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2-c) La formation de nouvelles épines et mécanismes moléculaires impliqués

Chapitre III Les épines dendritiques et la plasticité structurale

III- 2-c) La formation de nouvelles épines et mécanismes moléculaires impliqués

Les stimulations glutamatergiques ont la capacité de modifier la morphologie des épines existantes et aussi d’induire la formation des épines dendritiques (Desmond et Levy, 1986a, 1986b ; Chang et Greenough, 1984). Tout comme la modification de la tête de l’épine, la LTP semble dans de nombreuses études augmenter la densité en épines (Engert et Bonhoeffer, 1999; Maletic-Savatic et al., 1999; Medvedev et al., 2012) menant à un schéma très retrouvé dans la littérature d’une corrélation entre l’activité synaptique glutamatergique et la spinogénèse. Une étude très élégante du groupe du Dr. Sabatini montra que lorsque le glutamate est décagé à proximité de l’arbre dendritique de neurones corticaux en tranches en absence de magnésium, il induit la formation d’une épine en moins d’une minute. Cette plasticité est dépendante de la voie des MAPK/ERK. De plus, ces nouvelles épines sont rapidement fonctionnelles puisqu’elles présentent bien une entrée de calcium lorsqu’elles sont stimulées (Kwon et Sabatini, 2011). Ces résultats sont en accord avec les précédents travaux du Dr. Zito dans lesquels avaient été mis en évidence que la majorité des nouvelles épines formées dans des neurones hippocampiques présentaient des courants AMPA similaires à ceux des épines préexistantes. Néanmoins, une faible proportion de ces nouvelles synapses présentent peu de ces courants, indiquant que ces nouvelles synapses peuvent être silencieuses (Zito et al., 2010).

Ces résultats vont à l’encontre de la théorie de la formation de nouvelles épines via le modèle filopode. En effet de nombreuses études ont mis en évidence que les épines en formation, avant de devenir mature avec tout le matériel nécessaire à leur activité, passent par un stade de filopode extrêmement dynamique recherchant un partenaire présynaptique afin de devenir une épine mature. Cela fut initialement observé en cultures primaires de neurones (Ziv et Smith, 1996). Le filopode est une protrusion dendritique sans tête remplie principalement de filaments d’actine et ne présentant pas, a priori, d’activité synaptique.

Lorsque celui-ci rencontre un élément présynaptique, le contact des molécules d’adhésion enclenche des voies de signalisation afin de former la tête et la PSD (Dailey et Smith, 1996;

Fiala et al., 1998). Ce modèle a été maintes fois mis en évidence en imagerie en temps réel ainsi qu’en microscopie électronique, mais il ne saurait résumer à lui seul comment une nouvelle épine nait et s’intègre dans le réseau. Ce mode de formation semble être en partie lié à l’état juvénile des neurones puisqu’il est relativement important avant l’âge d’un mois chez la souris, avec environ 12% des nouvelles épines sous forme de filopode à ce stade, contre

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seulement 2% à l’âge adulte (Grutzendler et al., 2002 ;Dailey et Smith, 1996). Ces résultats posent la question de la fonction de la formation d’un filopode chez le jeune mammifère. La grande longueur que peut prendre un filopode (de 2 µm à 20 µm) et sa mobilité auraient pour rôle d’optimiser la recherche du contact synaptique dans un réseau en plein développement dont on sait que la formation et le raffinement des synapses sont nombreux et essentiels. Par la suite, à l’âge adulte, la formation d’épines devient un phénomène rare créé par des conditions spécifiques d’apprentissage ou de pathologies (pour revue, Caroni et al., 2012). Il devient probablement plus intéressant de limiter cette optimisation de la recherche du contact synaptique au profit d’une épine active plus rapidement. En revanche, dans le striatum ou le cortex, même à des stades précoces, certaines études ne montrent pas de formation d’épines via un passage par un stade de filopode (Kozorovitskiy et al., 2012; Kwon et Sabatini, 2011).

L’hypothèse de l’âge ne peut donc pas totalement expliquer pourquoi certains neurones présentent ou non des filopodes.

Au niveau des mécanismes moléculaires responsables de la formation d’épines, l’implication de la MAPK/ERK a été de nombreuses fois montrée dans la littérature (pour revue, Sweatt, 2004). Nous avons cité tout d’abord Kwon et Sabatini dans la formation rapide en tranche en réponse au glutamate puisque cette expérience illustre bien le rôle de ERK dans la phase de pousse. Nous avons vu que la formation d’épines est étroitement liée à l’activité électrophysiologique du neurone (Engert et Bonhoeffer, 1999; Maletic-Savatic et al., 1999;

Medvedev et al., 2012) et ERK est une kinase jouant un rôle majeur dans la régulation de la LTP notamment (Davis et al. 2000). De plus, son activation a pu être observée au sein du compartiment dendritique de neurones hippocampiques (Martin et al., 1997; Winder et al., 1999). Par conséquent, son rôle dans la plasticité structurale était fortement envisageable.

Quelques années après les études montrant le lien entre LTP et nouvelles épines, Wu et al. ont pu mettre en évidence que l’exposition de cultures primaires hippocampiques à du U0126, un composé pharmacologique inhibiteur de la phosphorylation de ERK par sa kinase : MAPK- ERK Kinase (MEK), limitait la formation de nouveaux filopodes induits par l’incubation avec de la tétrodotoxine (TTX) (Wu et al., 2001). Par la suite, dans un même modèle biologique, Godin et Segal ont pu montrer que la voie ERK ainsi que la synthèse protéique étaient toutes deux essentielles à la formation de nouvelles épines suite à la stimulation des récepteurs NMDA (Goldin et Segal, 2003). Un an plus tard, dans un modèle de culture organotypique d’hippocampe, la voie ERK a été encore une fois mise en évidence dans la formation d’épines en réponse au BDNF (Alonso et al., 2004).

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Outre ces aspects assez fondamentaux dans des modèles ex vivo et in vitro, ERK est aussi essentielle à la plasticité structurale in vivo. Une étude parue en 2010 montre que cette kinase est essentielle à la formation d’épines dans le NAc en réponse à des injections répétées de cocaïne (Ren et al., 2010). Cette année-là est parue une autre étude montrant un rôle similaire dans le cortex de souris femelles traitées à l’estradiol, cette plasticité est aussi dépendante de la voie mTOR (pour major target of rapamycin), montrant encore une fois un rôle de la synthèse protéique possiblement locale dans ces processus (Tuscher et al., 2016).

En parcourant la littérature liant ERK et les épines nous pouvons voir que la synthèse protéique semble être aussi un mécanisme associé à la plasticité structurale. C’était d’ailleurs aussi le cas pour le maintien de l’élargissement de la tête des épines activées comme nous l’avons décrit dans le paragraphe précédent. Nous nous sommes demandé durant cette thèse s’il existait une voie pouvant réconcilier l’activation de ERK et la synthèse protéique dans le striatum. Notre attention s’est assez naturellement tournée vers un candidat encore assez peu étudié dans les neurones : la MAPK interacting Kinase-1 (MNK-1). MNK-1 est une kinase directement phosphorylée par ERK (Ueda et al., 2004) dans les compartiments dendritiques de tranches hippocampiques stimulées à l’aide d’un agoniste des mGluR1 (Banko et al., 2006). Par la suite, son rôle dans la LTP induite par des stimulations à haute fréquence dans l’hippocampe de rat fut mis en évidence dans le groupe du Dr Clive R. Bramham dans deux travaux récents dans lesquels l’infusion avec un inhibiteur de l’activité de MNK-1 : le CGP57380 bloquait totalement cette forme de plasticité (Panja et al., 2009, 2014).

MNK-1 régule la synthèse de protéines en phosphorylant le facteur d’initiation eucaryote 4E (eIF4E) qui est le premier déclencheur de la traduction puisqu’il va être le premier contact entre le complexe de traduction et l’Acide Ribonucléique messager (ARNm).

eIF4E forme un complexe avec eIF4A et se lie à eIF4G qui est une protéine d’échafaudage permettant le recrutement d’une protéine se liant à la queue poly-A (PABP) de l’ARNm. Ce complexe ainsi formé va s’associer à la partie 5’ de l’ARN et PABP se liant à la partie terminale 3’ permet une circularisation de l’ARN pour ainsi augmenter sa traduction. eIF4G se lie de plus au factor eIF3 qui lui-même recrute la sous-unité ribosomale 40S. En plus de cette voie de régulation de la traduction, eIF4E peut interagir avec les protéines 4E-BP (eIF4e-binding proteins), qui peuvent être phosphorylée par mTOR, limitant ainsi l’affinité des 4E-BP pour eIF4E, ce qui libère cette dernière et permet de former le complexe d’initiation de la traduction. Enfin eiF4E peut aussi se lier à CYFIP (Cytoplasmic FMR1- interacting protein 1) qui s’associe avec la protéine de retard mental de l’X fragile (FMRP).

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FMRP régule elle aussi des processus de traduction des protéines mais aussi la localisation de certains ARNm, la mutation de cette protéine engendrant des altérations dans la formation et la maturation des épines dendritiques (pour revue, Gal-Ben-Ari et al., 2012) (Figure 16).

Figure 16. Schéma des différentes étapes de la traduction des ARNm implication eIF4E.

eIF4E se lie en premier avec l’ARNm, sa phosphorylation par MNK-1 permet notamment la formation du complexe d’initiation de la traduction (d'après Gal-Ben-Ari et al., 2012).

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Même si le rôle de MNK-1 dans la LTP a été plusieurs fois décrit, son implication dans la plasticité structurale était inconnue jusqu’à l’arrivée de résultats récents montrant en cultures primaires de neurones hippocampiques que son inhibition par le CGP bloquait l’augmentation de la densité en épines dendritiques suite à l’ajout de leucine dans un milieu de culture déplété en acides aminés (Shih et Hsueh, 2016).

III-2-d) Pousse d’une protrusion dendritique : la théorie de la nucléation de l’actine Les épines dendritiques possèdent des caractéristiques proches des lamellipodes, notamment en ce qui concerne leur squelette d’actine, tout en ayant une plus grande stabilité.

La formation de l’évagination membranaire fine serait liée à un phénomène appelé la nucléation de l’actine permettant de créer une force nécessaire à la formation et au maintien de la structure (Figure 17). Un des acteurs principaux serait le complexe protéique Arp2/3 qui se fixe sur un filament d’actine existant permettant le recrutement d’un autre filament formant ainsi un embranchement de 70° d’angle. Arp2/3 seul ne permet pas une nucléation efficace puisque son activité basale est faible, pour jouer son rôle il est assisté de facteurs de promotion de la nucléation (les NPF) qui en interagissant avec Arp2/3 vont augmenter son activité. Ce mécanisme, décrit de façon simplifiée, permet d’activer la nucléation de Arp2/3 au niveau de la membrane et ainsi engendrer une force protrusive permettant la formation de la future épine dendritique. Il existe plusieurs types de NPF, mais nous allons nous concentrer sur la famille des WAVE et notamment WAVE1 et WAVE2, toutes deux enrichies dans le cerveau de mammifères et dont le KO respectif entraîne des anomalies de formation cérébrale (pour revue, Campellone et Welch, 2010). Il a été montré que WAVE2 forme un complexe avec Abi1 et la dysbindine1 régulant la structure des épines de neurones primaires de cultures primaires hippocampiques, le KO dysbidine-1 présentant des épines longues et immatures (Ito et al., 2010). En plus de leurs rôles fonctionnels, la localisation de ces NPF est elle-aussi intéressante dans l’étude de la plasticité synaptique, puisqu’ils sont situés à l’intérieur ou à proximité de la PSD (pour revue, Chazeau et Giannone, 2016), permettant ainsi de créer un réseau branché dense au niveau de la tête d’épine et d’aider au maintien de cette morphologie particulière. De plus, WAVE-2 possède un site de phosphorylation par ERK augmentant la formation et la mobilité de lamellipodes en modèles de lignées cellulaires (Mendoza et al., 2011), ce qui en fait des protéines de grand intérêt dans la réflexion de ma thèse. Enfin dans les neurones, ERK peut être situé dans la synapse et donc à proximité de WAVE (Boggio et al., 2007).

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Figure 17. Représentation schématique du phénomène de nucléation de l’actine dans la formation du lamellipode à gauche et les changements de morphologie de l’épine à droite (modifié de Chazeau et Giannone, 2016).