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Expression mutuellement exclusive : induction de transitions, sauvegarde et

I. L A VOIE MICRO -ARN

I.4 Rôles biologiques

I.4.1 Expression mutuellement exclusive : induction de transitions, sauvegarde et

De la même manière que lin-4 et let-7 dans le développement hétérochronique de C. elegans, l’expression d’un miRNA à un moment précis peut permettre d’amorcer une transition au cours du développement ou de la différentiation en réprimant une ou des cible(s) à un niveau d’expression virtuellement zéro, où elles ne sont plus fonctionnelles. Par exemple, miR-124 participe à la différentiation neuronale en ciblant notamment PTBP1 (« polypyrimidine tract binding protein 1 »), ce qui a pour conséquence un épissage alternatif permettant l’expression d’une protéine spécifique au développement du système nerveux, et SCP1 (« small C-terminal domain phosphatase 1 »), une phosphatase anti-neurale dont la répression est nécessaire à l’induction de la neurogenèse (Makeyev et al., 2007; Visvanathan et al., 2007). De même, miR-181 joue un rôle dans la différentiation des myoblastes en cellules musculaires chez les mammifères, entre autres en ciblant la protéine Hox-A11 (Naguibneva et al., 2006). Il est intéressant de noter que miR-181 s’exprime transitoirement au moment de la différentiation et pas dans le muscle adulte, sauf au niveau de fibres musculaires en cours de régénération,

indiquant qu’il joue un rôle dans l’induction de la transition myoblastes-cellules musculaires différenciées, et pas dans le maintien du phénotype différencié. On peut également citer l’exemple de miR-203, nécessaire à la différentiation précoce de l’ectoderme en épiderme, mis en évidence grâce à un modèle de différentiation de cellules ES humaines en kératinocytes in vitro (Nissan et al., 2011). Enfin, des cellules ES de souris déficientes pour le gène DGCR8, donc déficientes en miRNAs matures, sont incapables de se différencier correctement et maintiennent l’expression de facteurs de pluripotence après induction de la différentiation par différents protocoles, confirmant le rôle essentiel des miRNAs dans le processus de différentiation (Wang et al., 2007).

Ce type d’expression mutuellement exclusive (spatiale ou temporelle) entre un miRNA et sa cible permet aussi de maintenir la répression de gènes qui ne doivent pas s’exprimer dans un type cellulaire donné (Stark et al., 2005): expression mutuellement exclusive entre un état souche et un état différencié, entre deux types cellulaires voisins, ou entre un état quiescent et un état prolifératif par exemple. Le miRNA peut alors constituer une sauvegarde supplémentaire à l’encontre de fuites de transcription de gènes dont l’expression, déjà réprimée transcriptionnellement, doit être nulle dans le type cellulaire concerné (Stark et al., 2005; Li et al., 2009a). Dans ce cas, le même facteur de transcription peut être responsable de la répression de la cible au niveau transcriptionnel, et de l’induction du miRNA qui assure une sauvegarde supplémentaire au niveau post-transcritionnel. Rosa et al. montrent par exemple que, dans les cellules ES humaines, le facteur de pluripotence OCT4 réprime transcriptionnellement NR2F2, tandis qu’il active l’expression du cluster miR-302, codant pour 4 variants de miR-302 (a-d), qui assurent un niveau supplémentaire de répression en ciblant NR2F2 au niveau post- transcriptionnel (Rosa and Brivanlou, 2011). Ce facteur de transcription est induit au début de la différentiation neurale et responsable de l’activation transcriptionnelle de gènes neuraux (Figure 10).

Lorsqu’un miRNA fonctionne en s’exprimant de manière mutuellement exclusive avec la cible, son effet est souvent renforcé par une boucle de régulation mutuellement répressive (directe ou indirecte) avec la cible (Fazi et al., 2005; Johnston et al., 2005; Li and Carthew, 2005; Bracken et al., 2008; Rybak et al., 2008; Hassan et al., 2010; Dey et al., 2011; Rosa and Brivanlou, 2011). Ces boucles de répression mutuelles permettent de renforcer la bistabilité, c’est-à-dire l’expression du miRNA ou de la cible exclusivement dans l’un ou l’autre des deux états possibles de la cellule (Figure 10). Par exemple, dans le cas de la régulation OCT4/miR-302/NR2F2, NR2F2 réprime aussi transcriptionnellement OCT4 (Rosa and Brivanlou, 2011), incluant indirectement miR-302 dans une boucle de régulation négative, assurant que lorsque l’expression de NR2F2 est induite

lors de la différentiation, l’expression de OCT4, et par conséquent de miR-302, est inhibée (Figure 10). Un exemple simple de boucle bistable directe a été mis en évidence dans le développement de l’œil chez D. melanogaster où le facteur de transcription Yan réprime la transcription de miR-7 dans les progéniteurs, et miR-7 réprime l’expression de Yan dans les photorécepteurs différentiés (Li and Carthew, 2005). Le « switch » d’expression est amorcé par la voie EGFR qui entraine transitoirement la dégradation de Yan au moment de la différentiation des progéniteurs. Chez les mammifères, lin-28, un marqueur de pluripotence exprimé dans les cellules ES, est une cible du miRNA let-7 (Rybak et al., 2008; Zhong et al., 2010), lui-même exprimé au contraire dans les cellules différenciées, et notamment au moment de la différentiation des cellules ES en cellules souches neurales (Rybak et al., 2008). Or, lin-28 inhibe la production de let-7 mature dans les cellules ES en bloquant sa maturation à deux niveaux : dans le noyau, sa fixation au niveau de la boucle de pri-let-7 bloque la maturation en pre-let-7 par le microprocesseur (Piskounova et al., 2008; Viswanathan et al., 2008; Newman and Hammond, 2010), et dans le cytoplasme, lin-28 recrute une TUTase qui uridyle spécifiquement pre-let-7 et quelques autres miRNAs, bloquant ainsi leur clivage par Dicer (Hagan et al., 2009;

Heo et al., 2009). Cette boucle de régulation négative entre lin-28 et let-7 joue un rôle dans la différentiation neurale des cellules ES, avec lin-28 assurant le maintien de l’état de pluripotence en réprimant let-7, et let-7 agissant comme une sauvegarde en réprimant lin-28 une fois la différentiation neurale amorcée (Rybak et al., 2008).

Figure 10 : Exemples de boucles de régulation mutuellement répressives impliquant des miRNAs. (A) Boucle de régulation mutuellement répressive lors du développement de l’œil chez D.

melanogaster entre le facteur de transcription (FT) Yan, exprimé dans les progéniteurs, et miR-7, exprimé dans les photorécepteurs différenciés. Le « switch » d’expression est amorcé par la voie EGFR qui entraine transitoirement la dégradation de Yan au moment de la différentiation des progéniteurs. (B) Boucle de régulation dans les cellules ES humaines où le FT OCT4 réprime transcriptionnellement l’expression de NR2F2, exprimé lors de la différentiation neurale, et induit l’expression de miR-302, qui assure un niveau supplémentaire de répression en ciblant NR2F2 au niveau post-transcriptionnel. A l’inverse, NR2F2 réprime transcriptionnellement OCT4 lors de la différentiation neurale. (C) Boucle de régulation mutuellement répressive entre lin-28 et let-7 chez les mammifères. Lin-28, exprimé dans les cellules ES, inhibe à plusieurs niveaux la maturation de let-7. Les pointillés indiquent qu’il ne s’agit pas ici d’une

Yan

miR-7

A

-

-

B

+ -

OCT4

NR2F2 miR-302

- -

C

Lin-28

Let-7

- -

miRNA FT

Cellules souches

Cellules différenciées Progéniteurs

Photorécepteurs

Cellules souches

Progéniteurs neuraux Yan

miR-7

A

-

-

B

+ -

OCT4

NR2F2 miR-302

- -

C

Lin-28

Let-7

- -

miRNA FT

Cellules souches

Cellules différenciées Progéniteurs

Photorécepteurs

Cellules souches

Progéniteurs neuraux