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La réponse immunitaire innée

Etat de l’art

2. Les mécanismes de défense chez Crassostrea gigas

2.3. La réponse immunitaire innée

La réponse immunitaire innée repose sur des mécanismes de défense à médiation cellulaire et à médiation humorale (Tableau 1). Ces deux types de réponse immunitaire peuvent agir de façon indépendante ou conjuguée (Hultmark 2003, Dimopoulos 2003, Brennan & Anderson 2004).

22 Tableau 1 Le système immunitaire inné chez Crassostrea gigas

Immunité innée à médiation cellulaire Immunité innée à médiation humorale

Infiltration (Feng 1988) :

1) Infiltration du lieu lésé ou infecté par de nombreux hémocytes qui se concentrent sur le site de lésion ou d’infection.

2) Formation d'un amas par des hémocytes agrégés.

3) Remplacement des tissus endommagés par des hémocytes allongés.

4) Dépôt de collagène.

5) Elimination des tissus nécrotiques par des hémocytes phagocytaires et restauration de l'architecture normale du tissu.

Enzymes hydrolytiques (Feng 1988) :

Elles sont responsables de la lyse intra- ou extracellulaire (lysozyme, β-glucuronidase, phosphatases acide et alcaline, sérine protéase, amylase, lipase)

Inhibiteurs de protéases (Faisal et al. 1998 ; Montagnani et al. 2001 ; Gueguen et al. 2003) :

Les inhibiteurs de protéases évitent l’activation excessive de cascades protéolytiques endogènes ou participent à l’inhibition des protéases permettant aux pathogènes de pénétrer et de proliférer dans l’hôte.

Phagocytose (Feng 1988 ; Olafsen et al. 1992) :

1) Reconnaissance de l'organisme comme étranger (non-soi) par l'intermédiaire de récepteurs et de lectines.

2) Adhésion de la particule étrangère sur l'hémocyte et contraction du cytosquelette permettant à la membrane cytoplasmique d’englober la particule étrangère.

3) Internalisation de la particule dans le cytoplasme de l'hémocyte sous la forme d'un phagosome qui fusionne avec un ou plusieurs lysosomes pour former le phagolysosome 4) Destruction de la particule par des enzymes lysosomales ou par des espèces réactives de

l’oxygène.

5) Les produits de dégradation de la particule sont soit utilisés par la cellule (accumulés dans des vacuoles sous forme de pigments tels que la mélanine), soit libérés dans le milieu extracellulaire par l'intermédiaire de vésicules.

Protéines de stress (heat shock proteins) (Boutet et al. 2003) :

Ces protéines permettent d'accroître la capacité des cellules à supporter les variations de l'environnement.

Molécules cytotoxiques, peptides antimicrobiens et activités anti-virales (Bachère et al.

1990 ; Montagnani et al. 2001 ; Gueguen et al. 2003 ; Olicard et al. 2005 ; Gueguen et al.

2003, Gonzalez 2005) :

Des molécules cytotoxiques, certaines substances physiologiques telles que la transferrine et la lactoferrine ou des peptides antimicrobiens tels que les défensines inhibent les agents pathogènes. Des activités antivirales ont également été rapportées chez C. gigas.

Enzymes antioxydantes (Neumann et al. 2001) :

Ces enzymes interviennent dans les mécanismes de défense contre les espèces réactives de l’oxygène.

Encapsulation (Feng 1988) :

1) Les agents pathogènes métazoaires (trématodes, cestodes) de grande taille ne peuvent pas être phagocytés, et sont alors entourés d'une couche interne constituée de cellules comparables à des fibroblastes et d'une couche externe constituée de matériel fibreux contenant des glycoprotéines et/ou des mucoprotéines et infiltrée par des hémocytes.

2) La destruction du pathogène serait due à la β-glucoronidase.

NO synthase (Arumugan et al. 2000) :

La NO (oxyde nitreux) synthase catalyse la production d'oxyde nitreux qui intervient en tant qu'agent anti-bactérien et anti-tumoral.

Système prophénoloxydase-phénoloxydase (Söderhäll & Cerenius 1998) :

La phénoloxydase activée catalyse la réaction de conversion de substances phénoliques en mélanine ; les composés intermédiaires de cette réaction sont bactéricides et interviennent dans les phénomènes de reconnaissance du non-soi.

2.3.1. La réponse immunitaire innée à médiation cellulaire

Les mécanismes de défense à médiation cellulaire connus à ce jour chez les mollusques bivalves reposent essentiellement sur les hémocytes, cellules circulantes présentes dans l’hémolymphe. Chez ces organismes, on distingue deux classes d’hémocytes (Figure 8 ; Bachère et al. 1988, Bachère et al. 2004) : 1) les hyalinocytes, une population d’hémocytes sans granules et 2) les granulocytes, une population d’hémocytes à granules.

Les hémocytes sont capables de migrer dans tous les tissus de l’animal où ils jouent des fonctions multiples associées à des processus vitaux tels que la respiration, la digestion, le transport des nutriments, l’excrétion, les réactions de défense, la réparation de lésions et de la coquille (Feng 1988, Cheng 1996, Auffret 2003).

Figure 8 Types hémocytaires chez Crassostrea gigas A. Hyalinocytes, caractérisés par un rapport nucléo- cytoplasmique élevé et une absence de granules de grande taille dans le cytoplasme. B. Granulocytes : caractérisés par un rapport nucléo-cytoplasmique faible et une grande quantité de granules denses aux électrons. n : noyau ; gr : granules (agrandissement x 15 000) (d’après Bachère et al. 2004).

La réponse immunitaire mise en place par les hémocytes repose essentiellement sur les mécanismes :

• d’infiltration : suite à une infection, à un dommage causé par des substances toxiques ou à une blessure, une élévation de la densité hémocytaire (ou hémocytose) a lieu dans le système circulatoire. Les hémocytes sont ensuite véhiculés par l’hémolymphe vers le site affecté, dans le but de s’agréger et de limiter l’infection ou la lésion.

• d’encapsulation : les agents pathogènes de grande taille, tels que les trématodes ou les cestodes, sont entourés d’une couche cellulaire (Figure 9). La formation des capsules d’origine hémocytaire a été étudiée chez l’huître C. virginica (Cheng 1996) et les palourdes Tapes semidecussatus (Montes et al. 1995) et Mercenaria mercenaria

24 1. Reconnaissance

2. Attachement

3. Internalisation

ENCAPSULATION PHAGOCYTOSE 4. Dégradation intracellulaire

4. Dégradation extracellulaire 3. Formation de la capsule

Hémocytes Agent pathogène de grande taille Agent pathogène de petite taille

(Smolowitz et al. 1998), mais aucune étude n’a été réalisée à notre connaissance chez C.

gigas.

• de phagocytose : la phagocytose contribue à l’élimination d’éléments de petite taille. La première étape de la phagocytose est la reconnaissance des particules étrangères par des PRP à la surface des hémocytes. Suivent les étapes d’attachement sur les hémocytes, d’internalisation dans le cytoplasme, de dégradation des particules étrangères, puis d’élimination des produits de dégradation (Bayne 1990 ; Figure 9). Ces phénomènes ont été observés dans les hémocytes de plusieurs mollusques (Cheng 1981).

Figure 9 Les processus de phagocytose et d’encapsulation

D’autres processus cellulaires semblent jouer également un rôle important dans la réponse immunitaire à médiation cellulaire chez C. gigas :

• Un mécanisme d’apoptose cellulaire peut se mettre en place chez C. gigas dans le but de réguler les populations cellulaires dans un contexte physiologique, mais aussi pathologique (Renault et al. 2000, Sunila & LaBanca 2003).

• Des séquences présentant de fortes homologies avec des protéines intervenant dans les processus de contact, d’adhésion, de communication cellulaire et d’amplification de la réponse immunitaire chez les vertébrés telles que les intégrines et les cytokines de mammifères ont également été identifiées chez C. gigas, mais aucune activité fonctionnelle n’a été démontrée jusqu’à présent (Gueguen et al. 2003, Tanguy et al. 2004).

• Puis, chez les invertébrés, la dégranulation des hémocytes permet de libérer des protéines intervenant dans les mécanismes de défense telles que les agglutinines, les péroxinectines, des enzymes cytolytiques, les enzymes du système pro-phénoloxydase (proPO) et les peptides antimicrobiens dans l’hémolymphe ou sur le site de l’infection ou de la blessure (Söderhäll & Cerenius 1998, Cerenius et al. 2008). Ces protéines jouent également un rôle dans les mécanismes de défense à médiation humorale.

2.3.2. La réponse immunitaire innée à médiation humorale

La réponse immunitaire innée à médiation humorale fait intervenir de nombreuses molécules dans la lutte contre les agents pathogènes, les toxines ou les contaminants :

• Les molécules cytotoxiques, les peptides antimicrobiens et les molécules antivirales : des séquences de molécules cytotoxiques de type transferrine et lactoferrine sont présentes dans les banques EST25 d’hémocytes de C. gigas (Gueguen et al. 2003). Un peptide antimicrobien de type défensine, Cg-def, a été identifié chez l’huître creuse C.

gigas et est principalement exprimé au niveau du bord du manteau (Gueguen et al. 2003, Gonzalez 2005). Certains auteurs ont également mis en évidence chez cette espèce la présence de molécules et de mécanismes antiviraux (Bachère et al. 1990, Olicard et al.

2005).

• Les enzymes hydrolytiques (lysozyme, β-glucuronidase, phosphatases acide et alcaline, sérine protéase, amylase, lipase) : elles sont présentes sous forme libre dans le

25 EST : Un marqueur de séquence exprimée ou expressed sequence tag est une courte portion séquencée d’un

26 plasma ou bien sont contenues dans les lysosomes des hémocytes et sont impliquées dans la lyse intra- ou extracellulaire (Xue & Renault 2000). Parmi ces protéines, le lysozyme (EC 3.2.1.17, 1,4-N-acétylmuramidase C), est une enzyme bactériolytique, lysant les liaisons β-1,4-glucosidiques des peptidoglycanes, constituants essentiels de la paroi des bactéries Gram-(+) (Figure 10).

Figure 10 Site d'action du lysozyme sur les peptidoglycanes des parois bactériennes

• Le stress oxydant et les enzymes antioxydantes : lorsqu’un agent pathogène est phagocyté, l’activation du métabolisme oxydatif des cellules phagocytaires peut conduire à un stress oxydant. L’activation de la NADPH-oxydase (nicotinamide adénine dinucléotide phosphate-oxydase) membranaire conduit à une augmentation de la consommation d’oxygène et à la surproduction de radicaux libres ou espèces réactives de l’oxygène (ROS) à l’intérieur ou à l’extérieur de la cellule, tels que l’anion superoxyde (O2-), le radical hydroxyle (OH-), le péroxyde d’hydrogène (H2O2), l’oxygène singulet (O) ou l’anion hypochlorite (ClO-). Les ROS ont de forts pouvoirs microbicides et sont impliqués dans la destruction microbienne par des effets toxiques (Babior 1984). Le contenu en ROS dans l’organisme est régulé par des enzymes antioxydantes telles que la superoxyde dismutase (SOD), la catalase (CAT) et la glutathion péroxydase (GPx) (Figure 11 ; Neumann et al.

2001). Chez C. gigas, un effet inhibiteur des capacités métaboliques oxydatives a été mis

en évidence après incubation des hémocytes avec des produits extracellulaires de V.

aesturianus, révélant un effet cytotoxique de ces bactéries (Labreuche et al. 2006).

• L’oxyde nitreux synthase ou NO synthase : elle catalyse la production d'oxyde nitreux qui intervient en tant qu'agent anti-bactérien et anti-tumoral (Arumugan et al.

2000). L’oxyde nitreux combiné avec les anions superoxyde produits lors de la phagocytose génère l’anion péroxynitrique (ONOO-), composé labile, fortement toxique (Figure 11). Ce système de défense a été décrit chez C. gigas (Arumugan et al. 2000).

NADPH oxydase