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CHAPITRE 3 Effet des métaux sur des organismes aquatiques en conditions

3.3 Biodisponibilité des complexes lipophiles des métaux

3.3.2 Discussion

La présence de DDC a eu un effet plus marqué sur la toxicité aiguë des métaux pour l’algue (augmentation significative de la toxicité pour tous les métaux, sauf pour le plomb). L’effet est maintenu sur 72 h pour le zinc et le cadmium, et devient significatif pour le plomb.

Finalement, on peut noter que les faibles solubilités des complexes en eau douce sont sans doute une limite à l’observation des effets des CLM pour l’algue Pseudokirchneriella subcapitata.

On peut donc conclure que les calculs de spéciation chimique donnent des informations complémentaires nécessaires pour expliquer la toxicité observée et l’attribuer à la présence d’ion libre et/ou de CLM. Cependant, ces informations ne sont pas suffisantes pour prévoir totalement les effets des CLM, qui sont aussi dépendantes de la lipophilie des complexes dans un milieu donné. Ce dernier point pourrait être pris en compte grâce aux Kow des complexes, déterminés pour différentes conditions de pH et de force ionique.

3.3.2.b Comportement des métaux avec les ligands lipophiles étudiés

Les effets des deux ligands ont montré des différences suivant le métal considéré. Pour illustrer ce comportement, un rapport des effets avec l’oxine et le DDC a été calculé pour les deux biotests. Le rapport des α (αoxine / αDDC) a été calculé pour le test sur la bactérie et le rapport des CE50 chroniques (72 h) pour l’algue. Les valeurs des rapports sont présentées dans le tableau 18. Les effets, pour les deux bioessais, sont supérieurs avec l’oxine qu’avec le DDC pour le cuivre (rapport < 1) et inversement pour le cadmium (rapport >> 1). Les rapports pour le zinc et le plomb sont intermédiaires. Ce comportement est en accord avec la classification des métaux selon les principes de chimie de coordination (Figure 1, page 2), avec une préférence des métaux de type B (cadmium, plomb) pour les ligands à groupes thiol alors que le cuivre et le zinc (métaux de transition plus proches d’un comportement de type A) ont une préférence pour les ligands contenant des groupes carboxyliques ou amines. Les quatre métaux étudiés se classent du type A au type B dans le même ordre que les rapports d’effets oxine/DDC observés. Par exemple, les effets du cuivre sont plus important en présence du ligand comportant un site avec de l’oxygène et de l’azote (oxine) alors que les effets du cadmium sont plus importants en présence du ligand avec un groupe thiol (DDC). Cependant, les différences d'effet avec l'oxine et le DDC ne sont pas significatives (Tableaux 16 et 17) et la tendance observée nécessiterait d'être confirmée par des expériences supplémentaires.

Métal Cu Zn Pb Cd

Vibrio fischeri (αoxine / αDDC)

0.54 1.12 2.10 3.17 Pseudokirchneriella subcapitata

(CE50 ; oxine 72h / CE50 ; DDC 72h)

0.4 5.9 6.1 24.2

Tableau 18 : Rapport de toxicité des métaux avec l’oxine et le DDC pour la bactérie Vibrio fischeri (rapport des α) et l’algue Pseudokirchneriella subcapitata (rapport des CE50 72h).

3.3.2.c Utilité et limites des bioessais pour identifier l’effet des CLM dans l’environnement

Les résultats obtenus montrent la nécessité de lier la spéciation chimique des métaux avec la toxicité (ex. : présence de MeL2, influence de la force ionique et du pH). L’usage de bioessais à exposition courte (1 min à 72 h) dans des milieux relativement simples nous a permis d’éviter des interférences dues au changement de pH et des carences nutritives. Dans une revue exhaustive, Stauber et Davis (2000) soulignent que les mesures ou calculs de la spéciation chimique sont des compléments nécessaires à l’évaluation de la biodisponibilité du cuivre par des bioessais, mais aussi que la limitation principale à cette approche reste la faible sensibilité des organismes généralement utilisés pour détecter des effets à des concentrations en ion libre réalistes vis-à-vis des concentrations environnementales. Nos résultats sont une illustration de ce problème. Concernant la toxicité des CLM, la sensibilité des bioessais est au moins 2 à 10 fois supérieure que pour l’ion libre, mais cela ne signifie pas que ces concentrations soient réalistes.

D’autre part, nous avons observé de faibles effets de l’oxine avec le bioessai algal, à cause de la faible solubilité du complexe et des pertes par adsorption. L’utilisation de plaques en quartz ou en verre est donc à conseiller pour ce type d’étude, comme le soulignent Gellert et Stommel (1999). La tendance des CLM à s’adsorber sur les surfaces indique aussi que dans l’environnement ce type de molécules est susceptible de s’adsorber sur les MES ou les sédiments. Or, les bioessais que nous avons utilisés sont principalement adaptés pour les études de toxicité des éléments dissous (Ronnpagel et al., 1995), ou nécessitent une étape d’extraction aqueuse ou organique, qui est peu représentative des conditions environnementales. L’étude de la présence et des effets éventuels des CLM dans les compartiments solides des écosystèmes aquatiques nécessiterait d’autres bioessais tels que des organismes benthiques ou des poissons dont l’exposition par ingestion pourrait être prise en compte.

Enfin, on peut remarquer qu’un avantage de l’approche par bioessais est la réponse globale qu’ils permettent d’obtenir, prenant en compte les interactions de polluants multiples et des diverses molécules présentes. Cette approche est donc indispensable pour l’étude des CLM.

Mais d’autre part, ces mêmes bioessais sont sensibles à un ensemble d’éléments toxiques, et la corrélation des effets avec les métaux dans un des échantillons complexes multicontaminés nécessiterait un ensemble de caractérisations chimiques sur l’ensemble des éléments toxiques présents, qu’il n’est pas toujours possible d’obtenir.

3.3.2.d Importance des CLM dans l’environnement

Une des conclusions tirées à partir des résultats sur la toxicité des CLM est que ces composés sont plus stables dans les eaux à forte force ionique (ex. : océans, estuaires) que dans les eaux douces, et qu’ils sont susceptibles de s’adsorber facilement sur les particules. Cependant, la présence dans l’environnement des CLM est nécessairement due à des apports anthropiques, et les eaux douces pourraient être plus contaminées que les océans, par effet de dilution.

Les molécules qui forment des complexes lipophiles neutres avec les métaux sont utilisés pour différentes activités humaines : activités industrielles (xanthates dans les agents de flotation, dithiocarbamates dans les lubrifiants à haute pression et les accélérateurs de vulcanisation), activités agricoles et forestières (fongicides de type dithiocarbamates et Cu- oxine) et produits pharmaceutiques (ex. : le Disulfiram, qui forme des dérivés de type DDC) (Phinney and Bruland, 1997a ; Burkitt et al., 1998). Leur présence pourrait être importante dans des milieux contaminés par ces activités spécifiques où les ligands lipophiles sont utilisés conjointement avec les métaux, par exemple dans les bassins versants agricoles où les métaux comme le cuivre et le zinc et des CLM (Zinèbe, Ziram, Manèbe, Thiram, Disulfiram, Frebam…) sont utilisés comme fongicides.

La plupart des exceptions au FIAM reportées dans la littérature avec des complexes organiques sont liées à la formation de complexes neutres de type MeLn, comme avec l’oxine et le DDC que nous avons utilisé (Campbell, 1995). La matière organique naturelle (MON) peut avoir différents effets sur ce type de CLM dans l’environnement. Il a été montré par exemple que la MON peut en augmenter la solubilité (et le transfert) et protéger les organismes contre la toxicité des CLM par adsorption (Florence and Stauber, 1986 ; Powell and Town, 1991 ; Fukushima et al., 1994). D’autre part, la MON pourrait augmenter la biodisponibilité des métaux par d’autres mécanismes. Par exemple, certains ligands hydrophiles comme le citrate ou les acides aminés peuvent augmenter la biodisponibilité des métaux par un mécanisme de « transport accidentel » (Guy and Kean, 1980 ; Errecalde et al., 1998). La biodisponibilité des métaux peut aussi être augmentée par la présence de substances humiques (Giesy, 1983 ; Winner, 1985) et de MON des eaux usées (Carlson-Ekvall and Morrison, 1995b). L’hypothèse d’un changement de perméabilité membranaires des organismes cibles dû à la présence de MON a été avancée pour expliquer ce phénomène (Parent et al., 1996 ; Vignault et al., 2000). Par conséquent, le rôle de la MON sur les CLM dans l’environnement est assez difficile à appréhender : du fait que la MON elle-même est la cause d’exceptions au FIAM, il semble difficile de faire la différence avec les CLM dans des eaux contenant une multitude de ligands organiques naturels et synthétiques.