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Plasticité de la perception

No documento Bernard Victorri (páginas 33-37)

Chapitre II PLASTICITÉ DU SYSTÈME NERVEUX

1- Plasticité de la perception

système s'adapte spécifiquement à cette condition, et restitue à la longue la forme réelle quelle que soit la direction du regard. Citons Kohler (1961) :

It is known that the deflection of rays by a prism is minimum when the subject is looking through the center of the prism. As soon as the subject deviates from this line of vision, either horizontally or vertically, the distortionsincrease : angles become even more acute or obtuse, and lines which were close to being perpendicular or horizontal now appear markedly slanted.

Furthermore, the quality of the perceptual alteration depends on the direction in which the subject's line of vision deviates. Thus, the same object appears thin when viewed through one side of the prism, and broadened when viewed through the other side, objectively horizontal or vertical lines are displaced one way when seen from below and another way when seen from above. And all this takes place for the same retinal area, the center of normal accurate vision. The question therefore arises : what are the aftereffects of so many different and contrasting sensory influences ?

The situational aftereffect provides the answer ; it is an aftereffect whose characteristics depend on particular conditions, in this case on the direction of the line of vision. Thus, the separation between two poles was decreased when looked at from the left, and increased when looked at from the right !Earlier, during the wearing of spectacles, the reverse had occurred. In other words, what we have here is a special kind of negative aftereffect : it occurs only when the total situation is the same as the one in which the prism-induced alterations originally occurred.

This principle is applicable to all other aftereffects as well : those involving deformation, obliquities, apparent movements, etc.(p. 39).

De même, les aberrations chromatiques dues au prisme sont rectifiées sélectivement. Lors du port de lunettes prismatiques, toute surface éclairée est colorée en jaune-rouge sur l'un de ses bords, disons le bord de droite, et en bleu sur l'autre bord, le bord de gauche. L'effet disparaît avec le port prolongé des lunettes, mais réapparaît en sens inverse quand on les enlève : le bord de droite paraît bleu et celui de gauche jaune-rouge ! La perception de la couleur, aussi bien que celle de la taille ou de la courbure, peut être contingente à certaines caractéristiques de position. Ceci est décisif : nous avons noté au premier chapitre que l'existence de neurones sensibles spécifiquement à une caractéristique du stimulus (la couleur rouge, par exemple) ne suffisait pas à expliquer la perception de cette caractéristique. Nous en avons ici une confirmation. Contrairement à ce qu'on peut penser a priori, et que nombre de modèles de perception supposent implicitement, ce n'est pas parce qu'un neurone est spécifiquement excité par le rouge qu'il va "coder" cette caractéristique au niveau perceptif.

La perception de la couleur ou de toute autre propriété des objets extérieurs est le résultat de processus internes dans lesquels les informations des neurones sensoriels sont transformées et interprétées en fonction de "normes", d'invariances issues de l’expérience quotidienne.

Une autre leçon que l'on peut tirer de ces expériences, c'est l’autonomie des différentes activités perceptives. Lors du port de lunettes déformantes, certains types de perception, comme la détection du mouvement réel ou la coordination œil-main, sont plus rapidement corrigés que d'autres, ce qui milite en faveur de la notion de répertoires distincts et hiérarchiquement organisés, les répertoires les plus simples s'adaptant les premiers, tandis que les plus complexes qui dépendent pour leur fonctionnement des précédents, mettent plus de temps à se réorganiser.

Une expérience, menée par Heron, Doane et Scott (1956) apporte une preuve encore plus directe au fait qu'il n'existe pas de "standards" de perception indépendants de l'expérience. On isole un individu pendant près d'une semaine dans une pièce où toute stimulation sensorielle est bannie le plus possible : lunettes empêchant toute vision, insonorisation, gants, etc...

Quand le sujet sort de cet état de privation sensorielle, il éprouve le même type de difficultés

qu'après le port de lunettes déformantes : le monde extérieur semble bouger à chacun de ses mouvements, les murs semblent déformés, etc. Tout cela se remet en place au bout de quelques heures, avec toujours le même décalage : certains invariants sont réacquis plus vite que d'autres. Dans ce cas, la démonstration est particulièrement claire. La perception de l'espace n'a pas été systématiquement déformée par un appareil quelconque ; c'est uniquement l'absence prolongée d'expériences perceptives qui a entraîné la disparition des invariances.

On peut rattacher à ce corps de données une foule d'expériences d'adaptation limitée d'une caractéristique perceptive. Par exemple, on présente à un sujet des lignes courbées toutes dans le même sens. Après inspection prolongée, d'une part la courbure paraît beaucoup moins prononcée au sujet, et d'autre part si on lui présente une ligne droite, il la percevra courbée dans le sens opposé. L'effet consécutif ne dure en général que quelques minutes (Gibson, 1933). L'illusion de la "chute d'eau" en est un autre exemple. Après avoir observé quelque temps le mouvement d'une chute d'eau, on a l'impression en regardant des objets fixes qu'ils se meuvent dans la direction opposée. Diverses perturbations de l'invariance spatiale peuvent être ainsi obtenues (MacKay, 1958). L'observation d'une spirale en rotation, par exemple, induira ensuite la perception d'une dilatation ou d'une contraction d'une scène fixe suivant le sens de rotation de la spirale. Pratiquement toutes les caractéristiques perceptives peuvent être ainsi "adaptées", y compris la fréquence spatiale de grilles, ce qui a été beaucoup étudié ces dernières années, en relation avec la découverte neurophysiologique des neurones "analyseurs de fréquence spatiale" de l'aire 17 (Blakemore et Campbell, 1969).

Un certain nombre d'expériences menées sur de jeunes animaux laissent à penser que les premiers apprentissages perceptifs de l'individu à partir de sa naissance obéissent aux mêmes règles de plasticité. Par exemple, le jeune chaton qui a subi par chirurgie une rotation d'un œil de 90° dans son orbite développera néanmoins un comportement perceptif normal (Mitchel, Giffin, Muir, Blakemore et Van Sluyters, 1976). Mais il faut reconnaître qu'en général les expériences sur le développement de la perception chez le jeune animal (soumis à toutes sortes d'environnements) et chez l'enfant sont beaucoup plus difficiles à interpréter (pour une revue particulièrement documentée et critique, voir Gibson, 1967). Sans entrer dans le détail, disons que l'on retrouve là aussi l'importance décisive de l'expérience (ce qui ne veut pas dire que rien n'est inné, mais que même s'il existe des mécanismes innés, un minimum de stimulation extérieure est nécessaire pour qu'ils restent fonctionnels), et l'apparition graduelle des divers invariants perceptifs (par "stades", pour employer le vocabulaire piagétien).

Comme le dit Gibson (1967), en comparant le développement perceptif dans l'enfance et les expériences d'adaptation à des lunettes déformantes :

My view is that the goal of learning and what is learned are in one important respect similar, both in development and in rehabituation. The goal of spatial perception is the search for invariants, for a world of constancy and rigidity. In the infant, head movements, eye movements, reaching movements and eventually locomotor movements accompany exploratory looking and aiming at a target. A target can be seen only, or can also be grasped, or can be stepped on. From the flux of inputs, both visual and proprioceptive, an invariant multimodal stimulus relationship is gradually extracted and comes to monitor activity. There can even be conscious search for this multimodal monitoring stimulation. (…)

How is this similar to learning in the rehabituation experiments ? I think it is because the conflict produced by displacement of one sensory system forces a search for new invariants. This search may be successful sooner or later, depending on what kind of a transform of the original stimulus array has been imposed, and how the subject explores the new array (p. 210).

Held et Hein ont mis en évidence un facteur essentiel dans ces apprentissages : les mouvements actifs du sujet. Qu'il s'agisse du développement de la perception visuelle chez le chaton (Held et Hein, 1963) ou de la coordination œil-main chez l'homme portant des lunettes prismatiques (Held et Hein, 1958), il faut que le sujet puisse faire volontairement les mouvements appropriés pour que l'apprentissage réussisse. Les mêmes mouvements, mais passivement subis par le sujet, sont inefficaces :

We have concluded that movement-produced visual stimulation is essential for the development of these forms of behavior. Apparently, movement with its accompanying range in visual stimulation allows the organism to take advantage of certain invariances entailed in its relation with a stable environment (Held, l964, p. 3).

Notons que si la vision a été, de loin, le sens le plus étudié relativement à ces phénomènes, certaines expériences aboutissent aux mêmes conclusions pour l'audition, par exemple (déplacement systématique de la localisation apparente des sons :Held, 1955). Enfin, il nous faut parler d'un dernier type d'expériences, qui, par leur côté très spectaculaire, illustrent à merveille les similitudes entre les divers systèmes sensoriels de même que les principales leçons que nous avons essayé de dégager. Il s'agit de la technique de substitution sensorielle mise au point par plusieurs équipes de chercheurs, dont Bach-y-Rita (1972) et ses collaborateurs, pour essayer de remédier à la cécité. Cette technique consiste à placer dans le dos d'un aveugle (ou sur le ventre, ou même sur un seul doigt) un tableau de petites électrodes stimulant chacune un petit carré de peau (sans sensation douloureuse, bien entendu) ; une caméra miniature de télévision est reliée à cet appareil et commande l'activation des électrodes, de telle sorte que l’image filmée s'"imprime" dans le dos de l’aveugle sous forme de stimulation tactile. On présente dans le champ de la caméra divers objets et l'on essaie d'apprendre à l'aveugle à les reconnaître. Tant que la caméra est fixe et sous le contrôle de l'expérimentateur, l'aveugle perçoit la stimulation comme étant localisée dans son dos et a beaucoup de mal à discriminer les objets les plus simples. Par contre, si l'on donne le contrôle de la caméra au sujet, la situation change du tout au tout. Très rapidement la stimulation n'est pas perçue comme une sensation dans le dos, mais comme provenant d'un objet localisé dans l'espace. Une véritable "vision" en trois dimensions est progressivement acquise, avec perception des distances, du mouvement, coordination œil-main, et une discrimination des formes tout à fait remarquable.

Par exemple, avec un tableau de seulement 400 points de stimulation dans le dos, un sujetexpérimentépouvait faire le genre de constatationssuivantes(Bach-y-Rita, 1972) : "That is Betty ; she is wearing her hair down today and does not have her glasses on ; her mouth is open, and she is moving her right hand from her left side to the back of her head".

L'invariance spatiale est ici aussi liée à l'accomplissement de mouvements moteurs actifs : un sujet qui avait l'habitude de manier le "zoom" de la caméra sans problèmes, a eu un mouvement brusque de recul et de protection quand un expérimentateur a manipulé le zoom à son insu. Ce qui conduit Bach-y-Rita à proposer (1972) :

A plausible hypothesis is that a translation of the input that is precisely correlated with self- generated movements is the necessary and sufficient condition for the experienced phenomena to be attributed to a stable outside world (p. 99).

Ainsi, la mise en relation d'une classe de mouvements moteurs avec une classe d'inputs sensoriels donne lieu à l'établissement d'un véritable "organe perceptif" nouveau, auquel on peut donner le nom de "système visuel", bien que l'œil en soit totalement absent, puisqu'il

exécute l'essentiel des performances de la vision normale, y compris certaines illusions comme celle de la chute d'eau (Bach-y-Rita, 1972).

Comme Bach-y-Rita le fait remarquer, on peut rapprocher ces faits des automatismes perceptifs que l'on peut acquérir dans la conduite automobile, par exemple. Là encore il y a mise en relation de mouvements moteurs spécifiques (du pied pour freiner, accélérer, débrayer ; des mains pour tourner, changer de vitesse, …) avec des inputs sensoriels (visuels bien sûr, mais aussi auditifs :bruit du moteur, …)et l'automatisation de la conduite s'effectue quand les invariants perceptifs correspondants sont acquis. On pourrait multiplier à l'infini ce genre d'exemples…

No documento Bernard Victorri (páginas 33-37)