat e et ou encore aux condit ions sociales de product ion et de diffusion d’une analyse censée êt r e per t inent e, voulue quelquefois pr escr ipt ive sinon pr édict ive. Pour l’analyse cr it ique des r écent s ouvrages par us, voir la r ecension de J- P. Gar nier : “ Ret our de fl am m e” ( 2007) .

4 Si offi ciellem ent , la Polit ique de la Ville fut inst aur ée au début des années 1990 par la cr éat ion d’un m inist èr e char gé de la m et t r e en œuvr e, les pr em ièr es m esur es int ér essant les quar t ier s d’habit at social dat ent de la fi n des années 1970. C’est au début de cet t e m êm e décennie que l’urbanism e de t ours et de barres ( les grands ensem -bles) a ét é cr it iqué ( cir culair e d’O. Guichar d, Minist r e du Logem ent , en 1973) , r équisit oir e cont rast ant d’ailleur s singulièr em ent avec les déclarat ions pr ophét iques et ent housiast es fait es lor s de leur édifi cat ion.

5 On fait ici allusion à la Loi d’or ient at ion sur la ville ( LOV) de 1991 dit e loi “ ant i- ghet t o”, au Pact e de relance pour la ville ( 1996) , à la Loi solidarit é et renouvellem ent urbains ( 2000) voir e à la Loi d’or ient at ion et de pr ogram m at ion pour la ville et la r énovat ion ur baine ( loi Bor loo) de 2003.

6 Les guillem et s se j ust ifi ent ici et com m e on le ver ra plus loin, par le fait que nous n’adhér ons pas à l’idée suivant laquelle on rappor t e l’explicat ion d’un pr oblèm e au lieu dans lequel il se m anifest e.

7 La connot at ion quasi guerrière fait penser à une “ croisade” cont re le m al. Au risque de surint erprét er, le fant asm e de l’islam isat ion de la sociét é française peut aussi illust r er cet t e r em ar que.

8 Le Phalanst ère im aginé par Charles Fourier ( 1772- 1837) devait rassem bler envir on 400 fam illes soigneusem ent r éper t or iées. De nom br eux r écit s fondat eur s évoquent cet t e har m onie init iale ou r et r ouvée ( e.g. l’épisode de l’Ar che de Noé) . On pour rait aussi r elever l’aspect œcu-m énique de ces asser t ions...

9 En France, I l s’agit d’une r epr ésent at ion lar gem ent par-t agée par les élus locaux selon lesquels la com m une espar-t une r éalit é hist or ique et la cellule de base de la dém o-crat ie. A ce suj et , il faudrait s’int er r oger sur l’évent uelle cont radict ion ent r e cet t e affi r m at ion et la pr évalence accordée de fait à la dém ocrat ie représent at ive au niveau nat ional.

10 On l’aura com pr is: la craint e d’un m ar quage t r op visible ne concer ne évidem m ent pas les lieux habit és par les couches sociales les plus r iches.

11 Cet obj ect if r em et im plicit em ent en cause le zoning cher au Mouvem ent m oder ne de Le Cor busier qui pr ônait la séparat ion des fonct ions ur baines, par exem ple en r éser vant des sect eur s dest inés à l’habit at bien sépar és d’aut r es devant accueillir les act ivit és.

12 La Loi solidar it é et r enouvellem ent ur bains im pose une t axe aux com m unes de plus de 3500 habit ant s sit uées dans des agglom érat ions de plus 50 000 habit ant s qui n’auraient pas 20% de logem ent s locat ifs sociaux.

(10)

13 A ce pr opos, il est int ér essant de not er la sur dit é des pouvoir s publics à l’égar d de nom br eux t ravaux socio-logiques dont les r ésult at s conver gent en ce sens.

14 P. Bourdieu, écrit à propos de cet t e t héorie qu’elle est “ un r em ar quable paradigm e de la m yt hologie scient ifi que” ( Bour dieu, 1980: 21) . Voir aussi les pr em ier s t ravaux — dét er m inist es — de géographie élect orale com m e le

Tableau polit ique de la Fr ance de l’ouest de A. Siegfr ied

( 1914) lequel écr ivait alor s: “ ( …) le gr anit fait le cur é et

le calcair e l’inst it ut eur ” .

15 Un ingénieur, un ar chit ect e ou un sociologue ne “ ver ra” pas un quar t ier de la m êm e m anièr e… Les élém ent s caract ér ist iques r elevés par chacun ét ant pour t ant aussi valides puisque cor r espondant aux valeur s et cat égor ies pr opr es de leur cham p r espect if.

16 D’une cer t aine m anièr e, on peut dir e que les ur banist es “ voient ” des zones opérat ionnelles correspondant com m e par m agie à des procédures adm inist rat ives et fi nancières r éper t or iées.

17 P. Bour dieu affi r m e qu’on ne peut évit er la pensée subs-t ansubs-t ialissubs-t e des lieux “ qu’à condisubs-t ion de pr océder à une

analyse r igour euse des r appor t s ent r e les st r uct ur es de l’espace social et les st r uct ur es de l’espace physique”

( Bour dieu, 1993: 159) .

18 Schém at iquem ent , le seuil de t olérance indiquerait le pourcent age d’ét rangers ou de fam illes im m igrées ( sous ent endu: d’or igine m aghr ébine ou d’Afr ique noir e) qui, dans un sect eur ur bain, ne devrait pas êt r e dépassé au r isque de génér er des dysfonct ionnem ent s sociaux. Cet t e not ion s’est t r ès libr em ent inspir ée de celle, nor d am éricaine, de t ipping point , m esurant le degré de libert é des noir s en m at ièr e de m obilit é r ésident ielle.

19 Par exem ple, à pr opos de la t aille des villes, le Rappor t Peyr efi t t e “ Réponses à la violence” diagnost iquait : “ Les

fr ançais ont per du la vie de la r ue, de la place, du m ou-vem ent , de l’échange. [ I l faut ] prom ouvoir une polit ique perm et t ant aux villes de ne pas dépasser [ …] le chiffre de 200 000 habit ant s…” ( Peyrefi t t e, 1977: 716- 717) . Ce

rapport aj out ait qu’il fallait réduire le nom bre d’ét ages pour lutter contre la délinquance. Si auj ourd’hui, les responsables polit iques ou adm inist rat ifs ne se risquent plus à aut ant de précision chiffrée, la propension à la quant ifi cat ion rest e néanm oins fondam ent alem ent la m êm e.

2 0 Bien qu’il ne s’agisse pas de chiffres, les incident s survenus dans cer t ains quar t ier s d’habit at social ont donné lieu à un classem ent ( échelle Bui-Tr ong) qui cat égor ise ces événem ent s suivant une échelle com port em ent ale basée sur le degr é de r em ise en cause — lir e: dégradat ions, incendies d’aut om obiles ou de bât im ent s… — de sym -boles de l’aut or it é de l’Et at ( écoles, post es de police…) , opérat ion censée facilit er le diagnost ic et adapt er l’int er vent ion de la police.

21 Dans son ouvrage De l’ut opie à la com passion. Sociologie cr it ique de la polit ique de la ville, l’aut eur r epr end des

discour s dans lesquels il not e le pat hos, la dénonciat ion de la souffrance et du désespoir ( Chevalier, 2004: 167 et sq)

22 On peut aussi cit er des expr essions com m e “ cul- de- sac” ou “ enclave”, signifi ant à la fois enfer m em ent spat ial m ais aussi social. Sans aller j usqu’à aut onom iser une analyse discursive risquant de dét acher son m at ériau de ses fondem ent s sociaux, il faut rem arquer qu’on ret rouve

dans ces discour s des fi gur es r hét or iques pr opr es à m élanger deux regist res ou deux niveaux de sens. Ainsi, de la “ poche”…qui peut êt r e “ de pauvr et é” m ais aussi, en langage m ilit air e, “ poche” … “ de r ésist ance”. 23 A pr opos des évènem ent s qui ont eu lieu à la fi n du m ois

de novem br e 2007, un élu déclarait qu’il fallait “ m et t r e

fi n à cet apar t heid t er r it or ial, social et et hnique ” . La

not ion d’apar t heid serait - elle for t e plus for t e que celle de ghet t o dont la capacit é ém ot ionnelle s’affaiblirait car cont inuellem ent em ployée ?

24 L. Wacquant défi nit le ghet t o com m e “ un disposit if socio-organisat ionnel qui déploie l’espace de sort e à conj uguer deux desseins ant inom iques : 1) m axim iser les pr ofi t s m at ér iels ext r ait s d’un gr oupe considér é com m e souillé et souillant et 2) m inim iser t out cont act int im e avec ses m em bres de sort e à écart er la m enace de corrosion et de cont agion sym bolique dont ils sont censés êt re port eurs ”,

in “ Les deux visages du ghet t o. Const r uir e un concept sociologique ”, Act es de la recherche en sciences sociales, 160, 2005, p. 10. Sur le ghet t o am ér icain, voir aussi N. Dent on et D. Massey, Am er ican Apar t heid, Descar t es et Cie, 1995

25 En 1990 par exem ple, alor s que les 2/ 3 des noir s am é-r icains vivaient dans des zones qui accueillaient 95% de noir s, les 28 “ îlot s sensibles ” de la r égion par isienne com por t aient 10 à 20% de per sonnes d’or igine m aghr é-bine ; la m or t alit é infant ile est t r ois fois plus im por t ant e dans les ghet t os noir s de Chicago que dans le r est e du t errit oire de l’ét at ; les 3/ 4 des personnes du Chicago noir sont sans em ploi alor s qu’en France, si ce pour cent age at t eint 40% dans cert ains quart iers d’habit at social, il est quelquefois inférieur au t aux de chôm age de la populat ion r ésidant dans le r est e de l’agglom érat ion.

26 On ne peut ici entrer dans le détail de l’évolution de l’occu-pation sociale de ces quartiers qui, de l’espoir qu’ils représen-taient pour créer un “ hom m e nouveau ” et de l’am élioration incontestable des conditions de logem ent qu’ils ont apportée à de nom breux citadins, sont passés à des lieux stigm atisés voire redoutés. Parm i les nom breux travaux qui ont traité cette question : C. Bachm ann et N. Le Guennec, Violences

urbaines. Ascension et chute des classes m oyennes à travers cinquante ans de Politique de la Ville, Albin Michel, 1996 ;

F. Dufaux et alii, Faire l’histoire des grands ensem bles.

Bibliographie 1950- 1980, ed. ENS, 2003.

27 Plus généralem ent , il faudrait s’int erroger sur l’im port at ion ( t out e r elat ive) de not ions ou com m e celle de seuil de t olérance évoquée plus haut ( ou “ d’under class ” ) ou de raisonnem ent s ayant cour s aux Et at s Unis. Voir à ce suj et l’ar t icle de P. Bour dieu et L. Wacquant , “ Sur les r uses de la raison im pér ialist e ”, Act es de la r echer che

en sciences sociales, 121- 122, 1998.

28 Bien que les act es et les déclarat ions à caract èr e racist e soient condam nés par la loi, des insinuat ions de cert ains m édias ou les “ délit s de faciès ” vérifi ées par des enquêt es de t est ing à l’ent rée de discot hèques ou lors de la recher-che d’un em ploi le m ont rent . Pour le com m unaut arism e, c’est in fi ne de l’islam ism e dont il s’agit .

29 En 2004, il ét ait pr évu de dém olir 200 000 logem ent s en 5 ans, pour r econst r uir e souvent ailleur s des pet it s im m eubles et des m aisons individuelles.

30 En 1977, la procédure Habit at et Vie Sociale, ancêt re de la Polit ique de la Ville, visait à rét ablir une “ vie sociale norm ale”.

(11)

Sociológico

31 Ce propos peut paraît re out rancier. I l est pourt ant présent dans de nom br eux écr it s d’ur banist es.

32 I l faut pr éciser que ces diagnost ics ne sont pas souvent part agés par les habit ant s. Ainsi, une int éressant e ét ude de 1998 ( Et ude CDC “ Vivr e la ville ”, enquêt e I PSOS, 1998) m ont r e que si les exper t s r épondent à la ques-t ion “ Que ques-t r ouve- ques-t - on facilem enques-t dans son quar ques-t ier ? ” à 91% et 61% r espect ivem ent de la dr ogue et des ar m es, les habit ant s m ent ionnent un m édecin ( 88% ) et des com m er ces ( 77% ) alor s m êm e que les exper t s ne se pr ononcent pour ces occur r ences qu’à 36% et 18% . Alor s que 53% des habit ant s pensent que la pr opr et é am élior erait la sit uat ion des quar t ier s, c’est 55% des exper t s qui évoquent les t ranspor t s collect ifs… 33 M. Cast ells défi nissait l’idéologie ur baine com m e “

idé-ologie spécifi que qui saisit les m odes et les for m es d’or ganisat ion sociale en t ant que car act ér ist iques de l’évolut ion de la sociét é, ét r oit em ent liéé aux condit ions t echnico- nat urelles de l’exist ence hum aine et fi nalem ent à son cadr e de vie ” in La quest ion ur baine, Maspér o,

1972, p. 102. M. Dagnaud en par lait com m e d’un “

dis-cour s [ qui] s’or ganise com m e un r aisonnem ent logique perm et t ant au t echnocrat e de légit im er sa prat ique [ qui] r éfr act e, à t r aver s l’espace une idéologie de l’Et at ” et

not ait l’ar t iculat ion “ d’un pr oj et polit ique sur la sociét é

m ais m édiat isé par l’espace ” in Le m yt he de la qualit é de la vie et la polit ique ur baine en Fr ance. Enquêt e sur l’idéologie ur baine de l’élit e t echnocr at ique et polit ique ( 1945- 1975) , Mout on, 1978, pp. 296- 297.

34 I l s’agit là de quelques r éfér ences choisies par m i de m ult iples publicat ions Cit ons aussi Collect if, Aux m ar ges

de la ville, au cœur de la sociét é : ces quar t ier s dont on par le, L’Aube, 1997.

35 I l s’agit là encor e d’une sélect ion.

36 R. Br ubaker not e la confusion ent r e le concept descr ipt if et le concept analyt ique.

37 P. Bour dieu par le ainsi de “ pr ofi t de localisat ion” et de “ pr ofi t d’occupat ion ”, in La m isèr e du m onde, op. cit . p. 164 et sq.

38 Cf. Les t héor ies de l’école de Chicago et la concept ion anglo- saxonne du polit ique.

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