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Hiérarchie des répertoires

No documento Bernard Victorri (páginas 30-33)

Chapitre I ORGANISATION TOPOLOGIQUE DES RÉGIONS CÉRÉBRALES

6- Hiérarchie des répertoires

Les outils que nous nous sommes donnés tout au long de ce chapitre vont nous permettre de rendre compte d'un certain nombre de comportements simples. Nous ne savons pas encore quelles règles vont nous permettre de décrire l'activité d'un répertoire (nous attendrons pour cela d'avoir étudié au deuxième chapitre les principes de plasticité qui régissent le comportement neuronal), mais nous savons déjà que nous pouvons munir ces répertoires de variétés réceptrices et effectrices qui caractérisent le type d'activité perceptive qu'ils pourront sous-tendre. Mais il faut noter que les variétés que nous avons décrites ne sauraient rendre compte que d'activités sensori-motrices relativement simples et que plus l'activité perceptive considérée sera complexe, plus les variétés correspondantes le seront aussi. Les répertoires concernés ne pourront plus être considérés comme recevant directement des inputs sensoriels et comme conduisant directement à des outputs moteurs. Leurs afférences proviendront d'autres répertoires qui auront déjà sensiblement transformé les données sensori-motrices et leurs efférences devront, avant d'être transformées en commande motrice, être transmises à d'autres répertoires. Seule une telle hiérarchisation des répertoires peut expliquer toute la complexité du système perceptif.

Prenons un exemple : un chat se promène dans une pièce quand une souris passe dans son champ visuel. Le chat tourne son regard vers la souris, la suit des yeux un instant, puis finit par lui sauter dessus. Examinons les différentes activités perceptives qui se sont sûrement produites dans le cerveau du chat :

1) Alors qu'il marchait, le chat a pu détecter un mouvement dans son champ visuel et avoir un comportement "oculomoteur" approprié (en fait impliquant sans doute des mouvements de la tête autant que des yeux) : mouvements d'orientation et de poursuite visuelle.

2) Le chat a pu ensuite bondir sur sa proie, ce qui implique, d'une certaine manière, une reconnaissance de la distance qui le séparait de la souris et la mise en œuvre des mouvements moteurs appropriés.

3) Enfin, on peut aussi penser que si le chat a bondi, c'est qu'il a "reconnu" la souris, c'est- à-dire qu'il y a eu reconnaissance de forme de l'input visuel et mise en relation avec un comportement global de chasseur.

La première série d'activités implique un ou plusieurs répertoires (peu nous importe à ce stade d'analyse) qui reçoivent à la fois l'information visuelle et l'information sur le mouvement des pattes, donc une variété réceptrice qui soit le produit cartésien d'une variété

"visuelle" et du groupe moteur responsable de la locomotion. L'output consiste en un mouvement balistique (orientation) et un mouvement de poursuite, donc deux variétés effectrices : le groupe moteur yeux-tête et l'algèbre de Lie associée.

La deuxième série implique un répertoire un peu plus complexe. En effet, pour évaluer la distance qui sépare le chat de la souris, il faut d’abord "isoler" la souris des autres inputs sensoriels. Si l'on suppose que la souris est le seul objet mobile dans l'environnement, le premier répertoire "détecteur de mouvement" accomplit cette tâche. On peut donc admettre que le deuxième répertoire reçoit un input du premier répertoire. De plus, pour jouer son rôle

"d'évaluateur de distance", il faut qu'il reçoive aussi l’information concernant la convergence et l'accommodation oculaires. Ce qui lui impose donc une variété réceptrice nettement plus complexe. Par contre, sa variété effectrice peut être considérée comme (relativement !) simple : il s'agira du groupe moteur responsable des "bonds".

Enfin, la troisième série d'activités implique un répertoire de "reconnaissance de forme"

dont la variété réceptrice doit aussi tenir compte de l'activité du premier répertoire et surtout, sans doute, d'une sérieuse transformation des données de l'input visuel. Sa variété effectrice, quant à elle, ne peut pas être décrite en termes de commandes motrices précises mais plutôt de commandes destinées au premier et au deuxième répertoire, exprimant une "motivation" à continuer le comportement de chasse.

De plus, le rapport entre le deuxième et le troisième répertoire est sûrement plus complexe que cela. En effet, si la souris s'arrête, le premier répertoire ne pourra plus isoler la souris du reste de l'input visuel. Or, il est peu probable que cela empêcherait le chat de sauter sur la souris (ce serait vrai pour des animaux moins cognitivement évolués :une grenouille, par exemple, ne peut attraper de mouches que si elles sont en mouvement). Il faut donc admettre que l'input du deuxième répertoire dépend pour cette tâche aussi de l'activité du troisième répertoire (processus d'"attention").

Cet exemple tout simple1montre déjàclairement en quoi cette hiérarchisation des répertoires (figure 3) rend vite inextricable tout problème concret de perception. Cependant,

1.On peut le compliquer à loisir. Par exemple, en tenant compte des inputs auditifs et olfactifs qui doivent jouer un rôle non négligeable ou, de manière plus profonde, en supposant que notre chat est doué de la parole (ou, si l'on préfère, qu'il s'agit d'un humain) ; il faudrait alors rendre compte de réactions motrices de verbalisation du genre "Tiens, une souris... attention, elle s'éloigne !" qui impliquent une conceptualisation de la

Figure 3 : Représentation schématique de la hiérarchisation des répertoires

Rétine

Variété réceptrice

visuelle

Groupe moteur œil-tête

Répertoire de reconnaissance

de formes

Répertoire détecteur de mouvements

Groupe moteur de locomotion Répertoire

évaluateur de distance

Groupe moteur de bonds Muscles

Scène visuelle

on doit noter un facteur unificateur dans les trois répertoires que nous avons essayé de décrire : chacun d'eux est voué à la reconnaissance d'un invariant perceptif, invariance spatiale pour le premier, invariance de distance (lié étroitement à l'invariance de taille dont nous avons parlé dans l'introduction) pour le second, invariance de forme pour le troisième. On peut donc nourrir l'espoir qu'en étudiant la façon dont se forment ces invariants dans les répertoires sensori-moteurs les plus simples, on explicite des mécanismes généraux qui éclairent un peu le fonctionnement des répertoires plus complexes. C'est ce point de vue que nous adopterons systématiquement dans ce travail.

notion de souris et de la notion de distance, donc des répertoires encore plus haut dans la hiérarchie… On ne peut d'ailleurs pas exclure la possibilité que le chat ait cette capacité de conceptualisation, même s'il n'a pas "les mots pour le dire".

No documento Bernard Victorri (páginas 30-33)