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Analyse des trajets retour avec prise en compte des courants

3. LE COMPORTEMENT D'ORIENTATION A GRANDE DISTANCE DES

3.3. Matériel et méthodes

3.3.2. Analyse des trajets retour avec prise en compte des courants

3.3.1.3. Traitement des données de suivi satellite

Les tortues ont été suivies grâce au système Argos (cf. § 1.3.1.2). Les données reçues ont été filtrées en fonction des classes de localisation et des vitesses entre localisations successives pour supprimer les localisations aberrantes. Les trajets ont été re-discrétisés temporellement en pas de 4 heures par interpolation linéaire, c'est à dire en supposant que la vitesse de déplacement de la tortue entre deux localisations consécutives était constante.

Avant de calculer la vélocité de surface, les composantes géostrophiques et d'Ekman ont subi une interpolation spatiale puis temporelle afin d'obtenir des champs journaliers de vélocité de surface sur une grille d'une résolution d'un quart de degré.

3.3.2.2. Impact des courants et capacités d'orientation

Afin d'estimer l'impact des courants océaniques sur les déplacements des tortues marines, plusieurs méthodes d'analyses ont été développées. Tout d'abord, trois vecteurs ont été calculés pour chaque localisation de tortue (toutes les quatre heures) : un vecteur "trajet", un vecteur "courant" et un vecteur "locomotion". Chaque vecteur "trajet" correspond au déplacement en ligne droite accompli en quatre heures entre une localisation (Xi, Yi) et la localisation suivante (Xi+1, Yi+1). Les vecteurs "courant" ont été calculés par interpolation bi-linéaire à partir des grilles journalières de vélocité de surface (cf. § 3.3.2.1). Les vecteurs

"locomotion" quant à eux reflètent le comportement de nage des tortues (c'est à dire leur déplacement relatif à la masse d'eau en mouvement). Les trajets observés résultant de la somme des mouvements de nage des tortues et des déplacements dus aux courants, les vecteurs "locomotion" ont été estimés en calculant la différence entre les vecteurs "trajet"

et "courant". La méthode utilisée pour estimer les courants de surface n'étant valide qu'à distance des côtes (environ à 20 km), les vecteurs "courant" n'ont pas été calculés à proximité des côtes et dans les lagons, ni par conséquent les vecteurs "locomotion". Dans ce qui suit, les localisations dans les lagons ne seront donc considérées que lorsqu'il s'agira d'analyser les trajets relatifs au fond (c'est à dire les trajets enregistrés).

Pour estimer l'efficacité d'orientation d'un trajet, la meilleure méthode consiste à mesurer à chaque pas sa composante dans la direction du but, c'est à dire à estimer l'espérance du cosinus de la différence angulaire entre l'orientation du pas et la direction du but, puis à calculer la moyenne de ces valeurs (cf. § 1.3.2.3). Cette méthode implique que les pas soient de taille très petite (infinitésimale idéalement) car l'emplacement relatif du but par rapport à l'animal change continuellement (sauf si le but est situé à l'infini ; cf.

§ 1.3.2.3.2). Nous avons donc mesuré la composante moyenne vers le but des trajets observés (trajets relatifs au fond) et celle des trajets locomoteurs (trajets relatifs aux masses d'eau) en calculant une valeur de cosinus de différence angulaire entre orientation de vecteur ("trajet" ou "locomotion") et direction du but à chaque kilomètre parcouru. Notons que, pour les trajets relatifs au fond, la moyenne des cosinus des différences angulaires

entre orientation de pas et direction du but (aussi appelées erreurs directionnelles) est aussi égale au rapport ∆D/L, où ∆D est la différence entre les distances (en ligne droite) initiale et finale au but et L, la longueur du trajet parcouru entre ces deux localisations (cf.

§ 1.3.2.3.2 et Benhamou 2004)18. Cela ne s'applique pas aux trajets locomoteurs car dans un système de référence lié aux masses d'eau, contrairement à un système de référence géocentré, l'emplacement du but n'est pas fixe. Pour les trajets locomoteurs, il faut donc calculer la moyenne des cosinus des erreurs directionnelles. Néanmoins, une autre manière de la calculer consiste à représenter le trajet locomoteur par rapport à la direction du but qui lui est renvoyé à l'infini (cf. § 1.3.2.3.2). Cette direction correspond à l'abscisse d'un référentiel orthonormé. Pour chaque vecteur "locomotion", l'orientation est calculée par rapport à la direction du but et la localisation obtenue dans le nouveau référentiel est représentée sur le graphique. La distance entre le centre du référentiel (qui correspond au point de lâcher de la tortue) et la projection du dernier point du trajet locomoteur sur l'axe départ-but (axe des abscisses) mesure la dérive G du trajet locomoteur. Le rapport G/Ltm (Ltm étant la distance parcourue relativement aux masses d'eau) mesure alors l'efficacité d'orientation du trajet locomoteur.

Une question intéressante concernant le comportement d'orientation consiste à se demander si les tortues compensent19 l'action des courants, au sens où elles anticipent la dérive due aux courants, comme le ferait un navigateur humain, en prenant une direction telle que l'action des courants (ou du vent) le ramène dans la direction optimale par rapport au but. Afin de tester cette hypothèse, les composantes vers le but des vecteurs "trajet" et

"locomotion" (i.e. les cosinus de leur orientation par rapport à la direction du but) ont été calculées pour des localisations où la vitesse du courant était supérieure à 25 cm/s. Dans ce cas, il s'agit aussi de calculer une moyenne des cosinus des différences angulaires entre orientations de vecteur ("trajet ou "locomotion") et directions du but mais à partir de

18 Si une tortue a rejoint son site de ponte, le rapport ∆D/L est exactement égal au rapport D/L, où D est la distance en ligne droite entre le point de départ et le but (car pour le dernier point la distance en ligne droite au but est nul).

19 Une autre définition peut être prétée au terme "compensation". Dans notre contexte, il pourrait aussi signifier que les tortues sont capables de réagir aux déplacements passifs (par bateau et dus aux courants) et de revenir sur leur site de ponte. Néanmoins, par la suite, le terme compensation sera excusivement utilisé pour rendre compte d'une capacité à anticiper la dérive due aux courants et à choisir une direction de nage en conséquence.

données angulaires indépendantes, donc avec un pas temporel important (contrairement à la mesure de l'efficacité d'orientation qui elle requiert un pas spatial très petit). Un sous- échantillonnage des données angulaires des vecteurs "trajet" et "locomotion" était donc nécessaire. En effet, une auto-corrélation entre les orientations de vecteurs ("trajet" ou

"locomotion") successives peut apparaître dans le trajet d'un animal orienté vers un but du fait de la forte tendance des animaux à se déplacer vers l'avant (cf. Benhamou & Bovet 1992). Bien que cette auto-corrélation ne modifie pas l'orientation moyenne obtenue (pour peu que le trajet soit suffisamment long et l'impact de l'orientation initiale suffisamment atténué), elle a pour effet d'augmenter artificiellement la taille de l'échantillon. De ce fait, elle augmente le risque de rejeter l'hypothèse nulle à tort. Puisque l'auto-corrélation tend à diminuer lorsque les localisations considérées sont espacées, nous avons sous-échantillonné nos données en fixant un délai minimum de 4n heures entre les localisations prises en considération dans l'analyse, n étant le plus petit entier permettant d'obtenir des valeurs angulaires indépendantes pour les vecteurs "trajet" comme pour les vecteurs "locomotion"

exprimés par rapport au but (n varie selon les trajets). Pour vérifier l'indépendance des valeurs angulaires, nous avons utilisé le test de corrélation de rang (cf. Batschelet 1981) en fixant la probabilité p' à 0,10. Les valeurs moyennes obtenues pour chaque tortue ont été comparées à l'aide du test de rang de Wilcoxon pour données appariées (test bilatéral). Si les tortues ont compensé la dérive locale due au courant (i.e. si elles ont nagé dans une direction telle que le mouvement résultant soit assez bien dirigé vers le site de ponte), la composante moyenne vers le but des vecteurs "trajet" devrait être plus élevée que celle des vecteurs "locomotion". Dans le cas contraire (pas de compensation de la dérive), la composante moyenne vers le but des vecteurs "trajet" devrait être plus faible que celle des vecteurs "locomotion".

En fonction des résultats du test précédent sur la compensation de la dérive due aux courants, les orientations de vecteurs "trajet" ou bien de vecteurs "locomotion" ont été calculées par rapport à la direction du but. Leur distribution a été analysée afin d'estimer la capacité des tortues à estimer la direction de leur but. Comme précédemment, il a fallu sous-échantillonner les valeurs angulaires avec un délai minimum de 4n' heures entre les localisations, afin d'assurer l'indépendance statistique des données au seuil p' = 0,10 (n' étant différent de la valeur n calculée auparavant car ici, toutes les localisations ont été considérées, quelque soit la vitesse du courant). L'hypothèse nulle d'une uniformité des

distributions des orientations des vecteurs ("trajet" ou "locomotion") a été testée statistiquement à l'aide d'un test V (cf. Batschelet 1981).

Pour finir, des trajets de tortues virtuelles ont été simulés dans le modèle de dynamique océanographique de la zone afin d'examiner le comportement d'animaux incapables de compenser la dérive due au courant mais estimant avec précision la direction de leur plage de ponte. Des tortues virtuelles ont été positionnées aux points correspondant aux six points de lâchers des vraies tortues, la simulation de leurs trajets débutant aux mêmes moments que les vrais trajets. Les trajets simulés ont été construits en calculant un vecteur

"trajet" toutes les heures résultant de la somme des vecteurs "courant" et "locomotion"

locaux. Un calcul préalable des normes des vecteurs "locomotion" des vraies tortues témoins a montré que celles-ci nageaient activement à une vitesse moyenne de 61 cm/s (écart-type égal à 17) et que 50 % des vitesses moyennes individuelles étaient comprises entre 49 et 76 cm/s. Pour chaque lâcher, des simulations de trajets ont donc été réalisées avec des normes de vecteurs "locomotion" constantes égales à 50, 60, 70 ou 80 cm/s. Les efficacités d'orientation des trajets de ces tortues virtuelles ont été comparées à celles des tortues vraies. À titre indicatif, le trajet d'une tortue virtuelle totalement inactive (i.e. se laissant dériver au gré des courants) a également été simulé à partir de chaque point de lâcher. Les simulations étaient arrêtées si :

⎯ option 1 : la tortue virtuelle parvenait à une distance inférieure à 20 km de son site de ponte ;

⎯ option 2 : la durée des déplacements atteignait une valeur limite comprise entre 56 et 187 jours (valeur fixée selon la zone d'étude) ;

⎯ option 3 : la tortue virtuelle rejoignait une autre côte que celle de son site de ponte.