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LFY, pour assurer son rôle de gène FMI, s’exprime très précocement au niveau de la mise en place des futures fleurs. L’analyse de son patron d’expression révèle que ses ARNm sont présents dès le stade anlagen (ou stade floral 0) sur l’ensemble du futur méristème floral, patron d’expression qui reste uniforme jusqu’au stade de développement floral 3 (Blazquez et al., 1997; Weigel et al., 1992).

Ainsi, comment LFY peut-elle réguler l’expression des gènes homéotiques floraux à des territoires confinés du méristème floral ? Cette question a trouvé réponse dans l’identification de co-régulateurs de LFY dont le patron d’expression confère une délimitation spatiale à l’activité de LFY. En effet, UFO permet à LFY d’activer AP3 au niveau des futurs pétales et étamines, et WUS permet à LFY d’activer AG au centre du méristème floral, en place des futurs étamines et carpelles. Nous allons voir que l’obtention de la structure de LFY-C à l’ADN, et nos données nouvelles de biochimie, nous a amené à revisiter ces corégulations.

a) Cas de la régulation d’AG par LFY et WUS

Lohmann et collaborateurs ont identifié le corégulateur WUS en 2001 et montré qu’il agissait de façon synergique avec LFY pour activer AG, chacune de ces protéines n’étant pas capable d’activer AG à elle seule. WUS code pour une protéine à homéodomaine capable de lier l’ADN sur une séquence consensus putative propre à cette famille de facteur de transcription de la forme TTAATGG (Gehring et al., 1994). Cette séquence est observée à proximité des deux sites de liaisons de LFY décrits jusqu’alors au niveau du second intron d’AG (AG-I et AG-II, Fig.14). Dans un premier temps, en

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observant que les mutations, soit des sites de liaison de WUS, soit des sites de liaison de LFY, annulent la capacité du duo LFY/WUS à activer AG par expérience des transactivation chez la levure, ces auteurs déduisent que LFY et WUS contactent le deuxième intron d’AG en même temps. La mutation d’un seul des deux sites de liaison de LFY n’a en revanche qu’un effet modéré. Par EMSA, ces auteurs montrent ensuite que, malgré la proximité des sites de liaison de LFY et WUS, le mélange de ces deux protéines en présence d’ADN n’engendre pas la formation d’un complexe supplémentaire:

LFY et WUS contacteraient indépendamment l’ADN. Depuis ces données, deux nouveaux sites de liaison putatifs de LFY ont été identifiés, AG-III étant lui aussi couplé à un site putatif de liaison de WUS (Hong et al., 2003).

Lorsque nous avons obtenu la structure de LFY-C lié à AG-I, nous avons regardé comment pouvait se positionner WUS, mais nous nous sommes rapidement heurtés à un problème: au moment de la parution de l’article de Lohmann et collaborateurs, la séquence consensus de LFY admise était de la forme CCANTG, ignorant que deux protéines LFY lient simultanément l’ADN sur une séquence bien plus longue. Dans le cas de WUS, il serait possible également que cette protéine s’homodimérise comme il l’a été observé par double hybride avec l’orthologue de WUS chez le riz, bien que ces travaux ne permettent pas de conclure si cette homodimérisation peut s’effectuer sur la séquence cible d’ADN de WUS (Nagasaki et al., 2005). En revisitant le positionnement des sites de liaison de LFY et WUS, nous avons donc constaté que les deux sites couvraient partiellement la même région d’ADN (Fig.56A).

Il ne semble donc pas possible physiquement que l’homodimère LFY contacte l’ADN simultanément à WUS au niveau de deux séquences de liaison LFY/WUS adjacentes, si ce n’est si le dimère LFY contacte une région donnée de l’ADN et WUS la région diamétralement opposée (Fig.56B). Pour tester cette éventualité, François Parcy a réalisé la modélisation structurale de LFY et WUS au niveau de leur séquence cible (Fig.56C) et constaté que le modèle de liaison simultanée du dimère LFY et de WUS décrit en Fig.56B (à gauche) semble peu probable. Ce constat nous a amener à avancer une nouvelle hypothèse. Pour concilier l’action synergique avec les données de structure, nous proposons donc que LFY et WUS puissent former un hétérodimère sur AG (Fig.56B à droite), ce qui de plus expliquerait d’un point de vue moléculaire pourquoi des sites de liaison de WUS sont observés si fréquemment à proximité de sites de liaison de LFY. Cette hypothèse conduit à une autre question. Les sites AG-I, AG- II et AG-III, tous trois composés d’un site de liaison de LFY couplé à un site de liaison de WUS, pourraient ne pas avoir un rôle fonctionnel équivalent. En effet, si le site de liaison de WUS est situé en 5’ des sites de liaison LFY au niveau AG-I et AG-III, il est situé en 3’ du site au niveau d’AG-II:

l’orientation relative des sites de liaison respectifs de LFY et WUS n’est pas équivalente entre AG-I, AG- II et AG-III (Fig.14). La question revient donc à savoir si des interactions LFY/WUS peuvent mettre en jeu différents points de contact de part et d’autre de chaque protéine comme l’illustre le modèle en figure 56D ? Ou ces trois sites sont-ils contactés différemment par LFY et WUS? La synergie

141 d’activation observée chez la levure par Lohmann et collaborateurs a été obtenue à partir d’un fragment d’ADN contenant les sites AG-I et AG-II, tandis que les EMSA décrivent la liaison de LFY et WUS au niveau du site AG-II uniquement. Il serait donc intéressant de coupler ses EMSA à une analyse avec AG-I également.

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Pour tester l’hypothèse d’une action en hétérodimère, Emmanuel Thévenon, technicien dans notre équipe, a testé par expérience de transactivation qualitative chez la levure la capacité de LFY et WUS à activer AG (Fig.57). Après avoir confirmé que la co-expression de LFY et WUS activait bien l’expression d’AG, Emmanuel a testé l’effet d’une délétion de LFY au niveau de la région non conservée C-terminale (LFY∆, résidus 391-424). Cette région n’a pas de rôle démontré: elle n’apparaît pas dans la structure de LFY-C liée à l’ADN suggérant qu’elle n’est pas structurée, et ne semble pas intervenir dans la liaison à l’ADN. Elle ne semble pas non plus intervenir dans la coopérativité comme le suggère le comportement de liaison des protéines produites à partir de pCH43 (résidus 224-391), protéines délétées de cette même région dans le contexte LFY-C. En revanche, dans son expérience, Emmanuel constate que cette truncation annule la synergie d’activation LFY/WUS (Fig.57): la région C-terminale non conservée pourrait donc intervenir dans une putative hétérodimérisation LFY/WUS. Pour affiner ces résultats, Emmanuel est en train de confirmer cette expérience de transactivation chez la levure par des mesures quantitatives. Il a pour l’instant mis au point un protocole permettant de visualiser la synergie d’activation LFY/WUS et devrait prochainement tester la capacité de LFY∆/WUS à induire AG.

Dans l’optique de tester par d’autres stratégies cette interaction LFY/WUS potentielle, nous allons désormais étudier selon cette même approche dans la levure la synergie d’activation de WUS et LFY mutée dans les résidus His387 et Arg390, impliqués dans l’homodimérisation de LFY. Nous avons vu que cette double mutation empêche LFY couplée au domaine activateur constitutif VP16 d’activer AG, alors que la protéine sauvage couplée à ce même domaine VP16 active AG. Ainsi, si la synergie n’est pas affectée, on peut conclure qu’elle ne fait pas intervenir l’homodimère LFY et que les 2 résidus ne sont pas impliqués dans un éventuel contact avec WUS. Par contre, si elle est affectée, on ne pourra rien conclure.

143 J’ai essayé pour ma part d’étudier la liaison de LFY et WUS à AG par approche biochimique. J’ai pour cela essayé de produire WUS à partir de différents vecteurs (décrits en Matériel et méthodes) en bactéries E. coli issues de différentes souches. Malgré les tentatives d’optimisation des conditions d’induction, l’expression de WUS reste faible et exige de nouveaux essais. Des expériences préliminaires à partir de protéines très impures (dont la présence a été confirmée par Western Blot avec des anticorps anti-WUS) n’a pas permis de mettre en évidence d’interaction spécifique à l’ADN par EMSA. Pour pallier à ce problème de quantité et qualité de la protéine, j’ai entrepris selon le même principe que celui appliqué à LFY l’étude d’un sous-domaine de WUS, à savoir l’homéodomaine (WUS- Hd) qui d’après les connaissances sur les protéines à homéodomaine serait le domaine de liaison à l’ADN de WUS (Luscombe et al., 2000). WUS-Hd a pu être très bien exprimé et purifié jusqu’à un haut niveau de pureté (Fig.58A et B). Malheureusement, un test par EMSA de liaison de cette protéine aux oligonucléotides d’AG-I, AG-II et à un oligonucléotide AP1 ne contenant pas de séquence prédite de liaison de WUS (contrôle négatif) n’a pu mettre en évidence de liaison spécifique à faible concentration protéique. Seules des bandes très étalées (‘smear’) sont observées avec 5000nM de WUS-Hd, quelque soit l’oligonucléotide considéré. Il semble néanmoins qu’elles soient plus prononcées à partir des deux oligonucléotides AG qu’à partir d’AP1. J’ai également essayé de mélanger WUS-Hd à LFY-C en présence de ces différents oligonucléotides dans l’éventualité que la présence de LFY stabilise WUS mais aucune expérience n’a laissé apparaître de retard spécifique au mélange de ces deux protéines (Fig.58C). Il m’est difficile de tirer une conclusion de ces résultats. Les conditions de liaison appliquées ici sont les mêmes que celles pratiquées par Lohmann et collaborateurs, conditions qui ont permis de mettre en évidence des interactions entre WUS et l’oligonucléotide AG-II. Cet homéodomaine semble bien structuré d’après la littérature sur ce type de domaines et selon des logiciels de prédiction (Fig.58D), et il semble peu probable qu’il ne soit pas impliqué dans la liaison de WUS à l’ADN. Pourquoi alors le domaine WUS-Hd n’est-il pas capable de reconnaître ses séquences cibles ? Peut-on mettre en cause l’affinité de liaison de cet homéodomaine à l’ADN ? Peut-être en effet qu’une autre région de WUS contribuerait également à l’interaction WUS/ADN. Peut-on incriminer la quantité de compétiteurs aspécifiques d’ADN? Dans cette présente expérience d’EMSA, nous avons mis une quantité d’ADN compétiteur froid établie à partir de la liaison de LFY à l’ADN, quantité suffisamment élevée pour abolir totalement la liaison aspécifique de LFY pour l’ADN. Dans le cas de WUS, les affinités aspécifique et spécifique pourraient être d’un autre ordre de grandeur. Un autre point potentiellement important est à soulever ici: dans leur article, Lohmann et collaborateurs effectuent leurs EMSA à partir de protéines produites chez la levure, tandis que je produis WUS-Hd en bactéries. La protéine WUS nécessiterait- elle pour contacter l’ADN de subir des modifications post-traductionnelles telles que des glycosylations observées uniquement chez les eucaryotes?

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Le mécanisme moléculaire à la base de la synergie d’activation d’AG exercée par LFY et WUS reste donc incompris. La seule donnée publiée à ce jour par approche biochimique sur cette régulation, l’expérience d’EMSA de Lohmann et collaborateurs, ne laisse pas apparaître de LFY et WUS de retard autre que ceux résultants de chaque protéine liée seule à AG-II. Sachant que la migration n’est pas uniquement dépendante de la masse des molécules mais également de leur conformation et de leur point isoélectrique, il serait possible que l’hétérodimère migre dans ces conditions d’expériences de la même manière que le complexe formé par LFY ou WUS seule. Mentionnons aussi que cette expérience

145 ne prend pas en compte la concentration ni l’affinité de liaison à l’ADN des deux protéines, laissant envisager que les quantités de protéines utilisées pour cette expérience ne soient pas favorables à l’apparition de l’hétérodimère.

Des alternatives à l’hypothèse d’hétérodimérisation peuvent être avancées. LFY et WUS pourraient contacter des sites différents au niveau du second intron d’AG: si l’homodimère LFY contacte AG-I, WUS contacterait AG-II et inversement (modèle auquel il pourrait être inclus AG-III également).

Cette redondance fonctionnelle expliquerait pourquoi la mutation d’un seul site LFY n’a que peu d’incidence sur la capacité du duo LFY/WUS à activer AG chez la levure (Lohmann et al., 2001). Rien ne s’oppose non plus à l’hypothèse que l’action de LFY et WUS soit régulée dans le temps, LFY contactant ses séquences cibles en premier puis laissant place à WUS ou inversement.

A long terme, nous espérons trouver réponse à cette énigme par des études biochimiques combinées à une éventuelle cristallisation du complexe WUS/AG ou LFY/WUS/AG, sous condition que les deux protéines coexistent à un moment donné sur AG. Des mutations ponctuelles au niveau des résidus de LFY nécessaires à son interaction avec WUS seront alors introduites chez A. thaliana dans le fond mutant lfy afin de valider la relevance biologique de ces données. D’ici là, nous envisageons d’introduire in planta une version de LFY délétée de sa région hydrophobe C-terminale (résidus 391- 421), expérience qui pourrait venir compléter les résultats obtenus chez la levure.

b) Cas de la régulation d’AP3 par LFY et UFO

L’importance de LFY et UFO dans l’activation de l’expression d’AP3 a été mise en évidence par approche génétique chez A. thaliana (Lee et al., 1997b; Parcy et al., 1998). Lamb et collaborateurs en 2002 ont montré par EMSA (Fig.13D) que cette activation passait par une liaison directe de LFY au promoteur d’AP3. Très récemment, Chae et collaborateurs (2008) ont décrit une série d’expériences faisant état d’une interaction physique de LFY et UFO indépendante de l’ADN, mais qui permettrait à LFY de recruter UFO au niveau du promoteur d’AP3. En effet, par EMSA, ces auteurs montrent qu’à elle seule UFO n’est pas capable de lier AP3, mais que UFO provoque un « supershift » du complexe LFY/ADN, suggérant qu’il s’y incorpore (Fig.13F). Cette interaction entre LFY et UFO a été confirmée par expérience de double hybride chez la levure, expérience réalisée avec des protéines LFY entières ou tronquées qui suggère que ce contact impliquerait la région conservée C-terminale de LFY.

La publication de Chae et collaborateurs apporte d’autres éléments de réflexion. UFO est une protéine à boîte-F, famille de protéines très souvent décrites en tant que composants de complexes SCF. Elles agiraient en tant qu’E3 ubiquitine ligase pour étiqueter et adresser des protéines vers la voie de dégradation dépendante du protéasome (Deshaies, 1999). Pour tester si une telle fonction d’UFO intervient dans sa capacité à réguler AP3, Chae et collaborateurs apportent des résultats préliminaires sur une possible ubiquitination de LFY qui impliquerait partiellement UFO, et montrent que l’activité du protéasome est nécessaire à la régulation d’AP3.

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Ces résultats apportent une base intéressante à la compréhension du mécanisme moléculaire régissant la régulation d’AP3 exercée par LFY et UFO. Nous souhaiterions la compléter sur plusieurs points à commencer par la cartographie des points de contact entre LFY et UFO. Si Chae et collaborateurs (2008) ciblent le domaine C-terminal de LFY, Ronald Koes (Université de Vrije, Amsterdam, Pays-Bas) qui étudie cette même interaction chez le pétunia nous a confié qu’il possédait des résultats impliquant au contraire le domaine N-terminal de LFY (thèse d’Alexandra B. Rebocho, 2008). Afin de trancher sur cette ambiguïté, Edwige Moyroud a tout d’abord confirmé la liaison de LFY à AP3 en travaillant à partir d’un oligonucléotide centré sur la séquence consensus de LFY. Alors que l’oligonucléotide dessiné par Lamb et collaborateurs (2002) est reconnue avec une mauvaise affinité par LFY, cet oligonucléotide dessiné par Edwige montre que LFY reconnaît ce site selon une affinité d’un même ordre de grandeur que celle de LFY pour AP1 (Fig.59).

Par ailleurs, Edwige est parvenue à produire et purifier la protéine UFO en bactérie E. coli, et tente désormais de visualiser de l’interaction LFY/UFO par EMSA. La cartographie des régions protéiques nécessaires à l’interaction entre LFY et UFO sera donc abordée par approche biochimique couplée à une mutagenèse dirigée de régions ou résidus de LFY.

Nous souhaiterions également valider l’hypothèse de l’ubiquitination de LFY par UFO en combinant une étude biochimique à une analyse de spectrométrie de masse. Si l’ubiquitination de LFY

147 est confirmée, nous étudierons la fonction de cet étiquetage dans l’activation de LFY. En l’état actuel des connaissances, l’ubiquinination peut stimuler l’activité d’une protéine par deux voies distinctes: soit elle conduit à sa dégradation et ainsi à une accélération de son turn over (Kodadek and Bachhawat- Sikder, 2006), soit elle entraîne en elle même l’activation de la protéine (Garcia-Higuera et al., 2001).

c) A la recherche de nouveaux corégulateurs

Il est donc acquis que LFY agit avec les co-régulateurs UFO et WUS dans l’activation de l’expression respectivement des gènes AP3 et AG. Mais qu’en est-il dans le cas d’AP1 ? Des expériences de transactivation dans la levure (où le gène rapporteur codant pour l’activité lacZ est sous contrôle d’un promoteur de choix) ont montré que LFY n’était pas capable à lui seul d’activer AP1. Il semble donc très probable que dans cette régulation, LFY nécessite également l’intervention d’un corégulateur.

Pour identifier de façon exhaustive les différents corégulateurs de LFY, nous souhaiterions mettre au point un protocole de purification d’une protéine LFY étiquetée produite en plante et analyser les protéines copurifiées. Une autre stratégie pourrait consister à identifier ces corégulateurs par étude bibliographique, en fonction d’indices apportés par les publications passées et futures sur la régulation des différents gènes cibles de LFY.