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Neurophysiologie de l'apprentissage et "éléments" d'un répertoire

No documento Bernard Victorri (páginas 43-47)

Chapitre II PLASTICITÉ DU SYSTÈME NERVEUX

4- Neurophysiologie de l'apprentissage et "éléments" d'un répertoire

4- Neurophysiologie de l'apprentissage et "éléments" d'un

Nous n'allons donc pas essayer de préciser davantage dans notre modèle quelles sont ces unités. Ce que nous allons simplement supposer, c'est que la relation entre l'entrée et la sortie d'un répertoire est régie par un grand nombre de telles unités, que nous appelleronséléments du répertoire, et qui sont caractérisées par les règles de plasticité que nous avons définies plus haut. A chaque élément nous associerons un nombre (compris entre 0 et 1, par exemple), que nous appellerons le poids de l'élément qui caractérisera l'état d'apprentissage dans lequel il se trouve. Selon le renforcement auquel il est soumis, le poids de chaque élément sera donc plus ou moins élevé, et sa contribution au pattern de sortie du répertoire pourra être plus ou moins importante.

Le scénario que nous proposons est donc le suivant : chaque input à l'entrée du répertoire est susceptible de provoquer l'activation d'un certain nombre d'éléments du répertoire qui conduisent chacun à un output différent (un mouvement moteur différent dans les cas les plus simples). En l'absence de renforcement, tous ces éléments vont être activés autant (ou aussi peu) et le pattern de sortie du répertoire pour un input donné sera très uniforme. Le répertoire ne pourra pas contribuer à "sélectionner" un comportement précis. Par contre, si sous l'effet du renforcement, quelques éléments ont des poids très élevés et les autres des poids très faibles, le pattern de sortie sera très spécifique et le répertoire contribuera fortement au comportement de l'animal.

Le "cas de figure" le plus simple auquel un tel schéma peut s'appliquer est celui d'un groupe de neurones "sensoriels", ayant chacun un petit champ récepteur sur une variété sensorielle donnée, dont les axones se projettent sur un noyau de motoneurones codant un groupe de mouvements déterminés. Supposons aussi que chaque neurone sensoriel peut activer un grand nombre de ces motoneurones, chacun par l'intermédiaire d'une synapse spécifique. Les éléments de notre répertoire seront dans ce cas les synapses en question. Si elles ont toutes le même poids pour un neurone sensoriel donné, l'excitation de celui-ci se traduira par une probabilité uniforme pour n'importe quel des motoneurones d'être excité. Par contre, si certaines synapses ont été renforcées positivement et d'autres négativement, la probabilité d'excitation de certains motoneurones va être plus grande. Notre répertoire devient sélectif, chaque neurone "sensoriel" a acquis un champ effecteur spécifique. De plus, on voit comment cette stabilisation du répertoire peut se faire progressivement. Les premières excitations, "au hasard", de certains motoneurones conduisent à des mouvements plus ou moins appropriés de l'organisme. Les synapses correspondantes vont donc être renforcées positivement ou négativement suivant le résultat et le processus continue jusqu'à stabilisation du poids de toutes les synapses.

Plusieurs remarques s'imposent sur le scénario que nous proposons, et l'illustration que nous venons d'en donner.

La première concerne cette notion de probabilité que nous venons d'introduire, quelque peu subrepticement. La plupart des formalisations mathématiques des processus d'apprentissage font appel, comme nous le verrons au prochain chapitre, à des notions probabilistes, et cela peut se justifier à différents niveaux. D'une part, par la non-fiabilité des neurones (nous aurons l'occasion d'y revenir longuement) : le neurone n'est pas un composant électronique d'ordinateur, et la fréquence de ses décharges est modulée par toutes sortes de facteurs physiologiques qu'on peut adéquatement représenter par du "bruit" aléatoire. D'autre part, il s'agit de probabilités par rapport à l'activité d'un répertoire. En fait, il faut imaginer que ces motoneurones sont sous l'influence de l'activité de nombreux répertoires reflétant toute la

complexité du fonctionnement du cerveau. On admettra aisément qu'il n'est pas possible de rendre compte simultanément de tout ce qui peut s'y passer et qu'il est donc raisonnable de considérer ces influences du reste du cerveau comme un processus probabiliste venant interférer avec l’activité perceptive limitée que nous voulons étudier. Enfin, le résultat de ce processus aléatoire, c'est-à-dire le choix d'un petit groupe de motoneurones bien spécifiques qui vont s'activer à l'exclusion de tous les autres, peut aussi se justifier. Il existe en effet à tous les niveaux de l'organisation nerveuse un jeu d'inhibition latérale (Von Bekesy, 1967) qui explique aisément que le petit groupe de motoneurones excités les premiers et le plus fort fassent "taire" provisoirement les autres, permettant ainsi l'exécution d'un mouvement déterminé.

La deuxième remarque concerne la notion de champ récepteur et effecteur d'un neurone.

Dans l’exemple que nous avons donné·, on peut remarquer que chaque neurone sensoriel semble acquérir progressivement un champ effecteur de plus en plus limité. C'est que chaque neurone était constitué de plusieurs éléments du répertoire (les synapses de sortie). La possibilité de modifier indépendamment ces éléments a conduit à un affinement du champ effecteur de ces neurones. De même, en supposant que chaque neurone a un champ effecteur limité fixe, mais qu'il est sensible à des inputs variés, et en faisant porter le jeu du renforcement sur les synapses d'entrée (qui seraient alors nos éléments du répertoire), on aboutirait à un répertoire qui se stabiliserait par affinement des champs récepteurs de chaque neurone. Enfin, en imaginant une organisation plus complexe (et l'on verra à la toute fin de ce travail combien l'anatomie des "colonnes" corticales se prête bien à ces considérations), on peut obtenir des répertoires qui se stabiliseraient par affinement progressif des champs récepteurs et effecteurs des neurones impliqués. Dans tous les cas de figure, on peut rendre compte de ces résultats par l'existence d'éléments du répertoire ayant chacun un petit champ récepteur et un petit champ effecteur, et pouvant subir indépendamment des modifications de poids. Il faut noter que l'on a mis en évidence, au cours du développement ontogénétique de l'animal, un affinement aussi bien des champs récepteurs pour des neurones sensoriels (Barlow et Pettigrew, 1971) que des champs effecteurs pour des neurones moteurs (De Ajuriaguarra, 1978).

Enfin, notre troisième remarque consistera en une réflexion sur la démarche de modélisation que nous avons suivie au cours de ces deux chapitres. De même que nous avons défini, en l'absence de données précises sur la localisation des fonctions perceptives dans le cerveau, la notion opératoire de répertoire, de même nous avons essayé de pallier les insuffisances des connaissances neurophysiologiques sur l'apprentissage en définissant une autre notion opératoire, celle d'élément du répertoire. Nous nous retrouvons donc avec des unités abstraites (unité globale d'activité perceptive, et unité locale d'action du renforcement) que nous avons munies des principales propriétés que possèdent les réalités physiologiques qu'ils sont censés modéliser. Une telle modélisation a l'avantage d'être relativement indépendante de toute hypothèse précise sur le détail de l'interaction neuronale, ce qui lui laisse le maximum de chances de ne pas être prise en défaut par le progrès de nos connaissances en ce domaine, qui, n'en doutons pas, va s'accélérer au cours des prochaines années. Mais au-delà de ces considérations, son principal avantage est de mettre en évidence les principes organisateurs fondamentaux sur lesquels nous allons fonder notre explication de

l'invariance perceptive1, sans les noyer parmi les hypothèses plus précises qu'il nous faudra faire pour rendre compte de tel ou tel comportement perceptif particulier. Bien entendu, l'envers de la médaille, c'est que sur ces principes abstraits nous ne pouvons que construire une théorie abstraite et que, quels que soient les efforts que nous ferons par la suite pour justifier expérimentalement les résultats obtenus, la validité de la théorie dépendra avant tout de la validité de ces principes de départ, qui constituent, il faut le reconnaître, des hypothèses assez fortes et invérifiablesen tant que telles. Nous espérons, cependant, que la démarche quenous avons suivie au cours de ces deux chapitres pour motiver leurintroduction les aura rendues suffisamment plausibles pour rendrela théorie intéressante.

1. Un des intérêts d'avoir défini des principes abstraits consiste en la possibilité de rendre compte de phénomènes manifestement différents dans leur réalité biologique par le même processus dynamique. Pour prendre un exemple, les qualités perceptives "innées" de certains animaux posent le même type de problèmes que les capacités acquises, dans la mesure même où le caractère inné ou acquis de certains comportements peut varier d'une espèce à l'autre : ainsi nous avons signalé qu'un chaton à qui l'on tournait un œil de 90° s’adaptait à cette condition. Mais la même expérience chez la grenouille échoue. L'animal ne recouvre plus un comportement normal et continue d'avoir un comportement moteur inadéquat (Sperry, 1951). Or, en fin de compte, une invariance perceptive innée n'est devenue innée que parce qu'elle a été acquise par l'espèce au cours de l'évolution phylogénétique. Ne pourrait-on pas alors représenter les pressions de la sélection naturelle comme une sorte de renforcement conduisant à la stabilisation génétique de certains répertoires, l'aspect probabiliste étant dans ce cas joué par les mutations? Cette hypothèse, un peu hardie, avouons-le, permettrait alors d'appliquer la même théorisation aux invariances innées et acquises. Rassurons le lecteur, nous nous en tiendrons dans ce travail aux aspects acquis dont nous avons vu l'importance, chez les mammifères en tout cas. Nous ne faisions cette réflexion que pour illustrer l'intérêt de dégager les mécanismes abstraits des processus physiologiques qui les sous-tendent.

No documento Bernard Victorri (páginas 43-47)