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Chute vs. Rattrapage : mécanismes de différenciation

survenir de n’importe où, et donc inclure une composante latérale. Il peut donc être intéressant de ne pas limiter l’étude du contrôle postural compensateur au plan sagittal. Or peu d’études se sont centrées sur les perturbations médio-latérales de la posture debout. Il est d’autant plus pertinent de le faire que la direction médio-latérale de chute est à la fois très fréquente et aussi la plus dangereuse. Les chutes latérales sont responsables d’un pourcentage important des chutes avec/sans blessures (Nevitt et Cummings, 1993). Elles impliquent une proportion de chutes avec un impact sur le côté plus fréquent (Maki et McIlroy, 1996 ; Holliday et coll. 1990) ; une force et une vitesse d’impact plus élevées, ce qui peut résulter en une fracture de la hanche (Nankaku et coll. 2005). La capacité d’éviter une chute latérale serait aussi sinon plus importante que la qualité osseuse ou de l’IMC pour les facteurs de risques de chute avec fracture (Hayes et coll. 1996 ; Greenspan et coll. 1994).

De plus, les effets de l’âge et de la pathologie sont plus prononcés en direction latérale (Mitchell et coll.

1995 ; McClenaghan et coll. 1995). Il a été montré que les personnes âgées présentent une instabilité latérale particulièrement importante Henry et coll. (1996), ce qui peut être nuisible à la fois lors d’une rééquilibration dans l’axe antéro-postérieur (nécessite aussi un contrôle du corps dans le plan frontal) et représente de toute évidence un enjeu lors d’une perturbation médio-latérale. Les mesures d’instabilité latérale et la capacité à répondre à une perturbation médio-latérale seraient mêmes de bons prédicteurs du risque de chute (Maki et coll. 1994 ; Maki, 1995 ; in Claudino 2013). Enfin, les réactions à changement de support lors d’une perturbation médio-latérale sont d’autant plus intéressantes à étudier qu’elles sont compliquées à mettre en œuvre. D’ailleurs, une preuve indirecte est apportée par une vidéo de chutes survenant « naturellement » en institution gériatrique : 25% des chutes enregistrée sont précédées par des tentatives vaines de récupérer son équilibre à l’aide d’un pas latéral (Maki et McIlroy 1996,1997 ; Holliday et coll. 1990).

La chute est principalement étudiée chez les personnes âgées, un public dont on a vu en préambule qu’il était le plus touché par ces fâcheux épisodes. Les modifications liées à l’âge (sarcopénie, acuité sensorielle réduite, traitement central et temps de réaction moteur ralentis,.) contribuent aux difficultés des personnes âgées à gérer leur équilibre postural. Cependant, les mécanismes de rééquilibration mis en œuvre peuvent aussi être défaillants. Par-exemple, le pas censé empêcher la perte complète de l’équilibre est « initié et/ou exécuté de façon incorrecte et inappropriée » chez les personnes âgées, rapportent Chandler et coll. (1990) ou Rogers (1996). Il est donc légitime de se demander dans quelle mesure les mécanismes « facilitant » l’apparition d’une chute lors d’une tentative de rééquilibration sont identiques chez un public de jeunes adultes sédentaires ne parvenant pas à se rattraper. A notre connaissance, la question n’a pas été abordée jusqu’à présent, c’est pourquoi nous avons jugé intéressant d’évoquer les principaux résultats qualifiant l’ (in-)efficience des réponses posturales chez les personnes âgées pour pouvoir juger ensuite de leur éventuelle transversalité ou générécité.

Parmi les mécanismes identifiés comme contribuant à une chute et listés ci-après, il est tout d’abord possible de dissocier les paramètres de cinématique globale, ceux qui sont relatifs au pas (voire à la marche lorsque la déstabilisation imposée consiste à la perturber) et les facteurs discriminants d’un point de vue musculaire.

Au-niveau de la cinématique globale, il est fait état de :

‐ Contrôle insuffisant du déplacement du CM et/ou déplacement accentué du tronc, en termes d’accélération, d’angle et de vitesse de flexion ou hyper-extension, selon la direction de la perturbation (Owings et coll. 2001 ; Grabiner et coll. 2008 ; Barrett et coll. 2012 ; Pavol et coll. 2001)

‐ Amplitudes articulaires réduites au niveau d’articulations-clé, ou au contraire plus élevées (Barrett et coll. 2012)

Comment qualifier l’échec de ces stratégies compensatrices, du point de vue des actions motrices  et  activités  musculaires  sous‐jacentes : Sont‐elles  inexistantes,  tardives,    inadéquates  (stéréotypées,  mal sélectionnées), incomplètes, inappropriées (bras dans le mauvais sens ?..), insuffisantes, inefficientes  (amplitude trop faible,..),. ? Au niveau musculaire, les activités importantes de co‐contraction conduisent‐

elles  à  une  rigidification  telle  qu’elles  ne  permettent  pas  un  rattrapage ?  En  effet,  ces  co‐contractions  voire  éventuellement  des  « startle  reactions »  pourraient  être  le  témoin  d’un  état  anxiogène  peu  bénéfique à une régulation posturale efficace et flexible (au sens propre comme au figuré).

La recherche des composantes connexes du terme ‘ECHEC’ ou ses attributs dans le sens commun nous a  permis  d’émettre  des  hypothèses  qualitatives  quant  aux  raisons  susceptibles  d’expliquer  pourquoi  une  personne  tombe.  C’est  …une réaction  qui  n’a  pas  le  temps d’aboutir, un problème qui n’est  pas  résolu  dans  les  temps  impartis,  une  stratégie  qui  fait  naufrage,  une  erreur  dans  les  choix  effectués,  une  stratégie  avortée,  un  défaut  de  calibrage,  un  excès  de  prudence,  le  manque  d’un  but  bien  précis,  le  manque  d’ambition,  la  peur  sous  toutes  ses  formes,  le  manque  de  décision,  la  paresse,  une  mauvaise  connaissance de  soi, un manque  d’imagination; un crash/une chute;  l’incapacité à trouver les clés pour  évoluer;  un  comportement  réflexe  et  non  réfléchi,  rigide,  non  adaptable/flexible ;  On  trouve  encore 

« l’échec signe la difficulté à assurer son avenir » ou « l’indifférence est le commencement de l’échec ». 

‐ Capacité moindre à atténuer l’accélération imposée (Van Dieen et coll. 2007 ; Sturnieks et coll. 2013), accélération linéaire de la tête plus élevée (Jensen et coll. 2001)

‐ Synergie en flexion rapidement déclenchée, par-exemple, après une glissade imposée bruquement pendant la marche (146-199 ms) (Marigold et Patla, 2002)

‐ Ajustements compensateurs secondaires nécessaires, traduisant la difficulté voire l’échec à se rééquilibrer : large élévation des bras, bouffées musculaires multiples, au niveau du pas de rattrapage, composante latérale, plusieurs pas successifs, …) (Mille et coll. 2003 ; Luchies et coll. 1994 ; Jensen et coll. 2001 ; Tang et Woollacott, 1998 ; Marigold et Patla, 2002)

Au-niveau du/des pas de rattrapage, il est fait état de :

‐ Prévalence et fréquence de pas: les personnes âgées font plus de ‘multiples pas’ que les jeunes adultes ; un résultat confirmé par de nombreuses études (Chandler et coll. 1990 ; Luchies et coll. 1994 ; Maki et coll. 1993, 2000 ; Rogers, 1996 ; Wolfson et coll. 1986 ; Pai et coll. 1998).

‐ Temps de réaction plus long (Owings et coll. 2001) (le ‘‘Toe-Off’’ a lieu plus tard), durée de la réponse posturale plus longue et/ou vitesse d’exécution du pas plus lente (‘’step time’’) (Hsiao-Wecklser et Robinovitch, 2002). Zhang et coll. (1993) ont également constaté qu’avec l’âge, les réactions de pas latéral sont plus lentes. Cependant, les résultats vont parfois en sens inverse : de nombreux auteurs observent un déclenchement du pas au même moment, et retrouvent une stabilité de ce paramètre quel que soit le groupe étudié (Thelen et coll. 2000). D’autres comme Tang et Woollacott (1998) observent une reprise de contact controlatérale du pied au sol plus précoce. Enfin, il est aussi fait état d’un pas compensateur initié plus tôt que chez les jeunes adultes: « The older adults step before they need to » (Mille et coll. 2005). Lorsque l’état de stabilité est pris comme référence, le pas est déclenché à une sévérité de perturbation posturale plus faible (Jensen et coll. 2001 ; Mille et coll. 2003).

Cependant, il faut nuancer ce résultat car au même niveau de perturbation imposé, l’état de stabilité des personnes âgées (évalué grâce à l’accélération du CM) serait plus critique que celui des jeunes adultes (Hasson et coll. 2009 ; Scheltz, 2006)

‐ Placement du pied servant au rattrapage incorrect (cf. revue de Redfern, 2001), longueur de pas insuffisante (Owings et coll. 2001), pas latéral additionnel, trajectoire ou placement du pied de la jambe oscillante à l’atterrissage à déviation latérale par rapport au CM, témoignant d’une instabilité latérale et/ou de l’incapacité à arrêter le mouvement de chute latéral une fois que la jambe libre est levée (Troy et coll. 2008), rapport entre la vitesse du pied qui glisse et la vitesse du CM supérieur aux non-chuteurs (Troy et coll. 2008).

Au-niveau des activités musculaires, il est fait état de :

‐ Latences musculaires plus longues (Woollacottt et coll. 1986, Hasson et coll. 2009 ; …)

‐ Durée des bouffées musculaires plus longue pour parvenir aux mêmes effets mécaniques (Tang et Woollacott, 1998)

‐ Amplitudes réduites au niveau des agonistes musculaires (Tang et Woollacott, 1998), ou selon d’autres études, plus élevées, au contraire.

‐ Bouffée initiale d’activité plus faible (Allum et coll. 2002 ; Lin et Wollacott, 2002)

‐ Co-activation plus longue (Tang et Woollacott, 1998), ou plus prononcée (Pijnappels et coll. 2006).

Dans leur étude, Nelson-Wong et coll. (2012) ont montré qu’une co-contraction musculaire élevée dans les membres inférieurs lors de challenges de l’équilibre statique ou dynamique était associée au vieillissement et prédicteur d’un risque de chute. Sur la base du temps requis par le participant pour accomplir le Four Square Step Test et des index de co-contractions lors de tâches d’équilibre statique, il est possible de prédire d’un risque futur de chute.

‐ Les personnes âgées mettent plus de temps pour désactiver certains muscles ou en activer d’autres (Thelen et coll. 2000)

‐ Absorption réduite de l’énergie de la perturbation par les muscles (Hall et Jensen, 2002) En réponse à un déplacement latéral de la surface de support, il est fait état de :

Les résultats divergent également, par-exemple concernant la stratégie de pas employée : les jeunes comme les adultes âgés utiliseraient de manière prépondérante les pas de type Cross-Over (CO) et Side- Step (SS) pour se rattraper (Maki et coll. 2000). Les jeunes adultes privilégient le croisement du pied devant ou derrière lors d’un pas de rattrapage (Maki et coll. 1996, 2000). Cependant, Hurt et coll. (2011) ont montré que, sans instruction précise, la réponse prédominante était plutôt de type SS, contrairement à ce qui a pu être trouvé dans d’autres études. Certaines études observent que les personnes âgées utilisent davantage la stratégie de CO (Mille et coll. 2005) (-les SS représentent 5% des réponses vs. 33% pour les CO-) tandis que d’autres trouvent que le side step (SS), moins exigeant, est privilégié par les personnes âgées (Maki et coll. 2000). Parmi les autres critères distinctifs suite à une perturbation médiolatérale, on retrouve le fait que les personnes âgées ont besoin de réaliser plusieurs pas pour se rattraper, d’utiliser davantage les bras, etc. (Mille et coll. 2005 ; Maki et coll. 1996, 2000). De manière plus spécifique à cette perturbation, un phénomène de collision entre la jambe d’appui et le pied du swing est plus présent chez les personnes âgées (observé dans 55% des essais vs. 8% chez les jeunes adultes (Maki, in Duysens et coll. 2001)

Autres différences observées :

- les jeunes adultes montrent une tendance à stabiliser le haut du corps et minimiser les mouvements de la tête ; mais le restant du corps présente un comportement multi-articulé. Chez les personnes âgées, on observe une rigidification globalisée à l’ensemble du corps, qui pourrait être au détriment d’un comportement flexible adapté. Cette rigidification qui est aussi observée dans le cas d’un choc automobile attendu ou chez certains sujets (qualifiés de « stiff » à l’inverse des « floppy » par Vibert et coll.

2001) suscite des questionnements : est-ce un facteur délétère au mouvement articulaire ou une stratégie choisie par les personnes âgées ? au contraire, est ce le témoin d’un ‘déficit’ postural adaptatif, et le signe de l’implication de circuits neurologiques de bas niveau, à l’image de la motricité

« immature », développée par les enfants de bas âge ?

- un autre critère distinctif est représenté par la présence de mouvements segmentaires additionnels après le pas initial et reflète probablement l’instabilité (Tang et Woollacott, 1998), en ce sens que la nouvelle BS établie par la réaction compensatoire initiale est insuffisante pour capturer et stopper le mouvement du CM. Un modèle biomécanique du step antéropostérieur a montré une association entre

un niveau d’instabilité au moment du pas initial et la tendance à réaliser ensuite d’autres pas (Maki et McIlroy, 1999). Cette tendance, pourrait, à la manière des mouvements de bras, résulter d’une erreur ou d’une inadéquation dans la planification et/ou l’exécution du pas initial. Cependant, ce besoin de mouvements supplémentaires peut aussi refléter un changement dans la perception de l’instabilité, ou des facteurs psychologiques tels que la peur de tomber, et non une effective baisse de la stabilité au moment du pas initial. Cependant, les réactions additionnelles mettent en danger la stabilité et augmentent le risque de tomber car à chaque fois qu’on lève le pied, l’instabilité latérale doit être corrigée ; et chaque tentative de déplacer le pied peut engendrer une erreur (exemple : collision entre les 2 membres) nuisant à la stabilité.

En résumé, à la simple vue de ces résultats, plusieurs questions restent en suspens. Tout d’abord, il est difficile de discerner si la variable discriminante est la cause ou la conséquence d’une chute ou d’une instabilité : par exemple, l’utilisation prégnante des bras et la large élévation souvent observée chez les personnes âgées peut émerger en soutien de la stabilisation du tronc, et donc provenir du besoin d’ajustement compensateurs secondaires dû à l’instabilité prononcée par ce déplacement. D’autre part, si des différences ont pu être mises en évidence, témoignant souvent d’une organisation spatio- temporelle altérée (Tang et Woollacott, 1998), certaines similitudes entre les jeunes adultes et les personnes âgées (rattrapages/chutes) sont aussi observées, allant parfois à contre-sens d’autres résultats. Nous avons cité par exemple le fait que les muscles posturaux prédominants et leur séquence d'activation soient similaires ; Jensen et coll. (2001) montrent par-ailleurs qu’il n’y a pas de différence sur le moment d’initiation du pas compensatoire ou au niveau des moments segmentaires, etc. Les différences observées sont parfois contradictoires : certains trouvent une durée de la phase oscillante plus longue, quand d’autres montrent une reprise de contact au sol plus précoce ; de même, certaines études trouvent un temps de réaction plus long, lorsque d’autres montrent qu’un pas de rattrapage est initié à un niveau d’instabilité plus faible. Cette hétérogénéité de résultats peut s’expliquer par des différences méthodologiques. La caractérisation des réponses posturales inefficientes est à relier au contexte déstabilisateur. Par-exemple, lors d’un trébuchement appliqué pendant la marche, l’étude des stratégies d’abaissement/élévation (Winter et Patla, 1994) ou de la variation des paramètres locomoteurs présente une pertinence limitée selon le protocole de recherche choisi. Néanmoins, bien que la réponse soit spécifique à la perturbation employée, il nous a semblé intéressant de questionner le rôle clé et récurrent joué par certaines variables dans l’occurrence d’une chute. De plus, l’étude de Owings et coll.

(2001) a montré que les mécanismes contribuant à une chute lors d’un trébuchement présentent les mêmes caractéristiques que ceux identifiés lors d’une accélération brutale d’un tapis roulant. Enfin, ces études n’ont pas hiérarchisé les variables qui apparaissaient comme étant discriminantes. Ce serait la combinaison des paramètres distinctifs qui résulte en une stratégie de rééquilibration (des personnes âgées) moins et/ou peu efficace.

Il faut souligner l’incertitude liée au fait de savoir si les différences observées résultent d’un (mauvais) choix stratégique, qui serait volontaire ou délibéré de la part du futur chuteur ; ou si elles sont le résultat d’une déficience posturale. Grabiner et coll. (2008) montrent également que la stratégie d’équilibration adoptée peut être qualifiée de plus conservatrice (longueur de pas plus courte, contact avec le talon plus tôt,.) chez les personnes âgées ; un constat également fait par Hasson et coll. (2009).

Un dernier point méritant d’être souligné dans la différenciation Chute/Rattrapage repose sur le constat que les personnes âgées ne modifient pas leur stratégie malgré la répétabilité des perturbations.

Par-exemple, ils restent incapables de se rééquilibrer à l’aide d’un seul pas. Ce facteur a été lié de manière propective à un risque de chute par Hilliard et coll. (2008). La faculté d’adaptation et la façon dont elle se concrétise dans les réponses posturales fait l’objet de la sous-partie suivante. La modification des réponses posturales suite à l’habituation est intéressante à décrire, car la familiarisation à la perturbation s’accompagne d’un plus grand nombre de rattrapages, ce qui signifie que les stratégies employées sont plus efficaces.