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Une telle association spatio-temporelle entre un type pétrologique clairement défini et des gisements minéraux à cuivre et or à l’échelle quasi-mondiale est un cas unique et mérite donc d’être comprise. Concernant ce problème particulier, l’explication n’est probablement pas à rechercher du côté des systèmes hydrothermaux du fait de leur postériorité par rapport à la mise en place des intrusions dans la croûte ou au remplissage des chambres magmatiques, ce qui permet de supposer qu’ils sont déconnectés de toute influence de la nature même des roches impliquées. La solution doit donc nécessairement être liée à la pétrogenèse des adakites, aussi discutée soit-elle (Jégo et al., 2005). C’est pourquoi l’hypothèse d’un enrichissement en or des magmas adakitiques par rapport aux magmas d’arc classiques doit être envisagée.

Nous avons donc exploré l’hypothèse du caractère spécialisé vis-à-vis de l’or des magmas adakitiques, par comparaison avec des magmas non-adakitiques.

L’utilisation de ces différents échantillons de départ permet de tester l’influence de la composition adakitique ou non d’un magma sur le transport de l’or et sa concentration.

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Tableau 1 : Caractéristiques géochimiques et pétrologiques principales des trois roches de départ. EVC : East Volcanic Chain ; WVC : West Volcanic Chain ; L.O.I. : perte au feu.

III-2-b) Caractéristiques des échantillons de départ.

Les trois roches étudiées sont nommées PhM5 (andésite calco-alcaline typique), Pin Dac (adakite intermédiaire) et Bal2 (adakite typique). PhM5 provient de la mine Philex dans le district minier de Baguio, Pin Dac représente la ponce blanche émise du Mont Pinatubo en 1991, et Bal2 est issue d’un petit plug intrusif situé dans le village de Balungao (Figure 3 ; Figure 4). Leurs caractéristiques pétrologiques et géochimiques principales sont résumées en Tableau 1 (voir § III-5 pour des précisions sur les méthodes analytiques). En outre, la pétrogenèse de PhM5 a été évoquée par Bellon et Yumul (2000, 2001) et celle des deux adakites a largement été étudiée par Jégo et al. (2005), et notamment par Prouteau et Scaillet (2003) en ce qui concerne la dacite du Pinatubo.

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Figure 3 : Carte schématique de Nord-Luzon (Philippines) montrant les lieux d’échantillonnage des trois roches utilisées pour les expériences de solubilité.

Figure 4 : Carte géologique des environs du gisement Santo Tomas II, auquel est associée la roche PhM5 (d’après Imai, 2001).

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Les trois roches montrent des teneurs en SiO2 allant de 61.5 à 64.5 pds%. Les autres éléments majeurs présentent des concentrations similaires mais quelques différences méritent d’être précisées: Bal2 est plus magnésienne (5.5 pds%) que les autres, alors que PhM5 est légèrement plus riche en calcium et en fer, mais plus pauvre en K2O (0.6 pds%). Ceci conduit à tripler le rapport CaO/K2O dans PhM5 par rapport à celui des adakites, ce qui peut avoir de l’importance quant aux valeurs de solubilité en métaux. Elles montrent toutes trois des teneurs en éléments traces caractéristiques, typiques de magmas d’arc : enrichissement en LILE (Large Ion Lithophile Elements) et en terres rares légères (LREE : Light Rare Earth Elements), et appauvrissement en HFSE (High Field Strength elements) et en terres rares lourdes (HREE : Heavy Rare Earth Elements) (Figure 5). Cependant, les spectres de terres rares des adakites sont typiquement plus fractionnés, du fait de leurs teneurs moindres en HREE et Y. Les rapports Sr/Y s’échelonnent entre 20.8 et 197.8, traduisant un passage progressif du domaine des magmas calco-alcalins typiques (PhM5) à celui des adakites typiques (Bal 2), en passant par les adakites intermédiaires (Pin Dac) dans un diagramme du type Sr/Y versus Y (Figure 6).

Figure 5 : Spidergramme étendu des éléments traces des trois échantillons de départ.

Figure 6 : Diagramme Sr/Y en fonction des teneurs en Y (en ppm) pour les trois échantillons de départ, Bal2 et Pin Dac étant adakitiques mais pas PhM5.

On peut noter que Bal2 est particulièrement riche en chrome, cobalt et nickel, ce qui correspond à une autre caractéristique des adakites typiques (Mahlburg Kay et al., 1993 ; Jégo et al., 2005). Les trois roches magmatiques considérées sont très récentes (< 2.7 Ma). Les phases cristallines qu’elles contiennent sont similaires (plagioclases, amphiboles, oxydes de Fe-Ti, clinopyroxènes, orthopyroxènes) et les textures sont comparables, malgré le fait que la ponce du Pinatubo, outre les macrocristaux, ne contienne pas de microlites mais uniquement un verre matriciel.

Les teneurs en or en roche totale sont très basses (12 à 38 ppb), proches des limites de détection (< 10 ppb), l’adakite typique étant la plus riche (voir Tableau 1).

III-2-c) Conditions de pression et température.

Les trois roches qui ont été choisies comme matériaux de départ ont été évidemment échantillonnées à la surface de la croûte terrestre. Pour parvenir à cette extrémité, il a fallu que ces magmas traversent la croûte sur toute son épaisseur, à partir du coin de manteau sub- arc. Lors de cette ascension, ils ont été l’objet de processus pétrologiques tels que la cristallisation fractionnée, l’assimilation crustale et les mélanges. L’état "géochimique" dans

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lequel on peut les observer aujourd’hui à la surface n’est donc pas totalement représentatif de celui des magmas originaux générés à partir du manteau ou de la croûte océanique en subduction.

Cependant, la spécialisation potentielle de ces magmas vis-à-vis de l’or n’a probablement pas été acquise dans la croûte superficielle, sous des conditions pré-éruptives, mais elle est bien le reflet des caractéristiques géochimiques des magmas originaux générés aux conditions mantelliques. Le fractionnement, l’assimilation et les mélanges inévitables que subissent ces magmas originaux lors de leur ascension ne peuvent aller que dans le sens d’une

"destruction" de toute particularité géochimique initiale, et donc tendre vers une homogénéisation géochimique des magmas finaux.

Heureusement cette tendance n’a généralement pas les moyens d’aboutir totalement, mais cela impose dans notre cas de tester la spécialisation des magmas adakitiques dans des conditions assez profondes pour qu’elles soient le plus proche possible des conditions dans lesquelles les magmas ont été générés. C'est-à-dire que des conditions pré-éruptives, par exemple, ne seraient pas souhaitables dans ce type d’expériences.

Pour des raisons pratiques, et puisque l’accent est mis avant tout sur les paramètres compositionnels (i.e., l’influence de la pression et de la température sur les lois de solubilité est ici secondaire), les conditions d’expérimentation ont été arbitrairement fixées à 4000 bars et 1000°C. Ces valeurs correspondent à un environnement de croûte moyenne (~ 12 Km de profondeur). Elles n’ont donc pas simulé les conditions de genèse des magmas dans le manteau. Cependant, ces conditions sont voisines des liquidus des magmas étudiés, ce qui interdit tout fractionnement important des magmas au cours des expériences, lequel pourrait modifier les signatures géochimiques originales.

III-2-d) Paramètres chimiques.

Il existe très peu de données expérimentales disponibles dans la littérature sur la solubilité de l’or dans les liquides magmatiques : Borisov and Palme (1996) ont étudié la solubilité de l’or à 1 atmosphère dans une composition haplobasaltique (Anorthite-Diopside) ; Jugo et al. (1999) ont étudié le partage de l’or et du cuivre dans un assemblage liquide haplogranitique/sulfure/or métal à 850°C et 1 Kbar en conditions hydratées ; Jugo et al.

(2005a) ont déterminé la solubilité de métaux précieux, dont Au, dans des liquides basaltiques saturés en sulfures et sulfates à 1300°C et 10 Kbar. D’autres auteurs ont concentré leurs efforts sur le partage de l’or entre magmas et fluides hydrothermaux, c'est-à-dire dans un

contexte plus superficiel qui n’est plus exactement celui du stade magmatique sensu stricto : ainsi, Simon et al. (2003, 2005) ont expérimentalement déterminé le partage de l’or dans des systèmes liquide rhyolitique ou haplogranitique/magnétite/vapeur/saumure ; Frank et al.

(2002) ont étudié la solubilité de l’or en fonction de HCl dans un système saumure/liquide silicaté/or métal.

Cependant, malgré le peu d’études consacrées au sujet, il apparaît clair que l’influence de la fO2 sur la solubilité de l’or dans les magmas silicatés est à considérer en premier lieu (Borisov et Palme, 1996). D’ailleurs, la solubilité d’autres éléments, comme le soufre, dans les liquides silicatés est désormais reconnue comme étant fortement fonction de la fugacité d’oxygène fO2 (e.g., O’Neill and Mavrogenes, 2002 ; Clemente et al., 2004 ; Jugo et al., 2005b ; Scaillet and MacDonald, 2006). De plus, le fait que les sulfures – en particulier ceux de fer - soient depuis longtemps considérés comme des "pièges" à métaux précieux (de part le caractère fortement sidérophile ou chalcophile de ces derniers) implique a priori que des conditions oxydantes, dans lesquelles les sulfures sont instables, sont favorables à l’incorporation de ces métaux dans les liquides silicatés et à leur dépôt consécutif sous forme de minerais (Jugo et al., 2005a). C’est ce que nous nous sommes proposés de vérifier en travaillant sur une gamme de fO2 large : trois domaines différents ont été investigués, correspondant à des conditions réductrices (~ NNO-1), moyennement oxydantes (~

NNO+1.5), et fortement oxydantes (~ NNO+3), le domaine intermédiaire étant le plus communément rencontré dans les roches magmatiques d’arc naturelles.

D’autre part, on a souhaité conduire nos expériences dans des conditions réalistes pour des magmas naturels, c'est-à-dire en conditions hydratées. C’est d’ailleurs une caractéristique des roches volcaniques en contexte de subduction que de montrer des conditions voisines de la saturation en eau (aH2O ~ 0.9). C’est pourquoi une quantité relativement importante d’eau a été ajoutée à chaque charge de chaque expérience. Cette quantité d’eau a été variée depuis des valeurs proches de la saturation afin de constater l’effet d’un changement d’état d’hydratation du magma (i.e. fH2O variable) sur ses capacités de solubilisation.

En outre, on sait que le soufre est systématiquement présent dans les gisements Au-Cu de l’arc de Nord Luzon (Imai, 2002, 2004), comme ailleurs dans les arcs circum-Pacifique.

De plus, le fait que les minerais primaires soient de manière prépondérante des sulfures (Kesler et al., 2002) a conduit à la suggestion que le soufre joue un rôle important dans les processus d’enrichissement en métaux au stade magmatique (Sillitoe, 1997; Mungall, 2002).

Par ailleurs, on constate que les seules données disponibles sous pression, en conditions hydratées et en équilibre avec des phases soufrées concernent uniquement des liquides

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silicatés de composition felsique ou mafique. Aucune donnée de solubilité de l’or n’existe sur des magmas intermédiaires, que ce soit en présence ou non de soufre. On a donc décidé, dans le but d’élargir le propos et, si les résultats préliminaires nous y incitent, d’ouvrir de nouvelles perspectives de recherche, de mener quelques expériences sur ce type de magmas (i.e., andésite/dacite) en ajoutant 1 pds% de soufre, c'est-à-dire largement au-delà des solubilités en soufre déterminées dans les études antérieures. Puisqu’il s’agit d’une simple comparaison préliminaire avec les expériences sans soufre, on s’est limité à une composition (Pin Dac) et une gamme de fO2 (~ NNO-1).

Ainsi, et pour résumer, chacune des trois compositions choisies a été portée à 4000 bars et 1000°C, pour plusieurs (environ trois) taux d’hydratation en eau, et sous trois fugacités d’oxygène différentes, sans ajout de soufre. Une expérience comparative supplémentaire (dupliquée) a été menée sur la dacite du Pinatubo dans un environnement réducteur, à 4000 bars, 1000°C et pour trois états d’hydratation.