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2. LE COMPORTEMENT D'ORIENTATION DES GRANDS POISSONS

2.4. Déplacements expérimentaux de dorades coryphènes

2.4.2. Matériel et méthodes

2.4.2.1. Sites d'expérimentation

Les expériences de déplacement de dorades coryphènes ont eu lieu à La Réunion et aux Seychelles, entre juillet 2003 et mai 2005. À La Réunion, les DCP ancrés autour desquels les dorades coryphènes ont été pêchées sont construits sur le même modèle que ceux qui étaient impliqués dans le suivi des thons à nageoires jaunes (cf. § 2.3.2.1). Le réseau comporte en revanche moins de dispositifs (neuf DCP le long de la côte ouest ; Figure 2-12). Aux Seychelles, trois DCP ont été ancrés sur le plateau, sur des profondeurs de l'ordre de 60 m. Afin de tester leur capacité à agréger des poissons, un premier modèle (DCP 1), constitué d'un radeau en bambou en surface, d'une ligne de mouillage en cordages et d'un lest en béton, fut ancré le long de la côté nord-ouest de Mahé en avril 2004 mais il a disparu courant décembre 2004. Par la suite, les DCP 2 et 3 ont été construits selon le modèle "océan Indien", en remplaçant la ligne de mouillage en cordages par un câble en acier. Ces deux dispositifs ont été mouillés entre Mahé et Silhouette et espacés l'un de l'autre de 3 km (Figure 2-13).

2.4.2.2. Protocole et analyses

Dans le cadre de ces expériences, deux techniques ont été utilisées : le suivi ultrasonique d'individus par bateau (ou suivi actif) et la technique de marquage recapture à l'aide de marques acoustiques et de stations d'écoute (suivi passif). Les dorades coryphènes ont été pêchées à l'appât vivant (à La Réunion) ou à la traîne (aux Seychelles) à proximité d'un DCP (à une distance inférieure à 200 m) et remontées à bord à l'aide d'une civière ou d'un filet sans nœuds. À La Réunion, immédiatement après la capture, l'animal fut placé sur le dos dans une cuve en bois remplie d'eau de mer en circulation continue. Cette technique a pour avantage de limiter les mouvements brusques du poisson et de le calmer (Taquet 2004). Aux Seychelles, chaque dorade coryphène fut déposée sur une table de marquage en V recouverte d'un matelas en mousse. La tête du poisson était couverte avec une peau de chamois humide et après avoir retiré l'hameçon, un tuyau en plastique était introduit dans la gueule afin d'oxygéner ses branchies. Les dorades coryphènes suivies par bateau ont été équipées d'une marque Vemco V16P munie d'un capteur de pression (permettant d'estimer la profondeur du poisson), fixée derrière la nageoire anale avec un hameçon (Figure 2-14).

Figure 2-11 : La dorade coryphène.

Figure 2-12 : Réseau actuel de DCP ancrés à La Réunion. Seuls les DCP à l'ouest de l'île sont représentés.

Figure 2-13 : Position des trois DCP ancrés sur le plateau des Seychelles. Le DCP 1 a été installé en avril 2004 et a disparu en décembre de la même année. Les DCP 2 et 3, distants de 3 km, ont été installés en mars 2005 et ont disparu courant juin 2005.

Le marquage des individus suivis passivement avec les stations d'écoute a nécessité une opération chirurgicale. Elle consiste à effectuer une petite incision de 15 à 20 mm à l'aide d'un scalpel, située légèrement en avant et au-dessus de l'orifice anal, et à implanter une marque Vemco V13 dans la cavité péritonéale (Figure 2-14). L'incision est ensuite refermée avec deux ou trois points de suture. Pour les poissons relâchés en dehors de la zone d'association, les marquages ont été réalisés alors que le bateau se dirigeait à vive allure (environ 25 noeuds) vers le site de relâchage, cela afin de limiter la durée durant laquelle la dorade coryphène était hors de l'eau (estimée entre 3 et 5 minutes). De même, afin de limiter la durée de transport et les secousses du bateau pendant le marquage, à l'exception d'un individu, toutes les poissons déplacés ont été emmenés en aval du DCP de capture par rapport à la direction de la houle. Lors du relâchage, si le poisson était en bonne forme il était libéré rapidement alors que s'il paraissait affaibli par la capture et le marquage, il était maintenu quelques minutes dans l'eau sur le côté du bateau pour assurer une bonne oxygénation de ses branchies, jusqu'à ce qu'il s'échappe des mains du marqueur.

Le suivi actif des dorades coryphènes a été réalisé en utilisant un système similaire à celui employé pour suivre certains thons à nageoires jaunes (système Vemco VR28 équipé de quatre hydrophones tractés et d'un récepteur enregistrant la localisation GPS du bateau, l'intensité du signal acoustique reçu et la profondeur de la marque ; Figure 2-15). L'objectif principal de ces expériences de déplacements étant de tester les capacités de retour des dorades coryphènes à différentes distances du DCP de capture, les suivis actifs n'ont duré que quelques heures.

Afin de détecter la présence des poissons équipés d'une marque V13, les DCP 2 et 3 (aux Seychelles ; cf. Figure 2-13) ont été équipés de stations d'écoute durant 63 et 47 jours respectivement, fixées à cinq mètres sous la surface (Figure 2-16). Suite à des tests réalisés à proximité des DCP seychellois et dans des conditions similaires à celles des expériences de retour au gîte, les distances maximales de détection des marques ont été estimées à environ 300 m autour du bateau suiveur pour les marques V16P et à environ 385 m autour de chaque station d'écoute pour les marques V13. Les marques V16P émettaient un signal continu sur une fréquence comprise entre 51 et 78 kHz (selon la marque) alors que les marques V13 émettaient un signal sonore de 69 kHz toutes les 40 à 120 ms (le délai d'émission étant aléatoire afin d'optimiser la détection de plusieurs marques en même temps). Les individus ont été relâchés à des distances inférieures à 2000 m. Ces distances étant relativement faibles, le retour (même rapide) d'une dorade coryphène ne permet pas

Figure 2-14 : Marquage d'une dorade coryphène, à gauche avec une marque V16P fixée sur un hameçon, et à droite avec une marque V13 implantée dans la cavité péritonéale (source : FADIO, M. Taquet).

Figure 2-15 : Système de suivi actif utilisé lors des déplacements de dorades coryphènes. Il se compose de quatre hydrophones fixés sur une paravane tractée par le bateau et d'un récepteur (Vemco VR28). Les localisations du bateau sont mesurées à l'aide d'un GPS relié au récepteur. Un ordinateur enregistre les données en temps réel (source : C. Girard).

Figure 2-16 : Station d'écoute VR2 (Vemco) installée sous un DCP (source : FADIO, M. Taquet).

de déterminer avec certitude si elle s'est orientée vers le DCP où si au contraire, elle s'est déplacée au hasard dans la bonne direction par rapport au dispositif. D'autre part, les trajets retour vers le DCP de capture étant peu nombreux et relativement courts, les méthodes d'analyses statistiques de trajets utilisées avec les enregistrements de trajets de thons à nageoires jaunes n'ont pu être appliquées. Néanmoins, nous avons estimé la probabilité de revenir par hasard après déplacement en dehors de la zone d'association. Taquet (2004) indique que le rayon d'association de la dorade coryphène à un DCP dérivant est inférieur à 360 m. Cette distance, bien que dépendante de la technique de recapture utilisée, reste en accord avec les estimations par observations sous-marines et par pêche. Dans cette étude, la distance de détection des marques V13 est estimée à 385 m. En outre, à l'exception du DCP de capture de la dorade coryphène (C3), les coordonnées réelles des DCP de capture ont été régulièrement relevées, ce qui permet de nous affranchir de l'incertitude liée à leur position exacte. Dans cette étude, nous avons donc considéré que le rayon d'association des dorades coryphènes était égal à la distance de détection des stations d'écoute (i.e. 385 m).

Pour chaque distance de relâchage d supérieure au rayon d'association, une probabilité de retour au hasard p a été calculée à partir de la taille angulaire de la zone d'association (p = 2 ä arcsin(385/d)/(2π)). La probabilité f(x) que x dorades coryphènes soient revenues à leur DCP d'origine en s'orientant complètement au hasard a été estimée d'une manière similaire dans ses principes à la construction de la loi binomiale (cf. § 1.3.2.4).