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L’organisation du chromosome en domaines topologiques ne reflète qu’un premier niveau de structuration, sous-jacent à un degré d’organisation impliquant de grandes distances chromosomiques bien supérieures à 10kb. En particulier, des analyses d’hybridation in situ par fluorescence (FISH) chez E. coli ont révélé l’existence de 2 grandes régions d’environ 1Mb chacune, appelées macrodomaines, l’une située autour de l’origine de réplication oriC et l’autre autour du terminus de réplication ter (Niki et al., 2000). Comme dans le cas des domaines topologiques, les macrodomaines ont une structure dynamique au cours du cycle cellulaire. Cette organisation en macrodomaines a été confirmée et précisée par une approche génétique (Valens et al., 2004), basée sur le système de recombinaison site-spécifique du bactériophage λ, afin de détecter la proximité spatiale de séquences d’ADN éloignées sur la structure primaire de la double hélice. Différentes souches ont été construites, comportant 2 sites d’attachement att du génome de λ, l’un à une position définie du chromosome et l’autre à des positions variées suivant les souches. Celles pour lesquelles un événement de recombinaison a eu lieu entre 2 sites att ont été sélectionnées. Les fréquences de

Figure 24 : Structure des macrodomaines d’E. coli et leur réponse à la topologie de l’ADN (Travers, Muskhelishvili, 2005)

Les macrodomaines (cercle interne) sont représentés d’après Valens et al. (2004) : en vert, le macrodomaine entourant oriC (Ori, l’origine de réplication), en rouge, celui entourant ter (Ter, le terminus de réplication), en bleu les autres domaines cartographiés, séparés du domaine de oriC par des régions moins définies, en pointillés.

Les régions de gènes dont la transcription répond globalement à la superhélicité sont montrées en dehors du chromosome (s/h dependence). En vert, les gènes répondant à un superenroulement négatif ; en rouge, ceux répondant à un relâchement. Une région riche en sites de fixation de Fis proche de ter est montrée (fis clusters), et celle d’activité transcriptionnelle intense en période de croissance rapide, en gris (Jeong et al., 2004).

recombinaison reflètent ainsi la capacité d’interactions et donc la proximité spatiale de séquences d’ADN. Valens et al. (2004) ont montré que les événements de recombinaison étaient fortement limités à certaines régions chromosomiques, ce qui a permis de révéler la présence de 4 macrodomaines sur le chromosome d’E. coli, séparés par deux régions moins structurées (Figure 24). Deux de ces macrodomaines entourant oriC et ter et d’environ 1Mb chacun, correspondent à ceux déterminés précédemment par FISH (Niki et al., 2000). Cette organisation en macrodomaines permettrait d’une part la condensation de l’ADN conduisant à l’interaction entre séquences d’ADN à l’intérieur d’un même macrodomaine, et d’autre part la séquestration des macrodomaines, inhibant ainsi la recombinaison de séquences d’ADN localisées dans des macrodomaines différents (Valens et al., 2004).

Cette organisation physique du chromosome en macrodomaines a des répercussions sur l’expression globale du génome. En effet, l’analyse du profil global de transcription des gènes chez E. coli en fonction de leur position sur le chromosome a permis de détecter une organisation spatiale de la transcription des gènes (Jeong et al., 2004). La transcription globale a été analysée en présence et en absence de norfloxacine, un inhibiteur de la gyrase. Les profils de transcription obtenus ont été analysés sur la base de l’activité transcriptionnelle de chaque gène individuellement, mais également en fonction de similitudes régionales. Trois profils spatiaux de transcription ont été mis en évidence (Jeong et al., 2004). Tout d’abord, dans un premier groupe de gènes, séparés par une distance allant jusqu’à 16kb, la transcription est dépendante du niveau de superhélicité de l’ADN, c’est-à-dire du traitement à la norfloxacine.

Les deux autres profils spatiaux de transcription correspondent à des régions plus grandes, d’une part de l’ordre de 100kb, et d’autre part de 600 à 800 kb. La formation de ces deux derniers profils de transcription est quant à elle indépendante du degré de superhélicité du chromosome, mais semble être corrélée à la distribution des sites de fixation de la gyrase. De plus, Jeong et al. (2004) ont également montré que les profils de transcription sont plus importants au niveau du bras gauche de la fourche de réplication à partir d’oriC (Figure 24). La transcription de certains gènes proches de oriC et autour de ter est également sensible au niveau de superhélicité (Peter et al., 2004 ; Willenbrock et Ussery, 2004 ; Travers et Muskhelishvili, 2005).

Ainsi, l’organisation physique du chromosome en domaines topologiques et en macrodomaines a de fortes répercussions sur les profils spatiaux de transcription des gènes. De

Figure 25 : Réorganisation du chromosome en fonction des conditions de croissance (Travers, Muskhelishvili, 2005)

Les structures du chromosome formées dans des cellules en phase exponentielle de croissance indiquent que l’organisation des boucles et des sites de transcription dépend fortement du taux de croissance de la cellule. Dans ces conditions de croissance, la structure globale est une forme circulaire ouverte mais des connections intramoléculaires sont possibles, et celles-ci dépendent fortement de l’environnement dans lequel se trouve la cellule. Les structures formées en phase stationnaire sont basées sur une visualisation en microscopie électronique. En début de phase stationnaire, on observe des structures toroïdales, qui deviennent cristallines en phase stationnaire prolongée, notamment sous l’action de Dps (voir paragraphe I.B.1).

plus, les conditions de l’environnement vont influer sur ces deux fonctions cellulaires, structure du chromosome et transcription globale des gènes, qui sont donc non seulement intimement connectés, mais également dynamiques et modulables. Des expériences de microscopie en fluorescence, utilisant une fusion du gène rpoC, codant la sous-unité β’ de l’ARN polymérase, avec le gène gfp codant la protéine de fluorescence verte de méduse, ont permis d’étudier la distribution des molécules d’ARN polymérase dans la cellule et en particulier au niveau du nucléoïde et de sa périphérie (Cabrera et Jin, 2003). La distribution des molécules d’ARN polymérase est fortement dépendante des conditions de culture. En conditions de croissance rapide, l’ARN polymérase est concentrée au niveau de spots de fluorescence qui correspondent aux opérons d’ARNr. Cette forte activité transcriptionnelle semble d’ailleurs être corrélée à une condensation du chromosome (Cabrera et Jin, 2003). Tout traitement inhibant la transcription des ARNr, par exemple l’induction de la réponse stringente par une carence en acides aminés, fait d’une part disparaître les spots de fluorescence et d’autre part diminuer la condensation du chromosome.

Ainsi, non seulement l’activité transcriptionnelle a une influence sur la structuration du chromosome (voir paragraphe II.A.1), mais la structure du chromosome, ainsi que les quantités des différentes NAPs, influent sur la transcription et sont modifiées au cours du cycle cellulaire chez E. coli (Figure 25) et dans différentes conditions de l’environnement, par exemple les carences nutritionnelles (voir paragraphe IV.A.). Le passage de la phase exponentielle à la phase stationnaire est caractérisé par une restructuration complète du chromosome bactérien, aboutissant tout d’abord à des structures toroïdales puis à des structures cristallines au sein desquelles l’ADN est séquestré et protégé (Frenkiel-Krispin et al., 2004). La structure du nucléoïde est donc dynamique et varie en fonction des conditions de l’environnement, qui en retour conduisent à des fluctuations des profils d’expression du génome. Ces deux processus pourraient être associés afin de permettre une réponse adéquate des bactéries aux fluctuations de leur environnement.

Introduction partie I : La Topologie de l’ADN

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III. Impact de la superhélicité de l’ADN sur l’expression des gènes

Les fluctuations du niveau de superhélicité de l’ADN ont des conséquences importantes sur l’expression de nombreux gènes (Steck et al., 1993 ; Peter et al., 2004), dont la transcription des opérons d’ARN ribosomiques (Muskhelishvili et Travers, 2003). Une superhélicité négative est en effet requise pour leur transcription. Ainsi, ne serait-ce que par son effet sur la synthèse des ARNr, le niveau de superhélicité de l’ADN doit être régulé de façon précise pour l’adaptation des bactéries à des conditions de croissance ou de carences.

D’autre part, une augmentation de la superhélicité négative du chromosome provoquée par une mutation du gène topA entraîne une modification de l’expression des gènes, observée par électrophorèse bidimensionnelle de protéines (Steck et al., 1993). Des effets similaires sont obtenus suite à une mutation du gène hupA, codant la sous-unité α de HU, qui provoque une compaction du chromosome (Kar et al., 2005). De façon générale, des mutations affectant les gènes codant les NAPs (H-NS, Fis, HU, IHF) ont des effets drastiques sur la transcription globale des gènes (Kar et al., 2005 ; Peter et al., 2004). Des modifications de superhélicité de l’ADN provoquent également de profonds changements d’expression chez d’autres bactéries, comme par exemple chez Haemophilus influenzae (Gmuender et al., 2001), ou même chez la levure Saccharomyces cerevisiae (Eriksson et al., 2005).

Plus récemment, la comparaison des profils de transcription globale d’une souche d’E.

coli dont le chromosome présente un défaut de superhélicité (inactivation des gènes codant la gyrase) avec une souche de référence, ou de cette souche de référence cultivée en présence ou en absence d’inhibiteurs de la gyrase, révèle que l’expression de 7% des gènes du chromosome est affectée par le niveau de superhélicité (Peter et al., 2004). La relaxation du chromosome provoque l’activation de la transcription de 106 gènes et l’inhibition de celle de 200 gènes. Les gènes dont la transcription est modifiée remplissent des fonctions diverses et sont dispersés sur le chromosome. Les gènes induits présentent des séquences riches en AT à la fois aux niveaux des promoteurs et des régions codantes, ce qui n’est pas le cas des gènes dont l’expression est réprimée dans ces conditions. Une superhélicité négative élevée réprimerait l’échappement de l’ARN polymérase au niveau de promoteurs riches en AT ainsi que l’élongation de la

transcription (Peter et al., 2004). A l’opposé, une superhélicité négative élevée est connue pour favoriser l’initiation de la transcription au niveau de promoteurs possédant une séquence discriminatrice riche en GC entre la boîte -10 et le site +1 d’initiation de la transcription. Un discriminateur est présent au niveau des promoteurs des opérons d’ARNs ribosomiques, ce qui explique la nécessité d’un superenroulement négatif élevé pour leur transcription. Celui-ci permettrait de lever la barrière énergétique posée par le discriminateur riche en GC. Un discriminateur est présent pour tous les promoteurs connus pour être réprimés par (p)ppGpp, l’effecteur de la réponse stringente (Cashel et al., 1996). Ainsi, la plupart des gènes exprimés dans les conditions optimales de croissance nécessitent une superhélicité négative élevée.

La superhélicité de l’ADN est donc intimement liée à l’expression des gènes et pourrait représenter un élément régulateur majeur de l’adaptation des bactéries à leur environnement, en ajustant la transcription globale des gènes aux variations de l’environnement (Figure 25).

Cependant, malgré une organisation dynamique de la structure de l’ADN, sa superhélicité doit être contrôlée de façon précise pour éviter des modifications trop importantes qui auraient des conséquences létales pour la cellule. Ceci est réalisé par l’intermédiaire d’un contrôle homéostatique du niveau de superhélicité de l’ADN.

IV. Régulation et contrôle homéostatique du niveau de superhélicité de l’ADN

La régulation de la superhélicité de l’ADN est finement contrôlée à plusieurs niveaux. Le premier est une régulation croisée des gènes de Topos en fonction du degré de superhélicité de l’ADN. L’expression et l’activité de la gyrase sont en effet inhibées par un superenroulement de l’ADN trop élevé (Menzel et Gellert, 1983). A l’opposé, les promoteurs des gènes gyrA et gyrB sont activés en cas de relâchement de l’ADN (Franco et Drlica, 1989). Le promoteur gyrA est d’ailleurs utilisé comme senseur de la topologie de l’ADN (Moulin et al., 2005). Le mécanisme par lequel ce promoteur est activé par un relâchement de l’ADN reste inconnu, mais la boîte -10 du promoteur serait impliquée (Straney et al., 1994). La formation du complexe ouvert lors de l’initiation de la transcription de gyrA et gyrB pourrait également

Figure 26 : Boucle de régulation homéostatique de la superhélicité de l’ADN (Schneider et al., 2000b) Les effets positifs sont représentés par des flèches, les inhibitions par des lignes terminées par un trait perpendiculaire. Deux boucles d’autorégulation sont ainsi reliées. L’ajout de nutriments pourrait activer directement la gyrase en augmentant le rapport [ATP]/[ADP]. La transcription de fis est ainsi activée par l’augmentation de superhélicité, de la concentration en CTP et par la levée du contrôle stringent sur fisP. Voir texte pour les détails.

constituer une étape sur laquelle le relâchement de l’ADN agirait comme activateur (Menzel et Gellert, 1987). Contrairement à la gyrase qui est activée par une diminution de la superhélicité de l’ADN, la TopoI est elle activée par une augmentation du niveau de superhélicité (Tse-Dinh, 1985 ; Zechiedrich et al., 2000). L’état de superenroulement du chromosome établit ainsi une boucle d’autorégulation des Topos dans la cellule, permettant le maintien d’un niveau adéquat de superhélicité.

Les fluctuations de l’environnement influencent fortement le niveau de superhélicité du chromosome bactérien, comme par exemple les carences nutritionnelles (Balke et Gralla, 1987), les stress osmotiques (Higgins et al., 1988), oxydatifs (Weinstein-Fischer et al., 2000), thermiques et de pH (Lesley et al., 1990). La seule autorégulation des Topos sur elles-mêmes ne peut pas expliquer les variations de superhélicité observées en fonction des conditions environnementales. Des niveaux supplémentaires de régulation du degré de superhélicité, et donc des gènes codant les Topos, doivent donc exister pour détecter et répondre aux signaux de l’environnement.

A. Contrôle homéostatique de la superhélicité de l’ADN en