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La réponse à l’inhibition du microprocesseur dépend du contexte

II. R EPONSE A L ’ INHIBITION DU MICROPROCESSEUR DEPENDANTE DU CONTEXTE CELLULAIRE

II.1 La réponse à l’inhibition du microprocesseur dépend du contexte

Nos travaux ont permis d’identifier des cellules cancéreuses dépendantes de la voie miRNA.

Dans ces cellules, l’inhibition du microprocesseur conduit à un arrêt de la prolifération des colonies que nous avons appelé CoGAM (« Colony Growth Arrest induced by Microprocessor inhibition »). Ce phénotype se caractérise par un arrêt de la prolifération cellulaire après quelques divisions des cellules transfectées et sélectionnées à faible densité, donnant lieu à des petits clones d’une dizaine de cellules incapables de former des colonies macroscopiques. Ce phénotype ne semble s’apparenter à aucun mécanisme connu. Nous avons montré que les cellules n’étaient pas sénescentes. De plus, elles peuvent être maintenues dans cet état d’arrêt cellulaire, avec des cellules adhérentes visibles, jusqu’à environ un mois en culture sans reprise de la prolifération ni mort cellulaire, ce qui semble peu compatible avec l’activation d’un point de contrôle du cycle cellulaire sur une aussi longue période, les cellules subissant généralement une adaptation avec reprise du cycle cellulaire au bout d'un certain temps (Syljuasen, 2007).

Nous ne pouvons formellement exclure que les cellules soient entrées dans un état quiescent même si plusieurs évidences vont à l’encontre de cette hypothèse. Tout d’abord, l’analyse du cycle cellulaire dans ces cellules a montré que, malgré une augmentation significative des cellules en G0/G1 du cycle cellulaire, une quantité non négligeable des cellules arrêtées étaient en phases S et G2/M. De plus, la privation en sérum des cellules MCF-7 ne les empêche pas de proliférer (données personnelles), confirmant la difficulté de faire entrer en quiescence ces cellules tumorales.

Le fait que l’inhibition du microprocesseur entraine un arrêt de la prolifération dans des cellules tumorales n’a jusqu’à présent jamais été décrit. Au contraire, la diminution globale des miRNAs et l’inhibition de la voie miRNA ont été associées à une augmentation de la tumorigenèse dans les cellules transformées (Lu et al., 2005; Kumar et al., 2007; Kumar et al., 2009; Melo et al., 2009; Lambertz et al., 2010; Melo et al., 2010). Toutefois, les liens entre inhibition globale de la voie miRNA et augmentation de la tumorigenèse ne sont pas encore très clairs. En effet, une majorité de miRNAs est diminuée dans les tumeurs par rapport aux tissus normaux, et il a été proposé que cela puisse refléter un état de dé-différentiation des tumeurs (Lu et al., 2005), la

diminution des miRNAs constituant dans ce cas plus un marqueur de dé-différentiation qu’une cause de la tumorigenèse. On sait en effet que de nombreux miRNAs interviennent dans les processus de différentiation, et que les miRNAs supportant la prolifération, notamment dans les cellules souches, sont beaucoup moins nombreux. L’approche réciproque, consistant à inhiber de manière globale la voie miRNA et ayant conduit à une augmentation de la tumorigenèse dans certains modèles tumoraux, passe vraisemblablement par l’inhibition de miRNAs suppresseurs de tumeurs dans les modèles utilisés. Kumar et al. ont par exemple montré que, dans leur modèle de tumeurs du poumon induites par K-RasG12D, l’augmentation de tumorigenèse pourrait être liée en partie à la diminution de l’expression de miRNAs de la famille let-7, inhibiteurs des oncogènes K-ras et c-myc (Kumar et al., 2007). La diminution globale des miRNAs n’est donc pas incompatible avec une diminution d’une majorité de miRNAs intervenant dans la différentiation, plutôt suppresseurs de tumeurs, et une augmentation de certains miRNAs individuels jouant un rôle oncogénique en soutenant la prolifération ou la survie dans certaines cellules tumorales.

Notre approche a permis de montrer que, parmi toutes les lignées cellulaires tumorales testées, les 3 lignées dépendantes du microprocesseur sont des lignées de cancer du sein de type luminal (MCF-7, T47-D et ZR-75-1) (Neve et al., 2006; Kao et al., 2009), tandis que 2 lignées de cancer du sein de type basal continuent de proliférer après inhibition du microprocesseur. Bien qu’il ne s’agisse que d’une corrélation à ce stade, ce résultat confirme que la réponse à l’inhibition du microprocesseur est spécifique du contexte cellulaire. Notons que nous avons testé un nombre limité de lignées cellulaires et qu’il est très probable que d’autres types tumoraux puissent dépendre de la même manière de la voie miRNA. Le fait que la réponse à l’inhibition de la voie miRNA dépende du type cellulaire tumoral est cohérent avec (i) l’existence de profils d’expression des miRNAs très spécifiques du tissu et du type tumoral, (ii) des voies de prolifération et/ou de survie activées ou mutées également très spécifiques de chaque type tumoral, et (iii) l’existence de miRNAs suppresseurs de tumeurs et de miRNAs oncogènes (oncomiRs), dont les rôles dépendent également du type et du contexte cellulaire, comme cela a été décrit dans l’introduction. Nos résultats montrent donc que, dans les cellules de cancer du sein de type luminal, certains miRNAs seraient impliqués dans le contrôle de voies importantes pour la prolifération ou la capacité des cellules à cloner. Notre découverte de plusieurs miRNAs individuels capables de complémenter le phénotype CoGAM dans les cellules MCF-7 a constitué un point de départ à la recherche de ces voies de signalisation importantes dans les cellules dépendantes du microprocesseur. Nous avons pour cela recherché des cibles des miRNAs identifiés, potentiellement impliquées dans le phénotype CoGAM. Nous avons montré que l’inhibition de la voie p53/p21 n’avait pas d’effet sur la mise en place du phénotype CoGAM. En revanche, nous avons montré que l’inhibition concomitante de PTEN avec celle du

microprocesseur permettait de restaurer partiellement la prolifération des cellules dépendantes du microprocesseur, ce qui suggère un rôle de la voie PI3K/Akt dans la biologie de ces cellules tumorales. Or, les lignées considérées sont précisément mutées dans la voie PI3K/Akt (Hollestelle et al., 2007), ce qui suggère que cette voie est en effet importante dans la tumorigenèse de ces cellules. Les lignées MCF-7 et T47-D possèdent une mutation activatrice de PIK3CA. La lignée ZR-75-1 possède en revanche une mutation d’un allèle de PTEN et une délétion de l’autre allèle, mais exprime tout de même une faible quantité de la protéine PTEN mutée (Weng et al., 1999; Hlobilkova et al., 2000). Il n’est pas établi si cette version de PTEN est fonctionnelle. Ce point soulève donc la question de l’implication directe de PTEN dans le phénotype CoGAM. Etant donné que nous avons déterminé l’implication de PTEN dans la lignée MCF-7, il n’est pas exclu que, dans les cellules ZR-75-1, le phénotype CoGAM passe également par une inhibition de la voie PI3K/Akt indépendamment de PTEN. Une autre hypothèse est que la faible quantité de PTEN muté qui s’exprime dans les ZR-75-1 soit fonctionnelle. Auquel cas, la dé-répression de PTEN par l’inhibition des miRNAs pourrait également intervenir dans le phénotype CoGAM dans les ZR-75-1. Par ailleurs, il faut noter qu’un rôle de PTEN indépendant de son activité phosphatase des lipides (nécessaire à l’activation de la voie PI3K/Akt) mais dépendant de son activité phosphatase des protéines a été décrit dans l’arrêt du cycle cellulaire induit dans les cellules MCF-7 (Hlobilkova et al., 2000; Weng et al., 2001). Weng et al. ont montré que l’activité phosphatase des protéines de PTEN était suffisante pour inhiber l’expression de la cycline D1 dans les MCF-7 (Weng et al., 2001), ce qui n’est pas le cas dans des lignées cellulaires de glioblastome déficientes pour PTEN, où seule la version sauvage de PTEN, possédant l’activité phosphatase des lipides, a permis d’inhiber la cycline D1 (Radu et al., 2003). Ainsi, si l’activation de la voie PI3K/Akt semble l’hypothèse la plus vraisemblable dans la complémentation de CoGAM obtenue par l’inhibition de PTEN dans les MCF-7, on ne peut exclure des effets dépendants de PTEN mais indépendants de cette voie.

Récemment, une étude a décrit l’effet de l’inhibition de la voie miRNA sur le potentiel invasif de lignées de cancers du sein (Noh et al., 2011). En inhibant Drosha, DGCR8 ou Dicer par des shRNA produits à partir de lentivirus, les auteurs ont montré que des lignées métastatiques de type basal, comme MDA-MB-231, présentaient une augmentation de leur potentiel invasif in vitro, tandis que le potentiel invasif les lignées de type luminal MCF-7 et T47-D n’était pas augmenté.

L’étude a montré que cette différence passait par l’augmentation de l’expression de la protéine uPA (« urokinase-type plasminogen activator ») suite à l’inhibition des miRNAs dans les lignées invasives, qui expriment déjà de base cette protéine impliquée dans la dégradation de la matrice extracellulaire et donc l’invasion. Les résultats de cette étude montrent donc une différence fonctionnelle de réponse à l’inhibition du microprocesseur concernant un autre processus,

l’invasion, dans ces deux types de lignées de cancers du sein. Si les auteurs ne mentionnent pas d’effet sur la prolifération ou la capacité à cloner des lignées non invasives, c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas analysé ces phénomènes. En effet, avec le système inductible pour l’inhibition de Drosha que nous avons mis en place, nos résultats préliminaires suggèrent qu’il faille passer par une dilution clonale des cellules pour visualiser une diminution de la capacité des cellules à former des colonies. Une autre possibilité concerne l’aspect quantitatif de l’inhibition. En effet, il semble que l’inhibition de Drosha et DGCR8 soit moins efficace dans cette étude qu’entre nos mains avec les vecteurs épisomaux. Ce dernier point soulève la possibilité que les différences de réponse à l’inhibition du microprocesseur obtenues en fonction des lignées cellulaires que nous avons étudié puissent être liées en partie à des différences dans l’efficacité de l’inhibition du microprocesseur.

II.2 Potentielle implication d’une composante quantitative dans la réponse à