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La balagha arabe selon al-Djahiz et Abu Hayyan al-Tawhidi

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© Université de Mostaganem, Algérie 2013

La balagha arabe selon al-Dj ahiz

et Abu Hayyan al-Tawhidi

Dr Fat ma Khelef Universit é de Toulouse, France

Résumé :

La "balagha" a ét é l’ obj et de beaucoup d’ argument at ion chez les aut eurs arabes. Cet art icle propose de met t re en lumière quelques comment aires et réf lexions de deux rhét oriciens arabes les plus célèbres, al Dj ahiz, le grand prosat eur arabe mut azilit e, l’ une des personnalit és les plus éminent es de la lit t érat ure et de la pensée arabe aux IIe et IIIe siècles de l’ Hégire et Abu

Hayyan al Tawhidi, l’ un des hommes les plus érudit s de la lit t érat ure médiévale. Tous deux, et t out part iculièrement Abu Hayyan, évoquent les aspect s quelque peu cont radict oires de la vérit é ou de la f ausset é qui sont parf ois sous-j acent es dans l’ exposit ion de la balagha.

Mots-clés :

rhét orique, al Dj ahiz, balagha, Abu Hayyan, Mut azila.

***

Point n'est besoin de souligner que l'hist oire relat ive au t hème de la "balagha" a ét é reprise maint es f ois dans les ouvrages t rait ant de l'éloquence arabe. Ce suj et , aut ant qu'il a enrichi le champ de l'éloquence arabe, a aussi ét é l'obj et de beaucoup d'ef f ort s chez les grammairiens et les rhét oriciens si nous considérons la diversit é et la répét it ion des idées. Not re recherche s’ appuie sur les œuvres d’ al-Dj ahiz en part iculier "al-Bayan wa al-t abyin", et celles d’ Abu Hayyan al-Tawhidi not amment "Kit ab al-Imt a wa al-muanasa". Tous deux ont des point s communs, l’ orgueil et la f iert é de leur arabisme et de leur islamisme(1) et appart iennent à la sect e mut azilit e(2). Les Mut azila qui ét aient des t héologiens déf endant l’ Islam par une démarche rat ionalist e ont déployé t ous leurs ef f ort s au service de l’ inimit abilit é du Coran et de la "balagha" que nous t raduisons par l’ "éloquence".

1 - La balagha selon al-Djahiz dans le Bayan :

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d’ al-Dj ahiz, il l’ a considérée comme un domaine de créat ivit é qui prend sa source dans la vie des Arabes. Al-Dj ahiz est né à Basra(3), ville f ondée sous le signe de la religion et de la "balagha". L’ œuvre d’ al-Dj ahiz, "al-Bayan wa al-t abyin", est un édif ice élevé à la balagha arabe et une base import ant e pour connaît re les cout umes de la "khat aba" à l’ époque ant éislamique et durant le Ier et IIe siècle de l’ Islam(4).

Al-Dj ahiz a ét udié le suj et de l’ éloquence en mont rant t out l’ int érêt que cela suscit ait en t ant que j ust if icat ion de l’ éloquence des Arabes. Ceux-ci usaient de l’ éloquence t out nat urellement dans leurs rapport s et leurs relat ions, et leur apt it ude dans l’ art orat oire, sans préparat ion ni délai de réf lexion, surpassait en cela celle des aut res peuples(5).

Al-Dj ahiz procède d’ une f açon empirique en recueillant les opinions et des anecdot es de nombreuses sources, arabes bien ent endu, mais aussi, malgré sa méconnaissance des langues, d’ origines perses, grecques et indiennes.

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l'esprit , f aisant en sort e qu'ils les accueillent f avorablement et se dét ournent de ce qui les en dist rait et ceci à l'aide d'une "belle exhort at ion" selon le Livre et la Tradit ion, alors t u as reçu en dépôt le discours décisif et t u mérit es une récompense divine"(6).

Les propos de Amru ben Ubayd, rapport és par al-Dj ahiz, sont signif icat if s de la dépendance à la pensée religieuse, des réf lexions sur la recherche est hét ique au niveau du langage, celles-ci ayant comme obj ect if principal d'incit er à la f oi et de f aire pénét rer dans les esprit s les précept es commandés par le Coran et les Hadit hs. Mais la vérit able nouveaut é de ce t ext e est la mise en évidence d’ un lien ent re balagha et vérit é et , dans l’ expression "belle exhort at ion" reprise par Amru ben Ubayd, la marque d’ une réminiscence coranique : "Appelle les hommes dans le chemin de t on Seigneur, par la sagesse et une belle exhort at ion ; discut e avec eux de la meilleur manière"(7).

La balagha arabe est le passage obligé pour l’ ét ude du t ext e miraculeux dont la compréhension serait dif f icile en l’ absence de son éloquence. L’ ét ude de cet t e science n’ est pas une complaisance mais correspond au besoin de la réalisat ion d’ une ident it é religieuse et de la f ondat ion d’ une ent it é cult urelle.

Dans un deuxième mode, al-Dj ahiz commence à exposer les f act eurs d’ une élocut ion et d’ une prest at ion du locut eur, ainsi que les déf aut s de prononciat ion, les paroles écorchées barbares ou corrompues, et c. Cela se vérif ie dans ses écrit s cit ant les propos d’ al-At t abi (m. 220 / 835) : "Un ami m'a racont é qu'il avait demandé à al-At t abi : qu'est -ce que la balagha ? Il a dit : Celui qui f ait comprendre ce qu'il veut sans se répét er, sans avoir la langue embarrassée et sans aide, serait qualif ié de baligh"(8).

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Cet t e cit at ion indique bien une capacit é part iculière de la représent at ion, et la virt uosit é de l'orat eur à orient er le discours à la limit e de l'influence possible sur celui qui le reçoit(10).

Al-Dj ahiz a essayé de poser les bases de l’ éloquence, "al-mahadhir" (les précaut ions orat oires), "al-qawanin" (les règles) et "al-akht a" (les f aut es), t out en se réf érant au parler arabe, ce qu'il clarif ie dans ses comment aires à propos de diverses réf lexions at t ribuées à al-At t abi : "Celui qui af f irme que la balagha revient à ce que l'audit eur comprenne le sens (des paroles) du locut eur, met sur un même pied d'égalit é, l'éloquence, le déf aut d'élocut ion, le f aux et le vrai, l'obscur et l'explicit e, les paroles écorchées ou correct es, et considère t out cela comme du bayan... Ce qu'a voulu exprimer al-At t abi, c'est que pour f aire comprendre aux Arabes ce que t u veux dire il f aut respect er les déclinaisons conf ormément au langage des Arabes éloquent s"(11).

Al-Dj ahiz ne se sat isfait pas de la simple assert ion que la balagha doit seulement permet t re de se faire comprendre, mais pour lui, le discours doit aussi êt re expressif, le locut eur doit êt re at t ent if au bon choix des phonèmes et au respect des désinences, à leur bonne prononciat ion. Cet t e exigence, al-Dj ahiz l'exprime bien dans cet t e cit at ion qu'il apprécie part iculièrement , lorsque dans le Bayan il rapport e ce que dit al-Imam Ibrahim ben Muhammad, qui représent e la concept ion simple qu'avaient les anciens de la balagha : "L'éloquence, c'est que ni l'audit eur ne s'égare par la maladresse de l'orat eur, ni celui-ci par un malent endu de l'audit eur"(12).

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l 'audit oire, soit l 'obj et du discours. Quant à l a f orme du message el l e est représent ée par l e "maqal ". Pour une bonne bal agha, l e "maqal " du l ocut eur doit êt re en harmonie avec l e "maqam" (l e suj et et / ou l 'audi t oire). Ces deux expressions résument en quelque sort e, t out es les déf init ions que al-Dj ahiz, dans "al-Bayan wa al-t abyin", a recueillies auprès d’ ét rangers, le Persan(14), le Grec(15), le Byzant in(16) et l'Indien(17).

La vision d’ al-Dj ahiz, et sa vast e cult ure lui ont permis d’ aller au-delà des front ières de son horizon cult urel pour faire une comparaison de la qualit é des discours chez d’ aut res nat ions. Il const at e que si cert aines nat ions ont leurs domaine de créat ivit é reconnu, leur éloquence rest e cependant en deçà de celle des Arabes. Son obj ect if est de fonder pour la nat ion arabe une ident it é dans le domaine de l’ art orat oire parce que celui-ci a une grande import ance dans la vie des nat ions et est considéré comme un moyen d’ influence dans les domaines polit ique, religieux et social. Al-Dj ahiz essaye de démont rer que l’ éloquence est une qualit é innée dans l’ esprit arabe. Il considère l’ éloquence comme le souffle de la vie et un lieu de rencont re de t out es les cult ures.

Après l’ examen des t ravaux d’ al-Dj ahiz, éminent représent ant de l’ école mut azilit e, t ravaux qui ont eu une inf luence import ant e t ant sur ses cont emporains que sur ses successeurs, nous allons examiner maint enant l’ avis d’ un aut re grand prosat eur Abu Hayyan al-Tawhidi(18) (m. 414 / 1023), admirat eur précisément d’ al-Dj ahiz et de ses œuvres . En ef f et on ne peut ignorer les ent ret iens ent re Abu Sulayman al-Sij ist ani le logicien (m. 375) et Abu Zakariya al-Saymari présent és par Abu Hayyan al-Tawhidi dans Imt a wa al-mu’ anasa" et "al-Muqabasat ", des recueils de dialogues ent re des savant s, des philosophes et des lit t éraires, qui t rait ent ent re aut res de l'éloquence.

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la concept ion de la balagha qu’ Abu Hayyan exprime longuement dans ses récit s des rencont res et des ent ret iens avec Abu Sulayman le logicien en part iculier au cours des 25e et 88e nuit s.

2 - La balagha selon Abu Hayyan dans la 25

e

nuit :

Abu Hayyan, dans la 25e nuit nous ent raîne dans des considérat ions à caract ères t echniques et passe en revue les dif f érent es f ormes de balagha, leurs crit ères, les qualit és des orat eurs qui les prat iquent , et c. Il en rend compt e dans son dialogue avec Abu Sulayman qui dist ingue sept sort es d'éloquence : "Il y a, dit celui-ci, plusieurs sort es d'éloquence : celle de la poésie, celle de la rhét orique "al-khat aba", cel le de l a prose, celle de l'exemple, celle de l'int ellect , cell e de l'improvisat ion et celle de l'int erprét at ion"(19).

Dans cet invent aire des dif f érent s modes de paroles éloquent es auquel se sont livrés Abu Hayyan et Abu Sulayman, il est import ant de const at er que la poésie a ét é cit ée en premier ; elle est ainsi reconnue de f ait comme un discours maj eur et noble : "Pour ce qui est de l'éloquence de la poésie, elle t ient en ceci : sa grammaire doit êt re accept able, l'idée doit êt re sous t ous ses aspect s dévoilée ; l'expression doit êt re exempt e de raret és ; la mét onymie doit êt re subt ile ; l'énonciat ion explicit e doit êt re argument ée, il f aut qu'il s'y t rouve un sent iment de f rat ernit é, l'harmonie doit êt re apparent e"(20).

Avant de s'int éresser à la prose, opposée convent ionnellement à la poésie, le discours rhét orique est placé en second : "Quant à l'éloquence orat oire elle t ient en ceci : que l'expression soit f acile, que l'indicat ion l'emport e, que règne la prose rimée, que les images soient abondant es, que ses divisions soient brèves et que ses ét riers soient ceux des chameaux t rès rapides"(21).

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de la parole, mais aussi la f acilit é avec laquelle s'écoulent les expressions comme les chameaux dans le désert .

Abu Hayyan en vient maint enant à cit er la balagha de la prose, moyen de s'exprimer plus courant que la poésie, plus souple dans sa f ormulat ion mais, qui de ce f ait doit aussi êt re plus précise, plus rigoureuse dans la t raduct ion des idées : "Quant à l'éloquence de la prose elle t ient en ceci : que l'expression soit couramment usit ée, l'idée générale accept ée, que le raf f inement ut ilisé soit d'usage courant , la composit ion simple, le but visé droit , qu'elle soit t rès brillant e, concise, que ses expressions soient lisses, que ses exemples soient aisés à comprendre, qu'elle coule cont inûment et que les conclusions soient clairement dét aillées"(22).

Il présent e ensuit e ce qu'on pourrait nommer la balagha de la parole concise, moins précise que la précédent e, mais qui est plus direct ement acquise et ret enue grâce à des raccourcis, c'est l'éloquence des sent ences, des maximes : "Quant à l'éloquence de l'exemple elle t ient en ceci : il f aut que l'expression soit brève, concise, que l'ef f acement soit support able, que l'image soit conservée, que le but visé soit subt il, que l'allusion soit suf f isant e, que l'indicat ion soit riche et l'expression agréable"(23).

Après avoir examiné les dif f érent es balagha que nous qualif ierons de base ou encore balagha par essence, Abu Hayyan va ensuit e aborder et décrire des balagha plus subt iles et dont les crit ères sont plus abst rait s, plus imprécis et qui f ont appel peu ou prou aux ressources des balagha précédent es et qu'on pourrait qualif ier de balagha par obj ect if .

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l'int ellect elle t ient en ceci : la part qui, dans la parole revient à ce qui est conçu doit parvenir à l'âme plus rapidement qu'elle ne parvient à l'oreille ; l'int érêt qui provient de l'idée doit at t eindre le but plus sûrement que l'allit érat ion et l'assonance, la simplicit é doit l'emport er sur la composit ion ; le but visé doit apparaît re sur t out e la largeur de la voie et l'ordre des argument s doit permet t re à l'imaginat ion d'at t eindre la cible"(24).

Vient ensuit e une balagha plus complexe qui f ait appel à la spont anéit é. Abu Hayyan évoque sous ce vocable d'improvisat ion, une balagha qui f ait appel à un don personnel de l'orat eur, car il s'agit t ouj ours d'un discours orat oire. Il est peu précis sur la mét hode et les procédés à employer ; simplement il dit que la mise en f orme doit suivre le cheminement des idées. Cependant on discerne qu'il doit s'ét ablir ent re le locut eur et l'audit oire une sort e de complicit é qui conduit l'orat eur à ant iciper les réponses aux quest ions que se pose l'audit eur.

"Quant à l'éloquence de l'improvisat ion elle t ient en ceci : que les expressions soient ent re elles dans la même relat ion que les signif icat ions. C'est alors que s'émerveille celui qui écout e, parce qu'il comprend inopinément ce qu'il n'espérait plus saisir, t el celui qui, désespérant de j amais t rouver ce qu'il cherche, le découvrirait t out à coup. L'improvisat ion est une puissance spirit uelle dans une nat ure humaine, de même que la réf lexion est une f orme humaine dans une nat ure spirit uelle"(25).

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développement de l'exist ence de l'éloquence de l'int erprét at ion, ce qui en soi en est une reconnaissance implicit e : "Quant à l'éloquence de l'int erprét at ion, elle t ient en ceci : elle rend nécessaire, en raison de son obscurit é, la médit at ion et l'examen pat ient . Tous deux enseignent des aspect s nombreux, dif f érent s et ut iles. Grâce à cet t e éloquence l'on pénèt re les idées secrèt es du bas monde et de l'au-delà. C'est grâce à elle que les oulémas ont int erprét é par déduct ion à part ir de la parole de Dieu – qu'il soit loué – et de son prophèt e – que le salut soit sur lui – les quest ions liées au licit e et à l'illicit e, au réprouvé, au t oléré, au commandé et à l'int erdit . C'est dans cet t e éloquence qu'ils rivalisent , c'est elle qu'ils disput ent , c'est elle qu'ils enseignent , c'est à son suj et qu'ils s'af f airent . Mais elle est perdue, cet t e éloquence, parce que l'esprit lui-même est perdu. L'inf érence est devenue f ausse, de part en part . C'est d'elle que dépend le parcours de l'âme et la pénét rat ion de la pensée dans les quest ions prof ondes de cet art . Les prof it s que l'on ret ire de là sont mult iples, les choses merveilleuses innombrables, les idées s'amoncellent , les graves préoccupat ions s'accumulent . Pour elle on demande secours aux f orces des f ormes d'éloquence que nous avons précédemment décrit es, af in qu'elles prêt ent leur assist ance pour exhumer la signif icat ion prof onde, et éclairer violemment le but dissimulé"(26).

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Abu Hayyan, au cours des ent ret iens qu’ il avait avec les invit és de Abu Sulayman, a const amment défendu les qualit és de la balagha, face aux crit iques ou même aux at t aques de ses int erlocut eurs, quest ions port ant généralement sur l’ infériorit é de la balagha par rapport aux aut res sciences ; par exemple dans la 7e nuit , face à un cont radict eur Ibn Ubayd, Abu Hayyan affirme que la balagha est le passage obligé pour s’ exprimer dans t out es les aut res act ivit és sans s’ écart er de la vérit é (al-haqq) et qu’ elle est donc au premier rang(27).

Dans son récit de l’ ent ret ien de la 88e nuit , relat é dans "al-Muqabasat ", il aborde un aspect import ant mais délicat sur la percept ion du discours baligh en part iculier sa relat ion avec la vérit é.

3 - La balagha selon Abu Hayyan dans la 88

e

nuit :

Abu Hayyan al-Tawhidi qui est curieux de s'inf ormer sur les écrit s d'Arist ot e, t raduit s en arabe dans le Kit ab "al-khat aba", demande à Abu Sulayman ce qu'est l'éloquence (balagha) : "J'ai int errogé Abu Sulayman au suj et de la balagha : qu'est -elle exact ement ? Je lui ai dit : j e t e demande de répondre à la f açon de cet t e école (t aïf a), puisqu'ils possèdent le livre de la rhét orique (Kit ab al-khat aba) sur l'exposé des t rait és du Philosophe. Ils ont examiné soigneusement les rangs de chaque expression et la vraie nat ure de chaque mot , quand il est lié et de même quand il est séparé. On ne saurait se reposer sur rien de plus vrai que sur leurs réponses.

La balagha, m'a-t -il répondu : c'est avoir des idées vraies, composer harmonieusement les noms, les verbes et les part icules, t rouver l'expression j ust e, chercher avec soin l'accord, la convenance, évit er ce qui est blâmable et se soust raire à la boursouf lure du st yle (t aassuf )"(28).

4 - Al-balagha, vérité ou fausseté ?

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t ient à une descript ion qui met en avant la vérit é comme élément import ant de la balagha : "Pourt ant , lui dit Abu Zakariya al-Saymari, l'homme éloquent (al-baligh) peut bien énoncer une f ausset é sans cesser pour aut ant d'êt re éloquent !

Cert es, mais cet t e f ausset é revêt l'habit de la vérit é ; elle emprunt e l'apparence du vrai. C'est la vérit é qui t ranche, mais sa signif icat ion renvoie à la f ausset é qui est cont raire à la f orme de l'int ellect , lequel int ellect met en ordre les vérit és, applanit le chemin devant les but s que l'on se f ixe, rapproche ce qui est loint ain et rend présent ce qui est proche !"(29).

Ce dialogue pose la quest ion de la relat ion de l'éloquence à la vérit é, est -ce que la vérit é et la fausset é font part ie du discours éloquent ? A cet t e quest ion import ant e, Abu Sulayman répond : "c'est avoir des idées vraies (al-sidq fi al-maani), évit er ce qui est blâmable (rafd al-ist ikrah)". Abu Zakariya al-Saymari int ervient en disant qu'un homme éloquent peut bien ment ir sans cesser d'êt re éloquent . Cet t e réponse est int éressant e parce qu'elle renvoie à la concept ion d’ Arist ot e (384 - 322 avant J-C) pour qui la rhét orique et la dialect ique ét aient les deux art s des cont raires, c’ est -à-dire que dans la rhét orique et dans la dialect ique on pouvait également démont rer une chose et son cont raire, les deux art s dont l’ obj ect if est la persuasion n’ ont donc pas t rait à la vérit é.

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donner le change à l'audit eur (argument s, parades, preuves, déduct ions, et c.) pour masquer la vérit é.

Le point de vue d’ Abu Sulayman s'éloigne de la t héorie grecque, et donne en quelque sort e une déf init ion de l'éloquence (al-balagha) dont un des piliers est la vérit é, parce que la balagha est considérée comme le passage obligé de la lect ure du Coran(30). La vérit é ne peut êt re dissociée de la balagha, puisque celle-ci a pour obj ect if essent iel, pour les grammairiens anciens, de percer le miracle du Coran en ce qu'il a apport é "les vocables les plus purs, agencés selon les rapport s organisat eurs les plus parf ait s et qu'il cont ient les idées (al maani) les plus j ust es sur l'unicit é de Dieu"(31). Pourquoi spont anément associer la vérit é à la balagha ? Il nous semble que cet aspect de la balagha a ét é édif ié dans une perspect ive t héologique dest inée à mont rer qu'il n'y a pas plus beau, plus éloquent que le discours coranique, la balagha ét ant en quelque sort e une f orme d'éloge de la révélat ion.

Abu Hayyan al-Tawhidi qui observe cet t e double vision de la balagha, poursuit sa démarche et veut faire préciser à Abu Sulayman sa pensée par rapport à l'éloquence des arabes. Dans son discours(32), Abu-Sulayman j uxt apose deux appréciat ions qui sont d'inspirat ions pour le moins opposées. Un vrai philosophe n'aurait pas dit le cont raire lorsqu’ il dit : "comment veux-t u que j e t e réponde, quelle est la langue la plus éloquent e ? Il faudrait connaît re t out es les langues !", cela est parfait ement j ust e et d’ une logique imparable, c'est un raisonnement irréprochable. Alors que dans la deuxième part ie de la réponse se manifest e cet t e t endance part isane sous-j acent e bien arabe, art iculée sur la balagha qui considère que la langue arabe est celle dont la prononciat ion est la plus douce, celle dont les formes sont les plus brillant es, dont la composit ion est la plus belle.

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grammaire ne remplace pas la logique parce que s’ il considérait qu’ elle remplace la logique, il dirait que la grammaire est à la raison ce que la logique grecque est à la raison donc pour lui la logique est indispensable, et on ne peut s’ en passer. Abu Sulayman semble regret t er que les choses ne soient pas plus rat ionnelles af in que la logique soit plus proche de la grammaire(33).

Pour résumer les idées sur la balagha que Abu Hayyan développe dans ses ouvrages, nous ret iendrons cet ext rait du second ent ret ien qui a eu lieu dans le cercle de Abu Sulayman, au cours duquel les part icipant s ont évoqué les mérit es ou les f aiblesses des dif f érent es sciences : l'ast rologie, st érile et inut ile, la médecine qui préserve la sant é et écart e la maladie, la grammaire, un don nat urel des arabes, le droit religieux j urisprudent iel qui af f irme ce qui est véridique, la poét ique qui enj olive l'expression, l'arit hmét ique avec ses caract ères ét ranges qu'elle ne part age avec aucune aut re science, la géomét rie éminent e, l'ast ronomie sublime. Abu Hayyan en vient t out part iculièrement à la balagha qu’ il dist ingue ent re t out es les sciences : "Quant aux adept es de l'éloquence, à ceux qui cherchent à en acquérir la science, il leur demande de raf f iner l'expression, d'enj oliver l'idée exprimée, de vêt ir ce qui est nu et de rendre insolit e ce qui est t rivial limpide, ce qui est clair... de consoler l'amant , de pousser l'insat iable à la modérat ion, de déf endre une cause, de lut t er cont re l'ardent e convoit ise, de ret ourner une disposit ion en son cont raire, t out cela pour que t u sois à même de répandre largement des opinions, de ref ermer des blessures, de concilier des posit ions cont raires, de réparer la dévast at ion de calamit és advenues et d'ét eindre le brasier des incendies"(34).

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maint enant une t héorie de la balagha dépendant e et soumise à une inspirat ion religieuse.

Dans cet t e approche de l a bal agha arabe, nous avons en compagnie de Abu Hayyan al-Tawhidi, pu discerner les inf luences qui pesaient sur la concept ion de cet t e balagha, not amment la logique grecque de Abu Zakariya al-Saymari d'une part et la nécessit é d'expliquer, de rest er en accord avec la lect ure du Coran, de Abu-Sulayman, d’ aut re part .

Nous not erons également que dans t out es ces descript ions de la balagha

,

t ant sous la perspect ive idéologique – inf luence de

la logique grecque ou dépendance à l'impérieuse nécessit é d'expliquer la lect ure du Coran – que sous les aspect s t echniques décrit s longuement , Abu Hayyan à aucun moment ne donne à proprement parler sa concept ion de la balagha, et pour cause il ne f ait que rapport er les avis et réponses de ses int erlocut eurs à ses int errogat ions subt iles dans les ent ret iens auxquels il part icipe chez Abu Sulayman. C'est peut -êt re dans le dernier passage que nous rapport ons du second ent ret ien qu'il donne son avis personnel sur les bienf ait s de la balagha, ce qui const it ue en soi, en quelque sort e une déf init ion à caract ère humanist e. Selon Abu Hayyan, si la balagha ne f ait pas de miracle, elle a le pouvoir de rendre plus agréables et plus j ust es les relat ions ent re les hommes, de rassurer les humbles, de f reiner les ambit ieux, d'apaiser et d'arbit rer les conf lit s.

Notes :

1 - Abu Hayyan al-Tawhidi : Kit ab al-Imt a wa al-muanasa, Ed. Ahmad Amine et Ahmad al-Zayn, Dar Makt aba al-Hayat , Beyrout h, (s.d), T.1, p. 70. Voir, al Dj ahiz : Bayan wa t abyin, Ed. par Muhammad Abd Salam Harun, Dar al-Kut ub al-Ilmiyya, Beyrout h 1998, T.3, pp. 27 - 28.

2 - R. Arnaldez : Encyclopédie Universalis version mult imédia, Mut azilisme : En arabe, mut azila est le part icipe du verbe it azala qui signif ie "se séparer" (d’ où it izal, "act ion de séparer"). Voir aussi Encyclopédie de l'Islam, VII.

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4 - Cf ., Charles Pellat : Le milieu basrien et la f ormat ion de Dj ahiz, Adrien Maisonneuve, Paris 1953, p. 118.

5 - Al-Dj ahiz : al-Bayan wa al-t abyin, t ome 3, pp. 27 - 28. 6 - Al-Dj ahiz : op. cit ., T.1, p. 114.

7 - Sourat e al-Nahl, verset 125, Essai d’ int erprét at ion du Coran inimit able, t raduct ion par D. Masson, revue par Dr Sobhi al-Saleh, Dar al-Kit ab, Beyrout h 1980.

8 - Al-Dj ahiz : al-Bayan wa al-t abyin, T.1, p. 113. 9 - Ibid., p. 113.

10 - On rappelle ainsi que l'un des plus grands crit iques du IVe siècle de

l'Hégire, Qudama ibn Dj afar a parlé de ce problème en posant la quest ion sur ce que peut signif ier le mot éloquent chez Abd al-Malik ben Qurayb al-Asmai (m. 213 / 828) aut eur d'anciennes ant hologies poét iques arabes : "celui qui, par ses expressions, rend noble la signif icat ion vile et rend vile la signif icat ion noble".

11 - Al-Dj ahiz : al-Bayan wa al-t abyin, T.1, p. 161. 12 - Ibid., p. 87.

13 - Ibid. , p. 136.

14 - Ibid., p. 88, "C’ est la connaissance de ce qui dist ingue ce qui est séparé de ce qui est lié".

15 - Ibid. , p. 88, "c'est f aire une division "du discours" en part ies convenables et choisir les paroles".

16 - Ibid., p. 88, "savoir êt re bref lors de l'improvisat ion et disert lorsqu'il f aut abonder".

17 - Ibid., p. 88, "C’ est exprimer clairement le sens, savoir exploit er l’ occasion et f aire des gest es habiles et signif icat ifs".

18 - Cf ., Marc Bergé : Pour un humanist e vécu, Abu Hayyan al-Tawhidi, essai sur la personnalit é morale, int ellect uelle et lit t éraire d’ un grand prosat eur et humanist e arabe engagé dans la sociét é de l’ époque bouyide, à Bagdad, Rayy et Chiraz, au IVe / Xe (ent re 310 / 922 et 320 / 932 – 414 / 1023), IFEAD, Damas 1979. Voir aussi, Yaqut Hamawi Rumi : Mugam udaba irshad al-gharib ila marifat al-adib, p. 70.

19 - Abu Hayyan al-Tawhidi : Kit ab al-Imt a wa al-muanasa, T.2, p. 140. 20 - Ibid. , pp. 140-141.

21 - Ibid. , p. 141. 22 - Ibid.

23 - Ibid.

(16)

- 74 -

27 - Ibid., t ome I, pp. 96 - 101.

28 - Abu Hayyan al-Tawhidi : Kit ab al-muqabasat , Ed. Muhammad Tawfiq Husayn, Mat baat , al-Irshad, Bagdad 1970, p. 327.

29 - Ibid. , pp. 327 - 328.

30 - Ibn Khaldun expose cet t e idée dans Muqaddimat Ibn Khaldun, Ed. par al-Dj uwaydi Darwish, al-Makt aba al-Asriyya, Beyrout h 1996, p. 553.

31 - Al-Khat t abi, cit é par Cl. Audebert : al-Khat t abi et l'inimit abilit é du Coran (t raduct ion et int roduct ion au Bayan idj az al-quran), Damas 1982, p. 88. 32 - Abu Hayyan al-Tawhidi : al-Muqabasat , p. 328.

33 - Ibid. , p. 328. 34 - Ibid., pp. 59 à 60.

Pour citer l'article :

 Dr Fat ma Khelef : La balagha arabe selon al Dj ahiz et Abu Hayyan al Tawhidi, Revue Annales du pat rimoine, Universit é de Most aganem, N° 13, 2013, pp. 59 - 74.

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